MINUTE N° 24/160
Copie exécutoire à :
- Me Philippe RUBIGNY
- Me Valérie SPIESER
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 25 Mars 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/03575 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5R5
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 août 2022 par le juge des contentieux de la protection d'Illkirch-Graffenstaden
APPELANTE :
S.C.I. IMKA
[Adresse 1]
Représentée par Me Philippe RUBIGNY, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉS :
Monsieur [I] [D]
[Adresse 2]
Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR
Madame [T] [G]
[Adresse 2]
Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 janvier 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
M. LAETHIER, vice-président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Par contrat en date du 4 août 2013 ayant pris effet au 15 août 2013 après état des lieux d'entrée du 12 août 2013, la Sci Imka a donné à bail à Monsieur [I] [D] et Madame [R] [C] un logement à usage d'habitation situé [Adresse 3], moyennant versement d'un loyer mensuel de 690 euros, outre 40 euros de provision sur charges.
Par acte du même jour, Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L] se sont portés cautions solidaires des engagements des locataires.
Selon courrier recommandé daté du 18 mai 2016, Monsieur [I] [D] a informé la bailleresse du départ des lieux de Madame [R] [C] et de l'arrivée de Madame [T] [G] dans ledit logement.
Monsieur [I] [D] a donné congé à la bailleresse et l'état des lieux de sortie a été établi par huissier de justice le 22 janvier 2021.
Se prévalant d'un manque d'entretien du logement et de dégradations commises par les occupants ainsi que d'un arriéré locatif, la Sci Imka a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden afin d'obtenir la condamnation solidaire de Monsieur [I] [D], Madame [T] [G], Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L] à lui payer la somme de 13 680,54 euros au titre des loyers et charges impayés, de la perte d'exploitation, des réparations locatives, et de la moitié des frais de
constat d'huissier, outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
En défense, Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G], seuls représentés à la procédure, ont essentiellement contesté les demandes formées au titre des réparations locatives, selon eux injustifiées au vu de l'état du logement à leur arrivée, de son entretien et de la vétusté découlant de la durée du bail. Ils ont conclu au débouté de la Sci Imka de toute demande excédant la somme de 1 188,92 euros, reconnue comme due, et à la condamnation de la bailleresse aux dépens et à leur payer une indemnité de procédure de 1 500 euros.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 31 août 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden a :
condamné solidairement Monsieur [I] [D], Madame [T] [G], Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L] à payer à la Sci Imka la somme
de 1 411,76 euros au titre de la dette locative, et ce après déduction du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
débouté la Sci Imka du surplus de sa demande ;
débouté la Sci Imka de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle engagés ;
rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a :
sur la dette de loyers et charges : retenu que le délai réduit de préavis n'était pas contesté par la bailleresse et qu'il courait jusqu'au 5 février 2021 sans que le locataire ne justifie d'aucun versement pour le mois de février soit une somme due, au prorata du mois, de 136,23 euros ; qu'il n'était également pas contesté que la Sci Imka restait redevable d'une somme de 234,47 euros au titre de la régularisation des charges ;
sur les réparations locatives :
rappelé que le locataire n'a pas à prendre en charge les réparations locatives qui pourraient être dues à une vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure et que l'indemnisation du bailleur n'est pas subordonnée à la preuve de l'exécution par celui-ci des travaux dont il demande réparation mais doit être justifiée et non fixée forfaitairement ;
souligné que la comparaison de l'état des lieux d'entrée et de sortie devait être effectuée en tenant compte du caractère moins détaillé de l'état des lieux d'entrée que de celui de sortie ;
listé diverses dégradations locatives mises en évidence par cette comparaison, notamment s'agissant des conséquences d'un dégât des eaux survenu en 2017, non déclaré par le locataire à son assurance, un convecteur cassé, des parquets endommagés, le non-fonctionnement de trois des
quatre volets du séjour, le défaut d'entretien du jardin et le besoin de nettoyage du logement ;
