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19/04/2024 | FRANCE | N°23/01751

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 avril 2024, 23/01751


MINUTE N° 176/2024































Copie exécutoire

aux avocats



Le 19 avril 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 19 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01751 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICCA



Décision déférée à la cour : 14 Avril 2023 par le prÃ

©sident du tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [I] [P] exerçant sous l'enseigne CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE [P]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Valérie SPIESER-DECHRISTE, avocat à la cour.





INTIMÉE :



La S.A.S...

MINUTE N° 176/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 19 avril 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01751 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICCA

Décision déférée à la cour : 14 Avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [I] [P] exerçant sous l'enseigne CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE [P]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Valérie SPIESER-DECHRISTE, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La S.A.S. LINKING TALENTS RECRUTEMENT, prise en la personne de son représentant légal.

ayant son siège social [Adresse 2].

représenté par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me Hakim KEBILA, avocat à Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Nathalie HERY, conseillère

chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, conseillère,

Madame Nathalie HERY, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de collaboration du 12 avril 2021, le cabinet [P], représenté par M. [I] [P] a confié à la société Linking talents recrutement des prestations de recrutement, dont l'étendue est discutée.

Par exploit du 2 septembre 2022, la société Linking talents recrutement a fait citer M. [P], exerçant sous l'enseigne Cabinet d'expertise comptable [P], devant le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de le voir condamner au paiement d'une provision de 7 200 euros au titre des honoraires dus suite au recrutement de Mme [C] en qualité de gestionnaire de paie.

Par ordonnance du14 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Mulhouse après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [P], a dit que la décision était prononcée par le président du tribunal judiciaire statuant en matière de référés civils, et a condamné M. [P] au paiement à la société Linking talents recrutement, à titre de provision de la somme de 5 538,45 euros HT, soit 6 646,14 euros TTC, outre les intérêts de retard équivalant au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points à compter du 5 mars 2022, ainsi qu'au paiement de la somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour les frais de recouvrement et d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Le juge des référés a retenu que la mention 'référé commercial' portée dans l'assignation était sans emport puisque l'affaire était appelée à une audience à laquelle était appelés indifféremment devant le même magistrat les dossiers de référés civils et commerciaux et qu'en l'occurrence la décision serait prononcée par le président statuant en matière de référé civil.

Au fond, il a considéré qu'il était justifié de ce que M. [P] avait embauché un collaborateur comptable en application de cette convention, et qu'il était encore à la recherche d'un gestionnaire de paie le 2 septembre 2021, et qu'à cette date le contrat qui n'était pas limité à l'embauche d'une seule personne n'avait pas pris fin.

Il a retenu que M. [P] avait effectivement embauché le 22 décembre 2021, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, Mme [C] qui lui avait été présentée par la société Linking talents recrutement, de sorte que les honoraires prévus par la convention étaient dus, même si le contrat de travail de cette dernière avait été rompu à l'initiative de M. [P] en cours de la période d'essai.

M. [P] a interjeté appel de cette décision le 27 avril 2023, aux fins d'annulation respectivement d'infirmation voire de réformation en toutes ses dispositions autres que le rejet de l'exception d'incompétence.

Par ordonnance du 22 mai 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été envoyé par le greffe le même jour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2023, M. [P] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit.

- annuler l'acte introductif d'instance et la décision entreprise sans effet dévolutif ni évocation.

A titre extrêmement subsidiaire

- infirmer l'ordonnance du 14 avril 2023,

Statuant à nouveau,

- dire que la créance de la société Linking talents ne repose sur aucun contrat écrit, - constater que cette créance fait l'objet de contestations sérieuses,

- déclarer en conséquence la formation des référés incompétente pour statuer en vertu des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile,

- débouter l'intimée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner au paiement d'un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la société Linking talents recrutement a agi représentée par une juriste munie d'un pouvoir, que si le président du tribunal judiciaire a retenu que les affaires appelées à son audience étaient indifféremment des référés commerciaux et civils, et a statué en tant que juge des référés civils, cependant les règles de représentation devant les juridictions civiles et commerciales sont différentes, et devant la juridiction civile la représentation est obligatoire avec territorialité de la postulation, de sorte que l'assignation est entachée d'une nullité de fond qui entraîne celle de la décision sans évocation ni effet dévolutif.

Au fond il soutient que :

- le contrat n'a été conclu que pour le recrutement d'un collaborateur comptable, et non d'un gestionnaire de paie,

- la société Linking talents recrutement ne lui a présenté aucun collaborateur comptable,

- si il a bien indiqué à cette société qui avait repris contact avec lui qu'il était à la recherche d'un gestionnaire de paie, il a toutefois refusé de signer le nouveau contrat qu'elle lui avait alors proposé prévoyant un taux de commission plus élevé, cette proposition confirmant que le contrat du 12 avril 2021 ne portait pas sur le recrutement d'un gestionnaire de paie,

- la société Linking talents recrutement qui doit rapporter la preuve par écrit du contrat dont elle demande l'exécution ne peut se prévaloir d'un contrat devenu sans objet.

Subsidiairement, les honoraires ne sont dus qu'en cas d'embauche d'un candidat présenté par la société (article 3.2), or le contrat de travail n'est véritablement formé qu'à l'issue de la période d'essai, et en l'occurrence il a été mis fin au contrat de la candidate présentée avant la fin de la période d'essai de sorte que les honoraires ne sont pas dus.

