La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2023 | FRANCE | N°21/02956

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 07 juillet 2023, 21/02956


MINUTE N° 362/2023

























Copie exécutoire à



- Me Julie HOHMATTER



- Me Eulalie LEPINAY





Le 7 juillet 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE





ARRÊT DU 7 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02956 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTU

2



Décision déférée à la cour : 18 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse





APPELANTE :



Madame [P] [B] épouse [K]

agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant cause de son frère [R] [B], décédé le 16 septembre 2013,

demeurant [Adresse ...

MINUTE N° 362/2023

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Eulalie LEPINAY

Le 7 juillet 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02956 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTU2

Décision déférée à la cour : 18 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTE :

Madame [P] [B] épouse [K]

agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant cause de son frère [R] [B], décédé le 16 septembre 2013,

demeurant [Adresse 3] à [Localité 5]

représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour.

plaidant : Me REIN, avocat au barreau de Mulhouse

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Madame [L] [X] veuve [B]

agissant en qualité d'ayant cause de Monsieur [W] [B], décédé le 9 août 2021, lui-même agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant cause de son frère [R] [B], décédé le 16 septembre 2013,

demeurant [Adresse 2] à [Localité 6]

représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour.

plaidant : Me REIN, avocat au barreau de Mulhouse

INTIMÉES :

Madame [F] [H] [O]

demeurant [Adresse 4] à [Localité 5]

représentée par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour

plaidant : Me KOIS, avocat au barreau de Mulhouse

Maître [Y] [J]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 6]

non représentée, assignée à personne le 8 septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame DONATH, faisant fonction

ARRÊT réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

[A] [E] qui vivait en concubinage avec Mme [F] [O], veuve [C], depuis de nombreuses années, est décédé le 16 mars 2011 laissant pour lui succéder des cousins germains Mme [P] [B], épouse [K], M. [W] [B], Mme [U] [D], épouse [V], et M. [R] [B], ces deux derniers étant décédés respectivement le 27 mars 2011 et le 16 septembre 2013.

Par testament olographe du 20 mai 2004, déposé au rang des minutes de Me [Z], notaire, le 11 avril 2011, [A] [E] avait désigné Mme [F] [O], veuve [C], comme légataire universelle des ses biens.

Les consorts [B] ayant contesté la validité du testament, ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une demande d'annulation du testament, qui a été rejetée par un jugement du 25 novembre 2016, confirmé par un arrêt de cette cour du 16 novembre 2018. Les consorts [B] se sont désistés de leur pourvoi en cassation.

Me [Y] [J], notaire, qui avait été désignée par ordonnance du juge de la mise en état du 4 septembre 2014 en qualité de séquestre de la succession de [A] [E], en remplacement de Me [T], précédemment désignée à cette fonction, dans l'attente de la décision à intervenir sur la validité du testament, a informé les conseils des parties de la fin de sa mission et de la réception de fonds au titre de deux contrats d'assurance-vie souscrits en octobre et novembre 2003 par le défunt auprès de la compagnie Prédica, et les invitaient à se mettre d'accord sur les modalités de répartition des fonds.

Les parties n'étant pas parvenues à s'accorder sur la portée des clauses bénéficiaires des deux contrats d'assurance-vie désignant respectivement, pour le premier, 'les héritiers légaux', et pour le second, 'le conjoint, à défaut, les enfants de l'assuré nés ou à naître, vivants ou représentés, à défaut, les héritiers de l'assuré', Mme [F] [O], veuve [C], a fait citer, le 6 janvier 2021, Mme [P] [B], épouse [K], et M. [W] [B] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, en présence de Me [J], appelée en déclaration de jugement commun, selon la procédure à jour fixe, aux fins de voir dire qu'elle est seule bénéficiaire des deux contrats d'assurance-vie.

Par jugement en date du 18 mai 2021, le tribunal a :

- déclaré que Mme [F] [O], veuve [C], était seule bénéficiaire des capitaux garantis par les contrats d'assurance-vie n°87263005133527 du 2 octobre 2003 et n°87203726347712 du 27 novembre 2003 souscrits par feu [A] [E] auprès de la compagnie Prédica,

- dit que les capitaux garantis devront lui être versés par Me [J] désigné administrateur séquestre de la succession de [A] [E], et ce dès signification du jugement au notaire,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts respectives,

- condamné in solidum les consorts [B], chacun agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant cause de feu [R] [B], à payer à Mme [F] [O], veuve [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

- les a déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun à Me [J].

