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27/05/2024 | FRANCE | N°23/01172

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 27 mai 2024, 23/01172


MINUTE N° 24/267





























Copie exécutoire à :



- Me Anne-laure KLENSCHI

- Me Stéphanie BOEUF





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 27 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01172 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IBD4



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 février 2023 par le tribunal de proximité de Schiltigheim





APPELANTS :



Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

Représenté par Me Anne-laure KLENSCHI, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant



Madame [C] [D] épouse [J...

MINUTE N° 24/267

Copie exécutoire à :

- Me Anne-laure KLENSCHI

- Me Stéphanie BOEUF

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 27 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01172 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IBD4

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 février 2023 par le tribunal de proximité de Schiltigheim

APPELANTS :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

Représenté par Me Anne-laure KLENSCHI, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant

Madame [C] [D] épouse [J]

[Adresse 3]

Représentée par Me Anne-laure KLENSCHI, avocat au barreau de STRASBOURG, plaidant

INTIMÉ :

S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE représenté par son syndic, la SAS FONCIA ALSACE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

(RCS Strasbourg n° 678 501 172),ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 1]

Représenté par Me Stéphanie BOEUF, avocat au barreau de STRASBOURG

Avocat plaidant : Me Sarah BARDOL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] son épouse, sont propriétaires de divers lots de copropriété au sein de la résidence [Adresse 4], dont un appartement qu'ils ont donné en location.

Par assignations délivrées le 19 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence Lafayette, représenté par son syndic la société Foncia Alsace Bourgogne Franche Comté, a saisi le tribunal de proximité de Schiltigheim d'une demande dirigée contre les époux [J] en paiement des sommes de :

-5 581,93 € au titre des charges de copropriété impayées selon décompte arrêté au 12 octobre 2022, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

-1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ni Monsieur [K] [J] ni Madame [C] [D] épouse [J] n'ont comparu à l'audience.

Par jugement réputé contradictoire en date du 14 février 2023, le tribunal de proximité de Schiltigheim a :

-condamné solidairement Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Lafayette la somme de 4 190,26 € au titre du solde de charges de copropriété dû au 12 octobre 2022, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 octobre 2022,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-constaté l'exécution provisoire de droit du jugement,

-condamné in solidum Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] aux entiers dépens de la procédure qui comprendront le coût des sommations de payer et tous les frais exposés par le syndicat pour le recouvrement de sa créance en application de la clause d'aggravation des charges.

Pour statuer ainsi, le premier juge a essentiellement pris en compte les procès-verbaux d'assemblée générale des 5 mars 2019, 14 juin 2019, 31 mars 2021 et 23 septembre 2021, un extrait du Livre foncier, la copie des appels de fonds et décomptes de charges ainsi que les mises en demeure, relances et sommation de payer ainsi que le relevé de compte actualisé au 12 octobre 2022 après déduction des frais de mise en demeure, relances, honoraires d'huissier, d'avocat ou d'actes tarifés et autres frais d'hypothèque déjà compris dans les dépens.

Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] ont interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 17 mars 2023 et par dernières écritures notifiées le 24 novembre 2023, ils demandent à la cour de:

In limine litis

-constater la nullité des assignations qui leur ont été signifiées le 19 octobre 2022,

-prononcer la nullité du jugement déféré,

Subsidiairement, au fond :

-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions y compris celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

-rejeter l'ensemble des moyens et demandes qui seront formées par l'intimé,

-dire et juger que les créances nées avant le 19 octobre 2017 sont prescrites,

-dire et juger que Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] se sont acquittés des charges de copropriété pour la période du 19 octobre 2017 au 31 décembre 2022,

-condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] une somme de 1 000 € à titre de dommages intérêts,

En tout état de cause :

-condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à Monsieur [K] [J] et à Madame [C] [D] épouse [J] une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

-ordonner l'exécution provisoire.

