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28/03/2024 | FRANCE | N°23/02523

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 28 mars 2024, 23/02523


MINUTE N° 141/2024













































Copie exécutoire

aux avocats



Le 28 mars 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 28 MARS 2024







Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/02523 -

N° Porta

lis DBVW-V-B7H-IDLL



Décision déférée à la cour : 20 Juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTS :



Madame [H] [D] épouse [P] et

Monsieur [W] [P]

demeurant tous deux [Adresse 2] à [Localité 4]



La S.C.I. LES 4 FANTASTIQUES, prise en la personne de so...

MINUTE N° 141/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 28 mars 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/02523 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IDLL

Décision déférée à la cour : 20 Juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTS :

Madame [H] [D] épouse [P] et

Monsieur [W] [P]

demeurant tous deux [Adresse 2] à [Localité 4]

La S.C.I. LES 4 FANTASTIQUES, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 4]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

INTIMÉ :

Monsieur [X] [B]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 4]

représenté par Me Marion POLIDORI, Avocat à la cour

plaidant : Me BUDRIA, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [P] et Mme [H] [D], son épouse, sont domiciliés [Adresse 2] à [Localité 5] (67), la SCI Les 4 Fantastiques dont ils sont les gérants ayant son siège à cette même adresse ; ils ont pour voisin M. [X] [B], propriétaire du bien sis au n°13 de la même rue.

Se plaignant de la qualité et de l'objet de l'élagage des plantations sises sur la limite séparative des propriétés entrepris par les époux [P]-[D] et de ce que l'entreprise qu'ils avaient mandaté à cette fin avait pénétré sur son terrain sans autorisation, M. [B], le 29 mars 2022, a fait assigner les époux [P]-[D] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins, principalement, de voir :

ordonner l'arrachage des arbustes situés à moins de 50 centimètres de la limite séparative des deux propriétés, l'élagage du pin litigieux à hauteur de deux mètres sous astreinte,

encadrer la servitude de tour d'échelle par des constats d'huissier aux frais des époux [P]-[D] aux fins d'éviter tout litige ultérieur ou divergence,

condamner ces derniers à lui payer des dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage.

La SCI Les 4 Fantastiques est intervenue volontairement à la procédure.

Considérant que les demandes de M. [B] étaient prescrites, les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques ont saisi le juge de la mise en état d'un incident.

Par ordonnance du 20 juin 2023, le juge de la mise en état a :

débouté les époux [P]- [D] et la SCI Les 4 Fantastiques de l'intégralité de leurs prétentions ;

condamné les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques aux dépens de l'incident ;

condamné les époux [P]-[D] à payer à M. [B] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé les dispositions des articles 122 du code de procédure civile, 2219 et 2224 du code civil, le juge, a indiqué qu'au regard de l'article 122 précité, la prescription visée était la prescription extinctive et a souligné que l'usucapion n'était pas, en soi, une fin de non-recevoir et qu'il n'avait donc pas à répondre aux moyens soulevés ne pouvant venir au soutien d'une prescription de l'action.

Il a considéré que, s'agissant du trouble de voisinage invoqué par M. [B], la prescription n'avait pas commencé à courir puisque ledit trouble était toujours actuel.

Les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques ont formé appel à l'encontre de cette ordonnance en toutes ses dispositions par voie électronique le 29 juin 2023.

Selon ordonnance du 28 août 2023, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du 24 novembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 17 novembre 2023, les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques demandent à la cour de :

déclarer recevable et bien-fondé leur appel ;

infirmer la décision du 20 juin 2023 ;

statuant à nouveau :

déclarer prescrite l'action de M. [B] ;

en conséquence :

déclarer l'action irrecevable et mal fondée ;

débouter M. [B] de ses contestations et de ses demandes ;

condamner M. [B] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants exposent que la procédure a été diligentée par M. [B] sur le fondement des dispositions des articles 671 et suivants du code civil et sur celui du trouble anormal de voisinage.

