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27/05/2024 | FRANCE | N°22/03654

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 27 mai 2024, 22/03654


MINUTE N° 24/285





























Copie exécutoire à :



- Me Céline RICHARD

- Me Dominique HARNIST





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 27 Mai 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03654 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5WJ



cision déférée à la cour : jugement rendu le 25 août 2022 par le juge des contentieux de la protection de Sélestat





APPELANTE :



Madame [M] [N] épouse [W]

[Adresse 2]



Représentée par Me Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR



Monsieur [A] [W]

[Adre...

MINUTE N° 24/285

Copie exécutoire à :

- Me Céline RICHARD

- Me Dominique HARNIST

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 27 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03654 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5WJ

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 août 2022 par le juge des contentieux de la protection de Sélestat

APPELANTE :

Madame [M] [N] épouse [W]

[Adresse 2]

Représentée par Me Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR

Monsieur [A] [W]

[Adresse 2]

Représenté par Me Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉES :

S.A. CA CONSUMER FINANCE ANCIENNEMENT SOFINCO prise en la personne de son Directeur Général -

[Adresse 1]

Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat au barreau de COLMAR

S.E.L.A.R.L. SBCMJ MANDATAIRE JUDICIAIRE prise en la personne de Me [G] [Y] ès qualités de liquidateur de la société MANCHE ENERGIES RENOUVELABLES, dont le nom commercial est DIRECT HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 4]

[Adresse 3]

Non comparante, non représentée, assignée le 09 janvier 2023 à personne morale par acte de commissaire de justice

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M.BIERMANN

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Démarchés par la Sasu Manche Energies Renouvelables, exerçant sous l'enseigne Direct Habitat, Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] ont signé le 8 juillet 2019 à leur domicile un bon de commande portant sur la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur et d'un chauffe-eau thermo- dynamique pour un prix total de 24 800 €.

Monsieur et Madame [W] ont accepté le même jour une offre de contrat de crédit affecté souscrit auprès de la Sa Ca Consumer Finance, exerçant sous l'enseigne Sofinco, pour un montant principal de 24 800 €.

L'installation a été réalisée le 14 août 2019.

Monsieur et Madame [W], se plaignant du dysfonctionnement de deux radiateurs et du thermostat, ainsi que de l'absence de versement des aides gouvernementales qui leur avaient été annoncées, s'en sont plaints directement ou par l'intermédiaire de leur conseil auprès de la Sasu Manche Energies Renouvelables et de l'organisme de financement.

N'ayant pas obtenu satisfaction, ils ont écrit le 15 novembre 2019 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la Sasu Manche Energies Renouvelables pour exercer leur droit de

rétractation et en ont informé la Sa Ca Consumer Finance.

La société de crédit ayant refusé de prendre en compte la rétractation, Monsieur et Madame [W] ont, par actes du 28 mai 2021, assigné la Sa Ca Consumer Finance et la Sasu Manche Energies Renouvelables, en liquidation judiciaire, prise en la personne de son liquidateur la Selarl SBCMJ, elle-même prise en la personne de Maître [G] [Y], et ont demandé que soit prononcée l'annulation du contrat de fourniture et d'installation d'un chauffe-eau et d'une pompe à chaleur air-eau souscrit avec la Sasu Manche Energies Renouvelables, que soit prononcée l'annulation du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la Sa Ca Consumer Finance, de leur voir donner acte de ce que l'installation pourra être restituée à la liquidation judiciaire de la Sasu Manche Energies Renouvelables, à charge pour celle-ci de reprendre le matériel à ses frais, de voir accueillir leur déclaration de créance du 13 août 2020 est de dire que la somme de 24 800 € sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la Sasu Manche Energies Renouvelables, de voir ordonner qu'un compte d'annulation soit établi à la date de la décision, qui fera ressortir les sommes effectivement encaissées par la banque au titre de sa rémunération contractuelle, de voir en conséquence condamner la Sa Ca Consumer Finance à leur restituer la somme de 6 789,12 €, de voir dire que la Sa Ca Consumer Finance perd son droit à restitution du capital ainsi que son droit de leur réclamer quelque rémunération que ce soit en exécution du prêt consenti, de voir enjoindre à la Sa Ca Consumer Finance, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours courant à partir de la signification du jugement, de faire procéder à la radiation de leur inscription au Ficp si elle est intervenue, de voir condamner la Sa Ca Consumer Finance à leur payer la somme de 8 663,66 € correspondant au coût de remise en état de marche de leur ancienne chaudière à gaz, ainsi qu'une somme de 3 000 € au titre de leur préjudice moral et administratif et une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La Sa Ca Consumer Finance a conclu au rejet des demandes et a, reconventionnellement, demandé la résolution judiciaire du contrat aux torts des emprunteurs, ainsi que condamnation de ces derniers solidairement à lui payer la somme de 20 273,92 €, la somme de 458 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 458 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La Selarl SBCMJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la Sasu Manche Energies Renouvelables, n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter.

