La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°23/00799

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 27 mai 2024, 23/00799


MINUTE N° 24/274





























Copie exécutoire à :



- Me Julie HOHMATTER

- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 27 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/00799 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IARD



D

écision déférée à la cour : jugement rendu le 14 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection d'Illkirch-Graffenstaden





APPELANTE :



Madame [D] [R]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/1586 du 09/05/2023 accordée...

MINUTE N° 24/274

Copie exécutoire à :

- Me Julie HOHMATTER

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 27 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/00799 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IARD

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 14 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection d'Illkirch-Graffenstaden

APPELANTE :

Madame [D] [R]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/1586 du 09/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat au barreau de Colmar

INTIMÉE :

S.A. BATIGERE GRAND EST, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1] [Localité 3]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat au barreau de Colmar

Avocat plaidant : Me Sarah BARDOL, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat du 25 janvier 2013, la Sa d'HLM Batigère Nord-Est a donné à bail à Madame [D] [R] un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 4], moyennant paiement d'un loyer mensuel de 524,92 € et d'une provision pour charges mensuelles de 161,20 euros.

Par acte du 27 février 2020, Madame [D] [R] a assigné en référé la Sa d'HLM Batigère Nord-Est devant le tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden pour obtenir la nomination d'un expert judiciaire aux fins de constatation de l'état du logement considéré comme indécent, de se voir autoriser à procéder à la consignation des loyers entre les mains de la Carpa et de voir condamner la défenderesse à lui payer une provision de 2 000 € à valoir sur son préjudice de jouissance.

Par ordonnance de référé du 14 octobre 2020, une expertise judiciaire a été ordonnée et Monsieur [W] [J] a été désigné à cette fin. Le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de consignation des loyers et de provision au titre du préjudice de jouissance dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Le rapport d'expertise a été rendu le 27 février 2021.

Par acte du 15 octobre 2021 et conclusions ultérieures, Madame [D] [R] a assigné la Sa d'HLM Batigère Nord-Est devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden, aux fins de la voir condamner à effectuer les travaux de réfection du logement visé dans le rapport d'expertise judiciaire du 27 février 2021, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement, de voir ordonner la suspension du loyer nu du logement jusqu'à réalisation des travaux visés par l'expert judiciaire et de voir condamner la défenderesse à lui payer la somme de 20 614,88 € au titre du remboursement des loyers résiduels de 343,58 € par mois pendant cinq ans, la somme de 15 000 € au titre du préjudice

moral, la somme de 15 000 € au titre du préjudice matériel ainsi que la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant ceux de la procédure de référé expertise et les frais d'expertise judiciaire.

La Sa d'HLM Batigère Nord-Est a conclu au rejet des demandes. Subsidiairement, en cas de condamnation à exécuter les travaux, elle a sollicité que Madame [D] [R] laisse les entreprises choisies pénétrer dans les lieux sous astreinte de 500 € par jour passé la date de démarrage des travaux notifiés. Elle a demandé condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 14 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden a :

-dit n'y avoir lieu à écarter des débats les certificats médicaux (annexes 5, 10 et 17) produits par Madame [D] [R],

-constaté l'indécence du logement donné en location par la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à Madame [D] [R], situé [Adresse 2] à [Localité 5],

-fait injonction à la Sa d'HLM Batigère Nord-Est de réaliser les travaux de mise en conformité sous astreinte de 20 € par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement et ce pendant un délai de 90 jours, à savoir :

-nettoyage des conduits et traînasses de la VMC,

-vérification et contrôle des colonnes de VMC ainsi que des liaisons et raccords horizontaux et équilibrage du réseau avec vérification du débit d'extraction,

-travaux de traitement des moisissures et de peinture, de revêtements muraux, de plancher stratifié, de menuiseries extérieures avec un assèchement des murs et plafonds,

-s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

-invité la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à mettre en 'uvre une solution relativement aux ponts thermiques afin d'éviter la récurrence des moisissures,

-rappelé que la Sa d'HLM Batigère Nord-Est devra informer préalablement Madame [D] [R] de la nature et des modalités d'exécution des travaux par une notification remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que la locataire devra permettre l'accès aux lieux pour leur exécution et ce conformément aux dispositions de l'article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989,

-condamné la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice de jouissance subi pour manquement du bailleur à son obligation d'entretien et de réparation et ce jusqu'au terme de décembre 2022,

-dit que le loyer de Madame [D] [R] sera réduit de 100 € par mois à compter du terme de janvier 2023 et jusqu'à la réalisation de l'ensemble des travaux de mise en conformité,

-condamné la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-débouté Madame [D] [R] du surplus de sa demande,

-débouté la Sa d'HLM Batigère Nord-Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sa d'HLM Batigère Nord-Est aux dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,

-rappelé que le jugement est exécutoire de droit.

