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28/05/2024 | FRANCE | N°22/01169

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 28 mai 2024, 22/01169


GLQ/KG





MINUTE N° 24/472





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 28 MAI 2024



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01169

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZQJ



Décision déférée à la Cour : 25 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR



APPELANTE :



Madame [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES



INTIMEE ...

GLQ/KG

MINUTE N° 24/472

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 28 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01169

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZQJ

Décision déférée à la Cour : 25 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMEE :

Mutuelle LA CIADE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 303 62 6 6 42

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société CIADE, caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est, est une société d'assurance mutuelle dont les assurés sont principalement des collectivités territoriales.

Par contrat à durée indéterminée du 12 janvier 2011, la société CIADE a embauché Mme [W] [J] en qualité de secrétaire comptable.

A compter du mois de mai 2016, Mme [W] [J] a été promue en qualité de responsable administratif.

Par courrier du 18 mai 2020, la société CIADE a convoqué Mme [W] [J] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. L'entretien s'est tenu le 27 mai 2020.

Par courrier du 03 juin 2020, la société CIADE a notifié à Mme [W] [J] son licenciement pour faute grave.

Le 22 septembre 2020, Mme [W] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar pour contester le licenciement.

Par jugement du 25 février 2022, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [W] [J] de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes afférentes,

- dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel moyen à 4 876,49 euros bruts,

- condamné la société CIADE au paiement des sommes suivantes :

* 22 010,74 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 14 629,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 462,95 euros au titre des congés payés afférents,

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2020, date de réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation,

- déboute Mme [W] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- déboute la société CIADE de ses demandes,

- condamné la société CIADE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [W] [J] a interjeté appel le 22 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 avril 2022, Mme [W] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire que le licenciement pour faute grave est nul, ou, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société CIADE au paiement des sommes suivantes :

* 22 724,39 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 15 103,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 510,38 euros au titre des congés payés afférents,

* 60 415,21 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, 45 311,41 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société CIADE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, la société CIADE demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] [J] de sa demande de nullité du licenciement, de l'infirmer en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement des sommes de 22 010,74 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 14 629,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 462,95 euros au titre des congés payés afférents. Elle demande par ailleurs à la cour de débouter Mme [W] [J] de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 09 janvier 2024. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 27 février 2024 et mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

Il résulte de l'article L. 1152-2 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, est nulle.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement du 03 juin 2020, la société CIADE, représentée par son directeur général M. [S] [F], reproche à Mme [W] [J] d'avoir manqué à son obligation de réserve et de loyauté en adressant un courriel aux membres du conseil d'administration ainsi qu'à des tiers (experts-comptables et commissaire aux comptes) le 11 mai 2020 dans lequel la salariée formule ce que l'employeur qualifie d'accusations et de dénigrements malveillants à l'encontre du directeur général.

Dans ce courriel, Mme [W] [J] fait état de la dégradation de ses conditions de travail qui serait à l'origine de son arrêt de travail pour maladie du 11 mars au 07 mai 2020 et qui serait la conséquence de sa collaboration professionnelle avec le directeur général. La salariée relate différents éléments, à savoir une violente interpellation au mois d'avril 2019 suite à un entretien que la salariée avait sollicité auprès du président du conseil d'administration ainsi que le refus d'un aménagement horaire le 09 mars 2020 qui avait finalement été accepté après une demande similaire d'une autre salariée, cet aménagement ayant ensuite donné lieu à des remises en cause son travail et de son implication. Mme [W] [J] explique dans ce courriel qu'un dirigeant lui a mis les deux genoux à terre en la faisant passer pour une handicapée des relations sociales ou pour une collaboratrice non fiable empilant les manquements professionnels, ce qui pèse sur sa santé et qui l'amène à renouveler une demande de départ à l'amiable.

