La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°21/02998

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 28 mars 2024, 21/02998


MINUTE N° 140/2024













































Copie exécutoire

aux avocats



Le 28 mars 2024



La greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 28 MARS 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02998 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTXO




Décision déférée à la cour : 27 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg







APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



Madame [K] [F]

demeurant [Adresse 6]



représentée par Me Laurence FRICK, Avocat à la cour







INTIMÉ et APPELANT SUR APPEL INCIDENT :



Le syndicat ...

MINUTE N° 140/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 28 mars 2024

La greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MARS 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02998 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTXO

Décision déférée à la cour : 27 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

Madame [K] [F]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Laurence FRICK, Avocat à la cour

INTIMÉ et APPELANT SUR APPEL INCIDENT :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par son syndic, la SARL TERRES ET MAISONS GESTION, prise en la personne de son représentant légal,

ayant siège [Adresse 1]

représenté par Me Dominique Serge BERGMANN, Avocat à la cour

INTIMÉS :

Monsieur [S] [T]

demeurant [Adresse 8]

Monsieur [N] [H] et

Madame [U] [Z] épouse [H]

demeurant tous deux [Adresse 4]

Monsieur [J] [B] et

Madame [L] [M] épouse [B]

demeurant tous deux [Adresse 3]

Monsieur [P] [E]

demeurant [Adresse 5]

représentés par Me Christine BOUDET, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation du 21 mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [K] [F] est propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 9], située [Adresse 6], sur laquelle est implanté un sapin à proximité immédiate de la parcelle voisine cadastrée [Cadastre 10] sur laquelle se trouve un immeuble d'habitation en copropriété sis [Adresse 2].

Se plaignant de ce que ce sapin génère d'importantes nuisances par la chute d'épines et de pommes de pin obstruant la noue du toit de l'immeuble de la copropriété adjacente, par l'existence d'un risque d'effondrement de l'arbre sur le toit de celui-ci et enfin par la prolifération des racines portant atteinte aux fondations dudit immeuble, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] (le syndicat des copropriétaires) a, suivant acte délivré le 6 juin 2017, fait assigner Mme [F] devant le tribunal d'instance de Haguenau, aux fins d'obtenir sa condamnation, sous astreinte, à abattre ou faire abattre le sapin se trouvant sur sa parcelle et dépassant l'immeuble en copropriété voisine.

Mme [F] a, à titre reconventionnel, demandé la mise en conformité de fenêtres de l'immeuble voisin avec les dispositions de l'article 676, alinéa 2 du code civil, et appelé en intervention forcée, d'une part, M. [P] [E] et M. [S] [T]

en leur qualité de copropriétaires au sein de l'immeuble sis [Adresse 2], et ce selon conclusions en date du 9 mars 2018, notifiées par lettres recommandées avec accusé de réception reçues le 17 mars 2018, et, d'autre part, M. [N] [H] et Mme [U] [Z], épouse [H], en leur qualité de copropriétaires au sein du même immeuble, et ce par acte d'huissier de justice délivré le 7 mai 2018.

Par jugement du 16 octobre 2018, le tribunal d'instance de Haguenau s'est déclaré incompétent pour connaître de l'affaire eu égard à la demande reconventionnelle formée par Mme [F] en suppression des vues irrégulières et l'a renvoyée devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par actes d'huissier de justice délivrés le 24 janvier 2020, Mme [F] a fait assigner en intervention forcée devant le tribunal, devenu tribunal judiciaire, de Strasbourg, M. [J] [B] et Mme [L] [M], épouse [B], en leur qualité de copropriétaires au sein du même immeuble.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2020, la SARL Terres et Maisons Gestion est intervenue volontairement à la procédure en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires (le syndic TMG).

* * *

Par jugement contradictoire du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SARL Terres et Maisons Gestion en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F] tirée de la prescription de l'action pour trouble anormal du voisinage du syndicat des copropriétaires ;

- condamné Mme [F] à supprimer le sapin situé sur sa propriété à proximité immédiate de la limite séparative du fonds où se trouve l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2], dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans la limite de six mois ;

- condamné Mme [F] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 394,40 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision au titre de son préjudice matériel ;

- débouté Mme [F] de sa demande de suppression des vues irrégulières ;

- condamné Mme [F] aux entiers dépens et à payer au syndicat des copropriétaires, à MM. [E], [T], [H], [B] et Mmes [Z] épouse [H] et [M] épouse [B], la somme de 500 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes et prétentions.

Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action fondée sur les troubles anormaux du voisinage, le tribunal, au visa de l'article 122 du code de procédure civile et de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, a relevé que Mme [F] ne justifiait par aucun document ni de ce que le sapin aurait été planté depuis plus de 30 ans à la date du 19 juin 2008, ni de ce que les dommages dont se plaint le syndicat des copropriétaires se soient déjà manifestés à cette date. Le tribunal a ajouté qu'elle ne justifiait pas que les plaintes du syndicat des copropriétaires au sujet de son sapin remonteraient à l'année 2010 comme elle le soutenait.

Le tribunal a retenu que la première manifestation du dommage générée par l'arbre avait été portée à la connaissance du syndicat des copropriétaires à la date du 21 juillet 2014 et qu'ainsi l'instance introduite en date du 12 juin 2017 l'a été moins de cinq ans après la première manifestation du trouble anormal du voisinage et n'est pas prescrite, et ce après avoir relevé qu'il résultait d'un courrier adressé par M. [D] ' en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires ' à l'endroit de l'assureur de la copropriété suite à un sinistre en date du 21 juillet 2014 relatif à des infiltrations dans le toit, que la copropriété estimait que les dégâts avaient été provoqués par le sapin.

Sur l'existence du trouble anormal du voisinage, le tribunal a considéré - au visa de l'article 651 du code civil et après examen des constats d'huissier du 3 décembre 2015 et du 24 janvier 2017 faisant état pour le premier de l'obstruction par des aiguilles et des pommes de sapin de la noue entre le raccord des toitures et pour le second du fléchissement du sapin en direction de l'immeuble en copropriété - que la noue et la gouttière de l'immeuble en copropriété faisaient l'objet d'une obstruction massive par des aiguilles et des pommes de sapin en provenance du conifère, et qu'une très grande quantité d'aiguilles de sapin se situait sous le toit, venant directement se déposer sur la laine de verre. Il a ajouté que ces constatations étaient corroborées et explicitées par l'attestation du gérant de l'entreprise PK Concept, et que celle-ci était intervenue aux fins de nettoyer le toit les 20 août 2014, 8 avril 2015, 19 février 2016, 24 janvier 2017, 7 novembre 2017, 20 février 2018, 27 mai 2019, 7 février 2020 et 6 juillet 2020.

