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28/03/2024 | FRANCE | N°23/00783

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 28 mars 2024, 23/00783


MINUTE N° 130/2024

















































Copie exécutoire

aux avocats



Le 28 mars 2024



La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 28 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00783 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-I

AQJ



Décision déférée à la cour : 02 Février 2023 par le président du tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



S.A.S. AMELIA IMMO II, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 4]



représentée par Me Valérie...

MINUTE N° 130/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 28 mars 2024

La greffière

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00783 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IAQJ

Décision déférée à la cour : 02 Février 2023 par le président du tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

S.A.S. AMELIA IMMO II, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Valérie SPIESER, Aavocat à la cour

plaidant : Me PHAM, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

S.A.R.L. BEL IMMO prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 3] à [Localité 2]

représentée par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, Avocat à la cour

plaidant : Me REYNAUD, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte authentique du 19 novembre 2021, la SARL Bel Immo a vendu à la SAS Amelia Immo II un plateau à usage de bureaux au 8ème étage d'un immeuble sis à [Localité 4].

Selon exploit du 8 août 2022, la SAS Amelia Immo II a fait assigner la SARL Bel Immo devant le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de la voir condamner, sous astreinte, à remettre en état de fonctionnement l'installation de chauffage dans les locaux cédés, ainsi qu'au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de sa perte d'exploitation.

La société Bel Immo a soulevé l'incompétence du juge des référés civils au profit du juge des référés commerciaux.

Par ordonnance du 2 février 2023, le juge des référés s'est déclaré compétent, a déclaré les demandes de la société Amelia Immo II recevables mais a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes respectives des deux sociétés, condamnant la société Amelia Immo II aux dépens et au paiement à la société Bel Immo d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge des référés civils a retenu sa compétence s'agissant certes d'un litige entre deux sociétés commerciales, mais en matière de propriété et de droits réels immobiliers relevant du tribunal judiciaire, chambre civile.

Il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non-respect du préalable obligatoire de médiation figurant dans l'acte de vente, une telle disposition ne faisant pas obstacle à une action en référé en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, la demande de provision n'étant en outre que la conséquence de la demande de remise en état de l'installation fondée sur l'article l'article '835, alinéa 2" du code de procédure civile.

Le juge des référés a ensuite relevé que la société Amelia Immo II invoquait une non-conformité du bien acheté aux dispositions contractuelles en ce que l'installation de climatisation/chauffage ne fonctionnait pas, faute d'avoir été changée par la société Bel Immo ; qu'il lui appartenait de rapporter la preuve du trouble manifestement illicite allégué ; qu'elle n'explicitait pas en quoi le bien vendu ne serait pas conforme aux dispositions contractuelles, en n'indiquant pas quelle clause précise de l'acte de vente faisait référence à l'installation de climatisation/chauffage ; que l'acte mentionnait sous 'situation locative' que des travaux avaient été réalisés sur cette installation sans en préciser la nature mais renvoyait à une facture ; que l'acquéreur ayant déclaré parfaitement connaître les lieux et prendre le bien en l'état, la preuve d'un trouble manifestement illicite n'était pas rapportée ; que le manquement à l'obligation de délivrance étant sérieusement contestable, la demande de provision l'était tout autant.

Le tribunal a par ailleurs rejeté la demande reconventionnelle de la société Bel Immo en communication de pièces relatives à la procédure qu'aurait engagée la société Amelia Immo II contre la société Euro info, ancien locataire des locaux vendus, puisque la société Amelia Immo II indiquait n'avoir engagé aucune procédure.

La société Amelia Immo II a interjeté appel de cette ordonnance en tant qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes, l'a condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 21 mars 2023, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile. L'avis de fixation a été notifié par le greffe à la même date.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 novembre 2023, la société Amelia Immo II demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise des chefs visés dans sa déclaration d'appel, et de la confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau de :

- juger sa demande recevable et bien fondée,

- juger l'appel incident de la société Bel Immo irrecevable et mal fondé,

- condamner la société Bel Immo à remettre en état de fonctionnement l'installation de chauffage/'installation' dans les locaux, objet de l'acte de vente du 19 novembre 2021, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de 'l'ordonnance' à intervenir ;

- condamner la société Bel Immo à lui régler la somme de 120 417,60 euros à titre de provision ;

