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14/05/2024 | FRANCE | N°22/00866

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 14 mai 2024, 22/00866


CKD/KG





MINUTE N° 24/401





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 14 MAI 2024



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00866

N° Portalis DBVW-V-B7G-HY7S



Décision déférée à la Cour : 01 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR



APPELANTE :



Madame [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Laurent BUFFLER, avocat au barreau de COLMAR



INTIMEE :



...

CKD/KG

MINUTE N° 24/401

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 14 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00866

N° Portalis DBVW-V-B7G-HY7S

Décision déférée à la Cour : 01 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent BUFFLER, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

Association [Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc STROHL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [O] [P] née le 21 juillet 1972 a été embauchée par l'association [Adresse 2] exploitant une maison de retraite à compter du 22 juin 2009 par contrats à durée déterminée en qualité d'assistante de vie, suivi par un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide-soignante à partir du 14 avril 2011.

Le 20 novembre 2018 la salariée a été victime d'un accident du travail dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance-maladie. Il s'agissait d'une chute sur le côté droit.

Elle a dès le 07 décembre 2018 sollicité une rupture conventionnelle du contrat de travail, refusée par l'employeur.

Une visite de préreprise, à la demande de la salariée, a eu lieu le 19 mars 2019, et concluait à un aménagement du poste.

Lors de la visite de reprise du 14 juin 2019, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude avec les mesures d'aménagement du poste.

La salariée a saisi le juge des référées prud'homales d'une contestation de cet avis d'aptitude. Après avoir ordonné une mesure d'expertise confiée à un médecin inspecteur, par ordonnance du 28 octobre 2020 le conseil des prud'hommes de Colmar statuant à la formation de référé a débouté Madame [P] de l'ensemble de ses demandes, et a validé l'avis d'aptitude du 14 juin 2019 dans son contenu. Un arrêt de la cour d'appel de céans du 15 juin 2021 a confirmé l'ordonnance.

Madame [P] convoquée à deux visites médicales de reprise le 25 juillet 2019 et le 02 août 2019 ne s'est pas présentée aux convocations du médecin du travail.

Par courrier daté par erreur du 30 mai 2019, et reçu par l'employeur le 31 juillet 2019, Madame [P] a démissionné de ses fonctions pour des " faits et agissements graves ", et au motif que l'aménagement de poste n'est pas conforme à ses missions d'aide-soignante et n'assurait pas sa sécurité physique. Elle ajoutait qu'elle n'exécuterait pas le préavis.

Par courrier de réponse du 02 août 2019 l'employeur analysait cette démission comme n'étant pas claire et non équivoque, de sorte qu'elle s'apparente à une prise d'acte de rupture. Il écrit que compte-tenu de l'imbroglio existant, et sauf clarification quant à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, il considère que la relation de travail se poursuit.

Par courrier du 04 septembre 2019 en l'absence de réponse, l'employeur déclare adresser les documents de fin de cas contrat avec comme motif de rupture, une démission.

Par mail du 09 septembre 2019 la salariée réplique que son contrat se poursuit.

Madame [P] a le 28 juillet 2020 saisi le conseil des prud'hommes de Colmar afin de faire juger que la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'association à lui verser différentes indemnités, outre des rappels de congés payés.

Par jugement du 1er février 2022 le conseil des prud'hommes a débouté Madame [P] de l'ensemble de ses demandes au titre d'une rupture sans cause réelle et sérieuse, y compris la remise des documents sous astreinte.

Il a cependant condamné l'association à lui payer la somme de 147,10 € au titre des congés payés prélevés à tort en mai 2019 avec les intérêts à compter du 3 août 2020.

Il a par ailleurs condamné Madame [P] à payer à l'association [Adresse 2] la somme de 2.102,50 € à titre de dommages et intérêts pour non-exécution du préavis, ainsi que 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a rappelé l'exécution provisoire de plein droit, et dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par déclaration du 24 février 2022, Madame [P] a interjeté appel de ce jugement.

Selon dernières conclusions transmises par voie électronique le 05 janvier 2023 Madame [O] [P] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf s'agissant du montant alloué au titre des congés payés.

