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08/04/2024 | FRANCE | N°23/02092

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 08 avril 2024, 23/02092


MINUTE N° 24/174





























Copie exécutoire à :



- Me Eulalie LEPINAY

- Me Sophie

BEN AISSA-ELCHINGER





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 08 Avril 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/02092 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICUM





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 mai 2023 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse





APPELANT :



Monsieur [P], [F], [K] [V]

[Adresse 2]



Représenté par Me Eulalie LEPINAY, avocat au barreau de COLMAR



INTIMÉS :


...

MINUTE N° 24/174

Copie exécutoire à :

- Me Eulalie LEPINAY

- Me Sophie

BEN AISSA-ELCHINGER

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 08 Avril 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/02092 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICUM

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 mai 2023 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [P], [F], [K] [V]

[Adresse 2]

Représenté par Me Eulalie LEPINAY, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉS :

Monsieur [U] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4] (ESPAGNE)

Représenté par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat au barreau de COLMAR

Madame [O] [M] épouse [C]

[Adresse 3]

[Localité 4] (ESPAGNE)

Représentée par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 janvier 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

M. LAETHIER, vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN, en présence de Mme BALDUCCI, greffière stagiaire,

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 18 avril 2009, M. [U] [C] et Mme [O] [M] épouse [C] ont conclu avec M. [P] [V] un compromis de vente sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, portant sur leur maison située [Adresse 1] à [Localité 5], et ce, moyennant le prix de 240 000 euros, la signature de l'acte authentique devant intervenir avant le 18 juin 2009.

La ratification de l'acte en la forme authentique n'ayant pu s'opérer à cette date, les parties ont régularisé un second compromis en date du 26 juin 2009 prévoyant la réitération de l'acte en la forme authentique au plus tard le 26 décembre 2009.

L'acte était prévu sous condition suspensive de l'obtention par l'acquéreur d'un ou plusieurs prêts d'un montant global de 169 400 euros au taux d'intérêt maximal hors assurances de 5,80 % sur une durée maximale de vingt-cinq ans.

Le même jour, les parties sont convenues de la concession à Monsieur [V] d'un droit de jouissance précaire concernant la maison d'habitation objet de la vente à compter rétroactivement du 24 juin 2009 pour se terminer le jour de la signature de l'acte authentique de vente. La convention prévoyait que cette occupation précaire aurait lieu moyennant le versement mensuel d'une somme de 800 euros par l'occupant.

M. [V] a versé aux époux [C] une somme totale de 50 000 euros par versements des 4 mai 2010 et 6 octobre 2010.

M. [C] a dénoncé la convention d'occupation précaire par lettre recommandée avec accusé de réception, retirée le 14 août 2015 par Monsieur [V], qui s'est néanmoins maintenu dans les lieux.

Par assignation délivrée le 20 octobre 2015, les époux [C] ont saisi le tribunal d'instance de Mulhouse aux fins notamment de voir ordonner l'expulsion de M. [V], devenu occupant sans droit ni titre, ainsi que sa condamnation à leur verser une indemnité mensuelle d'occupation de 850 euros à compter du

jugement, outre une somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts. Ils ont également demandé au tribunal de constater que le défendeur était redevable d'une somme de 26 400 euros au titre des indemnités prévues dans le compromis de vente ainsi que la compensation de cette créance avec sa contre-créance de 50 000 euros et le bénéfice de délais pour restituer l'acompte résiduel.

Par jugement en date du 19 juillet 2016, le tribunal d'instance de Mulhouse a débouté les époux [C] de l'ensemble de leurs demandes, débouté M. [V] de ses demandes reconventionnelles et condamné in solidum les époux [C] à payer à M. [V] la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a essentiellement retenu que la convention d'occupation précaire signée devant notaire le 26 juin 2009 trouvait sa cause dans le projet de vente du bien immobilier des époux [C], que l'immeuble étant situé en Alsace, le compromis de vente était devenu caduc à défaut de réitération ou de demande en justice au plus tard le 26 décembre 2009 en application de l'article 42 de la loi locale du 1er juin 1924, et en a déduit que la convention d'occupation précaire n'ayant plus de cause depuis cette date, elle ne pouvait plus produire aucun effet en vertu de l'article 1131 du code civil.