Par jugement du 25 août 2022 le tribunal de proximité de Sélestat a :

Sur la demande principale de Monsieur et Madame [W] :

-constaté la caducité du contrat de fourniture et l'installation d'un chauffe-eau et d'une pompe à chaleur conclu le 8 juillet 2019 entre Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] d'une part et la Sasu Manche Energies Renouvelables, société en liquidation judiciaire, d'autre part,

-ordonné l'inscription, au passif de la liquidation judiciaire de la Sasu Manche Energies Renouvelables, exerçant sous l'enseigne Direct Habitat, société en liquidation judiciaire prise en la personne de son liquidateur la Selarl SBCMJ, prise elle-même en la personne de Maître [G] [Y], de la créance chirographaire de Monsieur et Madame [W] s'élevant à 24 800 €,

-donné acte à Monsieur et Madame [W] de ce qu'ils tiennent à la disposition de la Sasu Manche Energies Renouvelables en liquidation judiciaire l'installation qu'elle leur a livrée,

-débouté Monsieur et Madame [W] de leurs autres demandes,

Sur la demande reconventionnelle de la Sa Ca Consumer Finance,

-condamné Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] solidairement à payer à la Sa Ca Consumer Finance, en deniers ou quittance, la somme de 20 273,92 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

-débouté la Sa Ca Consumer Finance de ses autres demandes et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] in solidum aux dépens,

-constaté que le jugement est exécutoire par provision.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que Monsieur et Madame [W] ont valablement rétracté dans le délai légal, leur consentement au contrat proposé par la Sasu Manche Energies Renouvelables ; que leur demande tendant à l'annulation du contrat de fourniture et à l'annulation subséquente du contrat de crédit affecté doit s'analyser en une demande de constatation de la caducité de ces contrats ; que la caducité d'un contrat de crédit affecté emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté, sauf faute de celui-ci ; que les demandeurs échouent à rapporter la preuve d'une faute de l'organisme

financeur en raison des conditions de déblocage des fonds ; que concernant les irrégularités du contrat, les emprunteurs ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien avec la faute de la Sa Ca Consumer Finance.

Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] ont interjeté appel de cette décision le 27 septembre 2022.

Par écritures notifiées le 20 novembre 2023, ils concluent ainsi qu'il suit :

Avant-dire droit,

-ordonner une vérification d'écriture,

Au fond,

-déclarer l'appel recevable et bien fondé,

-infirmer le jugement en ce qu'il déboute Monsieur et Madame [W] de leurs demandes dirigées à l'encontre de la Sa Ca Consumer Finance et les condamnent solidairement à lui payer la somme de 20 273,92 € outre les intérêts au taux légal,

Statuant à nouveau,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance à payer la somme de 24 800 € à Monsieur et Madame [W] à titre de dommages et intérêts du fait des fautes de la Sa Ca Consumer Finance,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance à verser à Monsieur et Madame [W] la somme de 8 663,66 € correspondant à la remise en état de marche de leur ancienne chaudière à gaz,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance à payer la somme de 3 000 € à Monsieur et Madame [W] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et administratif,

-enjoindre à la Sa Ca Consumer Finance de faire procéder à la radiation de Monsieur et Madame [W] du Ficp si une telle inscription est intervenue et ce sous astreintes de 50 € par jour de retard dans les huit jours de la signification de la décision,

-confirmer le jugement pour le surplus,

En tant que de besoin,

-prononcer la nullité du contrat principal en lieu et place de la caducité,

En tout état de cause,

-ordonner la compensation entre les montants dus au titre du capital prêté et le montant mis à la charge de la Sa Ca Consumer Finance à titre de dommages et intérêts,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d'appel,

-condamner la Sa Ca Consumer Finance aux entiers frais et dépens et débouter la Sa Ca Consumer Finance de sa demande à ce titre.

