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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04793

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 mai 2024, 21/04793


MINUTE N° 216/2024



























































Copie exécutoire

aux avocats



Le 30 mai 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 30 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

2 A N° RG 21/04793 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWXZ



Décision déférée à la cour : 26 Juillet 2021 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



La S.A.R.L. HOTEL RESTAURANT AU FLORIDOR

prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [...

MINUTE N° 216/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 30 mai 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04793 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWXZ

Décision déférée à la cour : 26 Juillet 2021 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

La S.A.R.L. HOTEL RESTAURANT AU FLORIDOR

prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Thierry CAHN, Avocat à la cour

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

La S.A.R.L. REGO prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 3] à [Localité 2]

représentée par Me Guillaume HARTER, Avocat à la cour

plaidant : Me BOULTIF, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam DENORT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Myriam DENORT, Conseillère faisant fonction

de présidente

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Martine THOMAS

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation le 23 février 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Myriam DENORT, conseillère faisant fonction de présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon ordre de service du 17 décembre 2018, la SARL Hôtel Restaurant Au Floridor a confié à la SARL Rego la réalisation des travaux de plâtrerie et de faux plafonds dans le cadre de la rénovation de son établissement pour un montant total de 55 000 euros HT, outre des travaux supplémentaires pour un montant de 6 500 euros HT.

Par ordonnance du 18 février 2020, la présidente de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse a rejeté la requête en injonction de payer du 15 janvier 2020 formée par la société Rego portant sur un montant de 10 252,45 euros HT au titre de marchandises et prestations impayées, en considérant qu'un débat contradictoire était nécessaire.

Par exploit délivré le 5 mars 2021, la société Rego a fait citer la société Hôtel Restaurant Au Floridor devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir prononcer la réception judiciaire des travaux au 26 juin 2019 et la voir condamner à lui payer la somme de 10 255,45 euros en principal, assortie des intérêts aux taux légal à compter du jour de la requête en injonction de payer, soit le 15 janvier 2020, et la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire du 26 juillet 2021, la société Hôtel Restaurant Au Floridor n'ayant pas constitué avocat en première instance, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- prononcé la réception judiciaire des travaux sans réserve le 26 juin 2019 ;

- condamné la société Hôtel Restaurant Au Floridor à payer à la société Rego la somme de 10 252,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté la société Rego du surplus de ses demandes ;

- condamné la société Hôtel Restaurant Au Floridor à payer à la société Rego la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Hôtel Restaurant Au Floridor aux dépens, y compris les frais d'huissier de justice afférents à la procédure d'injonction de payer.

Le tribunal a estimé qu'il était établi par les éléments de la procédure, que la société Hôtel Restaurant Au Floridor avait manifesté une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, dès lors qu'elle avait pris possession des lieux en faisant poursuivre la réalisation des travaux par une tierce société et qu'elle n'avait pas entendu permettre à la société Rego d'exécuter ses obligations contractuelles postérieurement à la réunion de chantier du 26 juin 2019. De plus, le tribunal a relevé que l'essentiel du prix du marché avait été réglé, de sorte il y avait lieu de considérer que la réception tacite de l'ouvrage était intervenue le 26 juin 2019.

Au vu des pièces du dossier et notamment de la facture des matériaux achetés par la société Rego et livrés sur le chantier ou encore des derniers compte-rendus de chantier, le tribunal a retenu que le maître d'ouvrage avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle par la rupture soudaine du contrat le liant à la demanderesse. Cette faute avait causé un préjudice à la société Rego, constitué par les frais de matériaux que cette dernière avait avancés pour l'exécution de sa prestation et le manque à gagner correspondant aux sommes restant à percevoir au titre du marché, justifiant de lui allouer la somme de 10 252,45 euros.

Par ailleurs, le tribunal a considéré que les correspondances adressées à la société LRT Concept les 2 juillet et 17 septembre 2019 démontraient que la société Rego contestait avoir abandonné le chantier.

Il a enfin débouté la société Rego de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 2 000 euros, au motif qu'elle ne justifiait pas de la réalité du préjudice allégué ni de son quantum.

