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05/04/2024 | FRANCE | N°19/04015

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 avril 2024, 19/04015


MINUTE N° 153/2024





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 5 avril 2024



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 05 AVRIL 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04015 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HFXN



Décision déférée à la cour : 14 Juin 2019 par le trib

unal de grande instance de SAVERNE



APPELANTS :



Monsieur [C] [E] [M]

Madame [Z] [P] épouse [M]

Madame [F] [M]

demeurant ensemble [Adresse 2] à [Localité 7]



représentés par Me BEN AISSA-ELCHINGER de la SELARL ARTHUS, avocat à la cour.





INT...

MINUTE N° 153/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 5 avril 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04015 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HFXN

Décision déférée à la cour : 14 Juin 2019 par le tribunal de grande instance de SAVERNE

APPELANTS :

Monsieur [C] [E] [M]

Madame [Z] [P] épouse [M]

Madame [F] [M]

demeurant ensemble [Adresse 2] à [Localité 7]

représentés par Me BEN AISSA-ELCHINGER de la SELARL ARTHUS, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [R] [O]

Madame [G] [P] épouse [O]

demeurant ensemble [Adresse 1] à [Localité 7]

représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre,

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère,

Madame Nathalie HERY, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [F] [M] est nue-propriétaire, M. [C] [M] et Mme [Z] [P], épouse [M] étant usufruitiers d'un bien immobilier constitué d'une maison édifiée sur une parcelle située [Adresse 2] à [Localité 7] (67), cadastrée n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 6].

M. [R] [O] et Mme [G] [P], épouse [O], sont propriétaires d'une parcelle contiguë, située [Adresse 1], cadastrée n°[Cadastre 5], sur laquelle ils ont érigé un mur surmonté d'un grillage en limite séparative.

Par assignation délivrée le 23 septembre 2015, les consorts [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Saverne d'une demande aux fins de suppression, sous astreinte, d'un empiètement sur leur propriété, ainsi qu'aux fins d'indemnisation.

Saisi par les époux [O]-[P], le juge de la mise en état a, par ordonnance du 16 décembre 2016, déclaré irrecevable leur demande en bornage formulée sur incident, et a ordonné une expertise confiée à M. [U], géomètre expert, afin de relever les limites entre les fonds respectifs des parties et de dire si le mur édifié par les époux [O]-[P] empiétait sur le fonds des demandeurs.

L'expert a déposé son rapport le 8 juin 2017. Il a conclu que le mur de clôture empiétait de 5 cm sur la propriété [M], à l'une de ses extrémités (située en A sur le plan figurant en l'annexe 5 du rapport), tout en relevant qu'à l'extrémité opposée, ce mur se trouvait entièrement sur la propriété Ezouan, en recul de 4 cm par rapport à la limite cadastrale.

Par jugement du 14 juin 2019 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment :

- condamné solidairement M. [O] et Mme [P], épouse [O], à faire démolir le mur situé en limite des propriétés sises [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 7], entre les parcelles n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], en ce qu'il empiétait sur la propriété des consorts [M], et ce sous astreinte d'un montant provisoire de 25 euros par jour de retard, passé ce délai (sic), et pendant quatre mois,

- débouté les consorts [M] de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné solidairement les époux [O]-[P] aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement, aux consorts [M], de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en les déboutant de leur propre demande présentée sur ce fondement.

Les consorts [M] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 4 septembre 2019.

Par arrêt mixte du 18 novembre 2021, la cour a :

- constaté l'existence d'un empiètement de 5 cm à l'une de ses extrémités (située en A sur le plan figurant en l'annexe 5 du rapport de M. [U]), du mur de clôture édifié par les époux [O]-[P] et des fondations situées sous cette partie du mur, mais aussi des trois premiers plots supportant les poteaux du grillage de leur clôture prolongeant ce mur, de 8 cm pour le premier et de 2 cm pour chacun des deux suivants, sur la parcelle cadastrée n°[Cadastre 4] des consorts [M],

- sursis à statuer pour le surplus, et avant dire droit sur les remèdes à apporter à ces empiètements, ordonné une expertise ;

- désigné pour y procéder M. [K] [Y], expert près la cour d'appel de Colmar, avec notamment pour mission de :