Il a également considéré que le défendeur avait continué à résider dans les lieux avec l'accord des propriétaires, qui avaient augmenté le loyer en 2011, et que les relations des parties relevaient d'un bail verbal à usage d'habitation soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, conférant au défendeur un titre et des droits notamment en ce qui concerne la résiliation du contrat.

Les époux [C] ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 30 octobre 2017, la cour d'appel de Colmar a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office de l'irrecevabilité de la demande en paiement de la somme de 50 000 euros formée pour la première fois à hauteur d'appel par M. [V], et dit que l'instance reprendra à l'initiative de la partie la plus diligente.

Par arrêt du 8 mars 2021, la cour a déclaré périmée l'instance et constaté son extinction, au motif que les parties ont laissé s'écouler plus de deux années sans accomplir aucune diligence.

Par acte du 26 février 2018, les époux [C] ont fait délivrer un congé de reprise pour vendre pour la date du 31 juillet 2020.

Par courrier du 23 avril 2018, M. [V] a accepté l'offre sous condition de l'obtention d'un prêt relais de 230 000 euros.

Par courrier du 29 juin 2020 adressé à Mme [C], M. [V] a indiqué que sa proposition de rachat était devenue caduque et que la situation était désormais la suivante : « je m'apprête à quitter définitivement votre maison selon l'échéancier ci-joint sur les loyers payés en avance et vous fais savoir par cette occasion que votre résiliation de bail du 26 février 2018 pour le 31 juillet 2020 n'ayant pas tenu compte de mes droits payés jusqu'en 2022 est abusive et donc formellement contestée ».

Par courrier du 21 juillet 2020, le conseil des époux [C] a répliqué à M. [V] qu'il était tenu de quitter les lieux au plus tard le 31 juillet 2020 et lui a fait sommation d'avoir à régler un arriéré de loyer de 34 000 euros.

Par acte du 2 octobre 2020, les époux [C] ont fait citer M. [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, constater la validité du congé de reprise pour vendre et la résiliation du bail existant entre les parties à compter du 31 juillet 2020, subsidiairement prononcer la résiliation du bail, et en conséquence, ordonner l'expulsion de M. [V]. Ils ont également sollicité la condamnation du défendeur à leur verser une indemnité d'occupation mensuelle de 850 euros, la somme actualisée de 47 600 euros au titre de l'arriéré de loyers au mois de novembre 2021, outre la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [C] ont fait valoir que le congé de reprise pour vendre délivré le 26 février 2018 est parfaitement régulier et que M. [V] est occupant sans droit ni titre depuis le 31 juillet 2020. Subsidiairement, ils ont soutenu que les manquements de M. [V] à son obligation de paiement depuis le mois d'avril 2017 justifient le prononcé de la résiliation du bail à ses torts exclusifs. Par ailleurs, les époux [C] ont indiqué que le défendeur ne détient aucune contre-créance à leur encontre et que sa demande en paiement est atteinte de prescription puisque plus de cinq ans se sont écoulés depuis que les parties sont en litige.

M. [V] a conclu au rejet des prétentions des demandeurs, sollicitant que la notification du congé pour vendre soit déclarée irrégulière et incomplète et invoquant l'existence d'une créance de 50 000 euros détenue par lui sur les époux [C]. Il a sollicité la compensation entre les créances réciproques des parties et la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [V] a fait valoir que le congé de reprise pour vendre est irrégulier en ce qu'il ne contient pas de notice d'information relatives aux obligations du bailleur et

aux voies de recours et d'indemnisation du locataire. Il a soutenu être à jour du paiement de ses loyers puisqu'il était convenu entre les parties que l'acompte de 50 000 euros qu'il a versé viendrait en contrepartie de l'occupation du logement et qu'il a repris le paiement des loyers depuis août 2022, date à laquelle la créance était apurée. M. [V] a indiqué que les demandeurs n'ont pas revendiqué les loyers impayés dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 8 mars 2021, preuve qu'ils avaient consenti à la compensation. Il a ajouté que cet arrêt ne s'est pas prononcé sur la recevabilité de sa demande mais a seulement constaté qu'un délai de deux ans s'était écoulé sans diligence des parties.