La société Hôtel Restaurant Au Floridor a interjeté appel de ce jugement le 22 novembre 2021, en ce qu'il avait prononcé la réception judiciaire des travaux sans réserve le 26 juin 2019, ainsi qu'en chacune des condamnations prononcées à son encontre.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 6 juin 2023.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 août 2022, la société Hôtel Restaurant Au Floridor demande à la cour de recevoir son appel, de rejeter l'appel incident formé par la société Rego, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

- rejeter toutes prétentions sur le fondement de la demande principale,

- subsidiairement, réduire dans une large mesure les montants mis en compte et sollicités,

Statuant sur la demande reconventionnelle :

-dire et juger que la société Rego a commis une faute ayant justifié la rupture des relations,

-condamner la société Rego au paiement d'une provision à ce titre de 3 000 euros sauf à parfaire,

- réserver ses droits de préciser le montant exact de son préjudice,

-condamner la société Rego aux entiers dépens ainsi qu'au versement de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, la société Hôtel Restaurant Au Floridor fait valoir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle aurait manifesté une volonté non équivoque de réceptionner l'ouvrage, alors qu'elle souhaitait changer d'entreprise et que la facture émise par la société Rego demeurait impayée. Selon la jurisprudence, la réception tacite peut être caractérisée en cas de prise de possession d'un ouvrage avec paiement intégral des travaux faisant alors présumer une volonté non équivoque du maître d'ouvrage de réceptionner avec ou sans réserve. Cependant, l'appréciation d'une réception tacite doit être d'interprétation stricte.

Elle soutient que la rupture du contrat est imputable à la société Rego en raison de défauts constatés dans ses travaux et de son abandon du chantier l'ayant contrainte à la remplacer. Elle indique solliciter une « réserve de droit sur demande reconventionnelle avec mise en compte d'une provision de 3 000 euros sauf à parfaire ».

Elle affirme que le montant de 10 252,45 euros réclamé par la société Rego n'est pas dû, dans la mesure où elle n'a commis aucune faute et au vu de ses griefs à l'encontre de l'intimée. En outre, cette dernière ne prouve pas la réalité de son préjudice au titre de la facture des matériaux achetés et du manque à gagner, puisqu'elle ne justifie pas de ses frais, notamment de personnel, et des marges effectuées.

L'appelante conteste l'appel incident formé par la société Rego aux fins de la voir condamnée à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euros, alors que les premiers juges avaient rejeté cette demande.

Elle conteste les affirmations de l'intimée selon lesquelles le chantier n'avait pas pris de retard et elle aurait pris l'initiative, par l'intermédiaire de son maître d''uvre, de faire intervenir une autre société pour terminer le chantier.

Elle soutient que les montants réclamés par la société Rego ne sont pas dus, invoquant une moins-value au titre de l'extension, mais aussi une facture du 16 juillet 2019 de l'entreprise [O] qui a dû démonter et remonter le plafond, reprendre les « placo salles de bain » en marine hydrofuge ainsi que tous les enduits de la chambre, les plafonds du couloir avec évacuation des gravats cumulés par les différents intervenants du chantier, pour un montant de 3 720 euros.

*

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2022, la société Rego demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de débouter la société Hôtel Restaurant Au Floridor de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Elle demande par ailleurs à la cour de déclarer son appel incident recevable et bien-fondé, y faire droit, et en conséquence :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts, et statuant à nouveau :

- condamner la société Hôtel Restaurant Au Floridor à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner la société Hôtel Restaurant Au Floridor à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens des deux instances.

Elle fait valoir que la seconde tranche du chantier portant sur l'implantation de quatre chambres a débuté le 13 mai 2019 et que, dès le 14 mai 2019, elle a livré les marchandises nécessaires aux travaux sur le chantier, bons de livraison à l'appui.