Le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article L.132-8 du code des assurances, et constaté que ce texte ne donnait aucune définition particulière du terme 'héritier', a retenu que :

- ce terme vise en premier lieu la personne appelée à succéder, par la loi, en l'absence de testament,

- en présence d'un testament, le terme 'héritier' désigne également le légataire universel, en l'absence de désignation contraire,

- en l'absence d'héritiers réservataires, le testament permet de s'affranchir de l'ordre légal des héritiers venant à la succession.

Le premier juge a retenu que l'expression 'héritier légal' comme celle de 'mes héritiers' devaient conduire le juge, pour l'identification du bénéficiaire, à interpréter la volonté du souscripteur, en prenant en considération le testament, quelle que soit sa date.

Si pour le contrat souscrit le 2 octobre 2003, la mention manuscrite 'mes héritiers légaux' n'était manifestement pas de la main de [A] [E], ce contrat était le 5ème d'une série de sept contrats d'assurance-vie dont certains bénéficiaient à Mme [F] [O], veuve [C] nommément désignée, d'autres aux consorts [B], et si le testament de mai 2004 était postérieur, Me [Z], notaire, avait confirmé dans une attestation que la volonté de [A] [E] était de 'tout' laisser à sa compagne, et la clause bénéficiaire n'avait pas été modifiée après le testament. De plus, le septième contrat d'assurance-vie souscrit le 18 juin 2004, après les deux en cause, comporterait, selon les explications des parties, une clause bénéficiaire désignant Mme [F] [O], veuve [C], de sorte que la clause bénéficiaire du contrat litigieux devait être interprétée comme désignant la légataire universelle.

Le tribunal a retenu le même raisonnement pour le contrat souscrit le 27 novembres 2003.

Il a rejeté les demandes de dommages et intérêts respectives pour résistance abusive et procédure abusive, en l'absence de preuve d'une faute.

Les consorts [B] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 juin 2021, en toutes ses dispositions autres que celle ayant débouté Mme [F] [O], veuve [C] de sa demande de dommages et intérêts.

M. [W] [B] est décédé le 9 août 2021. Sa veuve, Mme [L] [B], née [X], est intervenue volontairement à la procédure comme venant à ses droits.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiés à Maître [Y] [J] selon exploit du 8 septembre 2021 remis à personne. Cette dernière n'ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 25 juillet 2022, Mme [P] [B], agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière de [R] [B], et Mme [L] [X], veuve [B], agissant en qualité d'ayant cause d'[W] [B], ce dernier agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant cause de [R] [B], demandent à la cour d'infirmer le jugement des chefs visés dans la déclaration d'appel et statuant à nouveau, de :

- juger que le contrat d'assurance-vie souscrit le 2 octobre 2003 dont la clause bénéficiaire désigne 'mes héritiers légaux' doit revenir à parts égales à Mme [P] [B], épouse [K], M. [W] [B], M. [R] [B], et Mme [U] [D], épouse [V],

- juger que le contrat d'assurance-vie souscrit le 27 novembre 2003 dont la clause bénéficiaire désigne '[...] à défaut, mes héritiers' doit revenir à parts égales à Mme [P] [B], épouse [K], M. [W] [B], M. [R] [B], Mme [U] [D], épouse [V], et à Mme [F] [O], veuve [C],

- condamner Mme [F] [O], veuve [C] au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [F] [O], veuve [C] au paiement d'une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de 3 000 euros pour la procédure d'appel et aux entiers dépens ;

- déclarer la décision à intervenir commune à Me [J], notaire à [Localité 6].

Au soutien de leur appel, ils rappellent tout d'abord que les contrats d'assurance-vie sont hors succession, de sorte que le fait que Mme [F] [O], veuve [C] ait été désignée légataire universel ne signifie pas pour autant qu'elle doit être considérée comme seule bénéficiaire des contrats d'assurance-vie litigieux.

Ils soutiennent que, selon la Cour de cassation, en présence d'une clause bénéficiaire désignant 'les héritiers', il convient de ne s'attacher exclusivement ni à l'acception du terme héritiers dans le langage commun, ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d'analyser la volonté du souscripteur.

Ils reprochent au tribunal de ne pas avoir opéré de distinction entre les deux contrats, alors qu'il convient de différencier la clause désignant ' mes héritiers' de celle désignant 'mes héritiers légaux'.

Ils soutiennent en effet que la clause visant les héritiers légaux qui est claire et sans équivoque n'est pas sujette à interprétation, et désigne les héritiers au sens de la loi, à savoir les héritiers par le sang.

