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14/05/2024 | FRANCE | N°22/00523

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 14 mai 2024, 22/00523


MINUTE N°24/365





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 14 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire généra

l : 4 A N° RG 22/00523 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYMT



Décision déférée à la Cour : 13 Janvier 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A.S. KREUTTER PLN, en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL HARTMANN & CHARLIER, mandataire liquidateur,

[Adresse 1]

...

MINUTE N°24/365

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 14 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00523 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYMT

Décision déférée à la Cour : 13 Janvier 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. KREUTTER PLN, en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL HARTMANN & CHARLIER, mandataire liquidateur,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de COLMAR

INTIMES :

Monsieur [W] [M]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Raphaël REINS, avocat au barreau de COLMAR

L'AGS/CGEA [Localité 2], représentée par son représentant légal,

[Adresse 6]

[Localité 2]/France

Régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ROBIN, Président de chambre (chargé du rapport)

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées,

- signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Bretzels Roland a embauché M. [W] [M] en qualité d'aide boulanger à compter du 21 avril 2011 ; à compter du 1er décembre 2017, le contrat de travail s'est poursuivi auprès de la société Kreutter PLN. Par lettre recommandée du 18 septembre 2020, cette société a licencié M. [W] [M] pour faute grave en lui reprochant de graves problèmes d'hygiène et d'avoir porté des mentions inexactes sur une feuille de présence.

M. [W] [M] a contesté ce licenciement.

Par jugement du 13 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Mulhouse, après avoir dit que le licenciement de M. [W] [M] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société Kreutter PLN au paiement des sommes de 918,75 euros au titre de la rémunération de la mise à pied conservatoire, 91,87 euros au titre des congés payés afférents, 3 500 et 350 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 4 112,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement, et 13 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le conseil de prud'hommes a également ordonné, sous astreinte, la remise de documents de fin de contrat rectifiés et a alloué à M. [W] [M] une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le conseil de prud'hommes a considéré, en ce qui concerne l'entretien des locaux, que le défaut de respect des normes d'hygiène dans l'établissement de la société Kreutter PLN était incontestable, mais que l'employeur ne faisait pas état des règles qu'il avait mises en place pour respecter ces normes, et qu'en outre, il ne démontrait pas que M. [W] [M] avait travaillé durant la période au cours de laquelle des audits avaient révélé le défaut de respect des normes, ni le contenu de la formation qui aurait été dispensée à M. [W] [M] ; en ce qui concerne la feuille de présence, le conseil de prud'hommes a relevé que la société Kreutter PLN ne justifiait pas d'avoir établi un quelconque planning de travail, ni d'avoir jamais sanctionné un quelconque défaut de respect des horaires, et qu'elle ne démontrait pas que le salarié avait inscrit faussement des horaires de travail sur le document qu'elle produisait.

Le 2 février 2022, la société Kreutter PLN a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 6 avril 2022, la société Kreutter PLN a été placée en redressement judiciaire ; ce redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 18 mai 2022. Les organes de la procédure sont intervenus à la présente instance. L'AGS-CGEA de [Localité 2] a également été assignée.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 16 janvier 2024, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 12 mars 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

* *

Par conclusions déposées le 27 février 2023, le liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN demande à la cour de réformer le jugement déféré, de débouter M. [W] [M] de toutes ses demandes, de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de déclarer la décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 2].

Le liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN expose que, par lettre du 20 juin 2020, la dirigeante de l'entreprise a alerté les salariés sur l'hygiène douteuse des lieux de fabrication et l'absence d'entretien du matériel, qu'elle a fait réaliser un audit le 16 juillet 2020, dont le résultat a été porté à la connaissance de M. [W] [M], mais qu'un nouvel audit effectué le 28 août 2020 a révélé l'absence d'amélioration, alors même que M. [W] [M] avait suivi, en janvier 2019, une formation en matière d'hygiène. De plus, avec deux collègues, M. [W] [M] aurait volontairement mentionné des horaires de travail erronés sur la feuille de présence mise à leur disposition, en indiquant faussement avoir travaillé jusqu'à 1 heure 30, alors qu'il était absent à 23 heures 15 le 1er septembre 2020. Ces manquements caractériseraient une faute grave. Les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise ne seraient pas à l'origine du licenciement simultané de plusieurs salariés en raison des mêmes fautes.

En réponse aux conclusions de M. [W] [M], le liquidateur judiciaire conteste l'existence d'un licenciement collectif pour motif économique déguisé en licenciements disciplinaires, en indiquant que les salariés licenciés simultanément ont tous été remplacés ; il ajoute que le défaut de respect de règles d'hygiène connues du salarié constitue une faute disciplinaire, que la falsification des horaires de travail est établie et qu'au surplus, M. [W] [M] ne conteste pas qu'il aurait dû travailler jusqu'à 1 heure 30 les nuits où son absence a été constatée par huissier avant minuit.

Par conclusions déposées le 15 janvier 2024, M. [W] [M] demande à la cour de constater que le liquidateur judiciaire et l'AGS-CGEA de [Localité 2] ont été mis en cause, de confirmer le jugement déféré sauf à fixer ses créances sur la liquidation judiciaire aux sommes allouées par le conseil de prud'hommes pour ce qui concerne la mise à pied conservatoire, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement ; il sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Kreutter PLN à lui payer la somme de 13 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclame que sa créance de ce chef soit fixée à la somme de 15 000 euros ; enfin il sollicite une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et demande que la décision à intervenir soit déclarée opposable à l'AGS-CGEA.

