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12/07/2023 | FRANCE | N°21/02885

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 juillet 2023, 21/02885


MINUTE N° 374/2023

























Copie exécutoire à



la SELARL ARTHUS





Le 12 juillet 2023



La Greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2A N° RG 21/02885 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTQT



Décision déférée à la Cour : 2

1 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar





APPELANT :



Monsieur [L] [H]

[Adresse 2]



Représenté par Me Anne CROVISIER de la SELARL ARTHUS, Avocat

à la cour





INTIMÉE :



La S.A.S.U. CAR GROUP FRANCE AUTO

prise en la personne de son repré...

MINUTE N° 374/2023

Copie exécutoire à

la SELARL ARTHUS

Le 12 juillet 2023

La Greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2A N° RG 21/02885 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTQT

Décision déférée à la Cour : 21 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar

APPELANT :

Monsieur [L] [H]

[Adresse 2]

Représenté par Me Anne CROVISIER de la SELARL ARTHUS, Avocat

à la cour

INTIMÉE :

La S.A.S.U. CAR GROUP FRANCE AUTO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, et les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur WALGENWITZ, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur WALGENWITZ, Président de chambre

Madame DENORT, Conseiller

Madame HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [H] a assigné le 15décembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Colmar la SASU Car Group France Auto en vue d'obtenir l'annulation de la vente un véhicule Mercedes conclue entre les parties le 11 janvier 2020 et dès lors la condamnation de ladite société à lui payer les sommes de 8 990 euros au titre du remboursement du prix de vente, 12 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros au titre de l'article 700 du euros de procédure civile.

Bien que régulièrement citée, la société Car Group France Auto n'est pas intervenue à l'instance.

Le requérant exposait avoir signé le 4 janvier 2020 un bon de commande pour l'achat d'un véhicule de marque Mercedes d'une valeur de 8 990 euros auprès de la société Car Group France Auto et que le véhicule lui avait été livré le 11 janvier 2020 date à laquelle avait été émise la facture qui indiquait un kilométrage garanti de 137 242 km.

Sur le fondement de l'article 1641 du code civil, le requérant concluait à la nullité de la vente pour la présence de vices cachés.

Dans sa décision du 21 avril 2021, le tribunal judiciaire de Colmar a rejeté les demandes de M. [L] [H] et l'a condamné aux entiers frais et dépens de l'instance, considérant que « la gravité des défauts et l'éventuelle impropriété à destination du véhicule » n'étaient pas démontrées.

M. [L] [H] interjetait appel le 3 juin 2021.

L'acte d'appel était signifié selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile à la SASU Car Group France Auto le 11 septembre 2021, qui ne se manifestait pas devant la cour.

Le dossier était renvoyé à l'audience du 26 octobre 2022 et était mis à l'issue en délibéré au 8 décembre de la même année.

Par arrêt avant-dire droit du 8 décembre 2022, la présente cour ordonnait le rabat de la clôture du 7 décembre 2021 en enjoignant à Monsieur [H] de préciser s'il entendait maintenir sa demande de nullité de la vente sur le fondement de l'article 1641 du code civil qui prévoit la résolution de la vente si elle est affectée de vices cachés suffisamment caractérisés.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures du 7 février 2023, M. [L] [H] conclut à l'infirmation du jugement entrepris, et sollicite de la cour qu'elle :

- prononce la résolution de la vente conclue le 11 janvier 2020 entre lui et la SASU Groupe France Auto portant sur le véhicule de marque Mercedes immatriculé WW 219 GB,

- en conséquence, condamne la SASU Car Group France Auto à lui payer les sommes augmentées des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir de :

' 8 990 euros au titre du remboursement du prix de vente, et à titre subsidiaire la restitution d'une partie du prix de vente de 8 000 euros,

' 12 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause condamne la SASU Car Group France Auto, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le fondement des articles 1641 et 1644 du code civil, l'appelant estime au principal que les conditions posées par ces dispositions - pour que la résolution du contrat de vente du véhicule soit prononcée - sont remplies car :

- les formalités d'immatriculation définitive du véhicule n'auraient pu être réalisées, dans la mesure où le vendeur ne lui aurait pas transmis les documents nécessaires (le certificat de conformité, le quitus douanier s'agissant d'un véhicule importé de Suisse, le certificat de cession du garage),