rappelé que même en l'absence de grille de vétusté annexée au bail, les grilles existantes permettaient de disposer de critères sur cette notion et a ainsi retenu une durée de vie de sept ans pour les revêtements muraux, de quinze ans pour les volets roulants ainsi que le parquet stratifié justifiant que seule une quote-part résiduelle (de l'ordre de 10% à 20%) soit mise à la charge du locataire pour les dégradations locatives en lien avec le dégât des eaux ;
retenu, au vu de l'occupation des lieux pendant 8 ans, des devis transmis par la bailleresse et des propositions du locataire, les sommes de 600 euros pour le nettoyage de l'appartement avec changement de convecteur, fixation des thermostats et nettoyage du jardin, 400 euros pour les revêtements muraux dégradés suite à un dégât des eaux dans la salle de bain, WC, cuisine et trous chevillés, 450 euros pour les volets roulants, 600 euros pour les parquets et 150 euros pour les carreaux de carrelage de la salle de bain et joints soit une somme globale de 2 200 euros ;
rejeté la demande en perte d'exploitation présentée par la bailleresse compte tenu de la part limitée des réparations locatives au regard de l'ensemble des
travaux de rénovation de l'appartement et de l'absence de justification d'autre élément à l'appui de cette demande ;
sur les sommes dues : effectué les comptes entre les parties sur la base des sommes précitées et de la déduction à opérer du dépôt de garantie soit un solde dû de 1 411,76 euros, justifiant condamnation solidaire des parties au paiement de cette somme, par Monsieur [I] [D] en qualité de preneur, par Madame [T] [G] en qualité d'occupante des lieux depuis mai 2016 sur la base de sa responsabilité délictuelle et par Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L] en qualité de cautions solidaires ;
sur les frais d'état des lieux : relevé qu'aucun élément ne permettait de retenir que les parties auraient, d'un commun accord, sollicité un état des lieux de sortie par huissier, voire que l'état des lieux n'aurait pu être établi contradictoirement et amiablement entre les parties.
La Sci Imka a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 20 septembre 2022.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, la Sci Imka demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris, et
en conséquence, statuant à nouveau, de voir condamner solidairement Monsieur [I] [D], Madame [T] [G], Monsieur [E] [L] et Monsieur [W] [O] à lui payer la somme de 13 680,54 euros en principal, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de son appel, la Sci Imka critique l'appréciation portée par le juge en ce qu'il n'a pas tenu suffisamment compte des dégradations causées par les occupants, empêchant la relocation du bien en l'état mais a retenu une simple vétusté et a considéré le recours à un huissier de justice comme superfétatoire.
Précisant qu'elle ne saurait présenter aucune demande envers Madame [R] [C] vu l'ancienneté de son départ, même si elle n'en a pas été informée dans les formes légales, la bailleresse fait essentiellement valoir, s'agissant des dégradations et dégâts constatés dans le logement que l'appartement mis à la disposition des locataires en août 2013 était rénové et en parfait état ; qu'il a par contre été restitué dans un état de malpropreté avéré, nécessitant de faire procéder à des travaux de nettoyage et d'entretien d'équipements, en principe dévolus aux locataires (bouches d'aération VMC, détartrage des robinetteries et ballon d'eau chaude) et qu'il présentait aussi de nombreuses dégradations listées dans l'état des lieux ; qu'il importe à cet égard de distinguer la vétusté, correspondant à une dégradation liée à un usage normal,
de la dégradation qui relève d'un manque de soin évident ou d'une inadvertance du locataire, ce qui est le cas en l'espèce ; que les photographies réalisées par l'huissier de justice puis le bailleur attestent de cet état dégradé du logement et mettent en évidence des dégradations des sols (parquet et revêtement thermoplastique portant des marques de frottement ou usage inapproprié), des moisissures provenant d'un dégât des eaux non déclaré ni traité par les locataires, un défaut total d'entretien du jardin, une dégradation des thermostats, une dégradation, voire un démontage, de plusieurs volets roulants ; qu'elle produit divers devis de professionnels dont elle a retenu le moins-disant, représentant toutefois une charge de 15 724,05 euros, et a subi une perte d'exploitation correspondant à deux mois de loyers et charges, soit la somme de 1 602,75 euros, soit un total réclamé de 17 326,77 euros.