Par jugement contradictoire du 4 mai 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- validé le congé de reprise pour vendre délivré le 26 février 2018 à M. [V] par M. et Mme [C] portant sur le logement situé [Adresse 1] à [Localité 5] (68), objet du bail verbal ayant existé entre les parties depuis le 1er août 2014,

- constaté que le bail a pris fin par l'effet du congé le 31 juillet 2020 et que M. [V] est déchu de tout droit ou titre d'occupation depuis le 1er août 2020,

- ordonné à M. [V] de libérer les lieux précédemment loués de tous occupants et de tous biens de son chef,

- dit qu'à défaut d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique après autorisation de l'autorité compétente,

- rejeté la demande d'astreinte de M. et Mme [C],

- fixé au montant du loyer et des charges convenues entre les parties, soit 850 euros, le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [V] à M. et Mme [C] au paiement de laquelle il est condamné à compter du 1er août 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux, sous déduction des sommes déjà comprises dans la condamnation au paiement de l'arriéré locatif arrêté au 30 novembre 2021,

- condamné M. [V] à verser à M. et Mme [C] une somme de 47 600 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêté au 30 novembre 2021 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- rejeté la demande indemnitaire de M. [P] [V],

- condamné M. [V] à verser à M. et Mme [C] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de M. [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties,

- condamné M. [V] aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire de droit.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le congé de reprise pour vendre délivré au locataire le 26 février 2018 mentionne que la notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire a été « remise sur 22 pages avec le présent acte ».

Sur les effets du congé, le premier juge a considéré que M. [V] ne justifie aucunement d'une acceptation expresse des époux [C] à son interpellation du 29 mars 2017, dans laquelle il informait les bailleurs qu'à défaut de remboursement de l'acompte versé, il ferait valoir ses droits sur le logement et s'y maintiendrait à raison de 850 euros par mois jusqu'à concurrence des 50 000 euros augmentés des intérêts à taux légal. Le juge a ajouté que les circonstances ne permettent pas de donner au silence gardé par les époux [C] la signification de leur acceptation au maintien de M. [V] dans les lieux jusqu'en 2022 en contrepartie du remboursement de l'acompte.

S'agissant de la somme de 50 000 euros versés par M. [V] à M. et Mme [C] les 4 mai 2010 et 6 octobre 2010, le juge a considéré qu'à la date du 20 octobre 2015 au plus tard, M. [V] savait que M. et Mme [C] n'avaient plus l'intention de leur vendre leur bien et que l'acompte versé ne trouvait plus la contrepartie voulue par les parties. Il a également retenu que l'interruption du cours de la prescription résultant de la demande de restitution de la somme de 50 000 euros par conclusions du 6 janvier 2017 est devenue non avenue par la péremption de l'instance déclarée le 8 mars 2021 et que M. [V] ne justifie d'aucun autre événement suspensif ou interruptif de prescription entre le 20 octobre 2015 et sa demande de compensation formulée par conclusions du 25 mai 2021, de sorte que la prescription est acquise.

M. [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 26 mai 2023.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 27 octobre 2023, M. [V] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien-fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris,

- déclarer le congé pour vendre de nul effet en raison de l'accord intervenu entre les parties courant jusqu'au moins septembre 2022,

- condamner les époux [C] à payer à M. [V] la somme de 50.000 euros au titre du remboursement de l'acompte versé pour l'achat avorté de la maison,

- constater que le remboursement des 50.000 euros doit servir à apurer les loyers,

- ordonner la compensation des créances réciproques détenues de part et d'autre,

- débouter les époux [C] de l'ensemble de leurs fins, demandes et prétentions,

- condamner les époux [C] à payer solidairement à M. [V] un montant de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner les époux [C] à payer solidairement à M. [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les époux [C] de leur demande additionnelle visant à réclamer des dommages et intérêts au titre de prétendues dégradations locatives,

- condamner les époux [C] solidairement aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.