- débouter la société Bel Immo de l'intégralité de ses demandes formées contre la société Amelia Immo II ;

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle oppose à l'appel incident sur la compétence du juge des référés civils et sur la recevabilité de ses demandes que :

- l'article L.721-3 2° du code de commerce qui donne compétence au tribunal de commerce pour les contestations relatives aux sociétés commerciales ne s'applique qu'aux litiges concernant l'existence ou l'application d'un pacte social, et non s'agissant d'un litige relatif à l'obligation de délivrance du vendeur d'un bien immobilier, les litiges concernant les actes translatifs ou constitutifs de droits réels immobiliers relevant de la compétence des tribunaux judiciaires ;

- la jurisprudence considère que les dispositions qui imposent, avant tout recours judiciaire, de mettre en 'uvre un processus de conciliation ne font pas obstacle à la saisine d'un juge des référés ;

- en tout état de cause, pour que la clause de médiation soit applicable, elle doit déterminer avec précision les conditions particulières de mise en 'uvre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Au soutien de son appel, elle fait valoir, au visa de l'article 835, alinéa 1er du code de procédure civile, que :

- le vendeur doit délivrer un bien correspondant à l'ensemble des dispositions contractuelles (1604 du code civil),

- en l'espèce, l'acte mentionne que les travaux visés dans un courrier du locataire du 27 avril 2021ont été réalisés selon facture de la société C2T du 25 août 2021 dont copie est annexée à l'acte,

- la vente était conditionnée à la réalisation de travaux mettant fin au dysfonctionnement de l'installation de chauffage/climatisation constatés par le preneur des locaux, ainsi que cela résulte des courriels échangés,

- la société Bel Immo n'a pas contesté cette obligation en première instance puisqu'elle a affirmé avoir procédé au remplacement intégral de l'installation, ce qui n'est pas le cas, seule la moitié de l'installation ayant été remplacée, l'autre moitié des locaux étant

toujours équipée de l'ancien système de chauffage qui ne fonctionne pas, ainsi qu'elle en justifie par un constat d'huissier,

- le dysfonctionnement de l'installation n'était pas visible lors des visites.

Elle fait valoir que le manquement de la société Bel Immo à son obligation de délivrance est avéré, et qu'en l'état les locaux sont inexploitables et ne peuvent être loués, le preneur, la société Euro info ayant donné congé pour ce motif. Elle estime son préjudice à 61 044,59 euros de loyers pour la période de décembre 2021 à octobre 2023, sur la base d'un loyer annuel de 30 000 euros HT, outre 49 349 euros au titre des charges et les taxes foncières de 10 023,27 euros. Elle conteste avoir renoncé à toute prétention à cet égard dans l'acte de vente, n'ayant renoncé qu'à l'arriéré de loyers dont elle faisait son affaire personnelle.

Elle fait valoir que la demande de la société Bel Immo en paiement de la taxe foncière est irrecevable comme nouvelle en appel, en outre elle ne démontre pas avoir payé ladite somme, et avait été dûment informée de la nécessité de demander un dégrèvement, ce qu'elle n'établit pas avoir fait.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2023, la société Bel Immo conclut à la confirmation de l'ordonnance sur les chefs critiqués par l'appelante, et forme appel incident pour demander l'infirmation de la décision en tant que le juge des référés a retenu sa compétence, a déclaré la demande de la société Amelia Immo II recevable et a dit n'y avoir lieu à référé sur ses propres demandes. Elle demande à la cour de :

- accueillir l'exception d'incompétence matérielle au profit du juge des référés près le tribunal judiciaire de Strasbourg ; (sic)

- renvoyer la société Amelia Immo II à s'y pourvoir,

à titre subsidiaire,

- juger irrecevables les prétentions de la société Amelia Immo II,

à titre infiniment subsidiaire,

- l'en débouter,

- donner acte à la société Amelia Immo II de l'absence d'introduction d'une instance,

- condamner la société Amelia Immo II au paiement de la somme de 9 840 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2022, date de la demande,

- la condamner aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir tout d'abord que s'agissant d'un contentieux purement commercial entre deux sociétés commerciales à raison de leur commerce, toutes deux étant des professionnelles de l'immobilier, le litige relève de la compétence du juge des référés commerciaux, conformément à l'article L. 721-3 du code de commerce, la jurisprudence appliquée par le premier juge n'ayant pas vocation à s'appliquer.