Elle critique le refus de l'appelante d'admettre la réception tacite des travaux, alors que les premiers juges l'ont caractérisée par la prise de possession du chantier par cette dernière. Elle ajoute que cette prise de possession manifeste une volonté non équivoque de l'appelante d'accepter l'ouvrage. Elle conclut à la confirmation du jugement sur cette position adoptée par les premiers juges et explique que, lors de la réunion de chantier du 19 juin 2019, il avait été décidé que la mise en 'uvre des ossatures, contre cloisons et des ossatures pour les faux plafonds devrait être effectuée à partir du 29 juin 2019 mais que, contre toute attente, elle a été évincée du chantier lors de la réunion suivante qui s'est tenue le 26 juin 2019, sous prétexte qu'elle aurait pris du retard, ce qu'elle conteste, invoquant le compte rendu de chantier n°7 du 19 juin 2019. Elle sollicite ainsi la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement du solde du marché.

Elle soutient donc que le chantier s'est déroulé conformément au calendrier fixé pour le lot qui lui a été confié, sans qu'aucun désordre n'ait été à déplorer.

Elle approuve la solution des premiers juges qui ont retenu que la société Hôtel Restaurant Au Floridor avait rompu soudainement le contrat les liant, sans aucune explication, cette dernière ayant pris l'initiative, par l'intermédiaire de son maître d''uvre, de faire intervenir une autre société chargée de terminer le chantier qui lui était attribué. Elle souligne qu'aucune résiliation du chantier n'est intervenue, ni aucun constat d'huissier sur l'état d'avancement du lot Plâtrerie. Elle ajoute qu'elle n'a pu faire acter l'état des diligences accomplies et de celles restant à accomplir, ni réaliser de relevé sur le matériel et les marchandises apportées qu'elle a dû laisser sur le chantier au mois de juin 2019 et qui, au demeurant, ont été utilisées par l'entreprise qui l'a remplacée.

Elle allègue que c'est dans ces circonstances qu'elle a établi une facture comprenant le décompte général et définitif des sommes lui restant dues pour les prestations attribuées au titre du lot Plâtrerie et chiffrées à 10 252,45 euros, dont elle sollicite le règlement, ce montant incluant les prestations qui restaient à réaliser en juin 2019, ainsi que le total des marchandises livrées et des dernières marchandises fournies et posées. Elle invoque en outre, sur le fondement des articles 1303-1 et 1303-2 du code civil, l'enrichissement injustifié de l'appelante qui, à la suite de son éviction, a gardé les matériaux qu'elle lui avait livrés sur le chantier.

Elle affirme toutefois qu'en vertu de l'article 1103 du code civil, l'appelante ayant payé, par l'intermédiaire de Me [K] [M], huissier de justice à [Localité 4], une somme de 3 600 euros, le montant de sa créance s'élève désormais à une somme de 6 783,95 euros TTC dont 131,50 euros au titre des intérêts de retard. Elle ajoute que cette créance est certaine, exigible et liquide, et qu'elle est matérialisée par l'offre de service n°1 et la demande de travaux supplémentaires. Elle soutient par ailleurs que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le maître de l'ouvrage doit réparer le préjudice subi par l'entrepreneur, résultant de la perte de marge sur les travaux qu'il n'a pas pu réaliser, et que cette indemnité doit comprendre les frais d'amortissement du matériel non inclus dans les autres dépenses et le trouble dû à la brusque désorganisation. De plus, son éviction du chantier par l'appelante lui a fait perdre de la marge.

Enfin, elle ajoute qu'elle peut prétendre à des dommages et intérêts en supplément de ceux sollicités pour l'indemnisation de son préjudice résultant de l'éviction. Elle sollicite ainsi la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les nombreuses démarches qu'elle a dû accomplir pour tenter de recouvrer sa créance auprès du débiteur.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande principale de la société Rego

A) - Sur la réception des travaux

Le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 1792-6 du code civil relatives à la réception des travaux, laquelle peut être non seulement expresse, mais également tacite, voire judiciaire.

Dans la situation présente, si la société Rego sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire des travaux qu'elle a réalisés au profit de la société Hôtel Restaurant Au Floridor, elle évoque, dans les motifs de ses écritures, une réception tacite, de même que l'a fait le tribunal dans les motifs de ce jugement, lui-même ayant considéré que la réception tacite de l'ouvrage était intervenue le 26 juin 2019 et ayant retenu les éléments constitutifs d'une réception tacite, qui sont impropres à caractériser une réception judiciaire. Cette dernière suppose en effet que l'ouvrage soit en état d'être reçu, ce que le tribunal n'a pas relevé et ce qu'aucune des parties ne soutient. Dès lors, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire des travaux sans réserve le 26 juin 2019 et la demande formée en ce sens par la société Rego doit être rejetée.