Les appelants font état de ce que la prescription de l'action fondée sur l'article 671 du code civil est trentenaire et qu'il est manifeste que les arbres litigieux sont présents depuis plus de trente ans.

Ils ajoutent que la SCI Les 4 Fantastiques est propriétaire de la maison depuis 2000 soit depuis plus de vingt-deux ans, qu'elle n'a jamais planté le pin litigieux qui était déjà présent avant l'acquisition du bien.

Ils critiquent les photographies produites par M. [B] lesquelles ne font pas foi au regard de l'angle de vue et n'ont pas date certaine.

Ils entendent rappeler qu'il appartient à celui qui entend se prévaloir d'un droit de justifier qu'il est recevable et non prescrit à agir sur ce fondement.

Les appelants exposent que l'action sur le trouble anormal de voisinage est une action de droit commun soumise à la prescription de cinq ans laquelle, en l'espèce, est acquise puisque qu'il résulte de l'assignation de M. [B] que ce trouble anormal du voisinage perdure depuis plus de huit années, le fait que ce dernier n'ait pas eu accès à sa propriété n'étant pas de nature à suspendre la prescription et le fait que le trouble se soit aggravé n'étant pas un élément interruptif ou de nature à prolonger la prescription.

Les appelants tiennent à souligner qu'ils n'ont jamais été opposés, et restent disposés, à procéder à l'élagage des branches qui dépassent sur la propriété de M. [B], ce qui n'a pas pu être fait au regard de l'opposition de ce dernier, les constats d'huissiers de justice qu'il sollicite étant inutiles pour un élagage lequel, par nature, doit se répéter.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 23 août 2023, M. [B] demande à la cour de :

déclarer irrecevable, en tout cas mal fondé, l'appel des époux [P]-[D] et de la SCI Les 4 Fantastiques ;

en conséquence :

le rejeter ;

confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

et, en tout état de cause :

rejeter l'ensemble des moyens, fins et prétentions des époux [P]- [D] et de la SCI Les 4 Fantastiques ;

condamner les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques in solidum à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques aux entiers frais et dépens de première instance comme d'appel.

Se prévalant des dispositions des articles 671 et 672 du code civil, M. [B] expose que les photographies qu'il produit démontrent que le pin litigieux dépasse largement la hauteur prescrite de deux mètres et est planté à moins de deux mètres de la limite séparative des deux propriétés.

Il conteste que les époux [P]-[D] bénéficient de la prescription trentenaire alors qu'ils n'ont acheté leur propriété actuelle qu'au début des années 2000, des photographies annexées démontrant qu'en 2003, le pin n'existait pas et souligne qu'en tout état de cause, l'arbre n'a pas atteint les deux mètres depuis trente années.

Il critique l'attestation du paysagiste produite par les appelants laquelle émane de la société Freytal, paysagiste habituel de la SCI Les 4 Fantastiques et des époux [P]-[D], lequel ne procède que par affirmation.

Sur les troubles anormaux du voisinage, M. [B] soutient que son action n'est pas prescrite au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil instaurant la prescription quinquennale puisque si les nuisances ont débuté effectivement autour de l'année 2015, le trouble s'est largement aggravé depuis.

Il souligne qu'il ne résidait pas [Adresse 6] entre 2015 et 2020, ce qui ne lui permettait pas de constater que le trouble avait perduré et que ce n'est qu'au début de l'année 2020, lorsqu'il a repris possession des lieux, qu'il a constaté que ses voisins n'avaient pas pris en compte sa demande du 15 juin 2015, ce qui l'a amené à entreprendre une démarche amiable qui a été refusée puis à agir en justice.