Le tribunal a considéré, à propos du dernier constat d'huissier en date du 1er décembre 2020 et des conclusions de Mme [F] selon lesquelles l'élagage du sapin effectué en septembre 2020 aurait mis fin au trouble allégué, qu'il ressortait des photographies de ce troisième constat que le sapin dépassait toujours très largement le faîte de la toiture de l'immeuble en copropriété, raison pour laquelle les chutes de pommes de pin et aiguilles obstruaient les canaux de ladite toiture, tel que l'avait expliqué le professionnel de l'entreprise de nettoyage PK Concept dès le 8 avril 2015. Il a aussi fait ressortir que le procès-verbal de constat du 17 août 2017 était contredit par plusieurs factures d'intervention de nettoyage.

En outre, le tribunal a retenu qu'il résultait d'un courrier du maire du 27 mai 2020 et d'une vidéo d'un épisode venteux où le sapin se couchait vers la toiture de la copropriété, qu'en dépit de son élagage récent qui n'avait pas permis de réduire sa taille, le conifère présentait toujours un risque d'effondrement sur l'immeuble.

Il en a conclu qu'il était suffisamment démontré que la seule présence du sapin, à une faible distance d'une maison d'habitation, de plus de vingt mètres de hauteur, en tout cas plus haut que le toit de l'immeuble voisin, alors que les deux parcelles concernées étaient situées en zone urbaine et non en pleine campagne ou en lisière immédiate de forêt où la présence de conifères aussi conséquents est habituelle, présentait un risque pour la sécurité des occupants de l'immeuble voisin, et causait un trouble anormal du voisinage.

Il a ajouté qu'il générait, en outre, par la perte de ses aiguilles, brindilles et pommes de pin, d'importantes et récurrentes nuisances pour le syndicat des copropriétaires qui doit faire intervenir régulièrement des professionnels pour débarrasser le toit de ces éléments qui empêchent un écoulement normal des eaux de pluie et provoquent des infiltrations sous toit.

En revanche, il a retenu qu'une atteinte aux fondations de l'immeuble du fait des racines de l'arbre n'était pas établie.

Considérant que le seul élagage du sapin est insuffisant à faire cesser définitivement le trouble, le tribunal a condamné Mme [F] à faire procéder à sa suppression, et ce, sous astreinte, eu égard à sa mauvaise foi.

Il l'a, en outre, condamnée à indemniser le préjudice matériel du syndicat des copropriétaires, caractérisé par les multiples interventions de nettoyage et les frais d'huissier en lien direct et suffisant avec le trouble anormal du voisinage, mais a rejeté la demande de réparation d'un préjudice moral formée par le syndicat des copropriétaires qui ne l'expliquait ni ne le justifiait pas.

Par ailleurs, le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de Mme [F] de suppression de six vues irrégulières existantes sur la façade en pignon latéral gauche de l'immeuble [Adresse 2], au visa des articles 678, 688, 689 et 690 du code civil, dès lors que le moyen opposé par Mme [F] - consistant à soutenir que les vues litigieuses auraient été, antérieurement aux travaux entrepris en 1991, des jours qui ont été transformés en vues, soit il y a moins de trente ans - était contredit par les photographies qui illustraient que lesdites fenêtres ont toujours présenté le même encadrement en grès des Vosges et une vue directe sur le fonds de Mme [F], qu'il résultait du permis de construire demandé et délivré en 1991 et des documents annexés qu'il ne s'agissait pas de jours de souffrance, et qu'au surplus, il n'était pas rapporté que le permis de construire de l'immeuble en copropriété aurait été contesté devant le juge administratif, de sorte que la preuve de l'existence d'une servitude de vue acquise par prescription trentenaire était suffisamment rapportée.

Le tribunal a ajouté, à propos du moyen de Mme [F] tiré de la perte de ladite servitude par non usage en raison d'une obstruction de celle-ci pendant plus de trente ans, que s'il apparaissait bien que l'une des ouvertures était bien murée, la défenderesse ne rapportait pas la preuve d'un non usage des autres.

* * *

Mme [F] a interjeté appel de ce jugement le 21 juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf celles ayant déclaré recevable l'intervention volontaire du syndic TMG et rejeté les prétentions des autres parties.

Par ordonnance de référé du 30 septembre 2021, a été ordonné le sursis à l'exécution provisoire du jugement entrepris en tant qu'il a condamné Mme [F] à supprimer le sapin situé sur sa propriété à proximité immédiate de la limite séparative du fonds où se trouve l'immeuble en copropriété [Adresse 2], sous astreinte.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mars 2023, Mme [F] demande à la cour :

Sur l'appel principal :

- de le déclarer recevable et bien fondé ;

- d'infirmer le jugement entrepris sur les points tels que visés plus haut dans la déclaration d'appel ;

- de le confirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

Sur la demande principale :

- de déclarer les prétentions du syndicat des copropriétaires irrecevables, subsidiairement mal fondées ;

- de débouter ledit syndicat des copropriétaires intégralement de ses demandes ;

- en tant que de besoin, d'ordonner une mesure d'expertise à confier à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec pour mission :

* d'indiquer si le sapin litigieux présente une quelconque dangerosité pour le voisinage,

* de fournir toutes précisions quant aux mesures à prendre pour éviter que l'épicéa n'occasionne un trouble anormal du voisinage au détriment du syndicat des copropriétaires, notamment en précisant la fréquence de l'élagage à effectuer,

Sur demande reconventionnelle :

- A titre principal :

- de condamner M. [S] [T] à mettre en conformité les trois fenêtres dépendant du lot n° 5 dotées de verre transparent situées dans la façade donnant sur sa propriété, objet du constat de Me [A] du 17 août 2017, avec les dispositions de l'article 676 alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner in solidum M. [J] [B] et Mme [L] [M] à mettre en conformité leur fenêtre dépendant du lot n° 3 dotée de verre transparent située sur la façade de l'immeuble sis [Adresse 2] et donnant sur sa propriété, objet du constat de Me [A] du 17 août 2017, avec les dispositions de l'article 676 alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner solidairement M. [N] [H] et Mme [U] [Z] épouse [H] à mettre en conformité les deux fenêtres dépendant du lot n° 1 situées dans le mur sis [Adresse 2], avec les dispositions de l'article 676 alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de déclarer mal fondées les prétentions de M. [T], M. et Mme [H], M. [B] et Mme [M] tendant à faire dire et juger que les fenêtres litigieuses bénéficient d'une servitude par destination de « père de famille » ou subsidiairement par usucapion;

- de débouter M. [T], M. et Mme [H], M. [B] et Mme [M] intégralement de leurs demandes ;

- A titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour considérait que la copropriété [Adresse 2] disposait d'une servitude de vue par usucapion :

- au visa des dispositions de l'article 706 du code civil, de déclarer que les servitudes de vue dont le fonds correspondant au terrain d'assiette du syndicat des copropriétaires bénéficiait sur le terrain propriété de Mme [F] se sont éteintes par non usage pendant plus de trente années avant la rénovation de l'immeuble du [Adresse 2] achevée en 1992 ;

Sur l'appel incident :

- de le rejeter ;

- de débouter le syndicat des copropriétaires de ses fins et conclusions ;

En tout état de cause :

- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. [S] [T] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. [P] [E] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum M. [N] [H] et Mme [U] [Z] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum M. [J] [B] et Mme [L] [B] née [M] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 2], M. [T], M. et Mme [H], M. [B] et Mme [M] à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir, sur les troubles anormaux du voisinage invoqués par le syndicat des copropriétaires, que la demande, introduite le 6 juin 2017, est irrecevable comme prescrite en application de l'article 2224 du code civil.