Elle demande à la cour statuant à nouveau de juger et qualifier la rupture du contrat de travail comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Condamner l'association de la maison de retraite [Adresse 2] à lui verser les sommes de :

* 11 900,15 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 4.205 € au titre du non-respect du préavis,

* 420,50 € au titre des congés payés afférents,

* 21.025 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 355,48 € brut pour quatre jours de congés payés retirés en mai 2019,

* 88,88 € brut au titre d'un jour de congés payés retirés en juin 2019,

* 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande également que l'association soit condamnée à lui remettre sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt les fiches de paye correspondant aux mois indemnisés à l'employeur par la sécurité sociale en tenant compte du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait continué à travailler.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 04 aout 2022 l'association [Adresse 2] sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 147,10 €.

Statuant à nouveau elle demande à la cour d'infirmer le jugement sur ce point, et de débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la rupture du contrat de travail

- Sur la requalification de la démission en prise d'acte

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Cependant s'il résulte de circonstances antérieures, ou contemporaines de la démission qu'à la date où elle a été donnée, celle-ci est équivoque. Le juge doit l'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits le justifient, ou dans le cas contraire d'une démission.

En l'espèce dans sa lettre de démission que la salariée elle-même date dans ses conclusions du 30 juillet 2019 dans ses conclusions, elle écrit notamment :

" En raison de faits et agissements graves que je vous reproche et sur lesquelles je ne reviendrais pas ici, j'ai l'honneur de vous informer de ma décision de démissionner de mes fonctions.

En l'état d'un aménagement de poste qui n'est pas conforme à mes missions d'aide-soignante et qui ne m'assure pas ma sécurité physique, je vous informe que je n'exécuterai pas mon préavis.

Je vous remercie de m'adresser à réception l'ensemble des documents obligatoires ' "

La salariée soutient à titre principal qu'il ne s'agit pas d'une démission, et que celle-ci a été refusée par l'employeur.

Il convient cependant de rappeler que la démission est un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, et qui ne suppose nullement l'acceptation de l'employeur.

En l'espèce il résulte du propre courrier de Madame [P] que celle-ci décide de démissionner de ses fonctions, et par ailleurs de ne pas exécuter son préavis. Contrairement à ses affirmations il s'agit bien d'une démission.

Cependant cette démission est équivoque, en ce que la salariée l'impute et à des faits et agissements graves de l'employeur, et à une contestation de l'aménagement de son poste.

Par conséquent la démission doit être analysée en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits reprochés sont avérés, et dans le cas contraire les effets d'une démission.

- Sur les griefs reprochés par la salariée

Madame [P], pas davantage que dans sa lettre de démission, n'explicite ce que seraient les " faits et agissements graves " qu'elle impute à l'employeur.

Elle reproche par ailleurs à l'employeur de ne pas l'avoir réintégrée dans son poste d'aide-soignante, mais de lui assigner de nombreuses tâches correspondant à un poste d'assistante de vie, et soutient également que l'aménagement du poste est contraire aux restrictions médicales en ce qu'on lui demandait d'assurer la désinfection des lits.

À l'issue de la visite de reprise du 14 juin 2019, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude avec aménagement du poste qu'il détaille expressément ainsi : " pas d'effort de tirer-pousser avec le membre supérieur droit. Pas de manipulations répétées avec le membre supérieur droit avec charges supérieures à 3 kg. Élévation du membre supérieur droit au-dessus du plan des épaules uniquement occasionnelles et sans utilisation de la force ".

Suite à cet avis d'aptitude l'employeur a listé les tâches confiées à Madame [P], ainsi que les tâches interdites. Ce document est approuvé par le médecin du travail le 14 juin 2019 qui l'a signé, et y a apposé son cachet.

Au terme de son expertise du 02 juin 2020, le médecin inspecteur du travail a expressément conclu que le poste proposé d'aide-soignante respectait les préconisations du médecin du travail. L'ordonnance de référé du 28 octobre 2020 a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de sorte que l'aménagement du poste prévu dans l'avis d'aptitude du 14 juin 2019 est définitif.

Par conséquent les contestations de la salariée quant à sa mise en danger, ou à l'aménagement du poste ne peuvent être que rejetées.

En outre l'employeur en listant très précisément les tâches, qui sont conformes aux préconisations du médecin du travail, établit que 70 % d'entre elles relèvent des fonctions d'aide-soignante lorsqu'elle travaillait en équipe du matin, et de 80 % lorsqu'elle travaillait en équipe de l'après-midi. Enfin les tâches annexes relèvent occasionnellement des fonctions d'aide-soignante.