Au soutien de leur appel, les époux [J] font valoir :

- sur la nullité de l'assignation : qu'ils se sont vus signifier chacun, par dépôt en l'étude, un acte sur lequel ne figurait ni la juridiction devant laquelle la demande est portée, ni les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire serait appelée ; que n'étaient joints à ce document ni l'assignation rédigée par le conseil du syndicat des copropriétaires ni les pièces invoquées à l'appui de cette demande, ni même le détail des sommes réclamées, de sorte qu'ils ont pu légitimement penser que ces actes ne constituaient qu'une nouvelle sommation de payer ; que l'acte qui leur a été délivré ne comportant pas les mentions obligatoires prescrites par les articles 54 et 56 du code de procédure civile, ils ont été placés dans l'impossibilité de connaître l'existence du procès qui leur a été intenté, ce qui leur fait grief ; que si deux avis de passage ont effectivement été laissés dans leur boîte aux lettres, ils n'ont pas été destinataires des lettres simples qui auraient dû leur être adressées par le commissaire de justice ; qu'il appartient à l'intimé d'apporter la preuve de ce que l'officier ministériel avait valablement joint une copie de l'assignation à l'avis de passage qu'il a déposé dans leur boîte aux lettres.

-sur le fond : que le litige trouve sa source dans une augmentation anormale de la consommation d'eau en 2013 et 2014 dans l'appartement donné en location et résultant d'une fuite signalée à l'ancien syndic, qui s'est montré particulièrement négligent dans la gestion de ce sinistre ; qu'ils ne peuvent être tenus responsable des conséquences de la faute commise par ce dernier ; qu'à compter de la découverte de cette fuite en juin 2015, l'ancien syndic a unilatéralement modifié leurs tantièmes de charges qui sont passés de 30 à 658, de sorte que, mécaniquement, le montant des provisions sur charges qui leur a été réclamé a triplé, et ce sans décision d'une assemblée générale, cette situation ayant perduré jusqu'au troisième trimestre 2019 ; qu'il s'est avéré que la contestation qu'ils ont élevée à cet égard était fondée puisqu'il ressort des différents décomptes de charges produits que les provisions réclamées étaient largement surévaluées.

Ils expliquent encore qu'il appartient au syndicat des copropriétaires de justifier et de détailler la somme qu'il réclame et soutiennent qu'ils ont entendu imputer le montant des provisions versées sur les appels de fonds correspondants et non pas sur l'arriéré - qu'ils contestaient devoir depuis 2015- de sorte que sont prescrites les sommes exigibles avant le 19 octobre 2017 et qu'ils ne sont débiteurs d'aucune somme.

Il souligne enfin la particulière mauvaise foi du syndicat des copropriétaires qui a engagé une procédure alors que des échanges avaient lieu avec le syndic de copropriété.

Par unique jeu d'écritures notifié le 12 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], ci-après désigné le syndicat des copropriétaires, conclut à la confirmation de la décision entreprise et sollicite la condamnation des appelants aux dépens nés de l'appel et à lui payer la somme de 3 000 € au titre 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires fait essentiellement valoir :

- sur la nullité de l'assignation : que l'assignation comporte bien l'ensemble des mentions obligatoires prévues par les articles 54 et 56 du code de procédure civile ; que l'huissier de justice, lorsque le destinataire de l'acte n'est pas présent, ne laisse qu'un avis de passage dans la boîte aux lettres, lequel ne contient aucun document relatif à l'assignation ; que les appelants produisent la lettre simple prévue à l'article 658 du code de procédure civile que l'huissier leur a envoyée et ils ne démontrent pas qu'une copie de l'assignation n'était pas jointe à cette expédition ; qu'ils ne pouvaient ignorer qu'une procédure à leur encontre était diligentée par le syndicat des copropriétaires.

