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05/04/2024 | FRANCE | N°22/03530

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 avril 2024, 22/03530


Copie exécutoire



aux avocats



le 5 avril 2024



La greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 2 A



N° RG 22/03530 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5PU



Minute n° : 148/2024





ORDONNANCE DU 5 AVRIL 2024



dans l'affaire entre :







APPELANTS :



Madame [Y] [S] et

Monsieur [C] [S]

demeurant tous deux [Adresse 2] à [Localité 7]



représenté

s par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, avocat à la cour





INTIMÉE :



La S.A.S. TROISA prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 6] à [Localité 5]



représentées par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour





AP...

Copie exécutoire

aux avocats

le 5 avril 2024

La greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 2 A

N° RG 22/03530 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5PU

Minute n° : 148/2024

ORDONNANCE DU 5 AVRIL 2024

dans l'affaire entre :

APPELANTS :

Madame [Y] [S] et

Monsieur [C] [S]

demeurant tous deux [Adresse 2] à [Localité 7]

représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, avocat à la cour

INTIMÉE :

La S.A.S. TROISA prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 6] à [Localité 5]

représentées par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour

APPELÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

La S.C.I. [Localité 7] prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 4]

représentées par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour

Nous, Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère à la cour d'appel de Colmar, magistrat chargé de la mise en état, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière,

Après avoir entendu, en présence de Lauriane JAEGLER, greffière stagiaire, les conseils des parties en leurs explications à l'audience du 21 février 2024, statuons comme suit :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 22 juillet 2022 condamnant notamment la SAS Troisa à faire réaliser divers travaux sous astreinte et rejetant d'autres demandes de M. et Mme [S] ;

Vu l'appel interjeté par M. et Mme [S] par déclaration effectuée par voie électronique le 19 septembre 2022 ;

***

Vu la requête de la société Troisa du 10 mars 2023, transmise par voie électronique le même jour, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger la requête recevable et bien fondée,

- juger irrecevable l'action formée par les époux [S] à son encontre,

- juger les époux [S] irrecevables en leurs appel et demandes ;

- condamner les époux [S] aux frais et dépens de l'instance et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de M. et Mme [S] du 9 mai 2023, transmises par voie électronique le même jour ;

Vu l'audience du 10 mai 2023 à laquelle les parties ont été invitées à conclure sur le pouvoir du magistrat de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée ;

Vu les conclusions de M. et Mme [S] du 3 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger la requête en irrecevabilité de la société Troisa irrecevable et mal fondée,

- juger leur appel recevable,

- débouter la société Troisa de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens,

- condamner la société Troisa à leur payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour s'être abstenue, dans une intention manifestement dilatoire, de soulever son moyen d'irrecevabilité en première instance,

- condamner la société Troisa à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'incident,

en soutenant, en substance, que :

- la société Troisa s'est laissée assigner puis condamner sans jamais faire part qu'elle n'était plus propriétaire,

- la requête aux fins d'irrecevabilité de la société Troisa est irrecevable, car le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en 1ère instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge,

- leur action est recevable, indépendamment du fait qu'elle ne soit plus propriétaire de l'immeuble, car leur action n'est pas liée uniquement à la qualité de propriétaire de l'immeuble et ils ont qualité et intérêt à agir contre cette société qui est à l'origine des préjudices qu'ils subis puisque c'est elle qui a fait construire l'immeuble,

- ils agissent sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage ; rien n'empêche la victime d'actionner directement le tiers auteur du trouble, et, en l'espèce, la société Troisa est réputée être le constructeur de l'immeuble voisin, puisqu'elle en est le maître de l'ouvrage et bénéficiaire de l'autorisation de construire, et dès lors l'auteur du trouble,

- il existe une responsabilité conjointe de la société Troisa et de la société [Localité 7],

- l'attitude et la stratégie de la société Troisa est totalement dilatoire, n'ayant jamais fait état de ce qu'elle n'était plus propriétaire depuis 2019, alors qu'elle est représentée par un avocat qui est tenu par un devoir de loyauté et de confraternité et que les sociétés Troisa et [Localité 7] ont le même gérant.

