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24/05/2024 | FRANCE | N°22/01757

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 mai 2024, 22/01757


MINUTE N° 209/2024





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 24 mai 2024



Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 24 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01757 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2QC



Décision déférée à la cour : 18 Mars 2022 par le tr

ibunal judiciaire de SAVERNE





APPELANTE :



La Compagnie d'assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, représentée par son représentant légal audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]



représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

...

MINUTE N° 209/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 24 mai 2024

Le greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01757 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H2QC

Décision déférée à la cour : 18 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de SAVERNE

APPELANTE :

La Compagnie d'assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, représentée par son représentant légal audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

INTIMÉS :

1/ Monsieur [M] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

2/ Monsieur [X] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelé en intervention forcée :

3/ Monsieur [C] [D], imtimé sur appel provoqué

[Adresse 3]

[Localité 4]

assigné le 9 septembre 2022, par dépôt de l'acte en l'étude du commissaire de justice instrumentaire.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère

Madame Nathalie HERY, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE.

ARRÊT rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat du 18 juillet 2011, la SARL Europe Artenova a souscrit une police d'assurance responsabilité civile professionnelle auprès de la société Mutuelle des Architectes Français (la société MAF), avec effet au 16 juin 2011.

MM. [C] [D], [M] [Y] et [X] [K] ont, en date du 18 juillet 2011, apposé leur signature sur un document intitulé « Convention spéciale sociétés », en tant que « coobligés solidaires », tenus au paiement des cotisations d'assurance dues par la société Europe Artenova.

Par courrier du 21 novembre 2013, la société MAF a appelé la cotisation provisoire au titre de l'année 2014, en précisant qu'un solde serait dû au 31 mars 2015, calculé selon la déclaration des activités professionnelles 2014. Puis, par courrier du 12 décembre 2013, elle a réduit cette cotisation provisoire à la somme de 9 505,17 euros.

Le 20 décembre 2014, MM. [Y] et [K] ont cédé à M. [D] l'intégralité de leurs parts sociales dans la société Europe Artenova. Ils ont ultérieurement été licenciés pour motif économique.

La société Europe Artenova a été placée en liquidation judiciaire le 7 septembre 2015.

Par assignations délivrées les 6 et 11 décembre 2018, la société MAF a agi en paiement à l'encontre de MM. [Y] et [K] au titre des cotisations 2014 et 2015 non réglées par l'assurée.

Par acte du 10 mai 2021, MM. [Y] et [K] ont assigné M. [D] en intervention forcée.

Selon ordonnance du 22 octobre 2021, les deux dossiers ont été joints.

*

Par jugement réputé contradictoire du 18 mars 2022, le tribunal, devenu tribunal judiciaire, de Saverne a :

- déclaré la demande de la société MAF irrecevable, car prescrite, s'agissant des cotisations 2014 ;

- débouté la société MAF de sa demande de paiement à l'encontre de MM. [Y] et [K] s'agissant des cotisations postérieures ;

- condamné la société MAF à régler à MM. [Y] et [K] une indemnité de 2 000 euros au total au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens ;

- rejeté les plus amples demandes.

Le tribunal, au visa de l'article L. 114-1 du code des assurances, a constaté que le solde des cotisations 2014 réclamé par l'assureur était dû au 31 mars 2015 et que la MM. [Y] et [K] avaient été assignés par exploit signifié respectivement les 6 et 11 décembre 2018, de sorte que l'action de la société MAF était prescrite, et ce après avoir précisé que l'envoi d'un courrier recommandé qui aurait pu interrompre la prescription avait été adressé à la société Europe Artenova et non pas à MM. [Y] et [K], et qu'aucun courrier recommandé n'avait été adressé à cette société. Il a ajouté que les dispositions de l'article L. 622-28, alinéa 2 du code de commerce ne pouvaient trouver à s'appliquer dès lors qu'elles étaient incompatibles avec la règle spéciale du droit des assurances.