M. [V] fait valoir qu'il ne conteste plus la régularité du congé.

L'appelant soutient qu'un accord entre les parties a fait obstacle aux effets du congé pour vendre et l'autorisait à se maintenir dans les lieux loués jusqu'au mois de septembre 2022 et qu'en vertu de cet accord, les époux [C] ont conservé l'acompte de 50 000 euros versé pour l'achat avorté de la maison en contrepartie de l'occupation du logement.

Il précise que l'accord entre les parties remonte à un courrier recommandé du 29 mars 2017 qu'il a adressé aux époux [C] et que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation de la part des intimés.

M. [V] invoque à cet égard le fait que les époux [C] ne lui ont pas réclamé de loyers et n'ont pas cherché à remettre en cause son maintien dans les lieux entre mars 2017 et juillet 2020 alors qu'aucun propriétaire n'accepterait 36 mois d'impayés sans réagir. Il explique également que les époux [C] évoquaient déjà l'idée d'une compensation de créances dans le cadre de la procédure d'appel de 2017 et que son maintien dans les lieux sous couvert de la compensation de créances ressort également d'un courrier rédigé le 16 avril 2020 par leur fille.

L'appelant affirme que les intimés ne peuvent opposer la prescription de la contre créance de 50 000 euros puisqu'ils ont reconnu son existence et sollicité en justice une compensation de créances. Il précise que ce n'est que le 20 octobre 2015, date de l'assignation délivrée par les époux [C] ayant mis fin aux pourparlers quant à l'acquisition du bien immobilier, qu'il a été mis en mesure de connaître les faits lui permettant d'exercer ses droits et qu'à cette même date, les époux [C] ont reconnu la créance de M. [V] en demandant la compensation des dettes réciproques, de sorte que la prescription a bien été interrompue.

M. [V] précise que la créance de 50 000 euros a couvert le règlement des loyers jusqu'en septembre 2022 et qu'il a ensuite repris le paiement du loyer, de sorte qu'il n'existe plus d'arriéré locatif.

Il ajoute qu'il a quitté les lieux en août 2023 et que la demande formulée par les intimés au titre des dégradations locatives est infondée, le logement ayant été rendu propre et les constatations faites par l'huissier de justice relèvent de l'usure normale d'un bien immobilier qui a été occupé pendant 14 ans.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 29 septembre 2023, M. et Mme [C] demandent à la cour de :

- rejeter l'appel formé par M. [V],

- le débouter de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Sur demande additionnelle,

- condamner M. [V] à verser à M. et Mme [C] la somme de 2 850,69 € au titre des dégradations locatives avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner M. [V] à verser à M. et Mme [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens de l'instance.

M. et Mme [C] font valoir que M. [V] ne peut justifier d'aucun accord des parties sur son maintien dans les lieux jusqu'à l'automne 2022 en contrepartie du non-remboursement de l'acompte de 50 000 euros, aucune pièce du dossier ne permettant d'établir l'existence d'un consensus sur ce point. Ils ajoutent que la cour d'appel de Colmar n'a jamais constaté l'accord des parties sur ce point, que ce soit dans son arrêt du 30 octobre 2017 ou son arrêt du 8 mars 2021.

Les intimés soutiennent que le silence gardé suite à la proposition de M. [V] du 29 mars 2017 ne saurait valoir acceptation eu égard aux circonstances de l'espèce qui démontrent au contraire qu'aucun accord n'avait été trouvé entre les parties sur un maintien dans les lieux jusqu'au mois de septembre 2022. Ils précisent qu'au jour du courrier adressé par l'appelant, le litige était pendant devant la cour d'appel de Colmar et qu'ils demandaient à la cour de constater la qualité d'occupant sans droit ni titre de M. [V] et d'ordonner la libération des lieux, tandis que ce dernier sollicitait seulement la restitution du montant de 50 000 euros. M. et Mme [C] ajoutent que par arrêt du 30 octobre 2017, la cour d'appel a relevé d'office la question de la recevabilité de la demande en paiement de M. [V] et qu'il n'a jamais conclu sur ce point. Ils rappellent également avoir fait délivrer le 26 février 2018 un congé de reprise pour vendre avec effet au 31 juillet 2020.