Elle indique que la hauteur du sapin, planté dans les années 1970, dépassait déjà la hauteur de l'immeuble en copropriété en juin 2012. En effet, elle se prévaut des affirmations d'avril 2015 du gérant prestataire de nettoyage de l'entreprise PK Construction qui situait la cause du trouble dans le dépassement par le sapin du faîtage de l'immeuble. Elle ajoute que, dès lors que le premier juge renvoyait aux affirmations de ce professionnel pour dire que la cause du trouble anormal résidait dans ce dépassement, celui-ci était acquis compte tenu de la taille du sapin dès 2012, de sorte que l'action du syndicat des copropriétaires était déjà prescrite en juin 2017.

Elle affirme, en outre, que M. [D] s'est, dès l'année 2011, plaint du sapin et qu'il avait entrepris une procédure jugée irrecevable par la juridiction de proximité de Haguenau en date 2 novembre 2016.

Sur le fond, elle affirme, au visa de l'article 671 du code civil que l'implantation de son sapin à plus de deux mètres de la limite séparative, telle qu'elle a été mesurée par Me [O], est autorisée, et que ce sapin n'occasionne aucun trouble anormal.

Elle se prévaut sur ce point et, à hauteur d'appel, d'un nouveau constat d'huissier en date du 17 mars 2022 qui témoigne qu'elle a procédé à une réduction conséquente du sapin qui est désormais d'une hauteur inférieure à celle de l'immeuble du [Adresse 2], de sorte qu'il n'existe plus de risque ni d'encombrement des gouttières de l'immeuble du fait des chutes des branchages du conifère, ni pour la sécurité des copropriétaires du fait d'une hauteur trop importante. Elle affirme que cette coupe a pour conséquence de supprimer durablement le risque de surplomb et, qu'ainsi, la demande d'abattage n'est plus fondée.

Elle soutient, en outre, qu'indépendamment de cet élagage, la dangerosité d'un arbre en milieu urbain doit être relativisée par la présence de bâtiments avoisinants qui limitent la prise au vent, qu'en outre, le syndicat des copropriétaires n'émet que

des supputations quant au risque futur de chute de l'arbre en cas de vent violent ou de désordre provoqué par les racines de celui-ci et nullement aucun désordre objectif susceptible de caractériser l'existence d'un trouble anormal du voisinage.

Elle ajoute que l'arbre ne penche pas sur l'immeuble, mais de l'autre côté, cherchant le soleil et que le syndicat des copropriétaires ne verse aucune preuve émanant d'un expert tel que l'avis d'un sylviculteur établissant l'existence d'un danger objectif causé par le sapin. Elle critique également, au sens de l'article 9 du code de procédure civile, la valeur probatoire de la vidéo montrant l'arbre heurter l'immeuble sous l'effet du vent en indiquant qu'elle a elle-même capturé en vidéo l'arbre le 13 mars 2021, journée durant laquelle [Localité 7] avait subi des vents de l'ordre de 90 km/h et sur laquelle l'arbre ne vient pas heurter ledit immeuble.

Elle indique que la présence de son arbre n'est pas en soi anormale et que celle des brindilles et végétaux dans les gouttières d'un bâtiment en secteur végétalisé n'apparaît pas anormale. Elle affirme en outre veiller régulièrement à la taille des branches du sapin.

Elle relève qu'il est peu probable que les infiltrations proviennent du sapin, alors qu'il appert des photographies prises à l'occasion de l'expertise d'assurance du sinistre susvisé que certaines tuiles de la copropriété sont cassées et que la zinguerie n'est pas jointive, ne remplissant pas son rôle d'étanchéité.

Sur les dommages-intérêts mis à sa charge au titre du préjudice matériel du syndicat des copropriétaires, elle sollicite l'infirmation du jugement, soutenant que ces sommes ne correspondent qu'à l'entretien afférent au nettoyage bisannuel du toit de la copropriété. Elle fait valoir que cet entretien ne la rend pas responsable desdites interventions. Elle ajoute que l'entretien des cheneaux ne correspond pas à un préjudice indemnisable et qu'il n'est pas mis en compte une intervention excédant un tel nettoyage ou la remise en place de tuiles dont il n'est pas établi qu'elles auraient été déplacées exclusivement par les branches d'arbres et non par le vent.

Elle conteste la mise en compte par le syndicat des copropriétaires d'une nouvelle facture en date du 16 juillet 2022 de PK Concept, alors qu'elle ne peut lui être imputée dès lors qu'elle a fait procéder dès septembre 2020 à une coupe latérale du sapin de manière à ce que ses branches ne surplombent plus la toiture de l'immeuble, ce qui avait été constaté dès août 2021 lors du passage de M. [I]. Elle conteste en outre la facture du 5 novembre 2021 dès lors qu'un nettoyage avait déjà été effectué le 17 août 2021 et eu égard à la coupe de septembre 2020. Elle conteste en outre être tenue de supporter le coût du constat d'huissier du 21 octobre 2021 effectué par un temps exceptionnellement agité.

Sur la demande reconventionnelle relative aux vues, elle soutient que la coupe effectuée le 17 mars 2022 l'expose aux vues des copropriétaires et la fonde à solliciter leur cessation. Au visa de l'article 678 du code civil, elle affirme que les copropriétaires ne peuvent avoir de vue droite donnant sur sa propriété sans respecter une distance de 1,90 mètre entre leur emplacement et l'héritage voisin.

Elle reproche au tribunal d'avoir considéré que les intimés justifiaient avoir acquis par prescription trentenaire une vue sur sa propriété au motif que ces fenêtres existeraient depuis la création de la maison au XIX ème siècle et que le permis de construire accordé en 1991 comportant les ouvertures litigieuses n'avait pas fait l'objet d'un recours.

Elle affirme, au visa de l'article A 424-8 du code de l'urbanisme, que les permis sont toujours délivrés sous réserve du droit des tiers et qu'ainsi elle est en droit de se prévaloir de la violation des règles civiles. Selon elle, dès lors que le litige entre les parties a débuté le 2 décembre 2016 par une sommation de sa part enjoignant aux copropriétaires de se conformer aux dispositions de l'article 678 du code civil, les intimés ne peuvent pas se prévaloir d'une possession paisible, notoire et non équivoque au sens des articles 690 et 2261 du même code, acquise entre les années 1986 et 2016.