Il précise qu'au-delà de simples déchets organiques produits par l'arbre, il ne dispose pas d'ensoleillement suffisant pour cultiver son potager et, compte tenu de la croissance du pin sylvestre, perd considérablement l'utilisation d'espace d'année en année.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

M. [B] ne développant aucun moyen à l'appui de sa demande d'irrecevabilité de l'appel des époux [P]-[D] et de la société Les 4 Fantastiques et en l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il y a lieu de déclarer cet appel recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Sur le prescription de l'action fondée sur les articles 671 et 672 du code civil

M. [B] a fait assigner les époux [P]-[D] afin d'obtenir l'arrachage d'arbustes plantés et l'élagage d'un pin ne respectant pas les distances et la hauteur prévues par les articles susvisés.

Aux termes des dispositions de l'article 671 code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations

L'article 672 du même code permet au voisin d'exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Comme l'a rappelé avec pertinence le juge de la mise en état, l'article 2119 du même code dispose que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps, de sorte que l'usucapion dont se prévalent les appelants ne constitue pas une fin de non-recevoir telle que la définit l'article 122 du code de procédure civile à savoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour prescription de l'action.

Ce moyen est donc rejeté.

Sur la prescription de l'action fondée sur les troubles anormaux du voisinage

Le délai de prescription applicable, s'agissant d'une action personnelle est celui de l'article 2224 du code civil, soit cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer, l'action devant être engagée dans les cinq ans à compter de la première manifestation du trouble ayant causé le dommage ou de son aggravation.

M. [B] a fait assigner les époux [P]-[D] pour que soit indemnisé le préjudice moral qu'il subit du fait du trouble anormal du voisinage que ceux-ci lui causent lequel serait consécutif à des déchets organiques, de l'ombre et une impossibilité de cultiver son potager. Il fait état de ce que ce trouble s'est aggravé, ce à quoi les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques lui opposent que le fait que le trouble se soit aggravé n'est pas un élément interruptif ou prolongateur de prescription sans, pour autant, contester l'aggravation même du trouble.

M. [B] a indiqué que les nuisances avaient débuté autour de l'année 2015 et que le trouble qu'il subissait s'était largement aggravé depuis, ce qu'il n'avait pu constater qu'au début de l'année 2020 lorsqu'il avait repris possession des lieux loués auparavant, ses voisins n'ayant ainsi pas pris en compte sa demande formalisée dans son courrier du 15 juin 2015.

Les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques ne contestent pas l'existence de ce courrier ni même que M. [B] a repris possession de l'immeuble situé au n°13 de leur rue au début de l'année 2020, étant souligné que ce dernier produit un contrat de location du 27 juin 2015 qui justifie de ce qu'à partir du 1er juillet 2015, il a donné à bail le bien sis [Adresse 1] à [Localité 5], ce contrat ayant été résilié par jugement du 24 janvier 2019 dont il a été fait appel, de sorte qu'il doit être retenu que ce n'est qu'à partir du début de l'année 2020 que M. [B] a été en mesure de constater l'aggravation du trouble dont il fait état, ayant été dans l'impossibilité de le faire avant.

M. [B] ayant fait assigner les époux [P]-[D] le 29 mars 2022 devant le tribunal judiciaire de Strasbourg soit moins de cinq ans après avoir eu connaissance de l'aggravation du trouble, son action n'est pas prescrite.

Ce moyen est donc rejeté.

*

Considération prise du rejet des moyens soulevés par les appelants, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise de ces chefs.

Sur les dépens et les frais de procédure non compris dans les dépens

L'ordonnance entreprise est confirmée de ces chefs.

A hauteur d'appel, les époux [P]-[D] et la SCI Les 4 Fantastiques sont condamnés aux dépens et condamnés in solidum à payer à M. [B] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens.

Ils sont déboutés de leur demande d'indemnité formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DÉCLARE recevable l'appel de M. [W] [P], Mme [H] [D] et la SCI Les 4 Fantastiques ;

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg du 20 juin 2023 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [W] [P], Mme [H] [D] et la SCI Les 4 Fantastiques in solidum aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE in solidum M. [W] [P], Mme [H] [D] et la SCI Les 4 Fantastiques à payer à M. [X] [B] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE M. [W] [P], Mme [H] [D] et la SCI Les 4 Fantastiques de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/02523
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.02523 ?
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