Ils indiquent qu'il a été établi en première instance que la Sasu Manche Energies Renouvelables n'avait pas respecté les dispositions du code de la consommation, le contrat comportant une information inexacte en ce qui concerne le point de départ du délai de rétractation, de nature à les induire en erreur ; que les mentions figurant au bon de commande sont insuffisantes quant aux caractéristiques principales du matériel commandé, de sorte que le contrat est nul ; qu'ils se sont valablement rétractés par lettre du 15 novembre 2019.

Ils font valoir que pèse sur l'organisme de crédit un devoir de vigilance et de vérification de la régularité du contrat avant de débloquer les fonds ; qu'il a l'obligation de s'assurer de la complète exécution de l'opération financée avant de verser les fonds au prestataire ; que l'attestation de fin de travaux produite par la Sa Ca Consumer Finance, au vu de laquelle elle indique avoir versé la somme prêtée, n'est pas celle qu'ils ont signée ; qu'il s'agit d'un faux fabriqué par la Sasu Manche Energies Renouvelables et produit par la banque sans aucune vérification ; qu'ils ont déposé plainte pour faux en écriture ; qu'ils n'ont de même aucun souvenir d'avoir signé un document daté du 14 août 2019 intitulé « demande de financement » ; qu'eux-mêmes ont signé le 14 août 2019 un seul document comportant des réserves quant au bon fonctionnement de l'installation ; qu'ils ont été contactés téléphoniquement avant le déblocage des fonds par l'organisme de crédit et lui ont fait part de leurs réserves, précisant les dysfonctionnements de l'installation et l'absence de réponse de la Sasu Manche Energies Renouvelables ; que les fonds ont cependant été débloqués ; qu'il était de la responsabilité de la Sa Ca Consumer Finance de s'assurer qu'elle ne débloquait pas les fonds au profit d'une société sans scrupule qui a dupé de nombreux consommateurs.

Ils font valoir qu'ils rapportent la preuve d'un préjudice né des manquements de l'organisme prêteur, constatant notamment l'existence de dysfonctionnements de l'installation ; qu'outre que certains radiateurs ne fonctionnent plus, leur consommation d'électricité est plus élevée depuis l'installation du matériel litigieux ; que le préjudice né du mauvais fonctionnement de l'installation justifie l'allocation de 24 800 € à titre de dommages-intérêts ; qu'ils n'ont de même pas reçu l'aide du Trésor public promise par la société demanderesse à hauteur de 8 800 € ; qu'ils subissent enfin un préjudice moral, Monsieur [W] ayant notamment dû se mettre plusieurs fois en arrêt maladie sur des périodes assez longues, ce qui n'était pas le cas auparavant ; qu'il suit un traitement médicamenteux pour gérer son anxiété ; que ces préjudices sont en lien avec la faute de la Sa Ca Consumer Finance.

Par écritures notifiées le 27 mars 2023, la Sa Ca Consumer Finance a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, ainsi qu'à la condamnation de Monsieur et Madame [W] aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'aucune réglementation du code de la consommation ou des dispositions contractuelles ne prévoient que l'établissement prêteur puisse être tenu pour responsable de la non-conformité du bon de commande dont le contenu est établi et déterminé par le vendeur ; qu'il est également de jurisprudence que le prêteur ne commet aucune faute en débloquant les fonds lorsque le document signé par l'emprunteur fait état, sans la moindre ambiguïté, de l'exécution complète du contrat financé et qu'il n'est pas tenu d'opérer des vérifications complémentaires ; qu'en l'espèce, le bon de commande correspond à un formulaire régulièrement rempli que les appelants ont signé en toute connaissance de cause, de même que l'attestation de fin de travaux qui est particulièrement détaillée, justifiant qu'elle n'avait pas à s'assurer de la conformité du bon de commande auquel elle n'était pas partie ; que le fait que les époux [W] ont déposé plainte pour faux ne peut modifier le raisonnement retenu par le premier juge, en ce qu'aucun élément n'est produit quant au bien-fondé de leurs allégations de faux et qu'il ne peut pas être reproché au prêteur de n'avoir pas douté de la signature apposée sur l'attestation ; qu'elle disposait à titre complémentaire d'un document daté du 14 août 2019 intitulé « demande de financement » comportant à nouveau sous la signature d'un des emprunteurs une mention confirmant l'attestation de fin de travaux ; que les époux [W] ne peuvent pas tirer argument d'une lettre de l'association UFC - Que Choisir qui lui a été adressée le 12 novembre 2019, soit largement postérieurement à la demande de déblocage des fonds ; qu'elle n'a

pas plus été informée téléphoniquement par les emprunteurs de dysfonctionnements de l'installation.

