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18/04/2024 | FRANCE | N°22/00457

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 18 avril 2024, 22/00457


MINUTE N° 173/2024













































Copie exécutoire

aux avocats



Le 18 avril 2024



La greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 18 AVRIL 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00457 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-HY

I5



Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse





APPELANTE :



La S.A.S. GANTER SIREG prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 2]



représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la cour





INTIMÉS :



Monsieur [M]...

MINUTE N° 173/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 18 avril 2024

La greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00457 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-HYI5

Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTE :

La S.A.S. GANTER SIREG prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 2]

représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la cour

INTIMÉS :

Monsieur [M] [J] et

Madame [X] [C] épouse [J]

demeurant tous deux [Adresse 1]

représentés par Me Christine BOUDET, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseillère

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte authentique du 13 mars 2014, la SCI la Clé de sol a acquis du Groupement foncier agricole Domaine du Rethlin un terrain à situé à Reiningue en vue de la construction d'un parc résidentiel et de loisirs.

La société Ganter Sireg s'est vu confier différents travaux pour un montant total de 1 949 542,28 euros, selon marché du 15 juin 2014.

Le 19 juin 2015, la société Ganter Sireg a été autorisée par le juge de l'exécution de Mulhouse à pratiquer une saisie-conservatoire sur les comptes de la SCI ouverts à la Caisse de crédit mutuel de Reiningue à hauteur d'un montant en principal de 371 585,79 euros correspondant à des factures impayées. Cette saisie s'est révélée infructueuse.

Par ordonnance du 7 août 2015, la société Ganter Sireg a été autorisée à inscrire une hypothèque provisoire sur les biens immobiliers appartenant à la SCI en garantie du recouvrement de cette créance.

Par jugement du 27 février 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Mulhouse a condamné la SCI la Clé de sol à payer à la société Ganter Sireg la somme de 371 585,79 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015, autorisé la société Ganter Sireg à surseoir à l'exécution de son contrat jusqu'à la justification par la SCI d'une garantie de paiement et tant que les travaux demeureraient impayés, et l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI la Clé de sol ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 5 février 2018, la date de cessation des paiements étant fixée au 17 octobre 2017, la société Ganter Sireg, par assignations signifiées le 24 juillet 2019, a fait citer M. [M] [J] et son épouse Mme [X] [C], en leur qualité d'associés de la SCI la Clé de sol, devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement respectivement d'une somme de 183 783,87 euros pour M. [J] et de 191 285,25 euros pour Mme [J], outre intérêts et frais.

Par jugement en date du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire a déclaré recevable la demande de la société Ganter Sireg, mais l'a rejetée au fond et l'a condamnée aux dépens de l'instance.

Le tribunal a tout d'abord considéré que les articles 1857 et 1858 permettant au créancier d'une société civile, sous certaines conditions, d'agir contre les associés ne lui imposaient pas d'agir contre tous les associés, et que l'existence d'un troisième associé ne privait pas la société Ganter Sireg de son droit d'agir contre les époux [J].

Il a ensuite retenu que la société Ganter Sireg qui se contentait de produire les statuts d'origine de la SCI ne justifiait ni de la qualité d'associés des époux [J] à la date de l'exigibilité ou de la cessation des paiements, ni de la hauteur de leur participation au capital de la société, alors qu'un troisième associé était entré dans la société depuis sa constitution.

La société Ganter Sireg a interjeté appel de ce jugement le 27 janvier 2022, en toutes ses dispositions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 avril 2022, la société Ganter Sireg demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, au visa des articles 1857 et 1858 du code civil de :

- condamner M. [M] [J] au paiement respectivement d'une somme de 190 419,32 euros, subsidiairement 184 097,83 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [X] [J] au paiement de la somme de 198 353,46 euros, subsidiairement et de 191 768,57 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner chacun des intimés aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir qu'elle est fondée à agir contre les associés de la SCI qui sont tenus indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date d'exigibilité ou de la cessation des paiements ; que la déclaration de sa créance au passif de la société la dispense d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour la désintéresser ; que les créanciers même privilégiés peuvent poursuivre individuellement les associés sans avoir à attendre le résultat des opérations liquidatives ; qu'elle dispose d'un titre exécutoire contre la SCI ; que sa créance a été admise au passif.