Par voie de conséquence, la clause bénéficiaire du contrat du 2 octobre 2003 désignant 'à défaut, les héritiers légaux de l'assuré' renvoie, sans qu'il soit besoin d'interprétation, aux héritiers ab intestat, ce qui était d'ailleurs la position exprimée tant par Me [J], que par l'assureur. Ils soulignent d'ailleurs que les articles 2354 et 2355 du code civil local opèrent, s'agissant de la délivrance du certificat d'héritier, une distinction entre les héritiers légaux et les héritiers en vertu d'une disposition à cause de mort, outre que le terme d'héritiers légaux visant les consorts [B] a été utilisés par la cour dans son arrêt du 16 novembre 2018 et dans l'affirmation sacramentelle. Les appelants considèrent donc que les bénéficiaires de ce contrat sont eux-mêmes et feue [U] [V].

Subsidiairement, si la cour estime devoir interpréter la clause, le fait que dans deux contrats souscrits à un mois d'intervalle [A] [E] ait successivement désigné ses héritiers légaux puis ses héritiers implique que dans, le premier cas, il n'a pas entendu gratifier la légataire universelle, soulignant le fait qu'il n'a pas coché la case correspondant à la 'clause type' : 'le conjoint, à défaut, les enfants de l'assuré nés ou à naître, vivants ou représentés, à défaut, les héritiers de l'assuré', et a préféré désigner un autre bénéficiaire.

L'attestation de Maître [Z], notaire, ne fait que confirmer la volonté du défunt de laisser à Mme [F] [O], veuve [C], les biens dépendant de sa succession mais il ne peut en être tiré aucune conséquence s'agissant des contrats d'assurance-vie hors succession.

S'agissant du second contrat désignant 'mes héritiers' aucun élément ne permet de considérer que [A] [E] ait voulu gratifier Mme [F] [O], veuve [C], seule, ce qui ne peut être déduit du seul fait qu'il ait institué Mme [F] [O], veuve [C] légataire universelle après la souscription du contrat d'assurance-vie, alors qu'il aurait pu désigner cette dernière comme seule bénéficiaire et qu'il n'a pas modifié la clause bénéficiaire après le testament.

Ils soulignent avoir toujours entretenu de bonnes relations, de manière régulière avec le défunt, lui apportant leur aide quand il en avait besoin, notamment pour la vente des terrains dont le produit a été placé sur des contrats d'assurance-vie, et qui les a désignés comme bénéficiaires d'autres contrats. Ils contestent le contenu et la valeur probante des attestations produites par l'intimée.

Ils estiment donc, ce qui était aussi la position de l'assureur, que le défunt avait manifestement la volonté de les gratifier au même titre que Mme [F] [O], veuve [C], de sorte la clause vise nécessairement tant les héritiers légaux que testamentaires.

Les appelants concluent enfin au rejet de la demande de dommages et intérêts de Mme [F] [O], veuve [C], indiquant qu'ils n'ont pas fait mettre sous séquestre les fonds provenant des assurances-vie, leur demande ne portant que sur les biens dépendant de la succession, et que c'est l'assureur qui a pris l'initiative de les verser à Me [J] alors même que cette dernière n'avait sollicité de sa part qu'un décompte.

En revanche, Mme [F] [O], veuve [C] qui a contesté de manière abusive la clause désignant les héritiers légaux alors qu'elle n'était pas sujette à interprétation devra être condamnée au paiement de dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 mai 2022, Mme [F] [O], veuve [C] demande à la cour de débouter les appelants de leurs fins et conclusions, de confirmer le jugement entrepris et de condamner les appelants in solidum au paiement d'une indemnité de procédure de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de la procédure d'appel, et de déclarer l'arrêt à intervenir commun à Me [J].

Elle soutient qu'au regard de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il convient de rechercher la volonté du souscripteur. À cet égard, elle s'appuie sur l'attestation de Me [Z] selon lequel la volonté de [A] [E] était de 'tout' laisser à sa compagne, et prétend que les consorts [B] n'auraient pas entretenu de relations avec le défunt dont ils se désintéressaient, faisant même preuve d'ingratitude à son égard. Elle s'appuie sur des attestations démontrant que la volonté de [A] [E] était qu'elle bénéficie de tous ses biens.

L'intimée considère qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux clauses bénéficiaires, et d'opérer une distinction entre 'héritiers' et 'héritiers légaux', distinction que n'opère par la Cour de cassation, et que tant la position exprimée par le service relation client de l'assureur, au demeurant contraire à la jurisprudence, que les interrogations de Me [J], ne peuvent être invoquées par les appelants au soutien de leur argumentation.

Elle approuve les motifs du jugement qui sont conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation qui retient une interprétation large du terme 'héritiers'et impose de rechercher la volonté de l'assuré, qui en l'espèce était de tout laisser à sa compagne.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur l'attribution du capital des contrats d'assurance-vie

Selon l'article L.132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé. Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.