Elle soutient ensuite que la demande est irrecevable, puisque l'acte de vente prévoit en page 24 une clause contraignante de médiation préalable à toute instance judiciaire, via le centre de médiation notariale, et considère que le juge des référés a dénaturé cette clause et la portée de l'arrêt cité par la partie adverse. Si la voie du référé n'est pas fermée alors que la procédure de médiation n'est pas achevée, encore faut-il qu'elle ait été initiée. Elle considère par ailleurs que la clause est claire et dépourvue d'équivoque quant au caractère obligatoire du recours préalable à la médiation. Elle soutient qu'il suffit que la clause prévoit les modalités de désignation du médiateur, et qu'il n'est pas nécessaire qu'elle décrive précisément la procédure, en outre le recours à un centre de médiation institutionnel est encadré par un règlement dédié.

Au fond, elle relève que la demande est imprécise, et injustifiée, le dysfonctionnement allégué n'étant pas établi, la société Amelia Immo II ne produisant en appel aucun autre élément qu'un constat fait par un huissier, qui n'est pas un technicien, établi non contradictoirement, dépourvu de toute valeur probatoire réelle et contredit par les pièces qu'elle produit.

L'intimée prétend avoir respecté ses engagements et que la société Amelia Immo II, qui a pris les locaux en l'état, était parfaitement informée du fait que des travaux sur l'installation de chauffage/climatisation devaient être réalisés, ce dont il a été tenu compte dans la fixation du prix de vente. Elle considère que celle-ci devait donc s'assurer, au moment de la vente, que l'installation fonctionnait. Or elle n'a fait aucune réserve. Il n'y a aucun manquement à son obligation de délivrance, puisqu'elle a livré la chose convenue dans son état au jour de la vente.

La société Bel Immo indique avoir fait procédé à des travaux de remplacement de l'installation de climatisation réversible sur la presque totalité des locaux et qu'il appartient à l'appelante d'agir contre l'entreprise ayant réalisé les travaux si ceux-ci ne donnent pas satisfaction.

L'intimée soutient par ailleurs que la demande de provision pour perte d'exploitation se heurte à une contestation sérieuse, l'acte de vente décrivant la situation locative du bien et faisant état du congé donné par le preneur du fait des problèmes liés à l'installation de chauffage, et la société Amelia Immo II ayant indiqué en faire son affaire personnelle.

Il doit être pris acte de ce que la société Amelia Immo II reconnaît n'avoir pas engagé de procédure à l'encontre du preneur, ce qui vaut aveu judiciaire, cette précision étant nécessaire puisque l'acte de vente détaille la répartition des indemnisations entre les parties au contrat.

Elle reproche au premier juge d'avoir omis de statuer sur sa demande au titre de la taxe foncière 2022 ayant été destinataire de l'avis d'imposition à cette taxe alors qu'elle n'était plus propriétaire du bien. La société Amelia Immo II n'ayant pas procédé au règlement de cette taxe comme elle s'y était engagée, elle a dû le faire et supporter des pénalités. Elle devra donc être condamnée au paiement de ce montant.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la compétence du juge des référés civils

Selon l'article L.721-3 du code de commerce, le tribunal de commerce, respectivement les chambres commerciales des tribunaux judiciaires dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. (...).

L'article 835 du code de procédure civile énonce : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

Les mêmes pouvoirs sont dévolus au président du tribunal de commerce pour les litiges relevant de la compétence de ce tribunal, conformément à l'article 873 du même code.

En l'occurrence, le litige qui oppose deux sociétés commerciales, et qui concerne un acte de vente passé dans le cadre de leur activité respective de marchand de biens, relève au fond de la compétence matérielle de la juridiction commerciale et donc de celle du juge des référés commerciaux.

L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée en tant que le juge des référés civils a retenu sa compétence.

Selon l'article 90, alinéa 2 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme une décision du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte qu'il n'y a pas de lieu de renvoyer l'affaire devant le juge des référés commerciaux mais d'infirmer la décision entreprise en totalité puisque rendue par une juridiction incompétente pour connaître du litige, et de statuer au fond.

Sur la clause de médiation

Conformément à une jurisprudence établie une clause imposant aux parties un préalable de médiation ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, et ce quand bien même aucune mesure de médiation n'aurait été initiée.