La Sci Imka fonde ses demandes en condamnation :
sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [I] [D] : faute, comme précité, de respect par ce dernier de ses obligations d'entretien des lieux loués, du défaut de signalement d'éventuelles dégradations commises par des tiers et de son comportement d'obstruction aux demandes de visite du logement par la bailleresse ;
sur la responsabilité délictuelle de Madame [T] [G] laquelle n'a jamais signé de bail ou avenant avec la Sci Imka et n'a donc pas acquis la qualité de colocataire mais seulement d'occupante du logement qui, en se
maintenant dans les lieux pendant plus de quatre ans, n'est pas étrangère aux dégâts, dégradations et manque d'entretien constatés ;
sur l'engagement de cautionnement solidaire signé par Monsieur [E] [L] et Monsieur [W] [O] qui portait garantie des engagements tant de Monsieur [I] [D] que de Madame [R] [C] et non de l'un d'eux individuellement de sorte que peut leur être exigé le remboursement de l'intégralité des sommes dues par Monsieur [I] [D], dont ils sont tous les deux cautions solidaires.
La Sci Imka sollicite en conséquence condamnation à paiement d'une somme de 13 680,54 euros correspondant au loyer dû pour la période du 1er février 2021 au 5 février 2021 (136,23 euros), la perte d'exploitation précitée de deux mois de loyers et charges (1 602,72 euros), la réfection du logement à l'exclusion des deux chambres sur la base du devis le moins disant (11 250,22 euros), la réparation des volets roulants (750 euros), les frais de nettoyage (720 euros), la moitié des frais d'état des lieux de sortie (145,84 euros) sur lesquels s'imputent la régularisation de charges au profit du locataire (234,47 euros) et le dépôt de garantie (690 euros).
Par conclusions du 17 février 2023 notifiées par voie électronique le 21 février 2023, Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] demandent à la cour :
sur appel principal :
juger l'appel de la Sci Imka irrecevable et mal fondé et l'en débouter ;
débouter la Sci Imka de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens en ce qu'elles excèdent la somme de 1 188,92 euros ;
sur appel incident :
confirmer le jugement du 31 août 2022, sauf en ce qu'il a condamné les locataires à payer au bailleur la somme de 136,23 euros au titre du loyer du mois de février 2022 ;
l'infirmer de ce chef, et statuant à nouveau :
débouter la Sci Imka de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens en ce qu'elles excèdent la somme de 1 188,92 euros qui avait été proposée avant toute procédure ;
juger par conséquent la présente procédure inutile ;
en tout état de cause :
condamner la Sci Imka aux entiers frais et dépens et à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En réplique à la partie adverse, Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] soutiennent essentiellement que :
la Sci Imka tente de manière abusive de faire payer au locataire une remise à neuf du logement avec des matériaux de meilleure qualité que ceux qui équipaient le logement en 2013 lors de la prise à bail sans tenir compte de la vétusté résultant de l'occupation des lieux pendant près de huit ans et de ce que les décollements de tapisserie ou état du revêtement de sol de type linoleum, bon marché et peu robuste, sont dus à cette vétusté ;
le logement ne nécessitait aucunement une remise à neuf avant relocation comme le prétend la Sci Imka qui ne justifie par ailleurs d'aucune facture, mais pouvait être reloué moyennant un rafraîchissement des murs ;
la fuite d'eau a été signalée au propriétaire par sms le 13 juillet 2017 et trouve son origine dans un sinistre imputable à l'occupant du logement du dessus qui appartient lui aussi à la Sci Imka ; le syndic de l'immeuble a d'ailleurs fait procéder à une recherche de fuite, et il a été mis un terme aux infiltrations, de sorte qu'il n'y a plus de sujet ;
les volets devaient être réparés car vétustes, la bailleresse n'ayant, malgré plusieurs appels téléphoniques du locataire jamais donné suite au devis de la société Repar'store qui s'était déplacée sur site en présence de Monsieur [I] [D] à la demande du bailleur ;
si aucune grille de vétusté n'est annexée au bail, la loi ALUR prévoit clairement la possibilité d'en annexer une et invite ainsi les juridictions à trancher les litiges en considération de cette notion, les grilles existantes permettant de considérer que la proposition des locataires, avant toute procédure, de prendre en charge environ 10% du coût des travaux de remise en état (selon courrier du 11 mai 2021 proposant de renoncer au dépôt de garantie, au solde des charges et à une quote-part de loyer soit une somme de1 188,92 euros)était cohérente et proportionnée ;