Elle indique que selon les statuts de la SCI la Clé de sol le capital était détenu à concurrence de 49 % par M. [J] et de 51 % par son épouse, et que ceux-ci ont fait état de l'existence d'un troisième associé sans préciser le pourcentage du capital détenu par cet associé ni la date de son entrée au capital social. Elle estime qu'il incombe aux intimés qui se prétendent libérés de justifier, en application de l'article 1315, alinéa 2, ancien du code civil, qu'ils ne sont pas tenus au delà de ces pourcentages.

Elle ajoute toutefois que selon les statuts publiés le 29 septembre 2014, M. [J] détiendrait 48 parts de la SCI la Clé de sol, Mme [J] 50 parts et une SCI Les clés 2 parts, de sorte qu'elle est fondée à solliciter la condamnation respective de M. [J] à hauteur de 48 % et de Mme [J] à hauteur de 50 %, de la somme totale due par la SCI la Clé de sol selon le jugement du 27 février 2018, intérêts et frais compris, subsidiairement de la somme totale due avec les intérêts arrêtés à la date du jugement de liquidation judiciaire.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juillet 2022, les époux [J] concluent au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement et au débouté de la société Ganter Sireg, ainsi qu'à sa condamnation aux dépens.

Ils soutiennent tout d'abord que la demande de la société Ganter Sireg est irrecevable à défaut de mise en cause de tous les associés.

Ils font valoir ensuite qu'il appartient à la société Ganter Sireg de démontrer avoir exercé de vaines poursuites contre la personne morale, or la déclaration de créance qu'elle a régularisée étant inexacte puisqu'elle a déclaré sa créance à titre chirographaire et non hypothécaire, elle ne peut s'en prévaloir pour se dispenser de la preuve de vaines poursuites, la valeur du terrain excédant le montant de la créance, et ce nonobstant l'existence d'une procédure en résolution de la vente engagée par le GFA du Rehtlin.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater que si dans les motifs de leurs conclusions les époux [J] soulèvent un moyen d'irrecevabilité de la demande, ils ne forment toutefois pas appel incident du chef de la décision ayant déclaré la demande recevable.

L'article 1857, alinéa 1er du code civil énonce :'A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements', et l'article 1858 du même code : 'Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.'

Selon une jurisprudence établie, si en vertu du second de ces textes, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre les associés qui en sont les débiteurs subsidiaires qu'après avoir préalablement exercé de vaines poursuites contre la société débitrice principale, toutefois lorsque la société est en liquidation judiciaire, la déclaration régulière de leur créance au passif les dispense d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour les désintéresser.

En l'espèce, la société Ganter Sireg justifie avoir déclaré sa créance le 17 avril 2018 et de ce qu'elle a été admise à titre chirographaire à hauteur de la somme de 375 069,12 euros, intérêts et frais inclus, selon avis d'admission du 20 décembre 2019.

L'admission de la créance par le juge commissaire implique la régularité de la déclaration de créance, laquelle dispense le créancier de justifier de la consistance du patrimoine de la société, et ce quand bien même la créance aurait-elle était déclarée à titre chirographaire, et non à titre hypothécaire, étant au surplus observé que seule une hypothèque provisoire avait été inscrite.

L'appelante justifiant avoir satisfait aux exigences de l'article 1858 du code civil, sa demande doit être accueillie à hauteur de la participation de chacun des époux au capital social appliquée au montant admis, les associés n'étant en effet tenus qu'à titre subsidiaire de la dette de la société, or la déclaration de créance ne vise pas les intérêts à échoir.

Le jugement sera donc infirmé et M. [M] [J], et Mme [X] [C], épouse [J], seront respectivement condamnés à payer à la société Ganter Sireg une somme de 180 033,18 euros pour le premier et de 187 534,56 euros pour la seconde, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le jugement sera également infirmé en ses dispositions relatives aux dépens. Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les époux [J], et chacun d'eux sera condamné à payer à l'appelante une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME dans les limites de l'appel le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 30 novembre 2021 ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

CONDAMNE M. [M] [J] à payer à la SAS Ganter Sireg la somme de 180 033,18 euros (cent quatre-vingt mille trente-trois euros dix-huit centimes), outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE Mme [X] [C], épouse [J] à payer à la SAS Ganter Sireg la somme de 187 534,56 euros (cent quatre-vingt-sept mille cinq cent trente-quatre euros cinquante-six centimes), outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DÉBOUTE la société Ganter Sireg du surplus de sa demande ;

CONDAMNE M. [M] [J] à payer à la SAS Ganter Sireg la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [X] [C], épouse [J], à payer à la SAS Ganter Sireg la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] [J] et Mme [X] [C], épouse [J], aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00457
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.00457 ?
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