Elle soutient que les appelants ne démontrent pas la preuve d'un préjudice en lien avec l'absence de vérification du contrat, qui ne peut consister ni en éventuel mauvais fonctionnement du nouveau système installé en remplacement de leur ancien chauffage, ni de l'éventuel non bénéfice de l'aide publique de 8 800 €, ni de l'insolvabilité actuelle du vendeur, dès lors qu'ils ont valablement pu exercer leur droit de rétractation à une époque où la Sasu Manche Energies Renouvelables n'était pas encore en liquidation judiciaire ; que le prononcé de la caducité du contrat de crédit implique le versement du capital prêté par les emprunteurs.

La Selarl SBCMJ, mandataire judiciaire, prise en sa qualité de liquidateur de la Sasu Manche Energies Renouvelables, à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées par acte signifié le 9 janvier 2023 à personne morale, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Il sera rappelé à titre liminaire que la caducité du contrat de vente en raison de l'exercice par les époux [W] de leur droit de rétractation n'est pas remise en cause en appel, les appelants estimant seulement, en tant que de besoin, mais à tort, que cette rétractation entraîne la nullité du contrat principal.

Sur les demandes dirigées contre la Sa Ca Consumer Finance :

Conformément aux dispositions de l'article L 221-27 du code de la consommation, l'exercice du droit de rétractation d'un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

L'organisme financier peut donc prétendre au remboursement du capital prêté.

Il est cependant de jurisprudence que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l'espèce, la Sa Ca Consumer Finance a versé les fonds à la société vendeuse antérieurement à l'exercice par les époux [W] de leur droit de rétractation, sur le fondement d'une attestation de fin de travaux en date du 14 août 2019, portant une signature au nom de Monsieur [A] [W], prononçant la réception des travaux sans réserve à cette date, ainsi que d'une demande de financement, portant également, à la date du 14 août 2019, une signature pour [A] [W], par laquelle ce dernier indique que le bien ou service financé, à savoir une pompe à chaleur et un ballon, financés pour un montant de 24 800 € pour une offre de contrat de crédit acceptée par l'acheteur le 8 juillet 2019, a été livré ou exécuté et est conforme au bon de commande.

Monsieur et Madame [W] contestent que la signature apposée sur l'attestation de fin de travaux soit celle de Monsieur [W] et font valoir que ce document est un faux fabriqué par la Sasu Manche Energies Renouvelables.

Ils versent aux débats un dépôt de plainte effectué le 24 janvier 2022 par laquelle Monsieur [W] indique que la signature apposée sur le document attestation de fin de travaux, qu'il n'a pas signé, ressemble à la sienne ainsi qu'une mention manuscrite « lu et approuvé » qui n'est pas de sa main ; que le document qu'il a signé le jour des travaux comprenait des réserves, qui ne figurent pas sur le document versé aux débats.

À supposer que cette signature, qui présente néanmoins des ressemblances avec celle de Monsieur [W], ne soit pas de la main de ce dernier, il est sans emport sur la solution du litige d'ordonner une vérification d'écriture, dans la mesure où la Sa Ca Consumer Finance s'est dessaisie des fonds sur production de la demande de financement ; que concernant ce document, Monsieur [W] déclare, dans un second dépôt de plainte en date du 30 septembre 2022, ne pas se souvenir avoir signé ce document de demande de financement et que ce document semble comporter sa signature ou une signature qui pourrait être la sienne.

Force est à cet égard de constater que la signature figurant sur cette demande de financement est strictement identique aux signatures de Monsieur [W] figurant sur des documents produits par les appelants à titre comparatif, de sorte que la cour peut se convaincre de ce que cette demande de financement a bien été signée par l'appelant ; qu'en tout état de cause, la Sa Ca Consumer Finance n'avait aucune raison de douter de l'authenticité de cette signature ; que la demande de financement contenait tous les

éléments permettant d'identifier le contrat et la prestation en question, de sorte qu'aucune faute n'est rapportée à l'encontre de l'organisme prêteur pour avoir versé les fonds au vu de ce document.