- sur le fond : que sa réclamation porte sur la somme de 4 405,26 € au titre des appels de provisions du premier trimestre 2019 au quatrième trimestre 2022 ; que les paiements effectués par les époux [J] apparaissant au décompte produit en annexe 10 se sont imputés sur la dette la plus ancienne en l'absence de déclaration contraire ; qu'il ressort des procès-verbaux d'assemblée générale auxquelles ont participé les époux [J], que les comptes pour les exercices 2017, 2018, 2019 et 2020 ont été approuvés à l'unanimité ; que les décisions d'approbation n'ont pas été contestées ; que les époux [J] n'ont jamais demandé à ce qu'il soit mis à l'ordre du jour des questions relatives aux tantièmes qu'ils contestent ou encore aux charges d'eau qui leur sont imputées ; que les propriétaires sont tenus de régler leur quote-part de charges communes telles qu'elles résultent des comptes approuvés par l'assemblée générale ; qu'à compter du 1er janvier 2018, les tantièmes incombant aux époux [J] ont été de 29 au titre des charges relatives à l'eau, ce qui correspond à ce qui leur était appliqué avant la fuite d'eau en 2015 ; que

la demande de dommages intérêts n'est justifiée ni en fait ni en droit et encore moins dans son quantum.

L'ordonnance de clôture est en date du 12 février 2024.

MOTIFS

À titre liminaire il est rappelé que :

-aux termes de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

-ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à ''dire et juger'', '' constater'', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour ne statuera pas sur ces demandes dans le dispositif de l'arrêt. 

Sur la nullité de l'assignation

Aux termes de l'article 656 du code de procédure civile, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

Le dernier alinéa de l'article 655 du même code dispose que l'huissier de justice doit laisser, en tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

En vertu de l'article 657, la copie de l'acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l'indication des noms et adresse du destinataire de l'acte, et le cachet de l'huissier apposé sur la fermeture du pli.

Enfin, l'article 658 prévoit que dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour

ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656 ; la lettre contient en outre une copie de l'acte de signification.

En l'espèce, l'assignation signifiée à chacun des époux [J] le 19 octobre 2022 par Maître [M] [N], commissaire de justice (anciennement huissier de justice) a été signifié, en leur absence, par dépôt de l'acte en l'étude de l'officier ministériel.

Elle mentionne que chacun des époux [J] est cité à comparaître aux fins de conciliation ou, à défaut, de jugement par devant le tribunal judiciaire de Strasbourg-tribunal de proximité de Schiltigheim à l'audience du 10 janvier 2023 à 14 heures en salle 5 du tribunal de Schiltigheim dont l'adresse est indiquée.

Il ne peut donc être valablement soutenu que l'assignation serait nulle faute d'indication de la juridiction saisie, du jour et de l'heure de l'audience.

Elle indique qu'un avis de passage daté de ce jour a été laissé sur place avertissant chacun des époux [J] de la remise et mentionnant la nature de l'acte et le nom de la requérante et que les destinataires sont également avisés de la signification par lettre simple expédiée dans les délais légaux avec une copie de l'acte et mentionnant la nature de l'acte et le nom de la requérante.

Les mentions de cet acte, signifié à étude, faisant foi jusqu'à inscription de faux, c'est en vain que les appelants, qui n'ont pas engagé de procédure de faux, arguent de ce que la preuve du dépôt de l'avis de passage ou/et de l'envoi de la lettre prévue à l'article 658, ne serait pas rapportée.

Les formalités légales ayant été accomplies, la signification est régulière, sans qu'il importe que l'avis de passage et/ou la lettre soient effectivement parvenus aux époux [J].

Par ailleurs,l'article 658 susvisé exige seulement que la lettre qu'elle vise contienne une copie de l'acte de signification (soit les modalités de remise de l'acte signifié) et non l'acte signifié (l'assignation).

Il en résulte qu'est indifférente la circonstance que la lettre prévue à l'article 658, datée du 19 octobre 2022, que produisent les appelants, ait contenu une copie partielle de l'assignation ne comportant pas l'indication du tribunal devant lequel les époux [J] étaient appelés à comparaître non plus que la date et l'heure de l'audience.