Le tribunal a ajouté, s'agissant des cotisations postérieures, que l'obligation au paiement des cotisations en cas de défaillance de la société assurée pesait sur les dirigeants et associés de ladite société, pour autant qu'ils aient toujours cette qualité à la date d'exigibilité de la dette. Il a ensuite relevé que MM. [Y] et [K] n'avaient jamais été dirigeants de la société Europe Artenova et avaient cédé leurs parts sociales le 20 décembre 2014, de sorte qu'ils n'étaient plus tenus au paiement des dettes de la société qui étaient nées postérieurement à la perte de leur qualité d'associé. Il a retenu qu'en ayant cédé leurs parts le 20 décembre 2014, le contrat « d'assurance » était devenu sans cause à leur égard au jour où la dette étaitt née et qu'ils ne pouvaient donc être tenus ni au paiement des cotisations de 2014 dues au 31 mars 2015, ni à celles de l'année 2015.

Enfin, le tribunal a indiqué qu'il ne saurait être reproché à MM. [Y] et [K] de ne pas avoir averti l'assureur de la cession des parts sociales, puisque cette information incombait à l'assurée, la société Europe Artenova, ainsi qu'à son dirigeant associé unique, M. [D].

*

La société MAF a interjeté appel de ce jugement le 29 avril 2022, en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2023, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

- débouter MM. [Y] et [K] de l'ensemble de leurs demandes, les dire mal fondées ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- en conséquence, condamner in solidum MM. [Y] et [K] à lui payer la somme de 42 021,87 euros, augmentée des intérêts légaux à compter des lettres de mise en demeure du 11 septembre 2017 ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner in solidum MM. [Y] et [K] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, elle conteste, d'abord, que son action au titre de l'arriéré de cotisation de l'exercice 2014 soit prescrite : elle considère qu'il résulte des articles L.622-28, alinéa 2 du code de commerce et 2234 du code civil que le délai de prescription n'a pas pu courir du fait de l'empêchement légal constitué par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Europe Artenova, et qu'il résulte du premier de ces textes que les poursuites ont été suspendues à l'égard de MM. [Y] et [K] du fait du jugement du 7 septembre 2015 plaçant la société Europe Artenova en liquidation judiciaire.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse, sa déclaration de créance par courrier recommandé du 30 octobre 2015 auprès du liquidateur a interrompu ce même délai.

D'autre part, elle soutient avoir régulièrement interrompu le délai de prescription à l'égard de MM. [Y] et [K] par l'envoi de mises en demeure selon courriers recommandés du 11 septembre 2017, qui, selon l'article L. 114-2 du code des assurances, interrompent régulièrement ce délai.

Elle rappelle que le contrat de la société Europe Artenova a été résilié à la date du placement en liquidation judiciaire le 7 septembre 2015, de sorte que ses seuls interlocuteurs étaient MM. [Y] et [K] en leur qualité de coobligés solidaires de la société Europe Artenova, qui étaient les seules personnes avec lesquelles un lien de droit perdurait. Elle considère qu'elle ne pouvait pas mettre la société Europe Artenova en demeure après ladite date.

Elle soutient que le contrat de la société Europe Artenova a été résilié de plein droit du fait de son placement en liquidation judiciaire, les cotisations arriérées n'étant pas payées et ce, conformément à l'article L. 641-11-1, III. du code de commerce. Elle considère que MM. [Y] et [K] ajoutent à la loi en subordonnant la possibilité de résilier le contrat pour défaut de paiement des cotisations à la condition que le liquidateur ait exigé la poursuite de l'exécution du contrat ; et qu'en toute hypothèse, ce débat est sans objet, dans la mesure où le liquidateur n'a pas souhaité la poursuite du contrat d'assurance, la société MAF prenant acte de cette volonté dans sa déclaration de créance sans recevoir aucun courrier de protestation du liquidateur, lequel a pris acte de la résiliation du contrat par la société MAF conformément à son souhait.