Vu les conclusions récapitulatives sur incident n°2 de la société Troisa du 12 décembre 2023, transmises par voie électronique le 13 décembre 2023, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger la requête recevable et bien fondée,

- déclarer irrecevable l'action formée par les époux [S] à son encontre,

- déclarer les conclusions justificatives d'appel des consorts [S] irrecevables,

- juger l'assignation en intervention forcée délivrée par les consorts [S] à l'encontre de la société [Localité 7] irrecevable sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile,

- juger les époux [S] irrecevables en leurs appel et demandes ;

- condamner les époux [S] aux frais et dépens de l'instance et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

en soutenant, en substance :

- sur la fin de non-recevoir opposée aux demandes des époux [S] : elle a acquis une grange située [Adresse 3] à [Localité 7], et obtenu les autorisations d'urbanisme préalables à la démolition et à l'édification d'un immeuble, puis a vendu le 15 novembre 2019 à la société [Localité 7] l'immeuble à usage d'habitation sis à cette adresse ; l'action et les demandes des époux [S] sont étroitement liées à la qualité de propriétaire de l'immeuble, de sorte qu'ils sont dépourvus de qualité et d'intérêt à agir à son encontre, ne disposant d'aucun droit réel immobilier sur le bien ;

- les époux [S] n'ont pas soulevé in limine litis l'incompétence du conseiller de la mise en état, de sorte que cette exception n'est pas recevable en application de l'article 74 du code de procédure civile,

- sur sa prétention intention dilatoire : le fait de soulever la fin de non-recevoir pour la première fois en appel ne caractérise pas une faute et encore moins une intention dilatoire en application de l'article 123 du code de procédure civile ; aucune preuve d'intention dilatoire, ni d'un préjudice en découlant, n'est apportée ; elle n'a pas à supporter les conséquences de la négligence des époux [S], qui devaient vérifier, lors de la délivrance de l'assignation, sa qualité de propriétaire,

- sur l'irrecevabilité de l'intervention forcée de la société [Localité 7] à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile : la circonstance que la société Troisa n'est pas propriétaire constitue une circonstance existante bien avant l'assignation de septembre 2020 et aurait pu être vérifiée par une simple consultation du Livre foncier, de sorte que les époux [S] ne justifient pas de l'existence de circonstances nouvelles postérieures au jugement et modifiant les données juridiques du litige,

- sur l'action des consorts [S] qui serait recevable en ce que leurs prétentions se fondent également sur la théorie des troubles anormaux du voisinage : il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de statuer sur un moyen de fond ; les appelants maintiennent la confusion entre la notion de recevabilité de l'action et de recevabilité des prétentions, alors que leur action et leurs prétentions qui en découlent sont étroitement liées à la qualité de propriétaire, de sorte que l'appel et les conclusions sont irrecevables en application de l'article 914 du code de procédure civile.

***

Vu la requête en incident de la SCI [Localité 7] datée du 7 août 2023, transmise par voie électronique le même jour, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger la requête recevable et bien fondée,

- juger que l'assignation du 16 mai 2023 délivrée par les époux [S] à la société [Localité 7] à hauteur de cour d'appel irrecevable, et corrélativement,

- juger les conclusions en réplique et d'intervention forcée irrecevables,

- juger les époux [S] irrecevables en leurs appels et demandes formulées à l'encontre de la société [Localité 7],

- condamner les époux [S] aux frais et dépens de l'instance,

- condamner les époux [S] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

en soutenant, en substance, que :

- le conseiller de la mise en état est compétent pour connaître de ce moyen, en application des articles 907 et 914 du code de procédure civile,

- la circonstance que la société Troisa n'est pas propriétaire constitue une circonstance existante bien avant l'assignation de septembre 2020 et aurait pu être vérifiée par une simple consultation du Livre foncier, de sorte que les époux [S] ne justifient pas de l'existence de circonstances nouvelles postérieures au jugement et modifiant les données juridiques du litige,

- les consorts [S] ne justifient pas de l'existence d'un obstacle juridique à saisir la juridiction du premier degré de demandes formulées à son encontre.