Les époux [J] ne peuvent prétendre s'être mépris sur la nature de l'expédition dès lors que la lettre qu'ils ont effectivement reçue comporte l'indication « à la demande du

syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic la Sa Foncia Alsace, je vous ai signifié le 19 octobre 2022 un acte dont la nature est la suivante : ASSIGNATION. Cet acte a été remis, en votre absence, par [I] assermenté qui a signé la copie et l'original, dans les conditions suivantes : nom sur la boîte aux lettres, nom sur la sonnette, par dépôt à l'étude du soussigné. Il vous appartient dans le plus bref délai, de le retirer ou de le faire retirer par une personne que vous aurez mandatée par écrit à cet effet, aux heures d'ouverture de l'étude... (suivent les indications d'horaires). Sur votre demande la copie de cet acte peut être transmise à un autre office de commissaire de justice. Vous pourrez la retirer dans les mêmes conditions. Ci-joint photocopie de cet acte de signification pour information, ceci ne vous dispense pas de retirer le pli en mon étude ».

Ainsi les époux [J] ont été clairement informés de la nature de l'acte signifié, à savoir une assignation, comme de la nécessité de le retirer en l'étude de l'officier ministériel instrumentaire.

Il résulte de l'ensemble de ces énonciations que les assignations litigieuses ont été régulièrement signifiées et qu'elles n'encourent pas la nullité.

Il n' y a donc pas lieu à prononcer la nullité du jugement déféré.

Sur le fond

1/ sur la recevabilité de l'action en paiement du syndicat des copropriétaires

L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à la loi Élan , entrée en vigueur le 25 novembre 2018, disposait qu' en matière de copropriété le délai de prescription est de dix ans.

Dans sa rédaction postérieure au 24 novembre 2018, ledit article prévoit que les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En vertu de l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 

En l'espèce, la demande en paiement formée par le syndicat des copropriétaires porte sur le solde des charges de copropriété dû par les époux [J] au 10 octobre 2022.

Le décompte de sa créance qu'il verse aux débats comporte une reprise de solde OFI (ancien syndic) au 22 juin 2018, d'un montant de 6 200,21 €.

Il apparaît, au vu des bordereaux d'appel de fonds versés aux débats par la partie appelante, et notamment du «  bordereau d'appel de fonds au 23 juin 2015 » que le compte individuel des époux [J] est devenu débiteur au 1er juillet 2015 par suite de l'annulation, par le syndic, des charges appelées concernant la fourniture d'eau pour les années 2013 et 2014 et l'imputation d'une nouvelle répartition pour des montants de 1 288,26 € (année 2013) et 1 920,71 € (année 2014), cette modification s'expliquant par une fuite d'eau imputable au logement dont les époux [J] sont propriétaires.

Il n'est pas contesté qu'il a été remédié à cette fuite au cours de l'année 2015, ce dont le mandataire professionnel des époux [J] a avisé le syndic, qui a cependant continué a appelé des charges d'eau sur les mêmes bases.

Les époux [J], par eux-mêmes ou par leur gestionnaire, n'ont eu, à tort ou à raison, de cesse de protester contre l'imputation de quotes-parts de charges d'eau qu'ils estimaient infondées quant à leur montant et ont de manière non équivoque manifesté clairement leur intention de ne pas régler les dites charges ou de ne les régler qu'à proportion de ce dont ils s'estimaient débiteurs.

Dans ce contexte, le syndicat des copropriétaires ne peut pas utilement soutenir que sa demande ne porterait que sur les charges impayées à compter de l'année 2019, la créance de charges afférente aux années antérieures, soit de 2015 à 2018, étant éteinte par imputation sur la dette la plus ancienne des règlements intervenus.

En application des dispositions légales susvisées, l'action en paiement des charges dues suivant bordereau d'appel de fonds du 23 juin 2015 pour un montant de 3 079,28 € ne pouvait se prescrire qu'au 18 novembre 2023.

