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03/06/2024 | FRANCE | N°22/02225

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 03 juin 2024, 22/02225


MINUTE N° 24/291

























Copie exécutoire à :



- Me Guillaume HARTER

- Me Alexandre DIETRICH





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 03 Juin 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02225 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3J5



Décision déférée à

la cour : jugement rendu le 05 mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Strasbourg





APPELANTE :



S.A.S. LA PETITE LICORNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit

[Adresse 4]

[Localité 2]



Re...

MINUTE N° 24/291

Copie exécutoire à :

- Me Guillaume HARTER

- Me Alexandre DIETRICH

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 03 Juin 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/02225 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3J5

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Strasbourg

APPELANTE :

S.A.S. LA PETITE LICORNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.A.S. GRENKE LOCATION, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre DIETRICH, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 mars 2024, en audience publique,devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat n° 075-30387 accepté le 8 août 2017, la Sas Grenke Location a consenti à la Sas La Petite Licorne la location longue durée d'un équipement professionnel, en l'espèce un matériel d'alarme et de vidéosurveillance fourni par la société Dom2218, moyennant versement de 24 loyers mensuels de 163,50 € TTC.

La locataire a cessé de régler les loyers et la Sas Grenke Location s'est prévalue de la résiliation anticipée du contrat de location.

Par acte du 10 juillet 2021, la Sas Grenke Location a assigné la Sas La Petite Licorne devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, aux fins de la voir condamner à lui payer les loyers impayés, l'indemnité contractuelle de résiliation, l'indemnité de non restitution du matériel, l'indemnité forfaitaire de recouvrement, les frais de résiliation anticipée du contrat ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a sollicité la capitalisation des intérêts.

La Sas La Petite Licorne n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 5 mai 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

-constaté la résiliation du contrat de location conclue entre les parties,

-condamné la Sas La Petite Licorne à payer à la Sas Grenke Location la somme de 558 € avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de chaque échéance,

-condamné la Sas La Petite Licorne à payer à la Sas Grenke Location la somme de 2 248,12 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018,

-condamné la Sas La Petite Licorne à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1 718,75 € au titre de l'indemnité de non restitution, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2018,

-condamné la Sas La Petite Licorne à payer à la Sas Grenke Location la somme de 40 € à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement,

-débouté la Sas Grenke Location du surplus de ses demandes,

-condamné la Sas Grenke Location à payer à la Sas La Petite Licorne la somme de 250 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sas La Petite Licorne aux entiers frais et dépens de la procédure.

La Sas La Petite Licorne a interjeté appel de cette décision le 3 juin 2022.

Par écritures notifiées le 16 février 2023, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Sas Grenke Location du surplus de ses demandes et demande à la cour de, au visa des articles 1170, 1217 et suivants, 1353 et suivants, 1709 et suivants du code civil :

-juger que la signature électronique forcée d'un bon de livraison concomitamment au bon de commande ne peut être équivalente à la signature d'un procès-verbal de livraison,

-juger que la Sas Grenke Location ne rapporte pas la preuve d'une livraison effective et d'une mise en service de la chose louée,

-réputer non écrite la clause du contrat déniant toute responsabilité de la Sas Grenke Location quant à la livraison effective de la chose, objet du contrat de location,

-juger que le défaut de livraison du matériel commandé est une inexécution suffisamment grave pour justifier la mise en 'uvre d'une exception d'inexécution par la locataire,

-juger qu'à défaut de réception du matériel de location, la Sas La Petite Licorne était en droit d'invoquer une exception d'inexécution et de refuser d'exécuter ses obligations envers la Sas Grenke Location,

Par conséquent,

-débouter la Sas Grenke Location de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la Sas Grenke Location à payer à la Sas La Petite Licorne la somme de 1 076,98 € au titre des loyers et indemnités d'assurance indûment versés,

-condamner la Sas Grenke Location à payer à la Sas La Petite Licorne la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la Sas Grenke Location aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais été destinataire du matériel d'alarme et de vidéosurveillance pris en location et qu'elle a donc mis fin au prélèvement des loyers le 1er février 2018 ; que la Sas Grenke Location ne peut se prévaloir d'une confirmation de livraison signée électroniquement le même jour que la conclusion du contrat, en ce qu'aucune signature manuscrite, même électronique, garantissant l'authenticité de l'identification du représentant légal de la Sas La Petite Licorne, ainsi que le jour et l'horodatage de la signature ne figure au procès-verbal de livraison ; que les signatures électroniques du contrat et de la confirmation de livraison sont identiques et ont été réalisées au même moment ; qu'elle n'avait pas d'autre choix que de signer l'entière liasse contractuelle ; que la signature apposée dans le cadre prévu à cet effet ne constitue pas la signature manuscrite du gérant, et elle est différente de la signature manuscrite figurant sur ses papiers d'identité et qu'aucun procès-verbal de livraison n'est signé de sa main ; que la Sas Grenke Location ne produit aucune fiche d'intervention mentionnant le nombre de caméras livrées et posées, non plus qu'un procès-verbal de livraison attestant la bonne conformité et la bonne mise en service du système commandé.

Elle soutient que la Sas Grenke Location est débitrice d'une obligation de délivrance de la chose louée, de sorte que la clause du contrat écartant toute responsabilité de la bailleresse quant à la livraison effective de la chose doit être réputée non écrite en ce qu'elle prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur du contrat de location de matériel ; que l'absence de livraison du matériel constitue une inexécution suffisamment grave pour justifier du non-paiement des loyers ; que le montant des échéances constitue une dépense importante au regard du résultat net de la société au 31 décembre 2018.