le défaut de relocation immédiat n'est pas anormal, d'autant plus après une location relativement longue nécessitant en tout état de cause des travaux de rafraîchissement ; en outre, la bailleresse ne démontre pas avoir trouvé un nouveau locataire disposé à prendre le bien à bail dès le départ des consorts [D]-[G] ;
le devis produit par la Sci Imka détaille uniquement la main d''uvre par pièce concernée et, non le coût des matériaux, que la bailleresse met en compte pour l'ensemble de l'appartement, sans exclure les chambres qu'elle prétend pourtant avoir écartées des réparations sollicitées ; la nature des matériaux chiffrés est différente et plus coûteuse que ceux qui équipaient l'appartement (carrelage au lieu de linoleum) ; le devis comprend en outre des travaux non visés par l'état des lieux (sol de la cuisine ou du WC, plafond du couloir ou porte de l'entrée) qui devront être exclus ; les quantités et métrés sont invérifiables et le coût horaire du ménage est excessif ;
de manière générale, il n'y a pas de manque d'entretien mais simplement une usure normale, la bailleresse tentant de faire peser sur ses locataires les réparations qui lui incombent comme en attestent d'anciens locataires ;
Monsieur [I] [D] justifie avoir réglé le loyer jusqu'au 15 février 2021 de sorte que la bailleresse a trop-perçu la somme de 264,45 euros pour la période du 5 au
15 février 2021 et que le juge s'est trompé en condamnant les locataires au paiement d'une somme de 136,23 euros au titre du loyer de février 2021 ;
la proposition par courrier du 11 mai 2021 que la bailleresse conserve la somme de 1 188,92 euros doit être validée et avait été formulée avant toute procédure, laquelle était donc inutile et génératrice de frais pour les parties ;
comme relevé par le premier juge, rien ne justifiait de recourir à un huissier de justice pour faire établir l'état des lieux de sortie.
Par ordonnance du 9 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel en ce qu'elle concernait Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L].
L'audience de plaidoiries a été fixée au 15 janvier 2024 pour une mise en délibéré au 25 mars 2024.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
A titre liminaire, il sera relevé que l'instance n'est liée qu'en ce qui concerne les relations entre la Sci Imka d'une part et Monsieur [I] [D] et Madame [B] [G] d'autre part,
la déclaration d'appel contre Monsieur [W] [O] et Monsieur [E] [L] ayant été déclarée caduque.
Conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation, chacun devant prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention conformément à la loi.
Sur la demande en paiement des loyers et charges
Par application des articles 1728 du code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Selon l'article 15 de la même loi, lorsque le locataire donne congé, il reste redevable du loyer et des charges pendant tout le délai de préavis, même s'il quitte les lieux avant son expiration, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis, par un autre locataire, en accord avec le bailleur.
Il est constant que la charge de la preuve du paiement des loyers appartient au locataire.
En l'espèce, Monsieur [I] [D], titulaire du bail, a adressé un courrier recommandé daté du 22 décembre 2020 par lequel il donnait congé à la bailleresse à l'issue d'un délai de préavis réduit d'un mois, conformément à la situation du logement en zone tendue.
Tant la bailleresse que le preneur s'accordent, dans leurs échanges de courriers ou conclusions, sur le fait que le bail a ainsi pris fin le 5 février 2021 (il sera à cet égard observé que c'est par une erreur purement matérielle que le premier juge a parfois fait état des mois de janvier ou février 2022 au lieu de janvier ou février 2021).
Monsieur [I] [D] soutient avoir réglé son loyer jusqu'au 15 février 2021.
Toutefois, comme relevé par le premier juge, les extraits bancaires qu'il produit justifient de versements opérés les 10 décembre 2020 et 11 janvier 2021, qui s'analysent donc comme couvrant les mois de décembre 2020 et janvier 2021 mais ne démontrent pas de règlement du loyer jusqu'au 15 février 2021.
C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné le preneur au paiement de la somme de 136,23 euros au titre de la période du 1er au 5 février 2021.
Il n'est par ailleurs contesté par aucune des parties que la régularisation des charges fait ressortir un solde en faveur du preneur à hauteur de 234,47 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
Sur la demande en paiement des réparations locatives
En vertu des dispositions de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement.
Il est également tenu de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat, les menues réparations et les réparations locatives sauf si elles ont été occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.