Sur la prescription, les intimés affirment que la reconnaissance de la créance invoquée par M. [V] est contestée. Ils précisent qu'en tout état de cause, même si l'on retient le raisonnement de M. [V] quant à l'existence d'une reconnaissance de la créance avec l'assignation du 20 octobre 2015, l'appelant ne justifie d'aucun événement suspensif ou interruptif de prescription entre le 20 octobre 2015 et sa demande de compensation formulée par conclusions du 25 mai 2021, de sorte que la prescription est acquise. Il rappelle que l'interruption du cours de la prescription résultant de la demande de restitution formée par M. [V] dans ses conclusions d'appel du 6 janvier 2017 est devenue non avenue par la péremption de l'instance prononcée par arrêt du 8 mars 2021.

Ils confirment que M. [V] a quitté les lieux le 1er août 2023 et que l'état des lieux de sortie contradictoire a permis d'établir un mauvais état d'entretien général du bien et la présence de moisissures, de sorte qu'ils ont été contraints de procéder à la réfection des peintures pour un montant de 2 850,69 euros.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 22 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n'est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent des moyens et non des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande de nullité du congé pour vendre signifié le 26 février 2018 :

A titre liminaire, il convient de relever que M. [V] ne conteste pas les conditions de forme du congé pour vendre qui lui a été délivré.

A l'appui de sa demande de nullité, l'appelant se prévaut d'un accord intervenu entre les parties résultant d'un courrier recommandé avec avis de réception qu'il a adressé à M. [C] le 29 mars 2017.

Aux termes de ce courrier, M. [V] sollicite le remboursement de l'acompte de 50 000 euros qu'il a versé et précise que si ce remboursement ne peut pas se faire, quelle qu'en soit la raison, il continuera à occuper le logement, à raison de 850 euros par mois jusqu'à concurrence de la somme de 50 000 euros augmentée des intérêts légaux.

Les parties s'accordent sur le fait que la proposition de M. [V] n'a pas été acceptée de façon expresse par les intimés, l'appelant soutenant que leur silence a néanmoins la signification d'une acceptation compte tenu des circonstances de l'espèce.

Il est constant que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation (Cass. civ. 1, 24 mai 2005, n°02-15.188)

En l'espèce, la cour relève que le litige opposant les parties était pendant devant la cour d'appel de Colmar à la date de rédaction du courrier de M. [V] du 29 mars 2017 et que les époux [C] demandaient à la cour, dans des conclusions du 6 mars 2017, de constater la qualité d'occupant sans droit ni titre de l'appelant et de les autoriser à faire procéder à son expulsion à défaut de libération spontanée des locaux.

Par arrêt du 30 octobre 2017, la cour d'appel a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande d'expulsion du fait de l'existence d'un bail verbal et a invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office de l'irrecevabilité de la demande en paiement de la somme de 50 000 euros formée pour la première fois à hauteur d'appel par M. [V].

Par la suite, les époux [C] ont fait délivrer au locataire un congé de reprise pour vendre le 26 février 2018.

M. [V] a d'abord accepté l'offre de vente par courrier du 23 avril 2018.

Par courrier du 16 avril 2020, Mme [W] [C], fille des bailleurs, lui a indiqué qu'elle avait mandaté l'office notarial Stelhin pour réaliser la vente, en lui précisant que plusieurs sommes (indemnités prévues par le compromis de vente de 2009 et les loyers impayés depuis avril 2017) devaient être déduites de l'acompte de 50 000 euros versé par M. [V].

Par courrier du 19 juin 2020, M. [V] a répondu que sa proposition d'achat était caduque et qu'il s'apprêtait à quitter définitivement la maison en précisant dans son courrier que M. [C] avait accepté que le remboursement de sa créance s'opère par déduction des loyers, mois après mois, jusqu'à concurrence des 50 000 euros et des intérêts légaux.