Mme [W] [J] fait valoir que, conformément à son obligation de sécurité, la société CIADE était tenue de diligenter une enquête dès qu'elle a eu connaissance de l'accusation de harcèlement moral au mois d'avril et au mois de mai 2019 et de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à cette situation, ce que l'employeur s'est abstenu de faire. Elle ajoute que, dans un tel contexte, elle n'a pas eu d'autre choix que d'alerter les membres du conseil d'administration sur sa situation.

La société CIADE lui oppose qu'aucune accusation de harcèlement moral n'avait été formulée pendant l'exécution du contrat de travail et que la salarié n'y a fait allusion que dans un courrier du 16 juillet 2020.

Toutefois, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce (Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-21.053). Au vu des comportements dénoncés par la salariée qui faisait en outre état d'une dégradation de son état de santé, l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que ces éléments relevaient de la qualification de harcèlement moral.

La société CIADE considère par ailleurs que les propos tenus par Mme [W] [J] dans le courriel du 11 mai 2020 présentent un caractère malveillant, inexact et diffamatoire. Elle se borne cependant à constater que la salariée n'a fait référence à aucun fait précis et circonstancié et que ses allégations ne reposent sur aucun élément probant. La société CIADE ne soutient pas en revanche que la salariée aurait eu connaissance de la fausseté des faits qu'elle dénonçait et n'invoque aucun élément susceptible de caractériser une quelconque mauvaise foi de la part de Mme [W] [J]. Il ne peut en outre pas être reproché à celle-ci d'adresser ce courriel aux membres du conseil d'administration, à l'expert-comptable et au commissaire aux comptes alors que les faits qu'elle dénonce sont imputés au directeur général de la société CIADE qui est son supérieur hiérarchique direct.

Il résulte de ces éléments que le licenciement est motivé par le fait que la salariée a dénoncé sans mauvaise foi des agissements devant être qualifiés de harcèlement moral. Un tel grief entraîne à lui seul la nullité du licenciement. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] [J] des demandes présentées à ce titre.

Sur l'indemnité de licenciement et les indemnités compensatrices de préavis

Dès lors que le licenciement est nul, Mme [W] [J] a droit au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis.

Si chacune des parties propose un salaire moyen de référence différent de celui retenu par le conseil de prud'hommes, aucune ne précise ses modalités de calcul. Si, par ailleurs, la société CIADE soutient que le montant perçu par Mme [W] [J] au mois de décembre 2019 sous l'intitulé « avantage article 83 » ne constitue pas un salaire et doit être exclu du calcul, elle ne produit aucun élément à l'appui d'une telle affirmation. En l'absence d'autre élément, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 4 876,49 euros bruts le salaire mensuel moyen.

Les parties ne faisant état d'aucun élément pour contester les montants retenus par le conseil de prud'hommes au titre de l'indemnité de licenciement et des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, le jugement sera également confirmé sur les montants alloués à ces différents titres.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

Vu l'article L. 1235-3-1 du code du travail,

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à Mme [W] [J] la somme de 40 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CIADE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la société CIADE aux dépens de l'appel. Par équité, la société CIADE sera en outre condamnée à payer à Mme [W] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Colmar du 25 février 2022 en ce qu'il a débouté Mme [W] [J] de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes afférentes ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- fixé le salaire mensuel moyen à 4 876,49 euros bruts,

- condamné la société d'assurances mutuelle CIADE au paiement des sommes suivantes :

* 22 010,74 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 14 629,47 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 462,95 euros au titre des congés payés afférents,

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2020, date de réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation,

- condamné la société d'assurances mutuelle CIADE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DIT que le licenciement est nul ;

CONDAMNE la société d'assurances mutuelle CIADE à payer à Mme [W] [J] la somme de 40 000 euros bruts (quarante mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Y ajoutant

CONDAMNE la société d'assurances mutuelle CIADE aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la société d'assurances mutuelle CIADE à payer à Mme [W] [J] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société d'assurances mutuelle CIADE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame MartineThomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01169
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.01169 ?
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