Vu les conclusions de M. et Mme [S] du 3 octobre 2023, transmises par voie électronique le même jour, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger l'assignation délivrée à la société [Localité 7] par les époux [S] recevable,

- juger la requête en irrecevabilité de la société [Localité 7] irrecevable et mal fondée,

- débouter la société [Localité 7] de ses prétentions, fins et moyens,

- condamner la société [Localité 7] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux frais et dépens de l'incident.

en soutenant, en substance :

- avoir assigné la société [Localité 7] en intervention forcée au visa de l'article 555 du code de procédure civile,

- compte tenu de sa qualité de propriétaire actuel de l'immeuble et du fait de la persistance des griefs dans la mesure où la condamnation de 1ère instance n'a pas été mise à exécution, la société [Localité 7] sera condamnée solidairement ou in solidum avec la société Troisa ; le propriétaire actuel d'un fonds doit répondre des troubles anormaux de voisinage provenant de son bien, même s'ils sont imputables à son auteur ; il existe une responsabilité conjointe des deux sociétés,

- l'évolution du litige, à savoir le changement de propriétaire et le silence gardé par la société Troisa sur ce changement, justifie la mise en cause de la société [Localité 7] à hauteur d'appel au visa des articles 554 et 555 du code de procédure civile,

- la société Troisa a révélé n'être plus propriétaire et avoir vendu le bien pour la 1ère fois par conclusions du 10 mars 2023, soit après le jugement de 1ère instance.

Vu les conclusions récapitulatives sur incident n°1 de la société [Localité 7] du 12 décembre 2023, transmises par voie électronique le 13 décembre 2023, demandant au conseiller de la mise en état de :

- juger la requête recevable et bien fondée,

- juger l'assignation du 16 mai 2023 en intervention forcée délivrée par les consorts [S] à l'encontre de la société [Localité 7] à hauteur de cour d'appel irrecevable, corrélativement ;

- juger les conclusions en réplique et d'intervention forcée irrecevables ;

- juger les époux [S] irrecevables en leurs appel et demandes formulées à l'encontre de la société Norheim ;

- condamner les époux [S] aux frais et dépens de l'instance,

- condamner les époux [S] à verser à la société [Localité 7] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

en ajoutant, en substance, qu'elle entend soulever le moyen de la recevabilité de l'intervention forcée qui lui a été délivrée le 13 juin 2023 ; qu'il n'existe pas de circonstances nouvelles postérieures au jugement querellé et modifiant les données juridiques du litige ; les appelants disposaient d'éléments qui leur auraient permis de s'apercevoir que la société [Localité 7] était propriétaire du bien, en effectuant une recherche au Livre foncier ; ils ne se sont pas assurés de la qualité à agir de la société Troisa et il n'appartient pas à la société [Localité 7] de supporter leur carence dans la préparation de leur action en justice.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de la société Troisa tendant à juger irrecevable l'appel des époux [S] :

Les époux [S] ont interjeté appel d'un jugement ayant statué dans un litige l'opposant à la société Troisa, laquelle a comparu devant le premier juge.

Les intimés demandent au conseiller de la mise en état de juger les époux [S] irrecevables en leur appel. Toutefois, ils n'opposent aucune fin de non-recevoir à l'appel interjeté par les époux [S], lequel est, d'ailleurs, recevable.

La demande de la société Troisa tendant à juger irrecevable l'appel de M. et Mme [S] sera donc rejetée.

2. Sur la demande de la société Troisa tendant à juger irrecevables l'action et les demandes des époux [S] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir à son encontre :

Selon l'article 789, 6° du code de procédure civile, auquel renvoie l'article 907 dudit code, le conseiller de la mise en état a le pouvoir de 'statuer sur les fins de non-recevoir'.

Cependant, ces dispositions ne sauraient avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi.

Seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir, prévu par l'article 542 du code précité, d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée.

Ainsi, le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge. (Cf. Avis de la Cour de cassation, 3 juin 2021, n° 21-70.006).

En l'espèce, le jugement attaqué a notamment condamné la société Troisa à faire réaliser divers travaux sur l'immeuble située [Adresse 3] à [Localité 7], et ce, sous astreinte, et a rejeté les autres demandes de M. et Mme [S].

M. et Mme [S] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes qu'ils listent dans la déclaration d'appel, tandis que la société Troisa a interjeté appel incident du jugement en ce qu'il l'a condamnée à faire réaliser divers travaux sur l'immeuble précité.

En application de l'article 562 du code de procédure civile, la cour est saisie de ces chefs dudit jugement.