B) - Sur la demande en paiement

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Rego, qui s'était vue confier le lot « Plâtrerie », a réalisé la plus grande part des prestations prévues au marché ou résultant d'un avenant, avant une rupture brutale du contrat.

Les deux parties s'opposent sur l'initiative de cette rupture, que chacune impute à l'autre, la société Hôtel Restaurant Au Floridor reprochant à la société Rego des défauts dans ses travaux suivis d'un abandon de chantier, l'intimée soutenant au contraire en avoir été évincée sans raison, au profit d'une autre entreprise.

Le maître de l'ouvrage produit pour seuls justificatifs de ses allégations la facture d'une autre société, la SAS M.[O], datée du 16 juillet 2019, relative pour l'essentiel à des prestations réalisées dans la chambre 211 de l'hôtel, qui étaient en cours lors de la réunion de chantier du 26 juin 2019, ainsi que les propositions de paiement émises par l'architecte maître d''uvre les 18 juillet 2019 et 25 octobre 2019, relatives au lot confié initialement à la société Rego. Ces documents n'ont aucune force probante, s'agissant des défauts reprochés à l'entrepreneur dans la réalisation de ses prestations et des circonstances de la rupture du contrat entre les parties, étant d'ailleurs observé que la facture de la société M. [O] ne mentionne pas la date d'exécution de ses travaux.

L'intimée produit quant à elle les comptes-rendus des réunions de chantier n°7 du 19 juin 2019 et n°8 du 26 juin 2019. Il résulte du premier que, concernant la chambre 211, dont la rénovation se trouve au c'ur du litige relatif à la rupture du contrat ayant lié les parties, la mise en 'uvre de l'ossature des contre-cloisons et des faux-plafonds était programmée « à partir du 29/06/2019 ». La fermeture des contre-cloisons et celle des faux-plafonds, après incorporation des lots techniques, était prévue lors de la semaine 26, qui était précisément celle du 24 au 29 juin, et les « bandes et enduits » lors de la semaine 27, qui était la semaine du 1er au 6 juillet.

Cependant, il résulte du second que, lors de la réunion suivante, du 26 juin, il a été reproché à la société Rego un retard s'agissant de la fermeture des faux-plafonds, ainsi que des bandes et enduisages, étant mentionné, pour ces trois postes, cette fois, s'agissant des dates des travaux « à partir du 26/06/2019 » et, à droite de cette date, en rouge, « Retard ».

La société Hôtel Restaurant Au Floridor ne produit strictement aucun justificatif des « défauts » supposés reprochés à l'entrepreneur dans les prestations réalisées par ce dernier, qu'elle ne décrit même pas, étant observé qu'elle n'a jamais adressé à l'intimée la moindre mise en demeure, le moindre avertissement, rappel à l'ordre ou autre concernant des malfaçons éventuelles affectant les travaux réalisés. Le fait que la facture de la société M.[O] comporte des postes « Reprise des placo SDB en marine hydrofuge », « Reprise

de tous les enduits de la chambre » et « Reprise des plafonds dans le couloir » ne permet nullement de démontrer que les prestations de la société Rego correspondant à ces postes de travaux aient été affectées de désordres.

La société Hôtel Restaurant Au Floridor ne produit  pas plus d'élément de preuve de l'abandon de chantier reproché à l'intimée, laquelle verse aux débats sa réponse, adressée le 2 juillet 2019 par lettre recommandée avec avis de réception à l'assistant du maître d''uvre, celle de ce dernier datée du 28 juin 2019, reçue le 2 juillet 2019, concernant son absence sur le chantier, n'étant pas produite.

Dans sa correspondance du 2 juillet 2019, la société Rego reprend la chronologie de son intervention, les changements de dates d'exécution des travaux qui lui ont été imposés lors de la réunion de chantier du 26 juin 2019, impossibles à tenir dans la mesure où des échéances étaient fixées le jour-même et un retard constaté de ce fait. Elle dénonce d'importantes incohérences dans les exigences du maître de l'ouvrage, évoquant également un courriel reçu le 27 juin 2019, qui dénonçait un retard depuis le 26 juin 2019 pour certains travaux, hâtant pour d'autres « une bonne réception au 27/06/2019 » et accompagné de plans et photographies démontrant que les travaux des autres corps d'état n'étaient pas terminés.