Il en est de même pour toutes les charges appelées et non acquittées du 25 septembre 2015 au 18 novembre 2018.

Il en résulte que l'action intentée le 22 octobre 2022 par le syndicat des copropriétaires, en paiement des charges de copropriété dues pour la période de 2015 à 2018 inclus, ne se heurte pas à la prescription et que cette action apparaît parfaitement recevable.

De même, s'agissant du paiement des charges exigibles après le 18 novembre 2018, soit à compter du 1er janvier 2019, la prescription de l'action n'est pas davantage acquise, le délai de prescription de cinq ans, qui a commencé à courir à la date d'exigibilité de chacun des appels de fonds successifs, n'étant pas expiré au 22 octobre 2022, date des assignations en paiement.

Il suit de l'ensemble de ces développements que la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes sera écartée.

2/ sur le paiement des charges de copropriété

Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

Il est de droit que l'approbation des comptes par l'assemblée générale des copropriétaires emporte ratification de la gestion financière du syndic et rend les comptes définitivement opposables à l'ensemble des copropriétaires en l'absence de contestation dans le délai de deux mois.

Il résulte cependant de l'article 45-1 du décret du 17 mars 1967, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 précitée, que l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires, de sorte que chacun d'entre eux est en droit de contester la conformité de son compte individuel à la répartition des charges stipulée au règlement de la copropriété.

En l'espèce, les époux [J] ne peuvent pas remettre en cause les montants acquittés par le syndicat des copropriétaires au titre des charges d'eau 2015 à 2019 dès lors que les comptes relatifs à ces année ont été approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires (assemblées générales des 5 mars 2018 en ce

qui concerne l'approbation des comptes des années 2015, 2016 et 2017, 14 juin 2019 en ce qui concerne les comptes de l'exercice 2018 , 31 mars 2021 en ce qui concerne l'approbation des comptes de l'année 2019).

Ils peuvent en revanche critiquer la répartition desdites charges à leur compte individuel.

Il sera, à titre liminaire, relevé que les appelants n'élèvent aucune contestation quant aux charges dues pour les années 2020, 2021 et pour les trois premiers trimestres 2022.

-sur la régularisation des charges 2013 et 2014 :

Les époux [J] se sont vus notifier une régularisation des charges pour les années 2013 et 2014 qui a réparti à leur compte 296 m³ des 538 m³ consommés par la copropriété pour l'année 2013 et 658 m³ des 950 m³ consommés par la copropriété pour l'année 2014, soit des rappels de 1 288,26 € et 1 920,71 €.

S'ils reconnaissent que l'augmentation de la consommation d'eau dans leur appartement est due à une fuite d'eau apparue vraisemblablement en 2013, les époux [J] estiment être en droit de refuser le paiement des sommes appelées au motif que le syndic, alors en exercice, a fait preuve de négligence en ne détectant pas la difficulté avant 2015, en ne déclarant pas le sinistre auprès de l'assureur de la copropriété, en ne déclarant pas cet incident au service de l'Eau de la ville de Strasbourg afin de demander une prise en charge partielle du montant de la surconsommation d'eau et ne répondant pas à leurs multiples réclamations.

Toutefois, il leur appartient, s'ils le souhaitent, d'engager la responsabilité de l'ancien syndic, mais l'éventuelle faute commise par ce dernier ne les dispense pas du règlement des charges d'eau imputables à leur lot de copropriété.

-sur les provisions appelées à compter de juin 2015

A compter de juin 2015 jusqu'au 1er avril 2019 inclus, les provisions sur charges appelées l'ont été, en ce qui concerne l'eau, sur la base d'une consommation totale de 958 ou 966 m3 et d'une répartition de 658 m3 au compte des époux [J], alors qu'il avait été remédié courant 2015 aux causes de la fuite d'eau par changement du chauffe-eau équipant l'appartement de ces derniers.