La société Linking talents recrutement a par ailleurs une obligation de résultat, ses démarches devant aboutir à l'embauche d'un candidat ayant le profil recherché. A tout le moins l'obligation est sérieusement contestable.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2023, la société Linking talents recrutement conclut au rejet de l'appel principal, à la confirmation de l'ordonnance entreprise, au débouté de M. [P] et à sa condamnation au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Elle soutient qu'en application de l'article 761 du code de procédure civile la représentation n'est pas obligatoire lorsque la demande porte sur un montant inférieur à 10 000 euros, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que l'assignation n'est entachée d'aucun vice.

Au fond :

- la créance n'est pas sérieusement contestable en son principe car selon l'article 3.2 du contrat les honoraires sont dus dès que le client recrute le candidat présenté par la société,

- le contrat n'est pas limité à l'embauche d'un collaborateur comptable, mais porte sur des prestations de recrutement,

- c'est M. [P] qui lui a fait part de ce qu'il était à la recherche d'un gestionnaire de paie,

- l'envoi d'une nouvelle proposition de contrat, qui n'a pas été signée, n'a pas mis fin au contrat précédent qui était toujours en cours, étant conclu sans limitation de durée,

- la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai ne remet pas en cause le paiement des honoraires, alors qu'est prévue une garantie de remplacement ayant vocation à s'appliquer lorsque toutes les sommes dues par le client sont payées (article 4.2), ce qui n'est pas le cas,

- le contrat de travail a pris effet dès l'embauche de Mme [C], la déclaration nominative d'embauche ayant été remise à l'Urssaf, et la période d'essai ne conditionnant pas l'embauche.

- le contrat prévoit expressément que la société est tenue seulement d'une obligation de moyens,

- les conditions de mise en oeuvre de la clause de garantie ne sont pas réunies,

- le montant dû n'est pas sérieusement contestable et est exigible.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation

Si à l'audience à laquelle l'affaire a été appelée la société Linking talents recrutement était représentée par une juriste munie d'un pouvoir, l'assignation du 2 septembre 2022 a été délivrée à la demande de la société Linking talents recrutement, représentée par son représentant légal.

La représentation devant le juge des référés civils est soumise aux mêmes règles que celles applicables devant le tribunal judiciaire. Or, ainsi que le souligne la société Linking talents recrutement, selon l'article 761 du code de procédure civile applicable devant cette juridiction : 'les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants : [...]

3° A l'exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.[...]'

La demande portant sur un montant inférieur à 10 000 euros, l'assignation n'est donc entachée d'aucune nullité de fond tenant à la représentation de la société Linking talents recrutement qui n'était pas tenue de constituer avocat.

Sur la demande de provision

Comme l'a exactement retenu le premier juge dont la cour approuve les motifs, il ne résulte pas des termes du contrat de collaboration qui porte sur 'des prestations de recrutement', et prévoit que 'chaque commande desdites prestations est détaillée par courriers électroniques', qu'il aurait été limité à l'embauche d'un seul salarié, et la circonstance que la société Linking talents recrutement ait proposé à M. [P] la conclusion d'un nouveau contrat qui n'a pas été régularisé n'implique pas qu'il ait été mis fin au contrat du 12 avril 2021 liant les parties, lequel ne comportait aucune limitation de durée.

Il résulte par ailleurs d'un échange de courriels versés aux débats que la société Linking talents recrutement ayant proposé à M. [P] le 31 août 2021 un candidat pour le poste de collaborateur comptable, ce dernier lui répondait le 2 septembre 2021 que le poste en comptabilité était pourvu mais qu'il cherchait encore un gestionnaire paie, de sorte que c'est bien à l'initiative de l'appelant que la société Linking talents recrutement a recherché un(e) candidat(e) pour ce poste.

Il est enfin établi que la société Linking talents recrutement a proposé à M. [P] la candidature de Mme [C] pour ce poste et que celle-ci a signé le 22 décembre 2021 un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de gestionnaire de paie.

Comme l'a exactement retenu le juge des référés, le fait que M. [P] ait été amené à mettre fin au contrat de travail de Mme [C] au cours de sa période d'essai n'est pas de nature à priver la société Linking talents recrutement de son droit aux honoraires qui sont dus, en application des articles 3 et 5.2 du contrat, à compter de l'intégration du candidat dans les effectifs du client, cette intégration résultant de l'embauche.

Comme le souligne l'intimée, l'hypothèse d'une rupture du contrat de travail au cours de la période d'essai est expressément prévue à l'article 4.2 du contrat de collaboration intitulé 'période de garantie', la garantie prévue supposant toutefois pour être mise en oeuvre que toutes les sommes dues par le client aient été payées, ce qui n'est pas le cas de M. [P].

Il convient enfin de constater que le contrat stipule expressément en son article 6 que la société Linking talents recrutement est tenue d'une obligation de moyens, laquelle se justifie en raison du caractère intuitu personae du contrat de travail.

La créance ne se heurtant à aucune contestation sérieuse, l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

M. [P] qui succombe en son appel supportera la charge des entiers dépens d'appel, et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera alloué à la société Linking talents recrutement, sur ce fondement, une somme de 1 500 euros au titre des frais exclus des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE l'exception de nullité de l'assignation ;

CONFIRME dans les limites de l'appel l'ordonnance du juge président du tribunal judiciaire de Mulhouse statuant en matière de référés civils ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [I] [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [P] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Linking talents recrutement la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens exposés en appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/01751
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;23.01751 ?
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