Elle se prévaut ensuite du témoignage de M. [W], qui a vécu dans l'immeuble et rendu visite à sa mère qui y vivait jusqu'à sa mort en 2005, selon lequel les ouvertures étaient des vitres opaques avec châssis fixes dont les grilles à mailles serrées des barreaux existent toujours et que les fenêtres ouvrantes avec vitres transparentes ont été installées après la rénovation soit en 1991-1992, et que ces constatations sont corroborées par d'autres éléments relatifs à la période postérieure à 1970 de manière à établir l'existence d'un non usage continu pendant plus de 30 ans de ladite servitude. Elle ajoute que le bâtiment n'a pas connu de modification entre 1970 et le moment où le permis de construire de 1991 a été sollicité, et observe que les photographies jointes au dossier du permis de construire montrent que certaines fenêtres sont murées, en particulier les ouvertures du pignon latéral gauche.

Elle invoque également diverses photographies, qui attestent que les ouvertures étaient soit condamnées, soit concernaient les combles qui étaient alors inhabitées ou un jour s'agissant de la seule fenêtre sur le pignon latéral gauche, toutes datant d'avant les années 1990. Elle ajoute que M. [G], qui a acquis et rénové l'immeuble en 1991/1992, n'avait pas sollicité l'autorisation de pratiquer de nouvelles ouvertures en façade du pignon latéral gauche.

Elle affirme que les servitudes dont se prévalent les copropriétaires concernent d'autres ouvertures n'ayant aucun lien avec Mme [F], le fonds servant invoqué ne lui appartenant pas, de sorte que les intimés ne peuvent revendiquer aucun titre.

Elle partage l'analyse du premier juge en ce qu'il a rejeté l'existence d'une servitude de bon père de famille dès lors que les copropriétaires n'apportent aucun élément prouvant que le fonds serait issu d'une division antérieure.

Elle conteste que les copropriétaires aient pu acquérir par usucapion une servitude de vue, d'une part, car ils doivent rapporter l'existence d'une vue directe ou indirecte sur le fonds voisin, ce qu'ils ne font pas, et d'autre part, car ils n'établissent pas qu'il existait, avant la rénovation achevée en avril 1992, un quelconque risque d'indiscrétion depuis les ouvertures. Elle souligne que l'existence de jour ne permet pas aux copropriétaires de les transformer en vue eu égard aux incidences sur le droit à la discrétion qu'elle peut opposer sur son fonds. Enfin, elle conteste la réunion des conditions de la possession acquisitive, soutenant que depuis le 2 décembre 2016, ils ne peuvent plus invoquer une possession paisible. Elle ajoute que les intimés ne démontrent pas la nature des châssis et du verre des ouvertures depuis l'origine, que certains jours avaient été murés et donc condamnés et surtout qu'ils n'ont jamais offert de vue sur son fonds avant les travaux réalisés par M. [G].

Subsidiairement, si la cour devait retenir l'existence d'une servitude de vue, l'appelante invoque les dispositions de l'article 706 du code civil relatives à l'extinction de la servitude par non usage trentenaire, dès lors que de 1950 à 1992, l'immeuble n'offrait pas de vue sur sa propriété, les ouvertures litigieuses étaient ou bien murées voire obstruées par un cadre métallique doté d'un grillage (pour les lots n° 1 et 3), ou bien ne desservaient aucun logement, voire étaient des jours (pour le lot n°5).

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2], représenté par la SARL Terres et Maisons Gestion, conclut au rejet de l'appel principal et forme appel incident. Il demande à la cour :

- de rejeter l'appel principal ;

- de recevoir son appel incident ;

- d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant :

- de condamner Mme [F] à lui verser la somme de 1 998,99 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir au titre de son préjudice matériel ;

Statuant à nouveau :

- de statuer ce que de droit quant à l'opportunité de procéder à une expertise du sapin ;

- de condamner Mme [F] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- en tout état de cause, de condamner Mme [F] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Il fait valoir, sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, au visa des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, que son action n'est pas prescrite, dès lors qu'aucun copropriétaire n'a eu à se plaindre de désordres dès 2011. Il indique que la première manifestation du dommage portée à la connaissance du syndicat des copropriétaires remonte au 21 juillet 2014, date du sinistre, relatif à une infiltration sous toiture, déclaré par M. [D], en sa qualité d'ancien syndic bénévole du syndicat des copropriétaires.

L'intimé ajoute que le premier juge n'a pas seulement considéré que les troubles anormaux de voisinage étaient constitués par le risque que le sapin frappe la gouttière lors d'épisodes venteux, voire qu'il se couche vers l'immeuble en copropriété, mais également par la perte des aiguilles, brindilles et pommes de pin créant d'importantes et récurrentes nuisances pour le syndicat des copropriétaires.

Il fixe au mois de mars 2020 - au cours duquel a été réalisée la vidéo de l'épisode venteux - voire au 25 mai 2020 - date de prise d'attache avec le maire pour faire part des inquiétudes des copropriétaires quant à un risque d'effondrement du sapin - la date de la première manifestation du dommage constitué par le risque que le sapin frappe la gouttière lors d'épisodes venteux, voire qu'il se couche vers l'immeuble.

Il estime, au visa de l'article 651, que le trouble anormal du voisinage est caractérisé par la projection récurrente d'aiguilles, de brindilles et de pommes émanant du sapin sur l'immeuble. L'obstruction des voies d'écoulement du toit provoquée par ces chutes entraîne des infiltrations par-dessus les rebords de la tôle et un écoulement des eaux dans les combles et toiture. En outre, le toit est couvert de mousse, et les tuiles sont dégradées en raison du conifère, selon les dires de l'entreprise de nettoyage de la toiture. Il conclut donc que les désordres proviennent dudit sapin.

Il indique que le sapin se dresse toujours très largement au-dessus du faîte de l'immeuble, que l'élagage réalisé en septembre 2020 et constaté par huissier le 1er décembre 2020 n'est manifestement pas de nature à faire cesser le trouble que subit l'immeuble, dès lors qu'il résulte des explications du professionnel intervenu pour nettoyer la toiture que c'était en raison du surplomb de l'immeuble par le sapin que les chutes de celui-ci obstruaient à nouveau les voies d'écoulement.

Il ajoute que les obstructions des voies d'évacuation par aiguilles et pommes de pin sont toujours récurrentes comme l'attestent les photographies et l'intervention de l'entreprise PK Concept à l'été et au mois de novembre 2021, empêchant l'eau de s'écouler normalement.

De surcroît, l'intimé se prévaut d'un trouble anormal du voisinage lié au risque de chute du sapin sur la copropriété, dès lors que l'arbre met en danger la sécurité des biens et des copropriétaires du fonds voisin. Il invoque les images des vidéos de 2020 où le sapin tangue lors d'un épisode venteux sur l'immeuble, qui ont été rapportées au maire, lequel a alerté Mme [F] du risque d'engagement de sa responsabilité en cas de dégât causé par son sapin. Il ajoute que ce danger a, de nouveau, été constaté par huissier le 21 octobre 2021 qui relevait que la « partie supérieure du sapin tance et penche fortement vers l'immeuble du [Adresse 2] » Il ajoute que l'élagage de l'arbre est de nature à le fragiliser encore davantage.