Il en résulte que le locataire est tenu de restituer les lieux dans le même état que celui trouvé lors de la conclusion du bail, sauf ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté.
Conformément à l'article 4 du décret n°2016-382 du 30 mars 2016, entré en vigueur le 1er juin 2016, la vétusté est définie comme l'état d'usure ou de détérioration résultant du temps ou de l'usage normal des matériaux et éléments d'équipement dont est constitué le logement.
Les parties au contrat de location peuvent convenir de l'application d'une grille de vétusté dès la signature du bail, qui acquiert alors un caractère contractuel. En l'absence d'une telle grille, le juge apprécie souverainement l'état de vétusté et peut, pour ce faire, se référer à des grilles existantes.
Le coefficient de vétusté ne s'applique toutefois pas s'agissant de dégradations volontaires mais seulement aux éléments usés du fait d'un usage répété mais adéquat ou du vieillissement inéluctable de toute chose comme les revêtements sans qu'il y ait intervention humaine.
L'appréciation d'éventuelles dégradations locatives s'effectue par comparaison entre les états des lieux d'entrée et de sortie.
Selon la nature des réparations à opérer, la charge de la remise en état du bien varie : le locataire est responsable de sa négligence, d'un défaut d'entretien et d'une utilisation anormale du logement et des équipements, ainsi qualifiés de dégradations locatives, tandis que le bailleur est responsable des travaux rendus nécessaires par la vétusté.
En l'espèce, l'état des lieux d'entrée établi contradictoirement le 12 août 2013 précise que l'appartement a été « refait à neuf, avec parquet neuf, murs et plafonds peints en blanc, en excellent état »
et indique pour chacune des pièces « RAS » (rien à signaler) à l'exception d'une petite brûlure au sol sur le lino côté gauche de la cuisine et de petites craquelures sur la peinture des plinthes en face des fenêtres dans le séjour.
Sur l'état des lieux de sortie dressé contradictoirement le 22 janvier 2021 et plus détaillé que l'état des lieux d'entrée, il apparaît les observations suivantes :
couloir : partie basse des murs sale ; un impact sur le parquet stratifié ; lames de parquet non jointes correctement laissant apparaître des jours et abîmées ; traces noires au-dessus du radiateur ; présence de deux clous ; traces d'humidité au-dessus du chambranle de la porte des WC ; dégât des eaux survenu en 2017 avec fuite d'eau, ayant son origine dans l'appartement se situant au-dessus du logement et ayant dégradé le plafond et les murs des toilettes et de la salle de bain, le locataire n'ayant pas avisé sa compagnie d'assurances ; toiles d'araignées ;
toilettes : mur donnant sur l'entrée abîmé ; deux traces marrons verticales visibles en partie basse du mur ; tapisserie décollée ; traces et tapisserie décollée au-dessus de la porte ;
cuisine : volet en fonctionnement ; petites traces de rouilles sur le mur et petits éclats visibles sur la tapisserie murale ; traces de calcaires sur l'évier ; intérieur du meuble sous-évier, bouche de ventilation, et plafond sales ; une trace horizontale visible sur le mur donnant sur la salle de bain à mi-hauteur ; quatre trous chevillés ; deux caches de prise absents ; convecteur cassé et attaches mal fixées ;
salle de bain : une marque carrée plus sombre et deux traces circulaires sur le lino ; traces de calcaire sur la robinetterie ; un carreau cassé à proximité du robinet ; un carreau mural remplacé sans qu'il soit identique aux autres ; encadrement de fenêtre abimé ; traces de moisissures au-dessus de la baignoire ; quatre trous chevillés sur le mur donnant sur le couloir ;
chambres : volet en fonctionnement ; traces noires au-dessus du radiateur ; sols en état d'usage ; quelques trous et crochets apparents ; un impact sur le mur de la chambre 2 donnant sur le couloir ; trace blanche visible sous la poignée de la porte côté couloir ; thermostat de la chambre 2 mal fixé ;
salon : non-fonctionnement de trois volets sur quatre ; parquet stratifié endommagé et abîmé ; espacement entre les lames du parquet, abîmé ; une trace jaune sur le mur de gauche ; plafond noirci au-dessus de la porte-fenêtre et traces noires au-dessus du radiateur ; tapisserie décollée à gauche du radiateur ; trous rebouchés et trace noire horizontale au mur ; toiles d'araignées apparentes au plafond ; trace noire du côté gauche de la grande porte vitrée ;
extérieur : jardin non entretenu, recouvert de branchages et de feuilles mortes ne laissant même plus entrevoir le dallage de la terrasse.