Les appelants ne produisent pas le règlement de copropriété de sorte que la cour n'est pas en mesure, comme ils le demandent, d' apprécier la non conformité à ce règlement de la répartition des charges d'eau à leur compte individuel.

Par ailleurs et surtout, il apparaît clairement des pièces numérotées 6, 7, 10 et 40 du syndicat des propriétaires qu'une régularisation a eu lieu en date du 14 mai 2019 au profit du compte des appelants  pour l' année 2017 par le crédit d'une somme de 1 573,49 € et pour l ' année 2018 sur la base de 29 m³ /270 m³ par imputation au crédit d 'une somme de 1 399,48 €. Pour l'année 2019, une régularisation est intervenue en date du 31 décembre 2019, sur la base de 12 m³/ 268 m³, par l'imputation au crédit d'une somme de 829,70 €.

Il en résulte que les époux [J] sont mal fondés à élever une contestation quant aux charges d'eau concernant ces exercices.

En revanche, il n'apparaît pas qu'une régularisation soit intervenue pour l'année 2016 étant relevé que les appelants ne démontrent pas à quelle date exacte la réparation du chauffe-eau est intervenue en 2015, de sorte qu'il ne peut donc être procédé à une régularisation au titre de cet exercice.

Il a été imputé aux époux [J] des provisions sur charges d'un montant de 437 € pour les premiers et deuxième trimestre 2016 et d'un montant de 525 € pour les 3ièmes et 4ièmes trimestres 2016.

En revanche, dès lors que la consommation réelle a été prise en compte, le montant des appels de provisions sur charges s'est élevé à 160 € par trimestre.

Il sera ainsi déduit de la créance du syndicat des copropriétaires, s'élevant à la somme non contestée par ce dernier, de 4 190, 26 €, tel qu'arrêté par le premier juge, celle de (437 x 2) + (525 x 2) = 1 924 € ' (160 x 4 = 640 €) soit 1 284 €.

Le jugement déféré sera ainsi infirmé quant au montant de la créance du syndicat des copropriétaires et les époux [J] seront solidairement condamnés au paiement de la somme de 2 906,26 € au titre du solde de charges de copropriété dues au 12 octobre 2022, avec les intérêts au taux légal tels que fixés par le premier juge.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Dès lors que le syndicat des copropriétaires était fondé pour une grande partie en sa demande, il ne peut lui être reproché d'avoir, après maintes réclamations et mises en demeure, introduit une procédure judiciaire afin de disposer d'un titre exécutoire permettant le recouvrement de sa créance de charges de copropriété.

Par ailleurs, les époux [J] ne justifient pas, comme ils le soutiennent, avoir été empêchés, du fait du syndicat des copropriétaires, de prendre part à la procédure de première instance.

Leur demande de dommages et intérêts ne saurait donc prospérer, faute de caractérisation d'une faute imputable à l'intimé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

L'appel prospérant partiellement, les dépens de l'appel seront mis à la charge des époux [J] pour les trois quarts et pour le tiers restant à la charge du syndicat des copropriétaires.

Il sera fait droit à la demande formée par le syndicat des copropriétaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la limite de la somme de 2 200 €.

Il sera fait droit à la demande des époux [J] au titre des mêmes dispositions à hauteur de la somme de 700 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE l'exception de nullité du jugement déféré,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription des créances nées avant le 19 octobre 2017,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les époux [J] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 190,26 € au titre des charges de copropriété arrêtées au 12 octobre 2022,

Et statuant à nouveau dans cette seule limite,

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1], la somme de 2 906,26 € au titre des charges de copropriété arrêtées au 12 octobre 2022,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Et y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages et intérêts articulée par les époux [J],

CONDAMNE solidairement Monsieur [K] [J] et Madame [C] [D] épouse [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] la somme de 2 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer aux époux [J] la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens d'appel seront supportés pour les trois quarts par les époux [J] et par le dernier quart par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1].

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/01172
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;23.01172 ?
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