Il sera ajouté que les appelants ne rapportent aucune preuve de ce qu'au cours d'une conversation téléphonique antérieure au déblocage des fonds, ils auraient informé la Sa Ca Consumer Finance de l'existence de réserves dans la livraison et l'installation des biens et qu'ils s'opposaient à la libération des fonds au profit de la société vendeuse ; que la lettre que l'association UFC - Que Choisir a adressée à leur demande à l'organisme prêteur le 12 novembre 2019 est largement postérieur à la demande déblocage des fonds et n'établit pas plus la connaissance par l'intimée de dysfonctionnements dans l'exécution des prestations de la Sasu Manche Energies Renouvelables.

Si le contrat ne respecte pas les dispositions du code de la consommation en ce qu'il comporte un point de départ et un délai erroné quant à l'exercice du droit de rétractation, il sera relevé que Monsieur et Madame [W] ont néanmoins été en mesure d'exercer ce droit ; que la circonstance de ce que postérieurement, la Sasu Manche Energies Renouvelables a été placée en liquidation judiciaire, entraînant pour les appelants la nécessité de déclarer leur créance à la procédure collective de cette société, au lieu d'obtenir directement remboursement par le professionnel des sommes versées en application des dispositions de l'article L 221-24 du code de la consommation, n'est pas imputable à faute à la Sa Ca Consumer Finance.

De même, les appelants n'établissent aucune faute de la Sa Ca Consumer Finance en lien de cause avec un préjudice relativement à l'obligation pesant sur l'organisme prêteur de vérifier la régularité formelle du contrat, dans la mesure où ils allèguent n'avoir pas obtenu des aides financières et subventions d'État qui leur auraient été annoncées par la Sasu Manche Energies Renouvelables à l'occasion de la commande du matériel, mais n'apportent aucune preuve de ce que de telles aides leur auraient été promises et seraient entrées dans le champ contractuel ; qu'ils soutiennent de même, sans plus le démontrer, que le matériel, qui a été installé effectivement à leur domicile et mis en route, serait atteint de malfaçons, aucune pièce autre que leurs courriers et ceux envoyés pour leur compte n'établissant que les deux radiateurs du bureau ne fonctionnent pas et que le thermostat ne remplit pas ses fonctions ; qu'il n'est pas établis qu'ils soient privés de chauffage, en ce que les appelants ne versent aux débats qu'une facture en date du 6 septembre 2021 d'un montant de 165 € relative à une intervention du 3 septembre 2021 pour le changement d'une pièce sur la pompe à chaleur ainsi qu'une facture du 12 novembre 2023 d'un montant de 159,50 € relative à un dépannage de la pompe à chaleur, qui mentionne qu'à cette date la pompe à chaleur est à nouveau opérationnelle ; que l'absence de récurrence et le faible

montant des travaux engagés pour la maintenance d'un appareil de chauffage ne permettent pas d'établir l'existence de malfaçons tant de l'appareil lui-même que de son mode d'installation ; qu'il n'est en rien justifié que la facture en date du 30 octobre 2019 d'un montant de 1 200 € relative au changement de trois rangées du tableau électrique soit due à l'installation de la pompe à chaleur et non à la vétusté préexistante de l'installation électrique ; qu'enfin, le devis établi par la société Sani Chauffe le 27 avril 2021, d'un montant de 8 663,66 €, portant sur la mise en place et la fourniture d'une chaudière au gaz de marque Chappée, portant la mention selon laquelle l'entreprise ne souhaite pas engager sa responsabilité dans la remise en service de l'ancien matériel, c'est-à-dire la chaudière utilisée antérieurement à la mise en place de la pompe à chaleur par les époux [W], soit relatif à des travaux devant nécessairement être engagés, puisqu'il n'est nullement établi que la pompe à chaleur ne remplit pas son office ; qu'en tout état de cause, l'éventuel dysfonctionnement du matériel n'est pas en lien de causalité avec une éventuelle faute de la banque dans l'examen de la régularité du contrat.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [W] de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la Sa Ca Consumer Finance et en ce qu'il a fait droit à la demande de celle-ci en restitution du solde du capital prêté.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, les appelants seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner une vérification d'écriture,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [A] [W] et Madame [M] [N] épouse [W] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 22/03654
Date de la décision : 27/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-27;22.03654 ?
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