Le conseiller de la mise en état n'a dès lors pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir, qui lui est soumise, opposée à cette action dirigée contre la société Troisa, puisque dans l'hypothèse où elle était accueillie, sa décision aurait pour effet de remettre en cause le chef du jugement qui est à présent soumis à la cour.

Dès lors qu'il s'agit d'un défaut de pouvoir et non pas d'une incompétence, les règles invoquées régissant l'exception d'incompétence ne sont pas applicables.

Les demandes de la société Troisa, en tant que soulevées devant le conseiller de la mise en état, tendant à juger irrecevables l'action et les demandes de M. et de Mme [S], ne sont donc pas recevables.

3. Sur la demande de la société Troisa tendant à juger irrecevables les conclusions de M. et Mme [S] :

Selon l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à : (...) déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ; (...).

Cependant, outre que la société Troisa et la société [Localité 7] ne soutiennent pas en quoi les conclusions seraient irrecevables en application de ces deux derniers textes, il convient de constater que les dispositions de l'article 909 dudit code ne concernent que les conclusions de l'intimé, tandis que M. et Mme [S] sont appelants, et que celles de l'article 910 de ce code, concernant l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué

ont été respectées, dans la mesure où la société Troisa a notifié ses conclusions d'appel incident le 10 mars 2023 par voie électronique et où M. et Mme [S] y ont répondu par conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2023.

Cette demande sera donc rejetée.

4. Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts dirigée contre la société Troisa :

M. et Mme [S] fondent cette demande sur les dispositions de l'article 123 du code de procédure civile.

Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée à l'action et aux demandes de M. et Mme [S] n'a pas de caractère dilatoire en ce qu'elle a été soulevée devant le conseiller de la mise en état, qui n'a pas le pouvoir de statuer, et qu'il n'est pas démontré que les fins de non-recevoir opposées à l'appel et aux conclusions l'aient été dans une intention dilatoire.

La demande sera donc rejetée.

5. Sur les demandes tendant à juger irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée à la société [Localité 7] sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile :

Selon l'article 555 du code de procédure civile, peuvent être appelées devant la cour, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Au sens de ce texte, l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieurement à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige.

En l'espèce, la société [Localité 7] n'était pas partie en première instance, n'y a pas non plus été représentée et n'y a pas figuré en une autre qualité.

M. et Mme [S] soutiennent que l'évolution du litige, à savoir le changement de propriétaire et le silence gardé par la société Troisa sur ce changement, justifie la mise en cause de la société [Localité 7] à hauteur d'appel au visa des articles 554 et 555 dudit code.

Il est constant que la société Troisa était propriétaire de la parcelle située [Adresse 3] à [Localité 7], qu'elle justifie avoir vendue, selon acte authentique reçu le 15 novembre 2019 à la société [Localité 7].

Cependant, la société Troisa n'avait jamais fait état de cette vente, tant pendant l'expertise ordonnée par le juge des référés, que devant le tribunal ayant rendu le jugement attaqué.

En effet, la société Troisa n'a pas fait état de sa perte de qualité de propriétaire et de la vente à la société [Localité 7] lors du déroulement des opérations d'expertise ordonnée le 12 mars 2018 et dont la mission a été étendue le 10 septembre 2019, puisque le rapport d'expertise, comprenant les dires des parties, notamment de la société Troisa, date du 28 février 2020 et ne comporte aucune indication à cet égard.

En outre, il résulte du jugement attaqué du 22 juillet 2022 que la société Troisa n'avait pas, à hauteur de première instance, et alors même qu'elle avait été assignée le 22 septembre 2020, contesté sa qualité de propriétaire de la parcelle située [Adresse 3] à [Localité 7], ni d'ailleurs qu'elle y avait fait démolir une grange et édifier un immeuble de plusieurs logements. Elle a conclu au fond, sans contester la recevabilité des demandes dirigées à son encontre, et partant, sans évoquer sa perte de qualité de propriétaire dudit bien.

Ce n'est qu'à hauteur d'appel, par conclusions du 10 mars 2023, qu'elle a indiqué avoir vendu ledit bien, et ce à la société [Localité 7], et soulevé l'absence d'intérêt et de qualité de M. et Mme [S] à agir contre elle et non pas contre la société [Localité 7].

Ainsi, la révélation de la vente de l'immeuble par la société Troisa est intervenue postérieurement au jugement.