Dans le cas présent, [A] [E] avait souscrit auprès de la compagnie Prédica, deux contrats d'assurance-vie aux termes desquels il avait désigné comme bénéficiaires, s'agissant du premier contrat n°87263005133527 en date du 2 octobre 2003, ses 'héritiers légaux', et pour le second n°87203726347712 en date du 27 novembre 2003, ses 'héritiers'.

Les appelants font valoir à juste titre qu'il convient d'opérer une distinction entre les deux clauses.

En effet, si la notion d'héritier, qui n'est pas spécifiquement définie par la loi, est sujette à interprétation, l'article 724 du code civil faisant référence aux « héritiers désignés par la loi » ce qui peut laisser à penser qu'il en est d'autres, autrement désignés, l'article 730-1 du même code paraissant induire que la preuve de la qualité d'héritier peut résulter de libéralités à cause de mort, et les articles 2354 et 2355 du code civil local relatifs aux conditions de délivrance du certificat d'héritier opérant une distinction entre les héritiers légaux et les héritiers en vertu d'une disposition à cause de mort, en revanche, la notion d'' héritiers légaux  n'est elle pas sujette à interprétation, et renvoie nécessairement aux héritiers désignés par l'article 734 du code civil, et donc aux héritiers par le sang.

La clause bénéficiaire du contrat du 2 octobre 2003 désignant comme bénéficiaires les héritiers légaux de l'assuré étant claire et précise et non sujette à interprétation, le tribunal n'avait pas, comme il l'a fait, à rechercher quelle était la volonté du souscripteur.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a considéré, s'agissant de ce contrat, que Mme [F] [O], veuve [C], en était seule bénéficiaire, alors que la clause désignant les héritiers légaux de l'assuré, les consorts [B] - [D] en sont les bénéficiaires conformément à l'article 734 du code civil, à l'exclusion de Mme [F] [O], veuve [C], légataire universelle.

En revanche, s'agissant du second contrat, le tribunal a exactement retenu que pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il convenait de rechercher et d'analyser la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament.

A cet égard, il convient de relever que, postérieurement à la souscription de ce contrat, [A] [E] a désigné Mme [F] [O], veuve [C], comme légataire universelle de ses biens par testament olographe du 20 mai 2004, Me [Z], notaire habituel du défunt, attestant de ce qu'il lui avait fait part de son intention de 'tout laisser à sa compagne', ce qui témoigne de la volonté manifeste du défunt de faire de celle qui était sa compagne depuis près de trente ans son héritière au sens commun du terme. Par voie de conséquence, [A] [E] ne laissant aucun héritier réservataire et n'ayant postérieurement à l'établissement de son testament olographe apporté aucune modification à la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie qu'il avait souscrit le 27 novembre 2003 désignant ses héritiers, le jugement doit être approuvé en ce qu'il a considéré que le défunt avait voulu gratifier sa compagne Mme [F] [O], veuve [C], qui est donc seule bénéficiaire de ce contrat.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La demande de Mme [F] [O], veuve [C], qui est partiellement accueillie, ne peut être considérée comme étant abusive. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [B] de leur demande de dommages et intérêts.

Il convient par ailleurs de constater, nonobstant les motifs des conclusions de l'intimée, que la cour n'est pas saisie dans leur dispositif d'un appel incident portant sur le rejet de sa demande de dommages et intérêts.

En considération de la solution du litige et de l'infirmation partielle du jugement, il convient de l'infirmer en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens. Chacune des parties sera condamnée à supporter les dépens qu'elle a exposés en première instance et en cause d'appel, et les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 18 mai 2021 en ce qu'il a :

- déclaré que Mme [F] [O], veuve [C] était seule bénéficiaire des capitaux garantis par le contrat d'assurance-vie n°87263005133527 du 2 octobre 2003,

- dit que le capital garanti au titre de ce contrat devra lui être versé par Me [J], en sa qualité de séquestre, dès signification du jugement au notaire,

ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus, dans les limites de l'appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,

DIT que le capital du contrat d'assurance-vie n°87263005133527 souscrit le 2 octobre 2003 doit revenir à parts égales à Mme [P] [B], épouse [K], M. [W] [B], M. [R] [B], et Mme [U] [D], épouse [V], respectivement à leurs ayant-droits ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter les dépens qu'elle a exposés en première instance comme en cause d'appel ;

DÉCLARE la décision à intervenir commune à Me [Y] [J], notaire à [Localité 6].

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02956
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.02956 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award