M. [W] [M] invoque l'existence d'un avertissement du 20 juin 2020 ayant épuisé le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits commis jusqu'à cette date et conteste avoir commis des fautes en soulignant que l'employeur ne démontre même pas qu'il travaillait au moment où le premier audit a été réalisé et que lui-même était en vacances lors du second audit ; l'employeur ne justifierait pas davantage des consignes données en matière d'hygiène, ni de l'organisation du travail, et il n'aurait pas fourni aux salariés le matériel nécessaire au nettoyage. En ce qui concerne les fausses mentions portées sur une feuille de présence, M. [W] [M] indique que le document auquel l'employeur se réfère n'est pas signé et qu'il ne peut être vérifié ; aucun élément ne permettrait d'affirmer que les salariés devaient être présents lorsque l'huissier a fait des constatations, alors qu'il n'existait pas d'horaires de travail fixes.

Assignée à personne le 1er août 2022, l'AGS-CGEA de [Localité 2] n'a pas constitué avocat.

SUR QUOI

Sur la cause du licenciement

La lettre de licenciement reproche à M. [W] [M], d'une part, de graves problèmes d'hygiène ayant persisté malgré une lettre du 20 juin 2020 remise en main propre à tous les salariés et, d'autre part, d'avoir faussement indiqué sur la feuille d'horaires du 1er septembre 2020 qu'il avait travaillé jusqu'à 1h30.

En ce qui concerne le manquement aux règles d'hygiène, la société Kreutter PLN n'invoque aucun fait précis commis personnellement par M. [W] [M] et constitutif d'une violation des obligations du contrat de travail ; au contraire, alors que la société Kreutter PLN expose qu'à la suite d'un « audit » réalisé le 16 juillet 2020, et malgré une « journée de remise en normes hygiène » organisée le 12 août, le défaut de respect des normes applicables a de nouveau été constaté lors d'un « contre-audit » du 28 août 2020, elle reconnaît elle-même dans la lettre de licenciement que M. [W] [M] était en congé du 9 au 29 août 2020. Elle est donc manifestement mal fondée à imputer l'état des locaux constaté le 28 août 2020 au comportement du salarié alors que celui-ci n'avait pas travaillé au cours de la période écoulée depuis le 12 de ce mois, date de la « remise aux normes hygiène ».

En ce qui concerne la fausse mention d'un horaire de travail, la société Kreutter PLN se contente de produire un procès-verbal de constat démontrant que le 1er septembre 2020 à 23 heures 15 une seule salariée était présente dans les locaux et qu'une feuille affichée dans la salle de repos portait, sur la ligne « 01 sept 20 » et dans une colonne destinée à noter les heures de départ, la mention manuscrite « 1h30 » sous le prénom « [W] » ; aucun élément ne permet d'attribuer cette inscription à M. [W] [M] ; notamment, la société Kreutter PLN ne s'explique pas sur les horaires de travail dans l'entreprise, elle ne justifie pas de la manière dont elle mesurait le temps de travail de ses salariés et ne produit aucun document similaire démontrant qu'elle comptabilisait le temps de travail effectif de ses salariés en fonction de déclarations journalières. Dès lors, il n'est pas démontré que M. [W] [M] a apposé de fausses mentions sur la feuille d'horaires dont l'huissier a constaté la présence et aucun manquement à ses obligations contractuelles n'est caractérisé.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [W] [M] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

Le conseil de prud'hommes a fait une juste évaluation des sommes dues à M. [W] [M] au titre de la rupture du contrat de travail.

En ce qui concerne notamment l'indemnité allouée en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [W] [M] ne produit aucun élément permettant d'affirmer que la somme de 13 000 euros serait insuffisante au regard des conséquences dommageables du licenciement. Il convient donc de rejeter son appel incident sur ce point.

En revanche, conformément à sa demande, il convient de fixer la créance de M. [W] [M] sur la liquidation judiciaire de la société Kreutter PLN aux sommes allouées en première instance.

Le conseil de prud'hommes a ordonné à juste titre la remise de bulletins de paie ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés.

En appel, le liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN ne justifie pas de la remise à M. [W] [M] d'un certificat de travail mentionnant son ancienneté réelle dans l'entreprise et le salarié ne peut être contraint d'accepter deux certificats de deux employeurs successifs alors qu'il bénéficie d'une ancienneté continue. Il ne démontre pas davantage la remise au salarié d'une attestation destinée à Pôle emploi mentionnant les salaires perçus au cours des douze derniers mois.

M. [W] [M] est dès lors fondé à demander la remise de ces deux documents rectifiés, mais il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte à l'égard du liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Kreutter PLN, qui succombe.

Il convient également de fixer au passif de cette liquidation judiciaire l'indemnité de 1 500 euros allouée en première instance par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. [W] [M] en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de la Société Kreutter PLN ;

L'INFIRME de ce chef ;

FIXE la créance de M. [W] [M] sur la liquidation judiciaire de la société Kreutter PLN aux sommes suivantes :

918,75 euros au titre du salaire dû pour la période de mise à pied conservatoire et 91,87 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,

3 500 euros et 350 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

4 112,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

13 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance

2 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en appel ;

ORDONNE au liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN de remettre à M. [W] [M] une attestation destinée à Pôle emploi mentionnant les salaires perçus au cours des douze derniers mois et un certificat de travail mentionnant une ancienneté remontant au 21 avril 2011 ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte l'obligation faite au liquidateur judiciaire de la société Kreutter PLN de remettre à M. [W] [M] des documents de fin de contrat rectifiés ;

DÉBOUTE le liquidateur de la société Kreutter PLN de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 2] ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Kreutter PLN les dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition le 14 mai 2024 signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/00523
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.00523 ?
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