Enfin, s'il constate que le conifère a bien fait l'objet d'une coupe conséquente en date du 17 mars 2022 entraînant sa réduction puisqu'il se trouve à une hauteur largement inférieure à celle de l'immeuble, et précise que la gouttière n'est plus remplie de pommes de pin et d'épines empêchant la fonctionnalité de l'écoulement des eaux et que les tuiles ne sont plus déplacées, il entend toutefois obtenir la confirmation de la décision de première instance concernant l'appréciation de la situation antérieure à la coupe du sapin.

Sur l'indemnisation du préjudice matériel, il ajoute que l'intervention de l'entreprise PK Concept a été rendue nécessaire à trois reprises toujours en raison du sapin, en août et novembre 2021 puis en juillet 2022, pour le nettoyage final de la toiture après la coupe du 17 mars 2022, moyennant un coût total de 1 284,59 euros. Il indique que sans le sapin litigieux, les copropriétaires auraient pu nettoyer eux-mêmes la toiture, la noue et les chéneaux, et que ces interventions ne correspondent pas à l'entretien normal de la copropriété mais procèdent de la matérialité du trouble anormal du voisinage ; qu'il a également fallu faire procéder à des constats d'huissier pour un montant de 274,20 euros dans le cadre de la première instance et 714,40 euros à hauteur d'appel. Il sollicite ainsi la somme supplémentaire de 1 998,99 euros en cause d'appel.

Le syndicat des copropriétaires sollicite également l'indemnisation de son préjudice moral pour les démarches et le temps consacré à résoudre ce litige, qu'il évalue à la somme de 4 000 euros.

Sur la demande reconventionnelle, le syndicat des copropriétaires vient au soutien de l'argumentation développée par les copropriétaires.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2021, MM. [P] [E], [S] [T], [N] [H], [J] [B] et Mmes [U] [Z] épouse [H] et [L] [M] épouse [B] concluent à la confirmation du jugement entrepris. Ils demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [F] de ses demandes à leur encontre et en ce qu'il l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

- subsidiairement :

- de dire et juger que la demande formée contre M. [E] est irrecevable;

- de débouter Mme [F] de ses demandes dirigées contre M. [E];

- en tout état de cause :

- de condamner Mme [F] à payer à M. [E], M. [T], M. [N] [H], Mme [U] [Z], M. [J] [B] et Mme [L] [M] un montant de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'appel.

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée à la demande formée contre M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il est soutenu qu'il a vendu son appartement le 2 décembre 2019, de sorte que la demande est irrecevable à son égard.

Ils font valoir, sur la demande reconventionnelle relative à la suppression des vues, que si elles apparaissent de prime abord illicites puisqu'implantées à moins de 1,90 mètres du fonds de Mme [F], ces ouvertures sont néanmoins justifiées, compte tenu de leur intégration au bâti dès l'édification de l'immeuble au XIXème siècle, en raison soit d'une servitude de bon père de famille, mais tout en concédant ne pouvoir justifier de ce que les fonds auraient appartenu à la même personne, soit d'une autorisation par l'ancien propriétaire du fonds de l'appelante.

Ils contestent la position de l'appelante selon laquelle les fenêtres auraient été licites à l'origine car équipées de verre dormant fixe et de grilles et constituaient des jours de souffrance. Ils partagent l'analyse du premier juge en ce qu'il a retenu qu'elles étaient bien des fenêtres destinées à être ouvertes, de sorte qu'elles constituaient des vues.

Ils s'estiment ainsi fondés à se prévaloir d'une servitude de vue acquise par prescription trentenaire et indiquent que les fenêtres querellées datent de l'édification de l'immeuble au XIXème siècle, qu'elles sont encadrées en grès des Vosges, ce qui ne se fait plus depuis des décennies, que les encadrements comportent des crochets de fixation de volets, éléments prouvant qu'il y avait à l'origine des volets et donc des fenêtres que l'on pouvait ouvrir, outre que la photographie de Mme [F] enfant montre la présence de ces fenêtres.

Ils relèvent qu'aucune autorisation n'a été sollicitée au titre d'un quelconque permis de construire, puisqu'elles existaient dès l'origine.

Ils se prévalent du témoignage de M. [G], selon lequel toutes les ouvertures sur le mur étaient déjà existantes et toutes les pièces sur lesquelles elles donnaient étaient ou avaient été occupées lorsqu'il a acquis et rénové l'immeuble en 1991-1992. Ils ajoutent que les photographies démontrent que les ouvertures étaient déjà présentes bien avant les années 1990.

Ils ajoutent que les deux seules fenêtres qui ont été murées à une certaine époque sont, pour l'une, toujours murée, et, pour l'autre, réouverte bien avant 1991, que les six fenêtres en litige ont existé non murées au moins trente ans après la construction de l'immeuble, de sorte que la servitude de vue était née, peu important que la fenêtre des combles ait pu être murée pendant quelques années au milieu du XXème siècle.

Ils font aussi valoir que le jeu de la prescription n'est pas conditionné par le fait que les volets soient ouverts ou que la pièce soit habitée, et qu'il suffit que la fenêtre existe.

Ils précisent démontrer que la servitude est ininterrompue, paisible, publique, 'équivoque', et à titre de propriétaire, puisque la seule existence de fenêtres pratiquées dans l'immeuble d'habitation, qui est apparente et existe de manière continue et publique, suffit pour remplir ces critères, ajoutant que les propriétaires successifs de l'immeuble se sont servis habituellement de ces fenêtres en qualité de propriétaires et de manière paisible, puisque personne n'a protesté jusqu'à l'arrivée de Mme [F] un siècle plus tard.

Ils soutiennent qu'il appert des photographies produites par Mme [F] qui datent des années 1960 que toutes les ouvertures étaient garnies de verre transparent, à l'exception de la fenêtre des combles mais qui ne l'était plus sur la photo de 1990, où elle est ouverte et comporte une vitre, de sorte qu'il en était de même en 1988, dès lors qu'il n'y a eu aucun changement de propriétaire, ni de travaux entre 1988 et 1990.

Ils critiquent la crédibilité du témoignage de M. [W], frère de Mme [F], selon lequel une des fenêtres du deuxième étage aurait été rouverte suite aux travaux de 1991-1992, et se prévalent de l'attestation de M. [G], qui n'a aucun intérêt dans l'affaire et qui indique que les deux ouvertures du premier étage étaient ouvertes lorsqu'il a acquis l'immeuble, ainsi que d'une photo de Mme [F] montrant deux ouvertures au 2ème étage.

Sur le prétendu non-usage de la servitude pendant trente ans, les intimés constatent que Mme [F] prétend prouver que le bâtiment n'offrait pas de vue sur sa propriété de 1950 à 1992, de sorte qu'elle admet a contrario qu'en 1950, la servitude de vue avait été acquise par usucapion.

