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14/05/2024 | FRANCE | N°22/01408

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 14 mai 2024, 22/01408


MINUTE N° 24/370





















































Copie exécutoire

à :



- avocat

- délégué syndical



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 14 MAI 2024


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Décision déférée à la Cour : 17 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR





APPELANTE :



Madame [R] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par M. [Z] [K] (Délégué syndical ouvrier)





INTIMEE :

...

MINUTE N° 24/370

Copie exécutoire

à :

- avocat

- délégué syndical

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 14 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01408 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ5S

Décision déférée à la Cour : 17 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame [R] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par M. [Z] [K] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

S.A.S. NEWBAKERY DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 841 .06 1.1 04

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Aurélie GRENARD, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 mars 2013, la société Boulangerie Wilson Soultz a embauché Mme [R] [S] en qualité de vendeuse ' préparatrice de produits traiteur ; à compter du 1er juin 2016, la salariée a été promue au poste de responsable adjointe de magasin ; en 2018, l'activité a été reprise par la société Newbakery développement, auprès de laquelle le contrat de travail s'est poursuivi. Le 9 juin 2021, l'employeur a avisé la salariée de la fermeture prochaine du magasin de Soultz où elle travaillait, et de son affectation au magasin de [Localité 5] à compter du 21 juin 2021. Mme [R] [S] a refusé cette nouvelle affectation et, par lettre du 5 juillet 2021, a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par jugement du 17 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Colmar, après avoir dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission, a débouté Mme [R] [S] de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Newbakery développement la somme de 769,55 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre une indemnité de 700 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le conseil de prud'hommes a considéré que le contrat de travail conclu le 20 mars 2013 fixait le lieu de travail de manière seulement indicative et qu'il prévoyait expressément une clause de mobilité applicable dans les limites du département du Haut-Rhin, que la société Newbakery développement n'avait commis aucun manquement à ses obligations en avisant la salariée de son changement d'affectation dans le délai prévu par le contrat de travail et que la salariée avait refusé à tort de rejoindre sa nouvelle affectation.

Le 7 avril 2022, Mme [R] [S] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 janvier 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 12 mars 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions datées du 17 juin 2022, Mme [R] [S] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que la prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de débouter la société Newbakery développement de sa demande d'indemnité de préavis, et de la condamner au paiement des sommes de 24 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 4 000 et 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 4 000 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] [S] reproche à la société Newbakery développement d'avoir fermé le site où elle travaillait, de lui avoir imposé des congés payés du 21 au 27 juin 2021 et de l'avoir maintenue dans une situation d'angoisse pesante ; ainsi l'employeur l'aurait laissée sans travail et aurait engagé une procédure de licenciement à son encontre seulement après la prise d'acte de rupture. Outre l'absence de fourniture des moyens d'exercer la prestation de travail, Mme [R] [S] reproche à la société Newbakery développement de ne plus l'avoir payée à compter du 28 juin 2021. Mme [R] [S] ajoute qu'elle avait informé la société Newbakery développement de son refus de la mutation qui lui avait été proposée et qu'il appartenait à l'employeur de renoncer à cette proposition ou de la licencier s'il estimait son refus fautif.

Mme [R] [S] conteste l'application de la clause de mobilité prévue par son contrat de travail en soutenant, d'une part, que le bénéfice de cette clause n'a pas été transféré au nouvel employeur et, d'autre part, que la société Newbakery développement en a fait un usage déloyal en ne prenant pas en compte les conséquences de cette mutation sur la vie familiale de sa salariée, ni l'absence de transports en commun compatibles avec les horaires de travail.

Par conclusions déposées le 9 août 2022, la société Newbakery développement demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de préavis, de le réformer de ce chef et de condamner Mme [R] [S] au paiement de la somme de 1 905,55 euros ; elle sollicite également une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Newbakery développement conteste avoir manqué à ses obligations ; elle aurait avisé la salariée de la fermeture du magasin de Soultz dès le mois de février 2021, elle aurait mis en 'uvre la clause de mobilité prévue par le contrat de travail, alors que la salariée était informée depuis le mois de février 2021 de la fermeture prochaine du magasin de Soultz, et elle ne l'aurait pas contrainte à prendre des congés la semaine suivant la fermeture de ce magasin ; constatant l'absence de Mme [R] [S] de son nouveau lieu de travail à l'issue de ces congés, elle aurait engagé une procédure de licenciement, laquelle n'aurait pas été menée à son terme compte tenu de la lettre de prise d'acte de rupture envoyée par la salariée. La société Newbakery développement soutient qu'elle n'a pas mis en 'uvre la clause de mobilité dans la mesure où la mention du lieu de travail dans le contrat était purement indicative et que le nouveau lieu se trouvait dans le même secteur géographique que le précédent.

Pour solliciter le paiement d'une indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire, la société Newbakery développement invoque les dispositions de la convention collective.