La fin de non-recevoir tirée de l'application de la clause de médiation figurant en page 24 de l'acte de vente doit donc être rejetée puisque la société Amelia Immo II fonde sa demande de condamnation de la société Bel Immo à exécuter des travaux de remise en état, sur le trouble manifestement illicite, sa demande de provision étant le corollaire de sa demande principale et portant sur les conséquences du trouble allégué.

Sur les demandes de la société Amelia Immo II

Comme indiqué précédemment la société Amelia Immo II fonde sa demande sur les dispositions de l'article 835, alinéa 1er du code de procédure civile.

Constitue un trouble manifestement illicite toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Pour constater l'existence d'un tel trouble, il appartient au juge de vérifier à la fois l'existence d'un acte ne relevant pas de l'exercice d'un droit légitime de son auteur et celle d'une atteinte dommageable aux droits ou intérêts légitimes du demandeur.

Dans la situation présente, la cour ne peut que constater que la demande de la société Amelia Immo II ne tend pas à faire cesser un trouble résultant d'une violation manifeste de la règle de droit mais tend en réalité à obtenir de la société Bel Immo l'exécution en nature des obligations découlant du contrat de vente liant les parties, une telle demande étant, le cas échéant, susceptible de relever des dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, à supposer que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable. Or, l'étendue même des engagements souscrits est discutée et relève de l'appréciation du juge du fond, la société Bel Immo prétendant avoir réalisé les travaux qui lui incombaient et contestant tout manquement à son obligation de délivrance.

En l'absence de démonstration d'un trouble manifestement illicite, il convient de dire n'y avoir lieu a référé sur la demande de la société Amelia Immo II tendant à la condamnation de la société Bel Immo à exécuter des travaux, comme sur sa demande de provision au titre d'une perte d'exploitation, qui est sérieusement contestable en tant qu'elle découle des manquements contractuels sus-évoqués dont l'appréciation relève du juge du fond.

Sur les demandes de la société Bel Immo

La société Amelia Immo II conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident mais sans soulever aucun moyen précis, les moyens développés concernant en réalité la recevabilité des demandes et non de l'appel incident lui-même qui sera déclaré recevable.

L'intimée demande à la cour de donner acte à la société Amelia Immo II de l'absence d'introduction d'une instance à l'égard de son locataire. Une telle demande ne constituant pas une prétention, la cour n'est pas tenue d'y répondre.

Contrairement à ce que soutient la société Bel Immo sa demande en paiement de la taxe foncière 2022 n'avait pas été soumise au premier juge, l'intimée ayant certes évoqué dans ses conclusions le paiement prétendument indu de la taxe foncière 2022, sans pour autant formuler la moindre prétention à ce titre.

Cette demande est toutefois recevable en appel, conformément aux dispositions des articles 564 et 567 du code de procédure civile, s'agissant d'une demande reconventionnelle qui au surplus vise à opérer compensation avec la créance revendiquée par la société Amelia Immo II.

La créance apparaît toutefois sérieusement contestable dès lors que si la société Bel Immo justifie avoir été destinataire de l'avis d'imposition au titre de la taxe foncière 2022, ainsi que d'une lettre de relance, elle ne justifie cependant pas avoir effectivement acquitté cette taxe comme le relève la société Amelia Immo II, le seul fait que l'ordre de virement SEPA joint à cette lettre soit complété et signé ne suffisant pas à démontrer son envoi, en l'absence de toute justification du débit du compte de la société Bel Immo.

Sur les dépens et frais exclus des dépens

En considération de la solution du litige, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Amelia Immo II qui succombe à titre principal. Elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à la société Bel Immo une somme de 3 000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DÉCLARE l'appel incident de la société Bel Immo recevable ;

INFIRME l'ordonnance du juge des référés civils du tribunal judiciaire de Strasbourg du 2 février 2023,

Statuant à nouveau et ajoutant à l'ordonnance,

CONSTATE l'incompétence du juge des référés civils pour connaître de la demande ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi devant le juge compétent ;

DÉCLARE recevables les demandes présentées par la société Amelia Immo II ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Amelia Immo II ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Bel Immo au titre de la taxe foncière 2022 ;

REJETTE la demande de la société Amelia Immo II sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Amelia Immo II aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SARL Bel Immo la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/00783
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.00783 ?
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