Par écritures notifiées le 5 avril 2023, la Sas Grenke Location a conclu à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, au rejet de l'appel et à la condamnation de la Sas La Petite Licorne aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

Elle fait valoir que selon les clauses des conditions générales du contrat de location, l'engagement du bailleur consiste exclusivement, à partir de la signature du contrat, à se porter acquéreur des produits en versant le prix au fournisseur et à les donner en location au locataire ; qu'aucune obligation de livraison ni d'installation ne pèse sur elle ; que la Sas La Petite Licorne a choisi elle-même le matériel répondant à ses besoins et son fournisseur ; qu'elle ne conteste pas avoir signé électroniquement la liasse contractuelle comprenant le contrat de location, les conditions générales, ainsi que la confirmation de livraison du matériel ; qu'elle-même a donné mandat à la Sas La Petite Licorne de procéder à la réception et à la vérification de l'installation du matériel loué ; que le fournisseur lui a confirmé avoir procédé à l'installation du bien ; que la signature électronique du procès-verbal de réception du matériel fait présumer la bonne exécution des obligations du fournisseur ; que la Sas La Petite Licorne n'est pas recevable à demander la résiliation ou la résolution du contrat de fourniture et installation, en ce qu'elle n'a pas mis en cause le fournisseur.

Par arrêt en date du 6 novembre 2023, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats et a invité la Sas Grenke Location à produire les moyens d'identification et fichiers constitués pour permettre la signature électronique de la convention.

L'affaire, évoquée à l'audience de plaidoiries du 18 mars 2024, a été mise en délibéré.

MOTIFS

En vertu des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Les articles 1366 et suivants du même code disposent que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

La signature électronique consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve

contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique prévoit que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé (règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE) et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement.

Le contrat de location longue durée n° 075-30387 a été signé par un procédé électronique au nom de [V] [K], gérant de la Sas La Petite Licorne.

Aux termes de ses écritures d'appel, celle-ci conteste l'authenticité de l'identification de son représentant légal sur la confirmation de livraison et fait valoir que la signature de ce dernier est différente de sa signature manuscrite figurant notamment sur ses papiers d'identité.

Pour autant, l'appelante ne conteste pas avoir souscrit le contrat de location au moyen d'un procédé électronique pour lequel la société Grenke Location verse aux débats le certificat de réalisation DocuSign. Le fait que la confirmation de livraison, par laquelle la locataire a attesté avoir réceptionné les produits loués en parfait état et en état de fonctionnement, en avoir vérifié le caractère intégral de la livraison et le bon fonctionnement, a été signé le même jour que le contrat de location n'est pas de nature à remettre en cause l'authenticité de la signature du gérant apposée selon le même procédé qui fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Le courriel adressé le 30 août 2022 par Monsieur [W] [I], apprenti cuisinier au sein de l'établissement de la société La Petite Licorne, qui déclare avoir été témoin de n'avoir pas vu de système de télésurveillance dans l'établissement durant son apprentissage pendant la période du 1er juillet 2020 au 1er juillet 2022, ne présente aucun caractère probant, en ce qu'il émane d'une personne en lien de subordination avec la société appelante et ne répond nullement aux exigences posées à l'article 202 du code de procédure civile.

L'attestation conforme de Monsieur [Z] [J], qui indique être salarié d'une poissonnerie à [Localité 5] et certifie que son client Monsieur [K], gérant du restaurant « La

Pouletisserie » situé également à [Localité 5], n'a jamais eu en sa possession dans son restaurant un système d'alarme n'est pas plus de nature à emporter la conviction, alors que l'appelante ne conteste encore une fois pas la signature du contrat de location ; qu'elle a acquitté les loyers stipulés aux termes de cette convention pour la location de matériel qu'elle prétend n'avoir pas reçu, alors qu'elle en a signé la livraison en parfait état et qu'elle a acquitté les loyers stipulés dans le contrat pendant plus de cinq mois, pour un montant supérieur à 1 000 € sans avoir jamais soutenu que le système pris en location n'avait pas été installé. Il sera ajouté qu'il n'existe aucune impossibilité matérielle à ce que le système ait été installé concomitamment à la souscription du contrat destiné à en financer la location.

Il sera constaté en conséquence que l'appelante échoue à renverser la présomption de fiabilité de la signature électronique apposée sur le même procédé que sur le contrat qu'elle ne conteste pas avoir souscrit.

Dès lors, à défaut de toute mise en cause du fournisseur, elle ne peut opposer à la bailleresse, qui a valablement pu aux termes des clauses du contrat, lui céder les droits et actions qu'elle détiendrait contre le fournisseur à raison d'un retard, d'une non-conformité, d'un défaut ou d'un vice affectant les produits, l'absence alléguée d'installation du système pris en location et conformément aux dispositions de l'article 3 des conditions générales de location, il sera constaté que le contrat de location entre la bailleresse et la locataire a pris effet lors de la signature du document intitulé « confirmation de livraison ».

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes résultant de la résiliation anticipée du contrat de location du fait de la défaillance de la locataire dans le paiement des loyers dont elle ne pouvait unilatéralement s'affranchir et la demande de l'appelante tendant à la restitution des loyers versés sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, l'appelante sera condamnée aux dépens de l'instance et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera alloué à l'intimée la somme de 1 000 € en compensation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DEBOUTE la Sas La Petite Licorne de sa demande tendant à la restitution des loyers versés,

CONDAMNE la Sas La Petite Licorne à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la Sas La Petite Licorne de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas La Petite Licorne aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 22/02225
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;22.02225 ?
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