Ils ajoutent qu'elle ne démontre pas que certaines auraient été constamment fermées par des volets ou murées pendant trente ans d'affilée. Ils soulignent que la présence d'une grille sur la fenêtre du rez-de-chaussée ne permet nullement de retenir que celle-ci aurait empêché la vue, mais simplement qu'elle empêchait les

intrusions. Ils ajoutent que les étages supérieurs sont équipées de volets et non de grilles, que leur encadrement en grès des Vosges illustre qu'elles existent depuis l'édification de l'immeuble et qu'enfin, si l'une des fenêtres a été murée en 1970, elle l'est toujours, et que l'autre fenêtre murée ne l'était plus avant les travaux de 1990.

* * *

Par ordonnance du 7 mars 2023, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1. Sur l'action fondée sur les troubles anormaux de voisinage :

1.1. Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

L'action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, elle est soumise à la prescription de cinq ans prévue à l' article'2224 du code civil, qui prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il résulte l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Le délai de prescription de l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage court à compter de la connaissance des nuisances alléguées, constitutives du dommage.

En l'espèce, Mme [F] ne produit aucun élément permettant de justifier son affirmation selon laquelle le sapin dépassait déjà la hauteur de l'immeuble voisin en juin 2012 , étant relevé que ce fait ne peut être déduit de ce qu'en 2015 il était déjà plus haut que l'immeuble et qu'une branche touchait l'immeuble.

En outre, elle ne justifie pas que, comme elle l'affirme, M. [D], alors syndic de la copropriété, s'était plaint dès 2011 de la hauteur du sapin, les pièces 45 et 46 qu'elle produit ne mentionnant nullement une telle date.

En revanche, il est justifié d'une déclaration de sinistre de dégât des eaux du 21 juillet 2014, effectuée par lettre du 17 août 2014 de M. [D], en tant que syndic, comme provenant du sapin voisin, qui dépasse la toiture et conduit, à chaque

coup de vent et forte pluie, à une importante quantité d'aiguilles et de pommes de pin sur la toiture et les gouttières empêchant l'écoulement correct de l'eau sur la toiture et les gouttières.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que le syndicat des copropriétaires avait eu connaissance des nuisances alléguées avant cette date, le point de départ de la prescription de son action sera fixé au 21 juillet 2014.

L'action introduite par assignation délivrée le 6 juin 2017 est en conséquence recevable comme n'étant pas prescrite, le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir.

1.2. Sur le bien-fondé des demandes :

1.2.1 Sur la condamnation de Mme [F] à supprimer le sapin sous astreinte :

Selon le procès-verbal de constat d'huissier du 17 mars 2022 et la facture du même jour de l'entreprise Durringer, le sapin a fait l'objet d'une coupe de son tronc, réduisant ainsi la taille du sapin à une hauteur inférieure à celle des gouttières de l'immeuble voisin. Les branches, à distance de l'immeuble, ne le touchent pas.

Le syndicat des copropriétaires admet d'ailleurs cette coupe conséquente et que la gouttière n'est plus remplie de pommes de pin et d'épines empêchant la fonctionnalité de l'écoulement des eaux et que les tuiles ne sont plus déplacées par le conifère.

Dès lors, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise, il convient de constater qu'il n'existe plus, pour l'immeuble de la copropriété voisine, de risque de chute sur l'immeuble et donc pour sa sécurité, ni de troubles résultant de la chute des aiguilles et pommes de pin.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression du sapin, et la demande à ce titre sera rejetée.

1.2.2. Sur les demandes indemnitaires :

Il n'est pas contesté que le conifère litigieux a été planté dans les années 1970.

Il résulte des pièces produites aux débats, et en particulier des procès-verbaux de constats d'huissier de justice, des factures et attestation relatives à la taille du sapin, ainsi que des factures et courriers de l'entreprise PK Concept relatives aux interventions sur la toiture de cette dernière, que, de 2014 jusqu'en septembre 2020, le conifère surplombait l'immeuble voisin, à l'exception cependant des périodes suivant lesquelles Mme [F] a fait procéder à des coupes de branches surplombant l'immeuble en décembre 2014 et en septembre 2020. Il n'est pas démontré que cela se soit reproduit à compter de cette dernière date.

Toutefois, implanté à proximité de l'immeuble, même s'il n'est pas contesté qu'il l'est à plus de deux mètres de la limite séparative, sa hauteur restait largement supérieure à celle de l'immeuble voisin, et ce, même après septembre 2020 et jusqu'à sa coupe en mars 2022.

Selon les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 3 décembre 2015 et 24 janvier 2017, les aiguilles s'infiltraient sous les tuiles, la laine de verre était humide et le dessus de la laine de verre était jonché d'aiguilles de sapin, ce qui est confirmé par le courrier de M. [V] [C], gérant de l'entreprise PK Concept, du 10 mai 2017, indiquant que 'la noue est régulièrement bouchée ainsi que les gouttières, ce qui occasionne des infiltrations sous toiture et de plus le nombre important d'épines se trouvant entre les tuiles empêche une bonne circulation d'air sous la toiture, ce qui fait que j'ai pu constater que la laine de verre est constamment humide sous les combles et n'a plus son efficacité d'isolation, un tapis d'épines recouvre celle-ci', outre qu'il constate une dégradation accélérée des tuiles due au développement de la mousse sur la toiture causée par le conifère.

Ainsi, il résulte de ce courrier datant de 2017 que la présence importante d'épines et aiguilles, qui obstruent la noue et les gouttières, est à l'origine d'infiltrations sous la toiture. En outre, selon les procès-verbaux des constats d'huissier de justice produits aux débats, se trouvaient toujours régulièrement, et y compris après 2020, dans la noue et les gouttières de l'immeuble voisin, une importante quantité d'aiguilles de sapin et de pommes de pin. De plus, selon certaines factures, des tuiles avaient été déplacées du fait de branches.

Compte tenu de la hauteur, supérieure à celle de l'immeuble en copropriété, qu'atteignait ce sapin jusqu'en mars 2022, et de sa proximité avec ledit immeuble, il résulte des éléments concordants précités, que ces branches, aiguilles de sapin et pommes de pin ne pouvaient provenir que du conifère en litige, lesquelles provoquaient les infiltrations et nécessitaient à tout le moins le nettoyage de la noue et des gouttières, ainsi que la remise en place de certaines tuiles, étant observé que Mme [F] ne démontre pas que ces infiltrations résultent d'une autre cause, la photographie produite ne permettant pas de remettre en cause les éléments de preuve précités quant à l'implication du sapin en litige.

La très importante quantité de ces aiguilles et pommes de pin a nécessité les interventions précitées, de manière fréquente et répétée, lesquelles dépassaient dans leur ampleur un entretien bisannuel courant de la toiture et des gouttière. Elle constituait ainsi un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

En conséquence, Mme [F] sera tenue de prendre à sa charge le coût des factures de la société PK Concept produites aux débats, à savoir celles de 2017 à 2020 qu'a retenues le tribunal à hauteur de 2 120,20 euros, ainsi que celles, postérieures au jugement, datées du 17 août et 5 novembre 2021 et celle émise en 2022, qui porte une échéance du 16 juillet 2022, et ce à hauteur de 1 284,59 euros, étant précisé que ces interventions sont consécutives au trouble anormal de voisinage imputable audit sapin, même s'il a fait l'objet de tailles en 2020 et 2022, lesquelles n'ont eu qu'un effet pour l'avenir, celle de 2020 n'ayant, de surcroît, eu qu'un effet limité dans le temps et dans l'ampleur des désordres causés au toit de l'immeuble voisin.

