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16/05/2024 | FRANCE | N°22/00894

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 mai 2024, 22/00894


MINUTE N° 202/2024















































Copie exécutoire

aux avocats



Le 16 mai 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 16 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00894 -

N° Portalis DBVW-

V-B7G-HZBE



Décision déférée à la cour : 19 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTE :



La SAS HAMMAM ET TRADITIONS

prise en la personne de son représentant légal audit siège

ayant siège [Adresse 2] à [Localité 5]



représentée par Me Raphaël REINS, Avocat à la cou...

MINUTE N° 202/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 16 mai 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00894 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZBE

Décision déférée à la cour : 19 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE :

La SAS HAMMAM ET TRADITIONS

prise en la personne de son représentant légal audit siège

ayant siège [Adresse 2] à [Localité 5]

représentée par Me Raphaël REINS, Avocat à la cour

plaidant : Me Marie-Claire VIOLIN, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE :

La S.A.S. STELL ET BONTZ

prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 3]

représentée par la SELARL ARTHUS, Avocats à la cour

plaidant : Me Sylvia DA COSTA - DAUL, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie HERY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation le 3 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 30 juillet 2014, la SAS Stell et Bontz a établi un devis d'un montant de 125 285,80 euros lequel a été accepté pour la SAS Hammam et Traditions portant sur la réalisation de travaux d'aménagements intérieurs d'un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 5] (67).

Par la suite, la société Hammam et Traditions a signé dix devis complémentaires portant le montant total du marché à la somme de 152 160,46 euros TTC.

Le 24 janvier 2019, la société Stell et Bontz a fait assigner la société Hammam et Traditions devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de voir prononcer la réception judiciaire des travaux et de condamnation à lui payer des factures.

Par jugement du 19 novembre 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance a :

débouté la société Hammam et Traditions de son exception de prescription ;

prononcé la réception judiciaire des travaux réalisés au profit de la société Hammam et Traditions par la société Stell et Bontz dans l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5] à la date du 1er décembre 2014 ;

condamné la société Hammam et Traditions à payer à la société Stell et Bontz la somme de 19 574,71 euros au titre du solde des travaux augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 février 2017 ;

débouté la société Hammam et Traditions de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'une exception d'inexécution ou pour procédure abusive ;

débouté la société Stell et Bontz de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral ;

condamné la société Hammam et Traditions à payer à la société Stell et Bontz la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Hammam et Traditions aux dépens.

Sur la prescription soulevée par la société Hammam et Traditions, le tribunal a indiqué qu'à la date des travaux, un consommateur était défini comme une personne physique et que la notion de non professionnel avait été introduite par ordonnance du 14 mars 2016, de sorte que la société Hammam et Traditions ne pouvait être considérée comme ayant la qualité de consommateur et bénéficier de la protection du code de la consommation.

Il a retenu que le délai de prescription s'appliquant au règlement d'une facture entre deux entreprises était de cinq ans et en a déduit que l'action introduite en date du 24 janvier 2019 pour des travaux acceptés suivant devis initial du 23 juillet 2014 et devis supplémentaires signés par la suite n'était pas prescrite.

Sur la demande en paiement du solde des travaux, le tribunal a considéré, d'une part, que la signature des différents devis par la société Hammam et Traditions laquelle était assistée d'un maître d''uvre professionnel et avait réglé tous les acomptes prouvait, sans équivoque, l'acceptation des travaux et de leur coût et que cette dernière apparaissait mal fondée de prétendre avoir été abusée, sans le moindre élément de preuve, alors que les annotations sur les devis confirmaient qu'elle les avait étudiés et, d'autre part, qu'elle avait été capable de discerner que certains postes des devis complémentaires avaient déjà été chiffrés, la pratique de l'établissement de devis pour des travaux complémentaires n'étant pas inusuelle.

Faisant état de ce que la société Hammam et Traditions avait accepté l'ensemble des travaux et leur coût, il en a déduit qu'elle devait être condamnée au paiement de la somme de 19 574,71 euros correspondant au paiement du solde des travaux réalisés, soulignant que celle-ci faisait valoir des critiques sans consistance et réclamait subitement de façon illégitime la mise en oeuvre d'une expertise qui ne se justifiait pas.

Sur la réception judiciaire des travaux, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, le tribunal a relevé que la société Hammam et Traditions avait refusé de signer le procès-verbal de réception même avec réserves, certaines émises lors d'une réunion contradictoire du 25 avril 2017 ayant donné lieu à l'intervention de la société Stell et Bontz pour y remédier (radiateurs et pompe à parfums).