Par courrier en réponse du 21 juillet 2020, l'avocat des époux [C] a indiqué à M. [V] qu'il était tenu de quitter les lieux au plus tard le 31 juillet 2020, qu'il ne disposait d'aucun droit au maintien dans les lieux jusqu'en 2022 et qu'il était redevable du paiement des loyers depuis avril 2017.

Enfin, par assignation du 2 octobre 2020, les époux [C] ont saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir constater la validité du congé de reprise pour vendre et la résiliation du bail existant entre les parties à compter du 31 juillet 2020.

Cette chronologie ne permet nullement de donner au silence gardé par les époux [C] la signification de leur acceptation du maintien dans les lieux de M. [V] en contrepartie du remboursement de l'acompte.

L'appelant n'est pas fondé à soutenir que les époux [C] n'ont pas cherché à remettre en cause son maintien dans les lieux au regard des multiples démarches entreprises en vue de son expulsion et du congé pour vendre qui lui a été délivré.

La période qui s'est écoulée entre avril 2018 et avril 2020, pendant laquelle les époux [C] ont suspendu leurs démarches en vue de voir le locataire quitter les lieux, est consécutive à l'acceptation de

l'offre de vente par M. [V] sous condition de l'obtention d'un prêt.

Par ailleurs, le fait que les loyers n'aient pas été immédiatement réclamés à M. [V] à la suite de l'arrêt du 30 octobre 2017 ne permet pas de conclure à l'acceptation par les époux [C] de la proposition formulée par courrier du 29 mars 2017, cette circonstance pouvant s'expliquer par la volonté manifestée par le locataire d'acquérir la maison et le souhait des vendeurs d'établir les comptes entre les parties lors de la concrétisation de la vente.

A cet égard, le courrier de Mme [W] [C] du 16 avril 2020 s'inscrit dans cette perspective puisqu'elle y détaille les différentes sommes qui devront être déduites de l'acompte de 50 000 euros.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, M. [V] échoue à démontrer l'existence d'un accord selon les termes de son courrier du 29 mars 2017, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de nullité du congé pour vendre, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de condamnation des époux [C] au paiement de la somme de 50.000 euros au titre du remboursement de l'acompte versé par M. [V] :

Il est constant que M. [V] a versé aux époux [C] une somme totale de 50 000 euros par versements des 4 mai 2010 et 6 octobre 2010 dans le cadre du projet d'acquisition du bien immobilier.

L'appelant explique que cette créance doit se compenser avec la créance de 47 600 euros détenue par les intimés au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation.

Les intimés lui opposent la prescription de sa demande de paiement.

Sur la prescription de l'action en paiement :

Aux termes de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, il convient de fixer le point de départ du délai de prescription de 5 ans au 20 octobre 2015, date à laquelle les époux [C] ont saisi le tribunal d'instance de Mulhouse aux fins de voir ordonner l'expulsion de M. [V], qu'ils considéraient comme occupant sans droit ni titre de leur maison.

A cette date, comme l'a justement relevé le premier juge, M. [V] a acquis la certitude que M. et Mme [C] n'avaient plus l'intention de lui vendre la maison, de sorte que l'acompte versé ne trouvait plus la contrepartie voulue par les parties.

Les intimés ne sont pas fondés à soutenir que le point de départ de la prescription doit être fixé au 26 décembre 2009, date de réitération de la promesse de vente, dès lors qu'il est établi que l'acompte a été versé par l'appelant postérieurement à cette date, en mai et octobre 2010, avec la volonté de concrétiser la vente du bien immobilier indépendamment des contraintes temporelles fixées par le compromis.

- Sur l'interruption de la prescription :

Selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Conformément à l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Selon les dispositions de l'article 2243 du code civil, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

En l'espèce, si la demande de remboursement de la somme de 50 000 euros formée par M. [V] dans ses conclusions d'appel notifiées le 6 janvier 2017 a interrompu la prescription en application de l'article 2241 du code civil, l'interruption est cependant non avenue eu égard à la péremption d'instance constatée par un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Colmar du 8 mars 2021.

