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07/07/2023 | FRANCE | N°21/02575

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 07 juillet 2023, 21/02575


MINUTE N° 359/2023

























Copie exécutoire à



- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY



- la SELARL ARTHUS





Le 7 juillet 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 7 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02575 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS6N
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Décision déférée à la cour : 22 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur incident :



La S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]



représentée par Me Pa...

MINUTE N° 359/2023

Copie exécutoire à

- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY

- la SELARL ARTHUS

Le 7 juillet 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02575 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS6N

Décision déférée à la cour : 22 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur incident :

La S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me GUETTMAN, avocat à Paris.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [V] [M]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anne CROVISIER de la SELARL ARTHUS, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [M] a adhéré, à effet au 1er janvier 2020, à un contrat d'assurance dénommé 'Allianz santé', souscrit auprès de la société Allianz IARD, avec option 'confort', pour son compte, celui de son épouse et de leur fils handicapé M. [K] [M].

La société Allianz IARD ayant refusé de prendre en charge le forfait hospitalier journalier exposé pour M. [K] [M] accueilli au sein d'un établissement spécialisé à [Localité 3], M. [V] [M] a fait citer cette société devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, le 23 novembre 2020, aux fins de la voir condamnée, sous astreinte, à prendre en charge ce forfait, et au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire en date du 22 avril 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a condamné la société Allianz IARD à prendre en charge le forfait hospitalier journalier exposé par [K] [M] au sein de l'établissement spécialisé [4] à [Localité 3], à compter du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant les autres demandes.

Le tribunal a constaté que le contrat prévoyait la prise en charge du forfait hospitalier en cas d'hospitalisation, et que M. [N], par l'intermédiaire duquel avait été conclu le contrat, avait fait part de son étonnement face au refus de prise en charge opposé par l'assureur, confirmant que la situation d'[K] [M] avait été évoquée au moment de la souscription du contrat et que le représentant de la compagnie avait assuré qu'une hospitalisation d'[K] [M] en maison d'accueil spécialisée donnerait droit à prise en charge du forfait journalier.

Le tribunal a donc considéré que, même si la teneur du contrat pouvait laisser à penser qu'il n'était pas explicitement prévu qu'un placement en maison d'accueil spécialisée donnait droit à prise en charge du forfait journalier par l'assureur, les éléments de l'espèce démontraient qu'il y avait eu un accord des parties pour une telle prise en charge, de sorte que l'assureur ne pouvait éluder son obligation. En revanche, la demande de dommages et intérêts devait être rejetée car un préjudice moral ne pouvait survenir suite à un simple refus de l'assureur.

La société Allianz IARD a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 mai 2021, aux fins d'annulation, respectivement d'infirmation, voire de réformation du jugement en ce qu'il prononce des condamnations contre elle et en ce qu'il rejette ses demandes.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 2 août 2021, la société Allianz IARD demande à la cour de :

* sur la nullité du jugement et, à tout le moins sa nécessaire réformation :

- prononcer l'annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Allianz IARD à prendre en charge le forfait hospitalier journalier exposé par [K] [M] au sein de l'établissement spécialisé [4] à [Localité 3], à compter du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts ;

en tout état de cause, et le cas échéant, statuant à nouveau :

- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes ,

- condamner M. [M] à rembourser à la société Allianz IARD les sommes versées par elle en exécution de la décision de première instance,

- condamner M. [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Chevallier-Gaschy, et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande d'annulation du jugement, l'appelante fait valoir que deux assignations lui ont été successivement signifiées, non pas à son siège social mais à une antenne locale, le 12 novembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Reims, et le 23 novembre 2020 devant celui de Strasbourg, qu'elle n'a eu connaissance que tardivement de la seconde et qu'elle est restée dans l'ignorance du calendrier procédural et de la date des plaidoirie bien qu'elle se soit manifestée, dès le 11 mars 2021, auprès du conseil de M. [M], outre l'incidence du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid 19. Elle invoque une violation du principe du contradictoire et le non-respect de son droit à un procès équitable, puisqu'elle a été dans l'impossibilité de se défendre.