Il en a déduit qu'au regard des pièces produites et de la discussion des parties que l'ouvrage était en état d'être reçu en décembre 2014, que la société Hammam et Traditions avait été en mesure d'exploiter son activité à compter de cette date et que son refus de signer le procès-verbal de réception était motivé par la volonté de ne pas régler à la société Stell et Bontz le solde des travaux réalisés, rappelant que l'existence d'une non-conformité n'empêchait pas le prononcé d'une réception judiciaire des travaux sauf à démontrer qu'elle rendait l'immeuble impropre à sa destination et que le seul critère d'appréciation de la réception judiciaire tenait à la situation des travaux.

Il a donc fait droit à la demande de la société Stell et Bontz en ordonnant la réception judiciaire des travaux au 1er décembre 2014.

Le tribunal a ajouté qu'en cohérence avec les développements ci-dessus, la demande reconventionnelle de la société Hammam et Traditions fondée sur une exception d'inexécution qu'elle ne démontrait pas devait être rejetée ainsi que la demande en paiement de dommages et intérêts pour un préjudice qu'elle n'établissait pas ou pour procédure abusive.

Il a débouté la société Stell et Bontz de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, du fait de l'absence de publicité particulière donnée au litige.

La société Hammam et Traditions a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 2 mars 2022.

L'instruction a été clôturée le 5 septembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022, la société Hammam et Traditions demande à la cour de :

déclarer son appel recevable et bien fondé ;

faire droit à l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions ;

déclarer les demandes de l'intimée irrecevables, en tous cas mal fondées ;

les rejeter ;

débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions y compris s'agissant d'un appel incident ;

infirmer le jugement du 19 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté la prescription ;

et statuant à nouveau :

constater la prescription de l'action en paiement entreprise par la société SAS Stell et Bontz pour de prétendues factures complémentaires de travaux à son égard ;

en conséquence :

à titre principal :

déclarer irrecevable comme prescrite l'action introduite par la SAS Stell et Bontz à son égard ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SAS Stell et Bontz la somme de 19 574,71 euros ;

débouter la société SAS Stell et Bontz de sa demande ;

subsidiairement :

infirmer le jugement du 19 novembre 2021 en déclarant la demande de la SAS Stell et Bontz irrecevable voire mal fondée en infirmant sa condamnation à payer à la SAS Stell et Bontz la somme de 19 574,71 euros au titre du solde des travaux augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017 ;

à titre très subsidiaire :

dire et juger que la créance de la SAS Stell et Bontz à son égard s'élève à 3 218,21 euros ;

infirmer le jugement entrepris s'agissant de la condamnation de la SAS Hammam et Traditions en ce qui concerne l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros pour la procédure de première instance ;

débouter l'intimée de sa demande basée sur l'article 700 du code de procédure civile à ce titre ;

condamner la SAS Stell et Bontz à lui payer :

au titre de l'exception d'inexécution et du préjudice subi des dommages et intérêts, au titre des articles 1231-1 du code civil évalués à 5 000 euros,

une somme de 2 000 euros à titre de procédure abusive,

2 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SAS Stell et Bontz aux entiers frais et dépens de la présente procédure.

La société Hammam et Traditions expose que, dans l'urgence, elle a accepté un devis global soumis par la société Stell et Bontz pour un montant relativement élevé de 125 285 euros TTC puis qu'est survenu un litige, compte tenu des désordres nécessitant des reprises sur les travaux et de très nombreuses facturations complémentaires de postes prétendument non compris dans le devis initial de la société Stell et Bontz.

Sur la prescription, la société Hammam et Traditions expose que les travaux exécutés par la société Stell et Bontz à son profit constituent des prestations d'un commerçant pour l'aménagement du local d'un professionnel qui gère un hammam et qui exerce donc son activité commerciale dans un tout autre domaine que celle de la réalisation de travaux, de sorte qu'elle doit être assimilée à un consommateur et bénéficier de la protection mise en place par le code de la consommation qui institue notamment un délai de prescription de deux ans pour la réclamation du paiement des factures entre un professionnel et un consommateur.

Elle précise qu'en 2014, elle a payé la somme totale de 132 585,75 euros TTC, soit supérieure au marché initial, pour les travaux entrepris et achevés la même année, de sorte que l'action introduite le 24 janvier 2019 est atteinte par la prescription de deux ans, la société Stell et Bontz étant ainsi prescrite à invoquer l'absence de paiement d'un prétendu surcoût sur les travaux entrepris et ce, d'autant plus qu'elle a elle-même demandé à ce que judiciairement la réception des travaux soit fixée au 1er décembre 2014, ce qui a été accepté par le tribunal.