* déterminer si l'une des solutions proposées par les époux [O]-[P], à savoir (1°) la réduction de l'épaisseur du mur de clôture empiétant sur la parcelle des consorts [M], d'environ 30 mm, d'une hauteur de 0,95 à 1,3 m sur une longueur de 2 m, ou (2°) la découpe de la totalité de ce mur sur une épaisseur de 20 cm, une longueur de 2 m, et une hauteur de 0,95 à 1,3 m au-dessus de la fondation existante, assortie de sa reconstruction avec un décalage de 30 mm environ, peut s'envisager afin de supprimer l'empiètement partiel du mur, mais aussi si chacune de ces deux techniques proposées peut mettre fin ou être modifiée de façon à mettre fin à l'empiètement partiel des fondations de ce mur, le tout sans compromettre la solidité dudit mur de clôture,

* proposer le cas échéant une autre solution alternative à la démolition du mur et de ses fondations,

* dire si l'arasement de la partie empiétant sur la parcelle des consorts [M] des trois premiers plots supportant les poteaux de la clôture grillagée prolongeant ce mur de clôture, soit 8 cm pour le premier et 2 cm pour chacun des deux suivants, peut permettre de supprimer ces empiétements, sans compromettre la solidité des poteaux de clôture qu'ils supportent,

* indiquer, s'il y a lieu, quels travaux complémentaires doivent être envisagés, sans empiètement supplémentaire, pour mettre en oeuvre l'une ou l'autre de ces solutions, [..],

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.

L'expert a déposé son rapport le 8 juin 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 novembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 novembre 2023, les consorts [M] demandent à la cour de :

- constater que les époux [O]-[P] se sont exécutés et ont démoli le mur litigieux le 13 février 2023,

- condamner solidairement les époux [O]-[P] à payer aux consorts [M] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice financier et moral ;

- condamner solidairement les époux [O]-[P] aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d'expertise ;

- condamner solidairement les époux [O]-[P] à payer aux consorts [M] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus.

Ils indiquent que les époux [O]-[P] ont procédé à la destruction du mur litigieux et à sa reconstruction dans le respect des limites de propriété, et qu'ils ne peuvent donc soutenir que la demande des consorts [M] aurait été mal fondée.

Ils ajoutent qu'il ne peut pas non plus leur être reproché de ne pas avoir tenté de trouver une solution amiable, alors qu'il ressort des courriers de la société Groupama Grand Est, leur assureur de protection juridique, qu'ils n'exigeaient pas la démolition du mur mais sa mise en conformité avec les limites. Ils soutiennent que si aucun accord n'a pu être trouvé, c'est en raison de la contestation de l'empiétement par les époux [O]-[P], et considèrent que ce sont ces derniers qui ont refusé toute solution amiable, le courrier de la société Groupama Grand Est du 12 mai 2015 qu'ils invoquent n'ayant pas été envoyé par cette société en sa qualité d'assureur de protection juridique des consorts [M], mais en qualité d'assureur de responsabilité civile de l'entrepreneur ayant construit le mur.

Les consorts [M] considèrent que leur demande de dommages et intérêts est parfaitement légitime puisque l'empiétement du mur a été constaté dès 2013, et que bien qu'ils n'aient pas exigé la démolition du mur, celle-ci a finalement été réalisée après 8 ans de procédure en dépit des nombreuses démarches amiables entreprises par les appelants. Ils soulignent en outre que les époux [O]-[P] avaient obtenu en première instance la condamnation du professionnel ayant édifié le mur litigieux à les garantir.

M. [C] [M] indique avoir dû poser des jours de congé pour assister aux réunions d'expertise et faire de multiples démarches dans le cadre du litige. Il ajoute qu'il a été contraint de poser un grillage sur sa propriété car le mur des époux [O]-[P] n'allait pas jusqu'à la route, contrairement au grillage qui était implanté sur la limite séparative avant l'édification du mur litigieux, laissant un espace de 50 cm, qui ne pouvait être seul comblé du fait de l'empiétement des fondations du mur. Il invoque les frais liés à la pose du grillage ainsi que le coût d'intervention de M. [L], géomètre-expert auquel il a dû faire appel pour constater l'empiètement.

Ils estiment que les intimés devront supporter les entiers frais de la procédure, y compris les frais d'expertise qui n'ont été exposés que du fait de leur refus de remédier immédiatement à l'empiètement, soulignant que le fait qu'ils bénéficient d'une assurance protection juridique ne signifie pas qu'ils n'ont pas supportés de frais.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2023, les époux [O]-[P] demandent à la cour de constater qu'ils se sont exécutés et ont démoli le mur litigieux et enlevé les plots, de débouter les consorts [M] de toute demande indemnitaire et de les condamner au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Ils invoquent leur bonne foi et le fait qu'ils ont fait construire le mur par un professionnel.