L'huissier de justice clôt ses constatations par la mention qu' « à ce jour, (le logement) ne peut être reloué en l'état ».
Il convient de rappeler que le bien a été occupé par Monsieur [I] [D] et sa compagne (successivement Madame [R] [C] puis Madame [T] [G]) pendant environ sept ans et demi (15 août 2013 au 5 février 2021).
Comme justement relevé par le premier juge, les traces relevées sur le lino s'analysent non pas en dégradations locatives mais comme les conséquences d'un état d'usage s'agissant d'une décoloration vraisemblablement liée à la pose d'un meuble et de deux traces circulaires sous le chauffe-eau. Les sols des pièces autres que le salon et le couloir ne sont d'ailleurs pas décrits comme dégradés et leur rénovation ne saurait donc être mise à la charge des anciens occupants.
Les traces noires situées au-dessus des radiateurs et autres traces horizontales sur les murs ainsi que les trous, rebouchés ou chevillés, correspondent également à une usure normale des lieux s'agissant de traces laissées par du mobilier et/ou des éléments de décoration, rangement ou autre.
Il est par contre patent que les traces de saleté, calcaire ou toiles d'araignées relèvent d'un manque d'entretien régulier et satisfaisant des locaux tout comme la présence de moisissures, traces d'humidité ou traces marron et décollements de tapisserie, essentiellement situées dans les toilettes, couloir et salle de bain, dont il est indiqué qu'il s'agit des conséquences d'un dégât des eaux survenu courant 2017.
S'il est établi que Monsieur [I] [D] a effectivement transmis deux photographies des toilettes en avril 2017 à la Sci Imka et a accepté une prise de rendez-vous pour la recherche de fuite diligentée par le syndic, il n'est pas contesté qu'il n'a pas fait de déclaration à son assurance et qu'aucune diligence n'a été effectuée, ni pour limiter l'étendue des dégâts ni pour en faire assurer la prise en charge financière par son assurance locative, de sorte que les dégâts afférents s'analysent bien en dégradations locatives.
C'est également à juste titre que le premier juge a retenu comme dégradations locatives les éléments cassés, que ce soit : des carrelages de la salle de bain, un convecteur ou leurs fixations ; le parquet du salon non pas en ce qu'il présente des jours inhérents au travail des lames mais en ce qu'il comporte également plusieurs
lames endommagées et une importante trace de frottement ; l'état hors d'usage de trois des quatre volets du séjour pour lesquels les preneurs ne montrent pas qu'ils étaient déjà abîmés à leur arrivée en l'absence de toute mention en ce sens dans l'état des lieux d'entrée ni de réclamation postérieure avérée et justifiée ; ainsi, enfin, que le défaut d'entretien du jardin.
En matière de réparations locatives, la loi n'impose pas au bailleur de produire des factures pour justifier de la réalisation de travaux et la production d'un devis est suffisante pour apprécier le préjudice dont il est demandé indemnisation, la preuve de l'exécution des réparations locatives n'étant pas exigée.
Les griefs formulés par les consorts [D]-[G] sur les sommes mises en compte sont sans pertinence alors que les devis produits sont détaillés quant à la nature des travaux à exécuter et aux surfaces concernées et qu'ils portent, s'agissant du devis de la société Re'neuv, mention du coût de la main d''uvre pour divers travaux de pose et dépose mais aussi de fourniture et application de peintures, parquet, carrelage etc.
Il ne saurait non plus être tiré aucun argument utile des courriels prétendument transmis par d'anciens locataires de la Sci Imka qui, non seulement ne respectent pas les formes légales des attestations, mais sont en tout état de cause sans emport sur le présent litige s'agissant de contrats de bail différents.
Aucun coefficient de vétusté ne saurait toutefois être appliqué sur les frais de nettoyage, détartrage, nettoyage du jardin, remplacement d'un convecteur et fixation des thermostats alors qu'il s'agit de remédier non pas à une usure normale des lieux mais à un défaut d'entretien régulier des locataires sortants.