- le compteur aurait été trafiqué ; Monsieur [H] ayant constaté des dysfonctionnements nécessitant des réparations, avait confié le 28 février 2020 le véhicule au garage Paul Kroely Etoile 68 qui découvrait lors de son intervention une «incohérence du kilométrage entre le calculateur du combiné et le calculateur d'antidémarrage » , affirmant que le kilométrage réel était de 160 947 km et non de 138 165 km comme indiqué,

- le véhicule présenterait des problèmes techniques comme l'avait remarqué l'expert qui avait été désigné par sa protection juridique COVEA ; aux termes de son rapport, l'homme de l'art avait ainsi conclu que :

« Les contrôles et constatations réalisés ont permis de confirmer les symptômes de dysfonctionnement observés par Monsieur [H] depuis la prise de possession de son véhicule, à savoir des allumages intempestifs de messages d'alertes au combiné ainsi que la fonction aide au stationnement AR qui est hors d'usage.

De plus, les informations récoltées à l'aide de l'outil diagnostic permettent de définir que le kilométrage inscrit au compteur ne correspond pas au kilométrage réel du véhicule. En effet, nous retrouvons des traces de kilométrage supérieur dans les calculateurs de contacteur de démarrage et dans le journal d'entretien.

Le concessionnaire nous a confirmé qu'il s'agit d'éléments techniques irréfutables permettant d'affirmer que le kilométrage a été modifié'.

A titre subsidiaire et pour le moins, il y aurait lieu de prononcer une réduction du prix, et d'indemniser l'appelant à hauteur de 8 000 euros, qui réclamait aussi une somme supplémentaire de 12 000 euros pour l'indemniser des réparations et frais qu'il a dû engager à hauteur de 2582,62 euros et pour préjudice moral subi.

Les conclusions de l'appelant faisaient l'objet d'une tentative de signification à la société Car Group France Auto le 16 février 2023, de sorte que l'arrêt sera rendu par défaut.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 1641 du code civil, « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

L'article 1644 précise que « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».

Il ressort des pièces de la procédure que M. [L] [H] a acquis auprès de la SASU Car Group France Auto un véhicule Mercedes classe C 350 immatriculé en Suisse pour 8 990 euros qui présentait - selon la facture du 4 janvier 2020 - un kilométrage de 137 242 km.

Suite à des opérations de contrôle confiées au garage Kroehly, alors que le compteur du véhicule confié le 28 février 2020 affichait 138 165 km, le garage décelait une incohérence à ce niveau, les vérifications indiquant un kilométrage réel de 160 947 kms .

L'expert automobile désigné par la suite par l'assureur du propriétaire du véhicule, réalisait plusieurs opérations sur l'ordinateur du véhicule qui confirmaient l'existence d'une modification du kilométrage, sans pour autant pouvoir déterminer à quelle date cette opération frauduleuse avait été menée sur le compteur.

Cependant, il ressort des éléments du dossier (et notamment du fait que les soupçons sont apparus rapidement après la vente, au moment où le véhicule a été confié au garage Kroely) que cette opération frauduleuse réalisée sur le compteur était bien antérieure à la vente concédée au profit de Monsieur [H], et à son préjudice.

Il s'agit là clairement d'un vice caché.

Il est en outre constant que le véhicule portait au moment de sa vente une immatriculation suisse AG 521818, puis avoir fait l'objet d'une immatriculation française provisoire.

Le requérant indique ne pas avoir pu immatriculer définitivement son véhicule en France car le vendeur ne lui a pas transmis suite à la vente les documents administratifs que sont, le certificat de conformité, le quitus douanier et le certificat de cession, que ce dernier s'était engagé à lui produire.

La cour constate que lorsque le véhicule a été confié à des garages ultérieurement ou a été expertisé, il comportait toujours l'immatriculation provisoire WW 219 GB, les immatriculations en WW se rapportant à des véhicules importés dans l'attente de voir leur situation administrative régularisée.

L'expert notait également dans son procès verbal d'examen contradictoire (annexe 13 page 2) que le certificat provisoire d'immatriculation était échu depuis le 9 mai 2020.

Il s'en déduit que le vendeur qui devait transmettre tous les documents administratifs utiles à l'immatriculation à l'acquéreur suite à la vente du 11 janvier 2020 ce avant le 9 mai 2020, n'a pas respecté cette obligation et a donc cédé un véhicule tout en sachant qu'il ne pourrait être immatriculé. Il s'agit là d'un second vice caché puisque au moment de la vente l'acquéreur était dans l'illusion qu'il allait réceptionner les documents nécessaire avant l'échéance de l'immatriculation provisoire.