Ils affirment que, contrairement à ce qu'il prétend, M. [M] exigeait la démolition du mur se référant à cet égard à un courrier de la société Groupama Grand Est du 12 mai 2015 ; qu'il a initié le même litige avec d'autres voisins ; que les consorts [M] ne se sont pas satisfaits du jugement ordonnant la démolition du mur sur toute sa longueur et ont interjeté appel pour obtenir la démolition des fondations et des dommages et intérêts, alors qu'eux-mêmes étaient prêts à accepter le jugement.

Ils indiquent que si l'expert nommé par la cour avait proposé des solutions pour éviter la démolition du mur, ils y ont finalement procédé.

Pour s'opposer à la demande de dommages et intérêts, ils contestent tout résistance abusive de leur part, et la prétendue volonté de M. [M] de trouver une solution amiable. Ils font valoir que celui-ci ne peut se plaindre de devoir clore son héritage tout en demandant la démolition du mur de clôture édifié par ses voisins, et invoquent le fait qu'ils sont un jeune couple avec des enfants en bas-âge et qu'ils ne disposent pas d'assurance protection juridique.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera constaté que bien que la demande initiale d'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ne soit pas reprise dans le dispositif des dernières conclusions, elle est néanmoins implicite au vu des demandes dont la cour est saisie, s'agissant d'un appel antérieur au 17 septembre 2020.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice financier et moral

Les demandes initiales des consorts [M] ne visaient pas à la démolition du mur mais à sa mise en conformité, le courrier de la société Groupama Grand Est du 12 mai 2015 auquel se référent les intimés qui fait état d'une demande de démolition du mur émanant de M. [M] ayant été adressé par cette société à l'entreprise ayant construit le mur litigieux, dont elle était l'assureur de responsabilité civile, et non en tant que mandataire de M. [M] dont elle est aussi l'assureur de protection juridique.

Le fait pour les époux [O]-[P] de contester l'empiétement allégué en invitant les consorts [M] à faire intervenir un géomètre, puis de contester les conclusions de ce géomètre, M. [L], et de demander une expertise judiciaire en invoquant le déplacement d'une borne, ne saurait suffire à caractériser une résistance abusive, ces derniers n'ayant en effet fait qu'exercer leur droit de se défendre dans le cadre du litige qui concernait la délimitation des propriétés respectives.

Il sera au surplus relevé que l'appel du jugement ayant ordonné la démolition du mur n'a pas été formé par les époux [O]-[P] mais par les consorts [M] qui souhaitaient obtenir, en plus de la démolition du mur, leur condamnation à démolir les fondations, ainsi que des dommages et intérêts, la nouvelle expertise ayant été ordonnée, à l'initiative de la cour, dans la mesure où, sur appel incident, les époux [O]-[P] demandaient à ne pas être condamnés à démolir le mur mais seulement à le raboter selon l'une ou l'autre des solutions qu'ils proposaient, l'empiètement étant minime.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté la demande des consorts [M] en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

La demande de dommages et intérêts sera rejetée pour le surplus en tant qu'elle porte sur les frais de l'expertise de M. [L] qui relèvent de l'article 700 du code de procédure civile et sur le coût de pose d'un grillage lequel ne constitue pas en lui-même un préjudice, lequel ne serait d'ailleurs subi que par M. [C] [M] qui prétend avoir financé et posé ce grillage et non par les consorts [M].

Sur les dépens et frais exclus des dépens

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens, en l'absence de justification de ce que les consorts [M] ont supporté des frais susceptibles d'être imputés aux époux [O]-[P] excédant l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par le tribunal.

En considération de la solution du litige les dépens d'appel, y compris les frais de l'expertise de M. [Y] seront supportés par moitié par chacune des parties, les demandes réciproques formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt mixte du 18 novembre 2021 ;

DONNE acte aux époux [R] [O] et [G] [P] de ce qu'ils ont procédé à la démolition du mur litigieux et à l'enlèvement des plots ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [M] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens ;

DEBOUTE les consorts [M] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;

CONDAMNE Mme [F] [M], M. [C] [M] et Mme [Z] [P], épouse [M], d'une part et les époux [R] [O] et [G] [P], d'autre part à supporter chacun la moitié des dépens d'appel incluant les frais de l'expertise de M. [Y] ;

REJETTE les demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/04015
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;19.04015 ?
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