Sur le fond, elle soutient, d'une part, être recevable et bien fondée à agir à l'encontre de MM. [Y] et [K] en leur qualité de coobligés solidaires de la société Europe Artenova conformément à l'article 1103 du code civil. Elle fait valoir qu'ils ont signé, le 18 juillet 2011, en leur qualité d'associés de cette société, d'une part le contrat d'assurance de cette société, et, d'autre part, l'engagement de coobligé solidaire à garantir personnellement le paiement des cotisations d'assurance due par la société. Elle soutient qu'il n'est pas stipulé dans cet engagement que la cession des parts sociales et/ou le licenciement des associés signataires auraient pour effet d'annuler rétroactivement leur engagement. Elle ajoute qu'ils ne l'ont pas avisée en temps et en heure de la cession de leurs parts sociales et de leur licenciement.

Elle fait encore valoir qu'à supposer même, ce qu'elle conteste, que la validité de leur engagement de coobligé solidaire était subordonné à la qualité d'associé des signataires au jour de l'action en recouvrement, cet engagement serait privé d'efficacité puisqu'il a précisément pour objet de garantir le paiement des cotisations par ses signataires, demeurés associés ou non, en cas de défaillance de la société assurée.

D'autre part, elle soutient être recevable et bien fondée à recouvrir le recouvrement de sa créance contre le ou les débiteurs solidaires de son choix, en application de l'article 1313, alinéa 2 du code civil, de sorte qu'il importe peu qu'elle n'ait pas agi contre M. [D].

En réplique au moyen adverse selon lequel l'engagement de coobligé solidaire ne serait pas valable, au motif qu'il s'agirait en réalité d'un cautionnement ne contenant pas les mentions obligatoires des articles L. 341-2 et L. 341-3 anciens du code de la consommation, elle soutient agir à leur encontre en leur qualité de débiteurs solidaires coobligés et non de prétendues cautions. Elle précise que l'engagement de coobligé solidaire n'était soumis à aucune des mentions manuscrites invoquées par les intimés, dès lors que les dispositions invoquées sont propres au cautionnement et que l'article 1326 ancien du code civil ne concerne pas les contrats synallagmatiques créant des obligations réciproques à l'égard des parties, ce qui est le cas dudit contrat, la contrepartie de leur engagement solidaire résidant dans la garantie des risques par la MAF. Elle ajoute, qu'en l'espèce, la stipulation de solidarité ressort clairement de l'acte.

S'agissant de la cotisation forfaitaire sollicitée au titre de l'année 2015, elle invoque les articles 8.211 et 8.212 des conditions générales du contrat selon lesquelles en cas de non fourniture d'une déclaration d'activité professionnelle, l'assureur peut, par lettre recommandée, mettre en demeure le sociétaire d'y satisfaire sous dix jours et peut, à défaut d'exécution dans ce même délai, mettre en recouvrement une cotisation forfaitaire s'élevant à 150 % de la cotisation de l'année précédente, ainsi que l'article 8.121 selon lequel la résiliation du contrat rend immédiatement exigible les déclarations d'activités professionnelles et les cotisations correspondantes.

Soutenant que le contrat d'assurance a été résilié le 7 septembre 2015, elle considère que c'est à cette date que devait être établie la déclaration d'activités professionnelles au titre de l'année 2015. Elle ajoute qu'eu égard au terme 'peut' figurant à l'article 8.211, la mise en demeure préalable à la mise en recouvrement d'une cotisation forfaitaire, losque la déclaration des activités professionnelles n'a pas été communiquée dans le délai imparti, n'est qu'une possibilité laissée à sa discrétion.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions datées du 1er septembre 2022, transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, MM. [Y] et [K] concluent au rejet de l'appel principal et forment appel provoqué à l'égard de M. [D]. Ils demandent à la cour de :

A titre principal :

- déclarer l'appel interjeté par la société MAF mal fondé, le rejeter ;

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause, débouter la société MAF de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire sur appel provoqué :

- déclarer leur appel provoqué régularisé à l'encontre de M. [D] recevable et bien fondé ;

- y faisant droit, infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

- condamner M. [D] à les relever intégralement indemnes de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre des cotisations impayées ;

- condamner M. [D] à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des frais et dépens qui pourraient être mis à leur charge ;

En tout état de cause :

- condamner la MAF ou toute partie succombante à leur régler une indemnité de 3 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens d'appel.