Dès lors que la société Troisa n'avait pas précédemment contesté sa qualité de propriétaire et avait conclu sur le fond des demandes dirigées contre elle, il ne peut être fait grief à M. et Mme [S] de ne pas avoir vérifié sa qualité de propriétaire en consultant le Livre foncier.

La révélation de cette vente constitue, en conséquence, une évolution du litige justifiant l'assignation en intervention forcée de la société [Localité 7].

Les demandes tendant à juger irrecevable en intervention forcée, qui sont recevables, seront dès lors rejetées.

6. Sur la demande de la société [Localité 7] tendant à déclarer irrecevables les conclusions en réplique et d'intervention forcée :

La demande tendant à juger irrecevables les conclusions en réplique et d'intervention forcée est formée 'corrélativement' à la demande tendant à juger irrecevable l'assignation en intervention forcée à hauteur d'appel.

Or, ladite demande a été rejetée et il n'existe aucune cause d'irrecevabilité de ces conclusions, signifiées le 16 mai 2023 à la société [Localité 7].

En conséquence, la présente demande sera rejetée.

7. Sur la demande de la société [Localité 7] tendant à juger M. et Mme [S] irrecevables en leur appel :

La demande de la société [Localité 7] tendant à juger M. et Mme [S] irrecevables en leur appel est également formée 'corrélativement' à la demande tendant à juger irrecevable l'assignation en intervention forcée à hauteur d'appel.

Or, ladite demande a été rejetée et la déclaration d'appel, qui est recevable, n'était pas dirigée contre la société [Localité 7].

La présente demande sera donc rejetée.

8. Sur la demande de la société [Localité 7] tendant à juger irrecevables les demandes de M. et Mme [S] à son encontre :

La demande tendant à juger M. et Mme [S] irrecevables en leurs demandes formulées à l'encontre de la société [Localité 7] est également formée 'corrélativement' à la demande tendant à juger irrecevable l'assignation en intervention forcée à hauteur d'appel.

Or, ladite demande a été rejetée et n'est soulevée aucune fin de non-recevoir, autre que celle fondée sur l'article 555 du code de procédure civile, laquelle a été rejetée. En outre, la société [Localité 7] se reconnaît comme étant propriétaire du bien immobilier en litige. Les demandes formées contre la société [Localité 7] sont recevables.

La présente demande sera donc rejetée.

9. Sur les frais et dépens :

La société Troisa succombant principalement en sa requête, elle supportera la charge des éventuels dépens de l'incident qu'elle a introduit.

La société [Localité 7] succombant en sa requête, elle supportera la charge des éventuels dépens de l'incident qu'elle a introduit.

Leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société Troisa sera condamnée à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [Localité 7] sera également condamnée à payer à M. et Mme [S] une autre somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par décision mise à disposition au greffe, déférable à la cour dans les quinze jours de son prononcé,

Rejetons la demande de la société Troisa tendant à juger irrecevable l'appel de M. et Mme [S] ;

Déclarons irrecevables, en tant qu'elles sont soulevées devant le conseiller de la mise en état, les demandes de la société Troisa tendant à juger irrecevables l'action et les demandes de M. et de Mme [S] ;

Rejetons la demande tendant à juger irrecevables les conclusions de M. et Mme [S] ;

Rejetons la demande reconventionnelle en dommages-intérêts dirigée contre la société Troisa ;

Déclarons recevables, mais rejetons les demandes tendant à juger irrecevable sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile l'assignation en intervention forcée délivrée par M. et Mme [S] à l'encontre de la société [Localité 7] ;

Rejetons la demande de la société [Localité 7] tendant à déclarer irrecevables les conclusions de M. et Mme [S] en réplique et d'intervention forcée ;

Rejetons la demande de la société [Localité 7] tendant à juger M. et Mme [S] irrecevables en leur appel ;

Rejetons la demande de la société [Localité 7] tendant à juger irrecevables les demandes de M. et Mme [S] à son encontre ;

Condamnons la société Troisa à supporter la charge des éventuels dépens de l'incident qu'elle a introduit ;

Condamnons la société [Localité 7] à supporter la charge des éventuels dépens de l'incident qu'elle a introduit ;

Condamnons la société Troisa à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de la société Troisa au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société [Localité 7] à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de la société [Localité 7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le magistrat de la mise en état,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/03530
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;22.03530 ?
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