Madame [D] [R] a interjeté appel de cette décision le 21 février 2023.

Par écritures notifiées le 8 février 2024, elle conclut ainsi qu'il suit :

-déclarer l'appel formé par Madame [D] [R] bien fondé,

Y faisant droit,

-infirmer et réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

-fixe le montant de l'astreinte à la somme de 20 € par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification de la décision de première instance,

-condamne la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice de jouissance subi pour manquement du bailleur à son obligation d'entretien et de réparation et ce jusqu'au terme de décembre 2022,

-dit que le loyer de Madame [D] [R] sera réduit de 100 € par mois à compter du terme de janvier 2023 et jusqu'à la réalisation de l'ensemble des travaux de mise en conformité,

-condamne la Sa d'HLM Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 3 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-déboute Madame [D] [R] du surplus de sa demande,

Statuant à nouveau,

-rappeler que la société Batigère Nord-Est a manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible,

-juger que le loyer nu du logement sera totalement suspendu à compter de l'assignation du 27 février 2020 jusqu'à réalisation des travaux visés par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise judiciaire du 27 février 2021,

-condamner la société Batigère Nord-Est à effectuer les travaux de réfection dans le logement situé [Adresse 2] visés dans le rapport d'expertise judiciaire du 27 février 2021 sous astreinte financière de 200 € par jour de retard à compter du jugement du 14 décembre 2022, précision étant faite que ces travaux devront concerner également les travaux nécessaires afin de remédier aux ponts thermiques et aux problèmes d'étanchéité comme visés dans le rapport d'expertise,

-condamner la société Batigère Nord-Est à verser à Madame [D] [R] les sommes suivantes en indemnisation du préjudice subi :

-remboursement des loyers : 343,58 € par mois (loyers résiduels après imputation CAF) sur cinq ans = 20 614,88 €,

-préjudice de jouissance 10 000 € plus préjudice matériel 5 000 €, soit au total 15 000 €,

-préjudice moral 15 000 €,

-débouter la société Batigère Nord-Est de sa demande tendant à voir écarter les pièces 17, 18, 34, 35 et 36,

-débouter la société Batigère Nord-Est de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement pour le surplus,

-condamner la société Batigère Nord-Est au versement de la somme de 2 000 € à titre d'indemnité qualifiée d'honoraires auprès de Maître Julie Hohmatter, conseil de Madame [D] [R],

-donner acte à Maître Julie Hohmatter de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour de la décision à intervenir et passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la société Batigère Nord-Est la somme allouée,

-condamner la société Batigère Nord-Est aux entiers dépens de l'instance.

Par écritures notifiées le 7 février 2024, la Sa Batigère Nord-Est a conclu ainsi qu'il suit :

-déclarer l'appel mal fondé,

-en débouter l'appelante ainsi que de l'intégralité de ses fins, demandes et prétentions et écarter des débats les pièces 17, 18, 34, 35 et 36,

-confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

-condamner Madame [D] [R] en tous les frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à la société Batigère Nord-Est la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces 17, 18, 34, 35 et 36 des débats :

La société Batigère sollicite que soient écartés des débats les certificats médicaux établis le 30 janvier 2017 par le docteur [E] [H], le 6 mai 2023 par le docteur [I] [N], le 28 septembre 2023 par le docteur [H] et les 22 août 2023 et 5 octobre 2023 par le docteur [N], en ce qu'ils contreviendraient aux articles 28 du code de déontologie des médecins et R 4127-28 du code de la santé publique.

L'article R 4127-28 du code de la santé publique, reprenant l'article 28 du code de déontologie des médecins, dispose que la délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite.

Pour autant, il n'est en rien démontré que les praticiens précités, qui ont déclaré avoir vu en consultation Madame [D] [R] et ses filles et avoir constaté qu'elles présentent des infections ORL répétitives pour les enfants et de graves problèmes de santé (respiratoires, rhumatologies, psychologiques), font un lien entre ces symptomatologies et les conditions d'habitation de la famille et préconisent un changement d'appartement urgent, soient tendancieux ou de complaisance, ni que le docteur [N] ait outrepassé ses fonctions médicales en effectuant le 22 août 2023 une visite à domicile de sa patiente Madame [D] [R], au cours de laquelle il décrit les moisissures et humidités constatées.