Elle soutient que, dès avant l'ordonnance du 14 mars 2016, dans la loi Hamon du 17 mars 2014 que cette ordonnance a modifiée, le professionnel était défini comme toute personne physique ou morale publique ou privée agissant à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale libérale ou agricole, étant ainsi considérée comme non professionnel toute personne physique ou morale pour tout contrat conclu en dehors de son objet social.

Elle ajoute que la Cour de cassation a décidé d'assimiler au non professionnel la personne morale qui agit en dehors de son domaine d'activité habituelle pour lui accorder le bénéfice des dispositions consuméristes de la loi du 10 janvier 1978.

Elle fait valoir qu'au regard de son objet social, « bains traditionnels et soins corporels qui s'y rapportent » lequel est totalement distinct des travaux qu'elle a fait entreprendre dans son local avant l'ouverture de son commerce, elle doit être considérée comme non professionnel en la matière et doit donc bénéficier de la prescription du code de la consommation.

Subsidiairement, la société Hammam et Traditions soutient que la créance de la société Stell et Bontz n'est ni certaine ni exigible puisqu'il n'y a pas eu de facturation.

Elle argue de ce que la société Stell et Bontz lui a proposé initialement, à titre concurrentiel, un devis global de 125 285,80 euros pour finalement lui demander paiement d'une somme correspondant à une augmentation de plus de 30% du devis initial, et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 1104 du code civil, étant souligné que, d'une part, la connaissance et la spécialité de la société Stell et Bontz devaient lui imposer de conseiller utilement le client et de lui faire une estimation globale réaliste dès l'origine de l'ensemble des travaux et que, d'autre part, elle n'avait pas de maitre d''uvre ou d'architecte mais uniquement un architecte d'intérieur.

Elle fait valoir que la lecture de ces différents devis permet de constater une complète opacité et un imbroglio évident et surtout un ajout par rapport aux travaux initiaux de plus de 30 000 euros et souligne qu'elle a dû renoncer à d'importants postes de travaux, de sorte que c'est un différentiel de 60 000 euros qui existe entre le devis initial et le montant finalement réclamé par la société Stell et Bontz pour les postes réellement effectués.

Elle argue de ce que les dates des différents documents prouvent que la société Stell et Bontz n'avait pas une vue globale et correcte des travaux et a utilisé la naïveté des créateurs de la société Hammam et Traditions et surtout l'urgence dans laquelle ils se trouvaient d'obtenir la réalisation des travaux pour faire souscrire systématiquement des devis complémentaires qui n'auraient pas dû être établis puisque ces travaux étaient prévisibles au départ lorsque la société a fait son offre de marché préalable.

Elle prétend que la société Stell et Bontz ne produit pas de facture globale complète et finale fixant sa créance de manière certaine liquide et exigible puisqu'elle ne s'appuie que sur des devis complémentaires dont certains postes sont en doublon existant déjà dans le devis initial et qui modifiaient le marché initial, les dispositions de l'article L.441-9 du code de commerce n'ayant pas été respectées.

Très subsidiairement, la société Hammam et Traditions fait état de ce que le poste entier de travaux de peinture n'a pas été réalisé par la société Stell et Bontz, de sorte qu'il doit être enlevé du devis initial pour la somme de 13 630,45 euros HT soit 16 356,54 euros TTC.

Elle considère donc devoir la somme de 3 218,21 euros qu'elle décompose comme suit :

total des devis initial et complémentaires : 160 250,72 euros

dont à déduire :

devis avoir à déduire 20141094 : 8 090,40 euros

poste peinture (avoir) : 16 356,54 euros

acomptes incontestables reconnus par la société Stell et Bontz : 132 585,71 euros.

S'agissant de la réception, la société Hammam et Traditions expose que le procès-verbal du 1er décembre 2014 signé que par la société Stell et Bontz contenait des réserves dont une portant sur le réglage des pompes à parfum lesquelles ne fonctionnent pas, ce qui explique qu'elle n'ait pas signé le procès-verbal de réception, le problème lié aux pompes à parfum étant insoluble.

Elle considère qu'au vu des désordres existants, la demande de réception judiciaire de la société Stell et Bontz doit être rejetée.

La société Hammam et Traditions forme une demande reconventionnelle de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros fondée sur l'exception d'inexécution et les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, arguant de ce que sans expertise et sans analyse précise des postes de travaux qui pour certains sont à la fois inclus dans le devis initial et dans les devis complémentaires, il est impossible de déterminer les comptes entre les parties en l'absence de facturation.