Or, en l'absence de production de tels documents par le vendeur - qui avait importé, ou acquis auprès d'un opérateur français ledit véhicule immatriculé en Suisse- M. [L] [H] se trouve dans l'incapacité de pouvoir circuler régulièrement en France.

Le véhicule s'en trouve être - d'un point de vue administratif - impropre à l'usage auquel on la destine, au sens de l'article 1641 du code civil.

Il y a par conséquent lieu de constater que le requérant rapporte la preuve de ce que son véhicule est affecté, d'une part d'un vice caché qui le rend impropre à tout usage auquel on le destine résidant dans l'impossibilité d'être immatriculé et donc de pouvoir circuler, et d'autre part d'un second vice découlant du fait que le compteur du véhicule a été modifié frauduleusement ce qui aurait amener l'acheteur, s'il l'avait su, à renégocier le prix à la baisse voire à renoncer à l'acquisition.

Il y a par conséquent lieu de prononcer la résolution de la vente sans nécessité d'évoquer les autres moyens sérieux soutenus qui portaient sur les problèmes mécaniques découverts après la vente.

Le jugement entrepris est donc infirmé en toutes ses dispositions.

L'appelant précise qu'en application de l'article 1644 du code civil il fait le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix tout en demandant des dommages et intérêts.

En sa qualité de vendeur professionnel, l'intimée est réputée avoir connu l'existence du vice concernant le kilométrage du véhicule.

Quant au vice résultant du fait que les documents administratifs n'ont jamais été produits à l'acquéreur, il découle directement du comportement fautif de la société qui s'est abstenue de transmettre les documents.

Aussi, l'appelant est en droit de bénéficier des dispositions de l'article 1645 du code civil qui prévoit que 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur'.

Le prix de vente du véhicule étant de 8 990 euros, la société Car Group France Auto sera condamnée à rembourser ce montant au profit de l'appelant.

Corrélativement, l'intimée sera en droit de pouvoir récupérer ledit véhicule, à ses frais.

Il résulte en outre des pièces produites par Monsieur [H], qu'il a été contraint d'engager les frais suite à cette acquisition, aujourd'hui résolue, au titre :

- de réparations engagées par le garage AG le 26 février 2020 d'un montant de 390,43 euros (annexe 6),

- du diagnostic électronique réalisé par le garage Paul Kroely le 9 mars 2020 d'un montant de 123,19 euros (annexe 8),

- du forfait pour le passage outil diagnostic pour l'expertise du 1er juillet 2020 de 60 euros (annexe 15),

soit un total de 573,62 euros.

En revanche l'annexe 17, à savoir un simple devis de location d'une voiture pour un mois pour un prix de 2 009 euros, n'est en soi pas suffisant pour établir l'existence d'une telle dépense, aucune facture n'ayant été produite.

Enfin, il est évident que M. [L] [H] a subi un préjudice moral et de jouissance du fait de l'impossibilité de circuler avec le véhicule acquis en janvier 2020 (soit il y a près de 3 ans et demi) qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros .

Toutes ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de ce jour.

Enfin, l'intimée sera condamnée aux dépens des procédures de première instance et d'appel et à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 3 000 euros à M. [L] [H].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Colmar le 21 avril 2021,

Statuant à nouveau,

ORDONNE la résolution de la vente conclue le 11 janvier 2020 entre Monsieur [L] [H] et la SASU Car Group France Auto portant sur le véhicule de marque Mercedes immatriculé WW 219 GB,

En conséquence,

CONDAMNE la SASU Car Group France Auto, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [L] [H] les sommes de :

- 8 990 euros (huit mille neuf cent quatre- vingt-dix euros) au titre du remboursement du prix de vente,

- 573,62 euros (cinq cent soixante-treize euros et soixante-deux centimes) au titre de son préjudice matériel,

- 4 000 euros (quatre mille euros) au titre du préjudice moral et de jouissance,

DIT que ces sommes seront augmentées des intérêts légaux à compter de ce jour,

DIT et JUGE que la SASU Car Group France Auto, prise en la personne de son représentant légal, est en droit de reprendre possession du véhicule de marque Mercedes immatriculé WW 219 GB, et ce à ses frais, une fois qu'elle aura réglé les sommes dues à Monsieur [H] au principal, frais, article 700 du code de procédure civile et dépens,

CONDAMNE la SASU Car Group France Auto, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens de la première instance et de la procédure d'appel,

CONDAMNE la SASU Car Group France Auto, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [L] [H] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02885
Date de la décision : 12/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-12;21.02885 ?
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