Il ne saurait davantage être appliqué un coefficient de vétusté aux travaux rendus nécessaires par l'effet du dégât des eaux alors que, comme indiqué supra, une intervention adéquate aurait permis d'éviter l'apparition de moisissures et de tâches ou de remplacer les revêtements endommagés.
Le remplacement des volets est également rendu nécessaire par leur dégradation par les locataires (étant d'ailleurs observé que le devis produit porte sur deux volets même si trois sont décrits comme hors service).
Au vu des dégradations ainsi imputables aux anciens preneurs et des devis produits, à savoir les devis Re'neuv, Imaj et Caspar, il y a lieu de condamner les preneurs à prendre en charge les travaux suivants :
couloir : dépose et évacuation de la toile de verre, fourniture et pose de fibre de verre et mise en peinture soit 1 291,25 euros HT,
toilettes : dépose et évacuation de la toile de verre, fourniture et pose de fibre de verre et mise en peinture soit 467,75 euros HT,
salle de bain : dépose et évacuation de la toile de verre, fourniture et pose de fibre de verre et mise en peinture soit 700,84 euros HT,
salon : dépose du parquet, pose et fourniture d'un nouveau parquet sur 27,20 m2 soit 1 830,56 euros HT,
frais divers de rénovation : mise en protection du chantier et déplacement, déchetterie et manutention soit 188 euros HT qui seront partagés par moitié entre preneur et bailleur,
outre les frais de nettoyage divers (cuisine, salle de bains, extérieur, remplacement et réparation des convecteurs) intégrés au devis Imaj pour une somme de 600 euros HT soit 720 euros TTC et les frais de remplacement des volets soit 750 euros TTC.
Il en résulte une somme totale due, au titre des réparations locatives, de 6 292,84 euros TTC.
Le jugement déféré sera donc infirmé quant à la somme mise à la charge de Monsieur [I] [D] et Madame [B] [G] au titre des réparations locatives.
Sur le compte entre les parties
S'il est constant que des travaux ont été rendus nécessaires par des dégradations locatives imputables aux occupants du logement, la vétusté imposait en tout état de cause de procéder à un rafraîchissement des lieux et n'en permettait pas une re-location en l'état. Le devis de la société Re'neuv met d'ailleurs en évidence le choix de la bailleresse de procéder à une rénovation plus large, notamment des sols, ce qui entraîne nécessairement un temps d'immobilisation de l'immeuble.
C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande formée au titre de la perte d'exploitation en ce qu'elle n'est pas caractérisée et que l'indemnisation des dégradations locatives est suffisante.
Compte tenu des sommes dues de part et d'autre au titre de l'arriéré locatif, de la régularisation des charges, de la déduction à opérer du dépôt de garantie et du montant des réparations locatives, Monsieur [I] [D] et Madame [B] [G] restent redevables d'une somme de 5 504,60 euros qu'ils seront solidairement condamnés à payer.
Aucune des parties ne remet ainsi en cause le fondement de cette condamnation solidaire, à savoir la responsabilité contractuelle résultant du bail s'agissant de Monsieur [I] [D] et la responsabilité délictuelle s'agissant de Madame [B] [G], comme pertinemment qualifiées par le premier juge.
Sur les frais de l'état des lieux de sortie
C'est par une exacte application des termes de l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 qu'a été rejetée la demande de partage par moitié des frais d'établissement de l'état des lieux de sortie faute pour la bailleresse de justifier de l'impossibilité d'établir un état des lieux amiable et contradictoire.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur les frais et dépens
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge de ses dépens et débouté la Sci Imka de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et à verser à la Sci Imka une indemnité qui sera justement fixée à la somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande présentée par Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] sur ce fondement sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 31 août 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Illkirch-Graffenstaden sauf en ce qui concerne le montant à régler solidairement par Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] et en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau sur ces points :
CONDAMNE Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] à verser solidairement à la Sci Imka la somme de 5 504,60 euros en règlement du solde dû au titre du bail du 4 août 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
CONDAMNE Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] in solidum aux dépens de première instance ;
Y ajoutant :
CONDAMNE Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] à verser in solidum à la Sci Imka une somme de 1 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [D] et Madame [T] [G] in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier La Présidente