En effet, ces praticiens ont décrit les pathologies constatées chez leurs patientes et les liens qu'ils font avec les conditions d'habitation sont d'autant moins tendancieux ou de complaisance qu'ils sont confirmés par les autres pièces produites par l'appelante, relatives à un appartement dont l'intimée ne conteste nullement qu'il soit infesté de moisissures.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu le caractère probant des annexes numérotées 10 et 17 en première instance et la demande supplémentaire relative aux pièces 34, 35 et 36 sera rejetée.

Sur les travaux de mise en conformité du logement :

Il est constant et non contesté en l'espèce que le logement donné à bail à Madame [D] [R] ne répond pas aux caractéristiques de décence requises par la loi du 6 juillet 1989 et par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, ainsi que l'a constaté le premier juge dans une décision dont l'intimée demande confirmation.

Il résulte en effet du rapport d'expertise déposé le 27 février 2021 par Monsieur [J] que l'appartement litigieux, situé au nord de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5], dans l'angle formé par les façades nord-est et nord-ouest, est affecté de moisissures, visibles sur les plafonds du séjour, de la salle de bains et des chambres, au niveau des cueillies mur/plafond des murs extérieurs, ainsi que sur les murs de ces pièces ; que la plinthe située sous la porte fenêtre du séjour présente des moisissures ainsi qu'un taux anormalement élevé d'humidité ; que des gouttelettes provenant de la condensation de l'air sont visibles au plafond d'une chambre ; que les revêtements muraux des chambres et du séjour sont dégradés, décollés ou enlevés.

L'expert conclut que les désordres, imputables au bailleur, trouvent leur origine dans les débits d'extractions insuffisants de la ventilation mécanique contrôlée dans la salle de bains, les wc et la cuisine, ainsi que dans un défaut d'étanchéité à l'eau de la porte-fenêtre du séjour, qui ne provient pas d'un défaut d'entretien par la locataire, mais d'un défaut de la menuiserie ; qu'il existe des facteurs aggravants, constitués par les ponts thermiques provenant de la toiture au niveau des acrotères de l'immeuble, un pont thermique au niveau de la porte fenêtre de la chambre et un défaut de chauffage de pièces lié à un défaut de purge de corps de chauffe ; que l'appartement présente des risques pour la santé de ses occupants.

Il préconise la réalisation des travaux suivants, pour la mise en conformité du logement : nettoyage des conduits et traînasses de la VMC, vérification et contrôle des colonnes de la VMC ainsi que des liaisons et raccords horizontaux et équilibrage du réseau, ainsi que des travaux pour le traitement des moisissures, de peinture, de revêtements muraux, de plancher stratifié, de menuiserie extérieure, d'assèchement des murs et plafonds.

Madame [D] [R] critique le jugement déféré quant au montant de l'astreinte assortissant la condamnation à effectuer les travaux, au motif que la bailleresse ne s'est toujours pas exécutée et qu'elle doit être fixée à un montant plus incitatif ; qu'il est également indispensable que l'intimée soit condamnée à mettre en 'uvre une solution relativement aux ponts thermiques.

Sur ces points, la société Batigère Habitat fait valoir que les travaux préconisés par l'expert ont été entrepris et réalisés au cours de l'année 2021 ; que des travaux en cours se heurtent à l'inertie de Madame [D] [R], qui ne répond pas aux sollicitations et avis de passage des entreprises.

Il a été justement relevé par le premier juge que les travaux qui ont été réalisés dans le courant de l'année 2021 portaient sur d'autres réfections que celles visées dans le rapport d'expertise et étaient limitées.

Il résulte d'ailleurs d'un procès-verbal de constat établi le 31 juillet 2023 par Maître [T], huissier de justice, en présence des parties, que l'appartement litigieux présente toujours d'importantes moisissures dans le salon-salle à manger, dans la cuisine, dans les chambres 1 et 2 ; que la faïence murale de la salle de bains est tombée et que le mur est humide ; qu'il y a d'importantes moisissures au plafond.