M. [V] ne peut plus, en application, de l'article 389 du code de procédure civile, se prévaloir de l'effet interruptif de prescription résultant des actes de la procédure périmée.

En revanche, il peut toujours se prévaloir de l'effet interruptif résultant de la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, en application des

dispositions de l'article 2240 du code civil, dès lors que cette reconnaissance est non équivoque et émane du débiteur ou de son mandataire.

Or, Mme [W] [C], dont il n'est pas contesté qu'elle disposait d'une procuration de son père M. [U] [C] pour la gestion de ses affaires et notamment la vente de la maison, a reconnu de façon non équivoque dans un courrier du 16 avril 2020 le principe de la créance de 50 000 euros détenue par M. [V], correspondant à l'acompte versé en 2010/2011.

Le fait que Mme [C] s'estime créancière de diverses sommes, qu'elle entendait déduire de l'acompte de 50 000 euros à restituer, n'altère en rien cette reconnaissance et l'effet interruptif qui y est attaché.

La prescription quinquennale a été interrompue le 16 avril 2020, de sorte que la demande en paiement formulée par M. [V] par conclusions du 25 mai 2021 n'était pas atteinte par la prescription.

Par infirmation du jugement déféré, M. et Mme [C] seront condamnés à payer à M. [V] la somme de 50 000 euros au titre du remboursement de l'acompte versé les 4 mai 2010 et 6 octobre 2010.

Sur la compensation :

L'article 1347 du code civil prévoit que la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

En l'espèce, la compensation des dettes et des créances réciproques des parties sera ordonnée.

Sur la demande de condamnation de M. [V] au titre des dégradations locatives :

L'article 7 de loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, prévoit que le locataire est obligé de :

- répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive à moins qu'il ne prouve qu'ils ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur, par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement,

- prendre à sa charge l'entretien courant du logement, les équipements mentionnés au contrat et des réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçons, vices de construction, cas fortuit ou force majeure.

L'article 1731 du code civil précise que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives.

En l'espèce, aucun état des lieux d'entrée n'ayant été établi, le logement est présumé avoir été délivré en bon état.

Il résulte du procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie établi le 2 août 2023 que Maître [G] [Z], huissier de justice, a constaté la présence de traces de moisissures aux murs et autour des fenêtres.

Cependant, il n'est pas démontré que ces traces de moisissures relèvent d'un défaut d'entretien du locataire, ni de dégradations qui lui seraient imputables.

Par ailleurs, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier que les lieux loués ont été globalement restitués en bon état et que la présence de quelques traces affectant une faible partie des lieux loués relève de l'usure normale inhérente à une occupation des lieux d'une durée de quatorze ans.

Par conséquent, M. et Mme [C] seront déboutés de leur demande de condamnation au titre des dégradations locatives.

Sur la procédure abusive :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en cas de faute ou de légèreté blâmable du demandeur.

En l'espèce, M. [V] ne rapporte pas la preuve d'une telle faute ou légèreté blâmable imputable à M. et Mme [C], de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

L'appelant prospérant essentiellement en ses prétentions, les dépens d'appel seront mis à la charge des intimés.

Pour des motifs d'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de M. [P] [V] au titre du remboursement de l'acompte de 50 000 euros et de la compensation des créances réciproques des parties,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [C] et Mme [O] [M] épouse [C] à payer à M. [P] [V] la somme de 50 000 euros au titre du remboursement de l'acompte,

ORDONNE la compensation des dettes et des créances réciproques des parties,

CONSTATE que M. [P] [V] a quitté les lieux le 1er août 2023,

DÉBOUTE M. [U] [C] et Mme [O] [M] épouse [C] de leur demande de condamnation au titre des dégradations locatives,

DÉBOUTE M. [U] [C] et Mme [O] [M] épouse [C] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [P] [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [C] et Mme [O] [M] épouse [C] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/02092
Date de la décision : 08/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-08;23.02092 ?
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