Elle sera également tenue de prendre à sa charge le coût des constats d'huissier de justice, rendus nécessaires pour établir la réalité et la persistance du trouble, à savoir celui du 24 janvier 2017 retenu par le tribunal à hauteur de 274,20 euros, et ceux des 21 octobre et 4 novembre 2021, dont il est justifié un coût total de 714,40 euros.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [F] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2 394,40 euros (2 120,20 + 274,20 euros), outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Y ajoutant, elle sera condamnée à lui payer la somme de 1 998,99 euros (1 284,59 + 714,40 euros), outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

Le syndicat des copropriétaires ne démontre pas avoir subi un préjudice moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

2. Sur l'action en mise en conformité de fenêtres :

Mme [F] demande la condamnation des copropriétaires des lots n°5, 3 et 1 de l'immeuble sis [Adresse 2], à mettre les fenêtres donnant sur sa propriété, en conformité avec les dispositions de l'article 676 alinéa 2 du code civil.

Selon l'article 676 dudit code, 'le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant.

Ces fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer dont les mailles auront un décimètre (environ trois pouces huit lignes) d'ouverture au plus et d'un châssis à verre dormant.'

En l'espèce, il est constant qu'actuellement, et au moins depuis les travaux réalisés en 1991/1992 par M. [G], six fenêtres, ouvrantes et dotées de vitres transparentes, sont situées sur la façade de l'immeuble donnant sur le fonds de Mme [F], dont il n'est pas contesté qu'elles sont situées à moins de 1,90 m de la limite séparative.

Il résulte du règlement de copropriété que les fenêtres et de façon générale, les ouvertures et vues des locaux privatifs constituent des parties privatives, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les copropriétaires attraits au présent litige, ni par le syndicat des copropriétaires.

Les copropriétaires concernés invoquent l'existence d'une servitude acquise par prescription trentenaire.

A titre liminaire, il convient de constater qu'ils indiquent eux-mêmes ne pas établir que les conditions pour l'établissement d'une servitude de bon père de famille seraient réunies.

S'agissant de la servitude de vue qu'ils invoquent, il convient de rappeler qu'en application des articles 686, 688, alinéa 2, 689, alinéa 2, et 690 du code civil, une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait-même de la présence de l'ouverture donnant sur l'héritage d'autrui et dont la possession subsiste tant qu'il n'y est pas matériellement contredit.

Selon l'article 2261 du code civil, et l'ancien article 2229 du même code, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

En l'espèce, l'existence d'un encadrement en grès des Vosges autour de ces fenêtres n'est pas suffisant pour établir, même s'il date de la construction de l'immeuble au XIXème siècle, l'existence d'une vue sur le fonds voisin, ni qu'une telle vue ait existé pendant une durée de trente années avant l'introduction de l'instance à l'égard des copropriétaires concernés.

L'attestation de M. [G] est insuffisante à établir l'existence d'une ou plusieurs vues. En effet, le fait d'attester que, lorsqu'il a acquis l'immeuble en 1991, et avant sa rénovation, 'toutes les ouvertures sur ce mur existaient', est insuffisant à établir que les fenêtres, dont l'existence n'est pas contestée, étaient ouvrantes ou munies de vitres transparentes. D'ailleurs, les annexes au permis de construire, y compris la photographie produite en pièce 30 par Mme [F], ne permettent pas de l'établir.

Les copropriétaires intimés soutiennent également que, selon Mme [F], le bâtiment n'offrait pas de vue sur sa propriété de 1950 à 1992 et qu'elle admet donc a contrario qu'en 1950 la servitude de vue a été acquise par usucapion. Cependant, une telle déduction est infondée, outre que Mme [F] n'émet cette affirmation qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retenait l'existence d'une servitude de vue.

Il appartient aux copropriétaires intimés de démontrer l'existence d'une servitude de vue acquise par prescription trentenaire à la date à laquelle Mme [F] a formé la demande de mise en conformité des fenêtres.

2. 1. S'agissant des deux fenêtres concernant le lot n°1 (au rez-de-chaussée) appartenant aux époux [H] :

Selon les photographies produites, ces fenêtres sont actuellement munies de vantaux et de vitres transparentes, des barreaux étant fixés à l'extérieur.

Les copropriétaires intimés soutiennent que, même si les fenêtres étaient munies à l'origine d'un grillage, ce qu'ils contestent, un tel grillage n'empêche pas la vue, et que la grille déposée et photographiée, a été démontée il y a plus de cinquante ans, outre qu'il n'est pas établi qu'il y avait du verre dormant.

Cependant, aucun élément ne permet d'établir que les fenêtres étaient munies de vitres transparentes ou ouvrantes, et ce depuis trente ans avant l'introduction de l'instance à l'égard des époux [H], c'est-à-dire depuis le 7 mai 1988.

L'existence d'un encadrement en grès des Vosges n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une vue sur le fonds voisin. Le fait que les fenêtres soient munies de volets n'implique pas non plus une telle vue, ni que les fenêtres étaient ouvrantes ou transparentes, et ce dans la mesure où elles sont situées au rez-de-chaussée.

M. et Mme [H] ne démontrent donc pas l'acquisition par prescription trentenaire d'une servitude de vue sur le fonds de Mme [F].

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de Mme [F], le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a rejetée, et de prononcer une astreinte afin d'en garantir l'exécution.

2.2. S'agissant de la fenêtre du lot n°3 (au 1er étage) appartenant aux époux [B]-[M], venant aux droits de M. [E] :

Mme [F] a agi à l'encontre de M. [E] le 17 mars 2018, puis M. [B] et Mme [M] épouse [B] par assignation délivrée le 24 janvier 2020.

Il appartient donc à M. et Mme [B] de démontrer que leur lot bénéficiait d'une vue sur le fonds voisin depuis le 17 mars 1988.

Les copropriétaires intimés soutiennent que la fenêtre de gauche n'a jamais été murée, qu'elle avait un volet dès l'origine ce qui prouve qu'il y avait une fenêtre ouvrante derrière et qu'il n'est pas établi que le volet ait toujours été fermé.

Selon les photographies produites par Mme [F], d'une part, en pièce 15, qui ne comporte pas de date, mais dont il n'est pas contesté qu'elle représente Mme [F] jeune, celle-ci étant née en 1952 et indiquant avoir vingt ans sur la photographie, et, d'autre part, en pièce 23, qui date des années 1960, ce qui n'est pas contesté par les intimés qui précisent d'ailleurs que le véhicule photographié a été immatriculé en 1962, l'ouverture de droite du premier étage était murée, celle-ci n'étant cependant pas en litige, tandis que celle de gauche était fermée par un volet (étant précisé que cette fenêtre est celle située à gauche depuis la propriété de Mme [F]).