Ils invoquent, d'abord, l'irrecevabilité de l'action en paiement de la cotisation au titre de l'année 2014, pour cause de prescription : au visa de l'article L. 114-1 du code des assurances, ils soutiennent qu'au regard de la date d'exigibilité des cotisations 2014, soit le 31 mars 2015, et de la date de l'assignation, soit les 6 et 11 décembre 2018, cette action est prescrite à leur encontre.

Ils considèrent que la société MAF fait une lecture erronée de l'article L. 622-28 alinéa 2 du code de commerce, inapplicable au cas d'espèce dans la mesure où le jugement du 7 septembre 2015 est un jugement de liquidation judiciaire qui, par nature, n'empêche nullement les créanciers d'agir à l'encontre des personnes physiques coobligées.

En outre, si la déclaration de créance de la société MAF auprès du liquidateur par courrier recommandé du 30 octobre 2015 a valablement interrompu la prescription, le délai de deux ans a recommencé à courir à l'issue de cet envoi, pour expirer en date du 30 octobre 2017, soit bien avant la signification de la présente assignation.

Enfin, ils contestent que l'envoi de la lettre recommandée à leur égard puisse être interruptif de prescription, et soutiennent que la société MAF fait une lecture erronée de l'article L. 114-2 du code des assurances, qui prévoit l'interruption de la prescription en cas d'envoi d'une lettre recommandée à l'assuré, en l'espèce la société Europe Artenova alors qu'en l'espèce aucune lettre recommandée n'a été adressée à cette dernière. Ils en déduisent l'absence de diligence interruptive de prescription depuis la déclaration de créaance du 30 octobre 2015.

Pour répondre à la société MAF qui soutient ne pas avoir pu envoyer de courrier à la société Europe Artenova, ils font valoir que la liquidation judiciaire d'un assuré n'emporte pas disparition de sa personnalité juridique, qui subsiste jusqu'à la clôture de la liquidation, de sorte qu'elle était en mesure d'envoyer une lettre recommandée au liquidateur, et ce même en cas de résiliation du contrat, ce qu'elle n'a pas fait.

En tout état de cause, ils soutiennent que la lettre de mise en demeure prétendument envoyée à M. [K] ne l'a été qu'en lettre simple, et ne peut donc être considérée comme interruptive de prescription au regard de l'article L.114-2 du code des assurances.

Sur le fond, ils font valoir qu'ils ne sauraient être tenus au paiement des cotisations sollicitées puisqu'ils n'ont jamais été dirigeants et n'étaient plus, depuis le 20 décembre 2014, associés au jour de l'exigibilité de la dette, c'est-à-dire le 31 mars 2015. Ils soutiennent que l'obligation de paiement des cotisations en cas de défaillance de la société assurée pèse uniquement sur les dirigeants et associés de la société à la date d'exigibilité de la dette.

Ils ajoutent qu'il résulte du paragraphe 2 « obligations de l'adhérent » qu'il incombait à la société Europe Artenova d'avertir l'assureur de toute modification au sein de la répartition du capital social, et qu'il ne peut donc leur être reproché de ne pas avoir eux-mêmes averti l'assureur, outre que le contrat ne prévoit pas l'inopposabilité d'une telle modification à l'assureur.

A titre subsidiaire, au visa des articles 2288 du code civil, 12 du code de procédure civile et L. 341-2 et L. 341-3 anciens du code de la consommation, ils soutiennent que leur obligation doit être requalifiée en cautionnement. Ils font valoir que la société Europe Artenova était la débitrice principale des primes d'assurance et qu'ils se sont engagés à satisfaire aux obligations de paiement de celle-ci, si elle n'y satisfaisait pas elle-même, de sorte que leur obligation a un caractère accessoire et que l'acte doit être requalifié en contrat de cautionnement. En l'absence des mentions manuscrites obligatoires requises à peine de nullité des articles L.341-2 et L. 341-3 anciens susvisés du code de la consommation, ils concluent que leur engagement de caution est nul et sans effet. En outre, ils contestent qu'il s'agisse d'un contrat synallagmatique. S'il existe un contrat synallagmatique, il se trouve entre l'assureur et l'assuré, et il n'existe aucune contrepartie à leur engagement. Il n'y a aucune obligation réciproque entre l'assureur et eux-mêmes.