Il apparaît qu'en réalité cet aménagement de poste était envisagé pour une période transitoire de deux mois permettant de suivre l'évolution de la pathologie, et que Madame [P] a fait preuve d'une absence de collaboration tant avec l'employeur, qu'avec le médecin du travail quant à l'aménagement de son poste, voire d'une mauvaise foi certaine.

En effet si elle a effectué neuf visites auprès de médecins du travail entre le 6 décembre 2018 et le 14 juin 2019 (selon l'expertise), elle s'est dès la visite de préreprise du 19 mars 2019 opposée à ce que le médecin du travail adresse cet avis à l'employeur. Ses énergiques dénégations sur ce point ne sont pas pertinentes, puisque le médecin du travail écrit dans un mail du 16 avril 2019 que " Madame [P] ne nous a pas autorisé à vous transmettre les préconisations de la visite de pré reprise du 19 mars 2019 ". Suite aux dénégations de la salariée, il ajoute dans un second mail du 7 mai 2019 " je vous confirme que Madame [P] ne nous a pas donné son accord à la transmission (') en refusant de signer en bas de page " documents destiné à l'employeur avec l'accord du salarié " ".

En second lieu, et ceci a également été relevé par le médecin inspecteur, la salariée s'est à nouveau placée en arrêt maladie du 12 juin au 14 juillet sans en avertir ni l'employeur, ni le médecin du travail qui pourtant effectuait une visite de reprise le 14 juin 2019, qui en réalité s'avérait inutile.

Ainsi une nouvelle visite médicale de reprise s'imposait, et Madame [P], à deux reprises, ne s'est pas rendue aux convocations du médecin du travail prévues les 25 juillet, et 02 août 2019, rendant ainsi particulièrement difficile l'aménagement du poste permettant de la réintégrer dans le service.

Puis la salariée a démissionné le 30 juillet 2019, avant d'affirmer qu'elle n'a jamais démissionné.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que les griefs imputés par la salariée à l'employeur à l'appui de sa décision de rupture ne sont pas établis.

Par conséquent la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, et le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de tous les chefs de demandes liées à la rupture.

- Sur le remboursement du préavis

Le jugement déféré est également confirmé en ce qu'il a condamné la salariée en application de l'article 15.1 de la convention collective nationale EHAP à verser à l'employeur la somme de 2.102,50 € représentant un mois de salaire au titre de l'inexécution du préavis. Il est rappelé qu'elle indique expressément dans son courrier de rupture qu'elle n'exécutera pas le préavis.

- Sur la remise de documents rectifiés

La rupture produisant les effets d'une démission, il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à rectifier, ou établir des fiches de paye en tenant compte du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait continué de travailler.

Le jugement déféré est également confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

2. Sur les rappels de congés payés, et les remises

- Sur les congés payés de mai 2019

Le conseil des prud'hommes a parfaitement analysé les pièces en relevant un retrait de quatre jours de congés payés du 06 au 12 mai soit 355,48 €, puis une régularisation à hauteur de 208,38 € de sorte que c'est à juste titre qu'il a condamné l'employeur à payer le solde de 147,10 €. Le jugement est confirmé sur ce point.

La cour ne peut que constater que ces difficultés résultent une nouvelle fois de l'attitude de la salariée qui n'a transmis son arrêt maladie que 10 jours après son premier jour d'absence, alors que les bulletins de paye étaient traités. Par ailleurs les conclusions de la salariée ne tiennent nul compte de la régularisation effectuée par l'employeur.

- Sur les congés payés de juin 2019

Il résulte de la procédure que la salariée était en absences injustifiées le 11 juin 2019. Il apparaît en effet qu'elle se trouvait en arrêt maladie jusqu'au 9 juin, et que l'arrêt suivant ne débutait que le 12 juin. Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé que l'employeur avait à juste titre retenu la somme de 88,88 €.

3. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est confirmé s'agissant des frais irrépétibles, et des frais et dépens.

A hauteur de cour Madame [P] qui succombe en l'intégralité de ses prétentions est condamnée aux entiers dépens de la procédure, et que par voie de conséquence sa demande de frais irrépétibles est rejetée.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à l'association intimée une somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Colmar le 1er février 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [O] [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

DEBOUTE Madame [O] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [O] [P] à payer à l'association [Adresse 2] une somme de 500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024, signé par Mme Christine DORSCH, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/00866
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.00866 ?
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