Elle affirme ne jamais avoir abandonné le chantier, ajoutant « nous devions attendre que les autres corps d'état avancent pour que nous puissions continuer ». Elle rappelle que la marchandise livrée sur chantier est sa propriété et ajoute « Vous pouvez faire appel à une autre entreprise de plâtrerie après que nous ayons fait un constat de travaux par huissier » et « les factures payées à ce jour ne feront surement pas office de solde de tout compte, nous calculerons votre solde après constat d'huissier », constat qui n'a manifestement pas été réalisé.

Or, la société Hôtel Restaurant Au Floridor ne justifie d'aucune réponse à cette lettre recommandée, ni au « décompte général et définitif » adressé par l'entrepreneur le 16 juillet 2019, mentionnant un solde de travaux à régler de 10 252,45 euros TTC, et à la mise en demeure adressée par lettre recommandée du 17 septembre 2019, dont elle a signé l'avis de réception le 18 septembre 2019.

Ce n'est que le 15 octobre 2019, en réponse à un courriel de l'intimée du même jour, qui évoquait son éviction du chantier et son remplacement par une autre entreprise sans motif, ainsi que les marchandises livrées restées sa propriété et utilisées par une autre société, que l'architecte maître d''uvre a écrit « je vous fais en retour une proposition de paiement définitive qui correspond exactement aux travaux réalisés au Floridor et je passe les honoraires complémentaires et désagréments divers causés à la direction par votre abandon de chantier.

Si d'aventure ce décompte ne vous convenait pas vous défendrez devant le tribunal des travaux facturés mais non réalisés... »

Aucune réponse précise n'a cependant été formulée par le maître de l'ouvrage aux observations de l'intimée.

Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que de nouvelles exigences impossibles à tenir ont été imposées à la société Rego d'une réunion de chantier à l'autre, en juin 2019 et que la société Hôtel Restaurant Au Floridor ne justifie ni d'une mauvaise exécution, par cette dernière, des travaux qui lui avaient été confiés ni de son abandon du chantier qu'elle dénonce. De plus, en l'absence de la moindre explication de sa part, y compris dans ses écritures, sur les manquements reprochés à l'entrepreneur dans la réalisation des travaux

qui lui avaient été confiés, ainsi que sur les changements intenables qui lui ont été imposés dans leur calendrier, il apparaît que le contrat de louage d'ouvrage a été rompu de manière injustifiée entre les parties par le maître de l'ouvrage, qui en porte la responsabilité exclusive.

Il en résulte que l'intimée doit être indemnisée par l'appelante de cette rupture fautive, au titre de laquelle elle sollicite un montant de 10 255,45 euros correspondant au coût des travaux non réglés, y compris les travaux non réalisés, sur la base du marché initial de 55 000 euros HT et d'un avenant d'un montant de 6 500 euros HT, auxquels elle ajoute des plus-values à hauteur de 4 685,78 euros HT, déduisant des moins-values de 5 142,07 euros HT et sollicitant des intérêts de retard.

Sur le mode de calcul de cette créance, l'appelante lui reproche notamment de ne pas déduire les frais qu'elle aurait dû assumer, notamment de personnel, sur le prix des travaux, et de ne pas avoir pris en compte les marges qu'elle aurait réalisées.

Alors que l'accomplissement du marché de travaux, incluant les modifications intervenues au cours du chantier, était très avancé lors de la rupture du marché de travaux, les montants auxquels la société Rego aurait pu prétendre si l'exécution du contrat était parvenue à son terme, compte tenu des plus-values et moins-values à prendre en compte, après déduction d'un montant de 52 500 euros HT déjà facturé et réglé, s'élèvent à  :

* 61 500 (55 000 + 6 500 correspondant à l'avenant n°1),

+ 4 685,78 euros de plus-values relatives aux travaux des chambres 202, 209, 210 et 211, ainsi que du couloir,

dont à soustraire :

- 52 500 euros déjà facturés et payés,

- 5 705 euros (6 966,13 ' 1 261,13) de moins-value relative à l'extension prévue, incluant la chambre n°204, dont la réalisation a été abandonnée, au vu des travaux concernés dans les différentes positions de l'Ordre de service n°1,

Soit au total 7 980,78 euros HT, ce qui représente 9 576,93 euros TTC (7 980,78 + 1 596,15 euros de TVA), ce montant incluant le coût des matériaux livrés, destinés à la réalisation des travaux restant à effectuer.