A titre infiniment subsidiaire, ils invoquent l'absence de bien fondé de la demande en paiement du solde de la cotisation 2015, faisant valoir que la société MAF ne démontre pas avoir mis en demeure le liquidateur de déclarer les activités professionnelles de la société Europe Artenova pour l'année 2015, de sorte que, n'ayant pas respecté l'article 8.211 des conditions générales, elle ne saurait se prévaloir de la majoration des cotisations prévue à l'article 8.212. Ils considèrent que l'application de la cotisation forfaitaire est intrinsèquement liée à la clause précédente, qu'elles forment un tout indivisible, l'une étant la conséquence de l'autre, et que ce n'est qu'à défaut de réponse à la mise en demeure de l'assureur, que la cotisation forfaitaire peut s'appliquer.

Enfin, ils forment un appel provoqué à l'égard de M. [D] afin que, dans l'hypothèse où la cour retiendrait leur responsabilité, il les garantisse, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, de toute condamnation prononcée à leur encontre, dès lors qu'il a commis une faute, d'une part, en s'abstenant de procéder au règlement des cotisations litigieuses et, d'autre part, en s'abstenant de communiquer à la société MAF les déclarations d'activités professionnelles ayant entraîné le cas échéant la majoration discutée.

*

Par acte délivré, par dépôt en l'étude, le 9 septembre 2022, MM. [Y] et [K] ont signifié à M. [C] [D] la déclaration d'appel de la société MAF et leurs conclusions du 1er septembre 2022 et l'ont assigné. Celui-ci n'a cependant pas constitué avocat.

En application de l'article 473 du code de procédure civile, l'arrêt sera donc rendu par défaut à l'égard de M. [D].

*

Par ordonnance du 7 février 2023, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 8 mars 2024.

Les conseils des parties ont été invitées à produire, par note en délibéré, leurs observations sur les effets dans le temps de l'interruption de la prescription résultant de la déclaration de créance. Aucune partie n'a déposé de note en délibéré.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1. Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, opposée à l'action en paiement de la cotisation de l'année 2014 :

L'action exercée par la société MAF à l'égard des intimés est fondée sur leur engagement du 18 juillet 2011 de coobligés solidaires à garantir personnellement le paiement des cotisations d'assurance dues par la société Europe Artenova au titre du contrat d'assurance souscrit pour cette dernière, par MM. [D], [Y] et [K], auprès de la société MAF le même jour.

Les dispositions de l'article L.622-28 alinéa 2 du code de commerce ne sont pas, en l'espèce, de nature à suspendre le cours du délai de prescription, puisqu'il prévoit que 'le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie', alors qu'en l'espèce, la société Europe Artenova a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 7 septembre 2015.

Le prononcé de la liquidation judiciaire de l'assuré ne constituait ainsi pas une cause légale empêchant l'assureur d'agir à l'encontre des coobligés solidaires.

En revanche, MM. [Y] et [K] admettent qu'en l'espèce, la déclaration de créance effectuée le 30 octobre 2015, a interrompu le délai de prescription à leur égard, mais soutiennent que le délai de deux ans a recommencé à courir à l'issue de cet envoi et qu'il n'existe aucun acte interruptif de prescription. En revanche, la société MAF soutient avoir régulièrement interrompu le délai de prescription à l'égard de MM. [Y] et [K] par l'envoi de mises en demeure selon courriers recommandés du 11 septembre 2017, soit moins de deux ans après la déclaration de créance, conformément à l'article L.114-2 du code des assurances.

Or, ainsi que soulevé lors des débats, l'interruption du délai de prescription résultant de la déclaration de créance se poursuit jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire.

En effet, selon l'article L.622-25-1 du code de commerce, la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites.

Dès lors qu'il n'est ni soutenu ni démontré que la liquidation judiciaire de la société Europe Artenova ait été clôturée, il en résulte que le délai de prescription de l'action à l'égard de MM. [Y] et [K], interrompu par la déclaration de créance effectuée le 30 octobre 2015, l'est toujours, et en tous les cas, l'était lors de l'assignation de ces derniers.

