N° RG 24/00437 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IHIZ
Minute N° : 8M 12/2024
Notification par
LRAR aux parties
Copie exécutoire à
Me ROUSSEL
Copie à Monsieur le
Bâtonnier
le
Le greffier,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
ORDONNANCE DU 19 MARS 2024
Audience tenue par Mme WURTZ, vice-présidente placée, désignée par ordonnance en date du 26 février 2024 par madame la première présidente de la cour d'appel de Colmar, assistée de M. Jérôme BIERMANN, greffier
APPELANTE :
Madame [C] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante
INTIME :
Maître Anne-Ségolène BOCQUET, avocat au barreau de Saverne
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante, représentée par Me Camille ROUSSEL, avocat à la cour
DEBATS en audience publique du 27 Février 2024
ORDONNANCE CONTRADICTOIRE du 19 Mars 2024
prononcée publiquement par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Nature de l'affaire : contestation d'honoraires d'avocat
EXPOSE DU LITIGE
Maître Anne-Ségolène Bocquet, avocate inscrite au barreau de Saverne, est intervenue au soutien des intérêts de Madame [C] [D], pour l'assister dans le cadre d'une procédure en suppression de contribution alimentaire devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Aucune convention d'honoraires n'a été signée par les parties.
Maître [U] [M] a établi deux factures : une facture n° 220164 du 23 juillet 2020 d'un montant de 720 euros TTC et une seconde n° 220254 du 9 novembre 2020 d'un montant de 752,50 euros TTC, soit un montant total de 1.144,50 euros TTC.
Maître [U] [M] a saisi le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] d'une demande de recouvrement des frais et honoraires dus par Madame [C] [D] le 16 juin 2021.
Par décision du 6 octobre 2022, le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] a condamné Madame [C] [D] au paiement de la somme de 964,71 euros.
L'ordonnance de taxation des frais et honoraire a été signifiée le 15 novembre 2023.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 décembre 2023 enregistrée au greffe de la cour d'appel de Colmar le 13 décembre 2023, Madame [C] [D] a saisi le premier président d'un recours.
L'affaire a été retenue à l'audience du 27 février 2024.
Madame [C] [D] a maintenu sa contestation. Elle sollicite l'annulation ou la révision à la baisse de la note d'honoraires et cela à hauteur de 50% minimum et l'octroi de délais de paiement.
Elle fait valoir que les honoraires réclamés sont exagérés au regard des diligences réalisées. Elle reproche à son conseil l'absence d'information concernant les frais qu'elle allait devoir supporter et l'absence de convention d'honoraire.
Maître [U] [M], représentée par son conseil, reprend ses conclusions du 26 février 2024. Elle sollicite la confirmation de la décision entreprise, le rejet des demandes de Madame [C] [D] et sa condamnation à lui verser une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fait valoir que le taux horaire a été indiqué à l'appelante au premier rendez-vous, que la remise par la suite des documents nécessaires pour conclure vaut mandat d'intervenir, que des conclusions ont été déposées pour le compte de Madame [C] [D], que les honoraires réclamés sont conformes aux critères de l'article 10 de la loi de 1971 relative à la profession d'avocat. Elle ajoute que la rémunération de l'avocat était convenue dans le cadre d'une obligation de moyens. Par
ailleurs, l'appelante fait référence à d'autres procédures dans le cadre desquelles elle n'a pas été mandatée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité
En application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, dans le délai d'un mois.
En l'espèce, l'ordonnance a été signifiée le 15 novembre 2023. Le recours a été formé le 13 décembre 2023.
Il convient de le déclarer recevable.
Sur le fond
Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l' avocat conclut par écrit avec son client une convention d' honoraires , qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.
Il sera rappelé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d'information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l'avocat et non de l'évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.
En l'espèce, il résulte des pièces produites et des explications données par les parties que Maître [U] [M] est intervenue pour représenter Madame [C] [D] dans le cadre d'une procédure devant le juge aux affaires familiales de Strasbourg.
Aucune convention d'honoraires n'a été signée par les parties.
Au vu des pièces produites et des explications des parties, il est établi que Maître [U] [M] a accompli les diligences suivantes :
7 correspondances,
un acte de constitution,
un jeu de conclusions,
Représentation à l'audience du juge aux affaires familiales du 2 novembre 2020,
une note en délibéré (autorisée par la magistrate) le 24 novembre 2020
Si Madame [C] [D] n'est pas satisfaite du résultat obtenu ou des informations obtenues, elle n'est pas fondée à invoquer dans le cadre de la présente instance des manquements ou incompétences éventuels, tant sur le plan du devoir d'information que sur les diligences accomplies.
Il ne ressort par ailleurs d'aucune des pièces produites que Madame [C] [D] aurait mandaté son conseil pour l'assister dans le cadre d'une autre procédure.
Selon le jugement du 14 décembre 2020, Madame [C] [D] avait justifié à l'époque d'un salaire mensuel moyen de 2.064 euros et n'avait pas précisé le montant de ses charges.
Les honoraires réclamés s'établissent, à la lecture des factures n° 220164 et n° 220254, à une somme de 916,67 euros, outre 70 euros de frais de dossier et 80 euros au titre de frais de correspondance.
Au regard de la notoriété du cabinet d'avocat, des diligences accomplies, de la difficulté de l'affaire et de la situation de fortune de Madame [C] [D], il convient de considérer que c'est à juste titre que le bâtonnier a taxé les honoraires de Maître [U] [M] à la somme de 967,61 euros, correspondant au solde restant dû, déduction faite des droits fixe, proportionnel et gradué qui ne pouvaient pas être exigés.
La décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] sera, en conséquence, confirmée.
Sur la demande de délais de paiement
Aux termes de l'article 510 du code de procédure civile, applicable en l'espèce en vertu des dispositions de l'article 277 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, ce dernier ne contenant aucune disposition dérogatoire au droit commun, il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant sur le montant et le recouvrement d'honoraires d'avocat, de faire application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil.
Madame [C] [D] ne justifiant pas de sa situation financière, sa demande de délai de paiement sera rejetée.
Sur la demande au titre des frais irrépétibles
Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Madame [C] [D], partie perdante, sera condamnée aux dépens. L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La demande sur ce fondement sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition au greffe,
Déclarons le recours de Madame [C] [D] recevable,
Confirmons l'ordonnance du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] du 6 octobre 2022,
Déboutons Madame [C] [D] de sa demande de délais de paiement ;
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons Madame [C] [D] aux dépens.
Le greffier La magistrate