Si la société Rego admet elle-même que son préjudice résulte de la perte de marge sur les travaux qu'elle n'a pas pu réaliser, elle sollicite en réalité un montant représentant le coût des travaux inachevés, donc impayés, qui représente son chiffre d'affaires, sans évoquer le taux de charges à déduire. Compte tenu de l'activité de l'entreprise, de la date et de la nature des travaux en cause, la cour est en mesure d'évaluer le taux de perte de marge à 30 %.

C'est pourquoi il y a lieu de retenir, au titre des sommes dues à l'intimée du fait de son éviction du chantier, 30 % du montant de 9 576,93 euros TTC, soit 2 873,08 euros.

Dans la mesure où la somme de 3 600 euros a déjà été réglée par l'intermédiaire de l'huissier de justice, selon les explications de la société Rego elle-même, elle a déjà été indemnisée de ce préjudice.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à la condamnation de l'appelante et de rejeter la demande de la société Rego.

C) ' Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires

A l'appui de sa demande de dommages et intérêts complémentaires, la société Rego invoque un préjudice distinct de celui de l'éviction, du fait de nombreuses démarches amiables effectuées auprès de la société Hôtel Restaurant Au Floridor, qui ont nécessité le recours à un conseil.

Cependant, les documents qu'elle produit, relatifs à ces démarches, ne font pas apparaître l'intervention de son conseil à ce stade et il convient de relever que l'existence de ce préjudice distinct de l'éviction, mais aussi des sommes relevant des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, n'est pas établie. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté une telle demande.

II - Sur les demandes reconventionnelles de la société Hôtel Restaurant Au Floridor

Si la société Hôtel Restaurant Au Floridor invoque une faute de la société Rego ayant causé la rupture de leurs relations contractuelles, les développements qui précèdent démontrent l'absence de preuve d'une telle faute et que cette rupture est exclusivement imputable à l'appelante.

Au surplus, cette dernière ne fournit aucune explication sur le montant qu'elle sollicite à ce titre, ni sur l'incapacité dans laquelle elle aurait été d'évaluer son propre préjudice, de nature à justifier le caractère provisionnel de sa demande.

Il en résulte qu'il y a lieu de rejeter sa demande reconventionnelle de provision et celle tendant à la réserve de ses droits quant au chiffrage précis de son préjudice.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré n'étant infirmé, sur le principe de la condamnation de la société Hôtel Restaurant Au Floridor, que du fait du paiement effectué par cette dernière, manifestement après le jugement déféré, alors qu'elle n'avait pas constitué avocat en première instance, il sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

Par ailleurs, les demandes de chaque partie étant rejetées en appel, chacune d'elles conservera la charge des dépens et des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. C'est pourquoi leurs demandes réciproques présentées à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties le 26 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse, à l'exception des dispositions par lesquelles il a prononcé la réception judiciaire des travaux sans réserve le 26 juin 2019 et condamné la SARL Hôtel Restaurant Au Floridor à payer à la SARL Rego la somme de 10 252,45 euros, et l'INFIRME en ces dispositions,

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au dit jugement,

REJETTE la demande de la SARL Rego tendant au prononcé de la réception judiciaire des travaux sans réserve le 26 juin 2019,

REJETTE la demande de la SARL Rego tendant à la condamnation de la SARL Hôtel Restaurant Au Floridor à lui payer la somme de 10 252,45 euros,

REJETTE les demandes reconventionnelles de la SARL Hôtel Restaurant Au Floridor,

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses dépens d'appel,

REJETTE la demande présentée par chacune des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

La greffière, La conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04793
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04793 ?
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