L'existence d'un encadrement en grès des Vosges n'est pas suffisant pour établir l'existence d'une vue sur le fonds voisin.

Le fait que la fenêtre de gauche soit munie d'un volet n'est pas non plus suffisant pour établir qu'elle permettait une vue sur le fonds voisin. Les copropriétaires intimés ne produisent en effet aucune photographie montrant la fenêtre de gauche avec le volet ouvert, et dès lors il est impossible de déterminer quel type de fenêtre existait derrière ce volet, et notamment si elle disposait d'une vitre transparente, outre qu'aucun élément ne permet d'établir que le volet était régulièrement ou même ponctuellement ouvert, ce qui aurait permis de démontrer l'existence d'une ouverture ou d'une fenêtre ouvrante.

Il en résulte qu'ils ne démontrent pas l'acquisition par usucapion d'une servitude de vue.

Il sera dès lors fait droit à la demande de Mme [F], le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a rejetée, et de prononcer une astreinte afin d'en garantir l'exécution.

2.3. S'agissant des trois fenêtres du lot n°5 (au 2ème étage et sous le pignon) appartenant à M. [T] :

La fenêtre de gauche du 2ème étage était murée selon la photographie produite en pièce 23 par Mme [F], datant des années 1960, ce qui apparaît également sur la photographie produite en pièce 41 et prise depuis la propriété de Mme [F] et sur celles jointes au dossier de permis de construire et notamment la pièce 30.

Aucun élément ne permet démontrer l'existence d'une vue depuis cette fenêtre pendant trente ans, au moment où elle a agi à l'encontre de M. [T] en mars 2018.

Aucune servitude de vue n'est donc démontrée concernant cette fenêtre, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de Mme [F], le jugement étant infirmé à ce titre et de prononcer une astreinte afin d'en garantir l'exécution.

En revanche, selon ces mêmes photographies, dont celle produite en pièce 41 prise depuis la propriété de Mme [F], l'ouverture de droite du 2ème étage, tout comme l'ouverture sous le pignon, sont ouvertes et sont démunies de vitre.

Mme [F] ne démontre pas l'impossibilité d'avoir une vue sur son fonds depuis ces ouvertures, en particulier celle située sous les combles. L'attestation de M. [W] est insuffisante à l'établir, en raison des liens familiaux l'unissant à Mme [F].

Dès lors, il convient de considérer que ces fenêtres permettent une vue sur le fonds de Mme [F], peu important que les locaux desservis aient été ou non habités, et ce depuis plus de trente ans au moment où M. [T] a été assigné.

Cette possession existant depuis les années 1960, la servitude de vue existait déjà depuis trente ans au moment où la lettre du 2 décembre 2016 a été rédigée et adressée aux copropriétaires concernés et au syndicat des copropriétaires, de sorte qu'elle ne peut être invoquée pour soutenir que la possession n'a pas été paisible et empêcher l'acquisition de la prescription.

Il est ainsi justifié d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, d'une vue par ces deux fenêtres sur le fonds de Mme [F].

Il en résulte la preuve d'une servitude de vue concernant ces deux fenêtres, acquise par prescription trentenaire.

Mme [F] invoque toutefois une extinction de la servitude par non usage trentenaire avant la rénovation.

Selon l'article 706 du code civil, la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.

Selon l'article 707 dudit code, les trente ans commencent à courir, selon les diverses espèces de servitudes, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues.

Cependant, Mme [F] ne démontre pas un non-usage de cette servitude, et encore moins un non-usage trentenaire. En particulier, elle ne démontre pas qu'ait été effectué un acte contraire à ladite servitude.

Ses demandes seront donc rejetées concernant ces deux fenêtres.

3. Sur les frais et dépens :

M. [E] était partie en première instance, a bénéficié d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance dont Mme [F] demande l'infirmation et a été intimé, de sorte que la demande présentée par cette dernière à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure à hauteur d'appel est recevable.

Compte tenu des circonstances de la cause et de la solution du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef, et d'appel.

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a statué de ce chef et les demandes des parties seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 27 mai 2021, mais seulement en ce qu'il :

- condamne Mme [F] à supprimer le sapin situé sur sa propriété à proximité immédiate de la limite séparative du fonds où se trouve l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2], dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans la limite de 6 mois ;

- déboute Mme [F] de sa demande de suppression des vues irrégulières dirigées contre M. [N] [H] et Mme [U] [Z] épouse [H], contre M. [J] [B] et Mme [L] [M] et contre M. [S] [T] en ce qui concerne la fenêtre du 2ème étage située à gauche (selon la photographie prise depuis la propriété de Mme [F]) ;

- condamne Mme [F] aux entiers dépens et à payer au syndicat des copropriétaires, à MM. [E], [T], [H], [B] et Mmes [Z] épouse [H] et [M] épouse [B], la somme de 500 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le confirme pour le surplus, dans les limites de l'appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Rejette la demande tendant à condamner Mme [F] à supprimer le sapin situé sur sa propriété à proximité immédiate de la limite séparative du fonds où se trouve l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2] ;

Condamne M. [N] [H] et Mme [U] [Z] épouse [H] à mettre en conformité les deux fenêtres dépendant du lot n° 1 situées sur la façade de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2] et donnant sur la propriété de Mme [K] [F], avec les dispositions de l'article 676, alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce pendant une durée de trois mois ;

Condamne M. [J] [B] et Mme [L] [M] épouse [B] à mettre en conformité leur fenêtre dépendant du lot n° 3 située sur la façade de l'immeuble sis [Adresse 2] et donnant sur la propriété de Mme [K] [F], avec les dispositions de l'article 676 alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce pendant une durée de trois mois ;

Condamne M. [S] [T] à mettre en conformité la fenêtre du 2ème étage située à gauche (selon la photographie prise depuis la propriété de Mme [F]) dépendant du lot n° 5 située sur la façade de l'immeuble sis [Adresse 2] et donnant sur la propriété de Mme [K] [F], avec les dispositions de l'article 676, alinéa 2 du code civil, et ce, sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce pendant une durée de trois mois ;

Condamne Mme [K] [F], d'une part, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], d'autre part, et M. [S] [T], M. [N] [H], Mme [U] [Z] épouse [H], M. [J] [B] , Mme [L] [M] épouse [B] et M. [P] [E], de troisième part, à supporter chacun leurs propres dépens de première instance ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [F] à payer au syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] la somme de 1 998,99 euros (mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt au titre de son préjudice matériel ;

Condamne Mme [K] [F], d'une part, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], d'autre part, et M. [S] [T], M. [N] [H], Mme [U] [Z] épouse [H], M. [J] [B] , Mme [L] [M] épouse [B] et M. [P] [E], de troisième part, à supporter chacun leurs propres dépens d'appel ;

Déclare recevable la demande formée par Mme [K] contre M. [P] [E] ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02998
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.02998 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award