La société Hammam et Traditions argue de ce que la demande formée en justice par la société Stell et Bontz est manifestement abusive puisqu'elle se prétend créancière alors qu'elle n'a ni fini le chantier ni facturé de manière loyale ses prestations, de sorte que la somme de 2 000 euros doit lui être allouée à ce titre.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, la société Stell et Bontz demande à la cour de :

rejeter l'appel de la société Hammam et Traditions comme non fondé ;

confirmer le jugement rendu le 19 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions ;

condamner la société Hammam et Traditions à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Hammam et Traditions aux dépens.

La société Stell et Bontz, reprenant la motivation du jugement entrepris, considère que son action tendant au paiement des travaux qu'elle a réalisés n'est pas prescrite. Elle souligne qu'à la date des relations contractuelles en cause, un consommateur était exclusivement défini comme une personne physique, la notion de non professionnel n'ayant été introduite que par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 comme « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ».

Sur le caractère liquide, certain et exigible de sa créance, la société Stell et Bontz fait valoir que la signature des différents devis par la société Hammam et Traditions matérialise l'acceptation des travaux et de leur coût, soulignant que cette dernière était assistée d'un maître d''uvre en la personne d'un architecte.

Elle argue de ce qu'il est fréquent, en cas de rénovation et/ou de transformation de locaux que des travaux complémentaires soient demandés par le client, soulignant que la société Hammam et Traditions a versé des acomptes pour un montant supérieur au devis initial et que les factures qu'elle a émises correspondent aux montants des devis signés, aucun poste « en doublon » n'existant.

La société Stell et Bontz conteste l'existence d'un avoir complémentaire au bénéfice de la société Hammam et Traditions. Elle souligne qu'elle a adressé à cette dernière toutes ses factures lesquelles n'ont fait l'objet d'aucune contestation à réception notamment s'agissant du lot peinture, les seuls éléments de preuve produits par l'appelante consistant en de succincts et subjectifs témoignages des proches des gérants de la société.

Sur la réception des travaux, la société Stell et Bontz indique qu'elle n'a pas été possible puisqu'elle s'est systématiquement heurtée au refus de la société Hammam et Traditions. Elle entend rappeler que la mise en 'uvre des travaux aux fins de levée des réserves n'est envisageable qu'après signature du procès-verbal de réception par le maître d'ouvrage. Elle précise que lors de la réunion contradictoire du 25 avril 2017, la société Hammam et Traditions a indiqué que certains travaux n'apportaient pas entière satisfaction et a refusé de signer le procès-verbal de réception ; par courrier recommandé du 17 mai 2017, elle a notamment rappelé à la société Hammam et Traditions que, s'agissant des bruits de radiateurs, le problème avait été rectifié et que s'agissant de la pompe à parfum, la société Hammam et Traditions avait fait état de ce qu'une société tierce était intervenue et avait procédé à des modifications, étant souligné que le procès-verbal ne mentionnait qu'un «réglage» et non un dysfonctionnement de cette pompe.

Elle considère donc que l'ouvrage était en état d'être reçu par la société Hammam et Traditions dès le 1er décembre 2014, celle-ci ayant été en mesure d'exploiter l'immeuble et d'exercer son activité d'hammam et spa à compter de cette date, le refus de signer le procès- verbal de réception ayant pour seul motif celui de ne pas régler le solde des travaux.

Elle fait état de ce que la jurisprudence n'exige pas que la date d'achèvement des travaux soit connue pour prononcer une réception judiciaire des travaux. Elle reprend à son compte sur ce point la motivation du jugement entrepris.

La société Stell et Bontz conteste la demande de dommages et intérêts formulée par la société Hammam et Traditions pour procédure abusive, le préjudice allégué n'étant pas justifié. Elle reprend également à son compte la motivation du jugement entrepris sur ce point.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réception

La cour constate que, bien que développant des moyens sur la réception, la société Hammam et Traditions, aux termes de son dispositif, ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire des travaux réalisés au profit de la société Hammam et Traditions par la société Stell et Bontz dans l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 5] à la date du 1er décembre 2014, de sorte que le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de factures

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Stell et Bontz

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription sollicitée à titre principal

La société Hammam et Traditions entend se prévaloir des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation alors qu'à la date des travaux, cet article n'existait pas pour avoir été créé par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, l'article L.137-2 du même code alors applicable disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

A cette même date, le consommateur était défini par le code de la consommation comme une personne physique, de sorte que le délai de prescription de deux ans de l'article L.137-2 du code de la consommation n'est pas applicable, celui de cinq ans prévu par les dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce l'étant, la société Hammam et Traditions admettant que la société Stell et Bontz a agi en paiement d'un solde sur factures quatre ans après les travaux.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Hammam et Traditions de son « exception », en réalité fin de non-recevoir, tirée de la prescription.