Si la société Batigère produit un devis accepté le 10 octobre 2023 pour les travaux de rénovation de l'appartement, ainsi qu'une proposition de date d'intervention de la société Decorest courant octobre et novembre 2023 par l'intermédiaire du conseil de

Madame [D] [R], ainsi que des courriels du 15 décembre 2023 et du 29 janvier 2024 indiquant que la société n'a pas eu de retour de la locataire, ces simples messages via l'avocat de l'appelante ne sont pas de nature à démontrer l'inertie ou une entrave de Madame [D] [R] à la réalisation de travaux de rénovation de son logement, ce d'autant relevé que des travaux de remplacement de têtes thermostatiques ont bien été effectués dans le logement le 23 janvier 2024 ; que par courriel du 25 octobre 2023, le conseil de Madame [R] avait indiqué qu'avant que soient entrepris les travaux de réfection intérieure confiés à la société Decorest, la bailleresse devait justifier des travaux à réaliser sur la VMC et que l'appartement restait par ailleurs très humide.

Il n'est parallèlement pas démontré de carence de la bailleresse dans l'engagement des travaux mis à sa charge, alors qu'est produit le justificatif du remplacement de bouches VMC et des grilles d'aération lors d'une intervention en juillet 2023, de sorte que l'astreinte fixée à 20 euros par jour de retard par le premier juge apparaît suffisante pour assurer l'exécution de l'obligation de faire.

Concernant les travaux à réaliser, il sera constaté que le premier juge a condamné la bailleresse à effectuer l'ensemble des travaux nécessaires à la mise en conformité du logement listés par l'expert ; que si ce dernier a relevé que l'existence de ponts thermiques constituait un facteur aggravant, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas conclu qu'une intervention sur ce point était nécessaire pour rendre le logement propre à son usage et décent ; qu'il convient ainsi de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a invité la bailleresse à mettre en 'uvre une solution relativement à ces ponts thermiques, sans prononcer de condamnation sous astreinte pour des travaux qui ne sont pas décrits ni identifiés.

Sur les préjudices :

Concernant l'indemnisation de ses préjudices, Madame [D] [R] ne peut à la fois demander la suspension du loyer nu du logement à compter de l'assignation du 27 février 2020 jusqu'à réalisation des travaux visés par l'expert judiciaire, remboursement des loyers pendant cinq ans et indemnisation d'un préjudice de jouissance.

Les pièces versées aux débats (courriers de doléances de la locataire dès 2017, photographies, rapport d'expertise), montrent que l'appartement est affecté dans la totalité de ses pièces par des moisissures et que la jouissance des lieux par la locataire et ses filles a été amoindrie ; qu'il existe un certain retentissement sur

leur état de santé, ainsi qu'établi par les certificats médicaux précités des docteurs [H] et [N].

Cependant, en l'absence d'inhabitabilité totale des lieux, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande tendant au remboursement des loyers versés pendant cinq ans.

Conformément aux dispositions de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, le premier juge a à juste titre réduit le montant du loyer jusqu'à l'exécution des travaux mis à la charge de la bailleresse, à compter du mois de janvier 2023, dans une proportion cohérente avec la part de loyer restant à la charge de la locataire. Il a, selon le même raisonnement, exactement calculé la réparation du préjudice de jouissance subi par la locataire à compter du signalement des désordres jusqu'au mois de décembre 2022, à la somme de 7 000 euros.

Madame [D] [R] ne produit en appel aucun élément de nature à justifier l'octroi d'une somme supérieure au titre de son préjudice moral.

Concernant le préjudice matériel, l'appelante verse aux débats des pièces n° 42 et 56, rédigées en langue allemande et qui sont inexploitables, une facture du magasin Conforama du 1er décembre 2016 relative à l'achat d'un lit et d'un matelas, une facture du magasin But du 10 janvier 2019 relative à l'achat d'un canapé.

Les photographies versées aux débats permettent de constater la présence de moisissures notamment sur un matelas et d'autres effets qui ne peuvent être simplement nettoyés, justifiant qu'il soit alloué à l'appelante une somme de 500 euros au titre de son préjudice matériel.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur ce point, la société Batigère étant condamnée au paiement de la somme de 500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Les prétentions de l'appelante prospérant au moins en partie, les dépens de l'instance d'appel seront mis à la charge de l'intimée, dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour les mêmes motifs, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du préjudice matériel,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la Sa Batigère Nord-Est à payer à Madame [D] [R] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

REJETTE la demande tendant à voir écarter les pièces de l'appelante n° 34, 35 et 36,

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sa Batigère Nord-Est aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/00799
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;23.00799 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award