SUR QUOI

Sur la rupture du contrat de travail

Ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, le contrat de travail conclu entre la société Boulangerie Wilson Soultz et Mme [R] [S] prévoyait que celle-ci prenait « l'engagement d'accepter tout changement de lieu de travail nécessité par l'intérêt de fonctionnement de l'entreprise » dans les limites du Haut-Rhin, à charge pour l'employeur d'informer la salariée « dans un délai minimum de 48 heures à l'avance ».

Ce contrat de travail s'est poursuivi auprès de la société Newbakery développement, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui prévoit que le contrat de travail subsiste, et Mme [R] [S] n'invoque aucune circonstance qui justifierait que le nouvel employeur ne puisse invoquer toutes les stipulations de ce contrat, notamment la clause de mobilité ci-dessus.

La mise en 'uvre de cette clause de mobilité n'était pas soumise à l'acceptation par la salariée du nouveau lieu de travail, lequel pouvait être décidé unilatéralement par l'employeur.

Il n'est pas contesté que le magasin de Soultz où Mme [R] [S] travaillait a fermé le vendredi 18 juin 2021 au soir, ce qui constituait un motif légitime de mise en 'uvre de la clause de mobilité, et la société Newbakery développement a avisé la salariée du nouveau lieu de travail, situé dans le département du Haut-Rhin, par une lettre recommandée du 9 juin, reçue le 14.

Aucun élément ne permet de caractériser une quelconque déloyauté dans la mise en 'uvre de la clause de mobilité ; notamment, l'employeur n'était pas tenu de proposer à la salariée un quelconque avantage salarial en contrepartie de la mise en 'uvre de cette clause et Mme [R] [S] ne caractérise, dans les modalités de mise en 'uvre, aucune circonstance démontrant que l'employeur lui aurait imposé des conditions de travail inhabituelles rendant particulièrement difficile d'exécuter sa prestation de travail à [Localité 5].

Par ailleurs, Mme [R] [S] soutient faussement que la société Newbakery développement lui aurait imposé de prendre des congés du 21 au 27 juin 2021, alors qu'elle a elle-même sollicité ces congés le 11 juin 2021, en toute connaissance de la date de fermeture du magasin de Soultz et alors même que l'employeur lui proposait, par lettre du 9 juin 2021, de travailler à [Localité 5] dès le 21 juin 2021.

En outre, la société Newbakery développement n'était nullement tenue de licencier la salariée dès réception de la lettre manifestant le refus de celle-ci de rejoindre son nouveau lieu de travail ou immédiatement après avoir constaté l'abandon de poste. Au contraire, la société Newbakery développement a cherché à prendre en considération le refus de la salariée d'accepter le nouveau lieu de travail en lui proposant une rupture conventionnelle, puis, après avoir constaté l'absence de la salariée à son nouveau lieu de travail, de renoncer à la prise d'acte de rupture au profit d'une procédure de licenciement. Mme [R] [S] est dès lors mal fondée à soutenir que l'employeur aurait adopté une attitude déloyale à la suite de son refus de rejoindre le nouveau lieu de travail.

Enfin, Mme [R] [S] est mal fondée à reprocher à la société Newbakery développement de l'avoir privée de travail, alors que l'employeur lui avait légitimement désigné un nouveau lieu d'exécution du travail, et de l'avoir privée de rémunération, alors que l'employeur n'était pas tenue de la rémunérer pour un travail qui n'était pas effectué.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture produisait les effets d'une démission et en ce qu'il a débouté Mme [R] [S] de ses demandes.

Sur l'indemnité de préavis

Pour contester le montant de la somme qui lui a été octroyé au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la société Newbakery développement soutient que le délai prévu par la convention collective en cas de démission d'un salarié s'élève à un mois.

Cependant, conformément à une jurisprudence constante (cf. notamment Colmar, 6 octobre 2023, affaire n°21/4619), le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que le principe posé par l'article L. 2251-1 du code du travail impose de considérer que la première phrase de l'article L. 1234-17-1 du même code s'applique aux seuls employeurs, lesquels sont d'ailleurs seuls expressément mentionnés aux articles précédents de la même sous-section, et que les salariés sont seulement tenus de respecter les délais légaux, conformément à la seconde phrase de ce même article, et sauf disposition conventionnelle qui leur serait plus favorable.

Au surplus, la société Newbakery développement invoque à tort la convention collective nationale de la restauration rapide alors que les bulletins de paie délivrés à Mme [R] [S] démontrent que l'employeur avait, en tout état de cause, entendu se soumettre à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie dont l'article 32 prévoit que le salarié doit à son employeur deux semaines de préavis même lorsque son ancienneté est supérieure à deux années.

Il convient, en conséquence, de rejeter son appel incident et de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne l'indemnité de préavis.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

Mme [R] [S], qui succombe à titre principal, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce, notamment le fait que l'intimée succombe sur son appel incident, justifient de condamner Mme [R] [S] à payer à la société Newbakery développement une indemnité limitée à 1 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE Mme [R] [S] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Newbakery développement une indemnité de 1 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition le 14 mai 2024 signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/01408
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.01408 ?
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