Sur l'irrecevabilité de la demande de la société Stell et Bontz sollicitée à titre subsidiaire

La société Hammam et Traditions ne faisant valoir aucun autre moyen d'irrecevabilité, la cour n'a pas à statuer sur ce point. 

Sur le fond

Tous les devis produits par la société Stell et Bontz ont été signés pour la société Hammam et Traditions et donc acceptés, sans que cette dernière démontre en quoi la signature de plusieurs devis complémentaires caractérise la mauvaise foi de la société Stell et Bontz dans l'exécution de leurs relations contractuelles, le premier juge, ayant avec pertinence, relevé que les devis avaient été discutés et que la société Hammam et Traditions était assistée d'un maître d''uvre professionnel. La société Stell et Bontz produit les factures correspondant aux devis, lesquelles ont été établies le 30 avril 2016, aucune d'entre elles ne dépassant les montants visés dans les devis correspondants, un avoir de 8 090,40 euros TTC ayant, en outre, été établi, peu important que la société Stell et Bontz n'ait pas établi une facture globale, étant souligné que la société Hammam et Traditions fait état de « doublons » dans les devis, qu'elle ne caractérise pas.

La société Hammam et Traditions soutient que le poste peinture facturé n'a pas été effectué et demande donc à ce qu'il soit déduit des sommes sollicitées par la société Stell et Bontz soit 16  356,54 euros TTC. Ce poste a été prévu dans le devis initial du 23 juillet 2014 dont le montant total s'élevait à 125 285, 80 euros TTC. La société Hammam et Traditions a payé au total la somme de 132 585,71 euros et ce, à titre d'acomptes, lesquels ont été imputés en priorité sur le devis initial, de sorte qu'ils ne valent pas reconnaissance de l'exécution du poste peinture. Dans le courrier du 15 mars 2017 déjà cité, la société Hammam et Traditions a fait état de ce que le poste peinture avait été réalisé par ses soins. Elle en justifie par la production de plusieurs attestations de témoins qui indiquent l'avoir aidée à réaliser les travaux de peinture. La somme de 16 356, 54 euros demandée par la société Stell et Bontz au titre du poste peinture n'est donc pas due.

La société Hammam et Traditions est donc redevable envers la société Stell et Bontz de la somme de 160 250,86 euros TTC (125 285,80 € + 4 835,76 € + 5 084,90 € + 987,60 € + 1024,73 € + 2 447,66 € + 14 031,31 € + 276 € + 1 980,48 € + 4 296,62 €) dont à déduire celle de 8 090,40 euros TTC (avoir 20161569), celle de 16 356,54 euros TTC (poste peinture) et celle de 132 585,71 euros (acomptes versés) soit un solde de 3 218,21 euros TTC.

Dès lors, il y a lieu de condamner, au titre du solde des travaux, la société Hammam et Traditions à payer à la société Stell et Bontz la somme de 3 218,21 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 février 2017. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la société Hammam et Traditions

Au titre de l'exception d'inexécution

La cour constate que, bien que développant des moyens sur l'exception d'inexécution et le préjudice subi et sollicitant, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la société Stell et Bontz à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros à ce titre, la société Hammam et Traditions, aux termes de son dispositif, ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exception d'inexécution, de sorte que le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur le fondement de l'abus de procédure

La cour constate que, bien que développant des moyens sur l'abus de procédure et sollicitant, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la société Stell et Bontz à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros à ce titre, la société Hammam et Traditions, aux termes de son dispositif, ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de sorte que le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs, étant souligné que devant le premier juge, la société Hammam et Traditions n'avait ni fait état ni justifié de ce qu'elle avait réalisé elle-même le poste peinture.

A hauteur d'appel, il y a lieu de décider que chaque partie doit supporter la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes d'indemnités formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 19 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Hammam et Traditions à payer à la société Stell et Bontz la somme de 19 574,71 euros au titre du solde des travaux augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 février 2017 ;

LE CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel ;

Statuant de nouveau sur le seul point infirmé et y ajoutant :

CONDAMNE la SAS Hammam et Traditions à payer à la SAS Stell et Bontz, au titre du solde des travaux, la somme de 3 218,21 euros (trois mille deux cent dix-huit euros et vingt-et-un centimes) TTC avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017 ;

DIT que chaque partie doit supporter la charge de ses propres dépens de la procédure d'appel ;

DÉBOUTE la SAS Hammam et Traditions et la SAS Stell et Bontz de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00894
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.00894 ?
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