L'action en paiement engagée contre MM. [Y] et [K] n'est donc pas prescrite.

Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en paiement concernant les cotisations de l'année 2014.

2. Sur le fond :

Aux termes de la 'convention spéciale sociétés' indiquant que l'adhérent est la SARL Europe Artenova, souscrite par MM. [D], [Y] et [K], sous l'intitulé 'co-obligés solidaires', il est convenu en particulier que:

'1. Définition : Pour l'exécution du contrat, on entend par adhérent la société désignée aux conditions particulières, ainsi que les dirigeants sociaux, les associés ou l'associé unique, co-obligés solidaires, à raison des actes accomplis au sein de la société.

2. Obligations de l'adhérent : L'adhérent déclarera à l'assureur, dans les formes prévues à l'article 5 des conditions générales, toute modification de la répartition des parts sociales, toute modification, par les dirigeants sociaux, les associés ou l'associé unique, du mode d'exercice de leur profession et, plus généralement, toute modification des statuts.

3. Obligations des dirigeants sociaux, des associés ou de l'associé unique : Les dirigeants sociaux, les associés ou l'associé unique sont tenus au paiement des cotisations d'assurance dues par la société à l'assureur solidairement avec celle-ci. L'assureur ne peut poursuivre l'action en paiement contre les dirigeants sociaux, les associés ou l'associé unique, co-obligés solidaires, qu'après mise en demeure restée infructueuse de la société. Toutefois, l'assureur peut poursuivre cette action en paiement contre les dirigeants sociaux, les associés ou l'associé unique sans mise en demeure préalable de la société en cas de redressement ou liquidation judiciaire de celle-ci'.

Il en résulte que MM. [Y] et [K], qui étaient alors associés de la société Europe Artenova, ont souscrit cet engagement en leur qualité d'associés.

La cession de leurs parts sociales n'est cependant pas opposable à la société MAF, puisqu'elle n'a pas été portée à sa connaissance.

MM. [Y] et [K] ne peuvent donc s'en prévaloir, même si le contrat ne prévoit pas expressément la sanction de l'inopposabilité, et ce en application de l'effet relatif des contrats.

Cependant, il résulte des termes de leur engagement que celui-ci est accessoire à celui de la société Europe Artenova. Leur engagement consiste en effet à payer la dette de cette société, qui est la débitrice principale, et ce, lorsqu'elle n'y satisfait pas elle-même, puisqu'ils ne peuvent être poursuivis qu'après mise en demeure restée infructueuse de la société, à moins qu'elle soit mise en redressement ou liquidation judiciaire.

Or, aux termes de l'article 2288 du code civil, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.

Leur engagement doit donc être qualifié de cautionnement.

Celui-ci ne comportant pas les mentions manuscrites prescrites par les articles L. L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction alors applicable, il est donc nul.

Les demandes de la société MAF seront dès lors rejetées tant au titre des cotisations 2014, la cour statuant à nouveau sur ce point, qu'au titre des cotisations ultérieures, le jugement étant confirmé de ce chef.

3. Sur les frais et dépens :

La société MAF succombant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en son appel, elle supportera les dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer à M. [Y] et à M. [K] la somme de 1 500 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa propre demande sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt prononcé par défaut à l'égard de M. [D], publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 18 mars 2022, sauf en ce qu'il a déclaré la demande de la société Mutuelle des Architectes Français irrecevable, car prescrite, s'agissant des cotisations 2014 ;

L'INFIRME de ce seul chef ;

Statuant à nouveau du chef infirmé :

DÉCLARE recevable l'action en paiement de la société Mutuelle des Architectes Français au titre des cotisations 2014 ;

REJETTE la demande en paiement de la société Mutuelle des Architectes Français dirigée contre M. [M] [Y] et M. [X] [K] ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société Mutuelle des Architectes Français aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société Mutuelle des Architectes Français payer à M. [M] [Y] et à M. [X] [K] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros), chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la société Mutuelle des Architectes Français au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01757
Date de la décision : 24/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-24;22.01757 ?
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