Au fond, elle fait valoir que la notice d'information prévoit expressément, par une clause dépourvue d'ambiguïté et rédigée en caractères gras, que sont exclus de la garantie Confort souscrite par M. [M] les forfaits journaliers facturés par les maisons d'accueil spécialisées, de sorte que son refus de garantie est parfaitement justifié.

Elle approuve enfin les motifs du jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [M] pour préjudice moral, en l'absence de faute de sa part et de preuve d'un préjudice.

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 13 octobre 2021, M. [M] conclut au rejet de l'appel, au débouté de la société Allianz IARD et à la confirmation du jugement, sous réserve de son appel incident sur le rejet de sa demande de dommages et intérêts. Formant appel incident de ce chef, il demande la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens, et au paiement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour conclure au rejet de la demande d'annulation du jugement, l'intimé fait valoir qu'il ne pouvait assigner la société Allianz IARD qu'à la seule adresse figurant sur le contrat, que l'appelante a attendu quatre mois avant de se manifester alors que l'affaire avait fait l'objet de deux renvois avant d'être mise en délibéré le 18 mars 2021, et qu'elle aurait pu, dès le 11 mars 2021, constituer avocat au lieu de correspondre avec le conseil de la partie adverse. Enfin l'assignation ayant été délivrée en novembre 2020, l'appelante ne peut tirer argument de la crise sanitaire.

Au fond, M. [M] fait valoir que s'il ne conteste pas avoir reçu la notice d'information, elle n'est toutefois ni signée, ni paraphée par lui et son contenu ne lui a pas été explicité par le représentant de la compagnie, outre que la mention de cette exclusion est en contradiction avec l'engagement clair, ferme et précis de la société Allianz IARD représentée par son salarié, M. [N], de prendre en charge le forfait journalier, ainsi que cela résulte de deux courriels de ce dernier des 9 et 17 juillet 2020, dont il ressort que la situation d'[K] avait bien été prise en compte.

L'intimé fait valoir que les conventions ambiguës s'interprètent toujours en faveur de celui qui a contracté et que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi, d'autant que les garanties contractuelles prévoient la prise en charge du forfait journalier hospitalier.

Au soutien de son appel incident, il fait valoir que l'inquiétude du sort réservé au litige et les craintes de ne pouvoir supporter la charge financière lourde pour son fils handicapé entraînent une perturbation morale justifiant l'octroi d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

La cour ne peut que constater en premier lieu que l'appelante qui critique les modalités de signification de l'assignation effectuée à une adresse autre que celle de son siège social, n'en demande toutefois pas l'annulation. En second lieu, s'agissant du non-respect du principe du contradictoire, la société Allianz IARD qui reconnaît avoir transmis l'assignation à son conseil, le 11 mars 2021, soit 7 jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries, aurait parfaitement pu constituer avocat à cette date, et présenter une demande de renvoi de l'affaire, ce qu'elle n'a pas fait, ayant tardivement saisi le tribunal d'une demande de réouverture des débats qui a été rejetée.

C'est tout aussi vainement qu'elle se prévaut du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid 19, aucune prorogation de délais n'étant plus en vigueur en novembre 2020, et aucune impossibilité de constituer avocat n'étant caractérisée, la société Allianz IARD ne pouvant utilement se prévaloir de dysfonctionnements internes.

Il y a donc lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement.

Sur la garantie

Il est constant que M. [M] a souscrit pour son compte et pour le compte de son fils, une garantie 'Allianz santé confort renforts, sérénité et optiques/aides auditives'.

La notice d'information afférente à ce contrat indique que 'l'hospitalisation désigne généralement un séjour dans un établissement de santé en vue d'un traitement médical d'une maladie d'un accident ou d'une maternité'.

En outre, le paragraphe II intitulé 'l'hospitalisation' prévoit en son article 2 ' exclusions' b 'les gammes confort et premium' : votre contrat ne prend pas en charge (..) Le forfait journalier facturé par les établissements d'hébergement médico-sociaux, comme les maisons d'accueil spécialisées (MAS) ou les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), cette exclusion étant rédigée en caractères gras.

Cette clause d'exclusion qui est apparente, expresse, formelle et limitée n'est nullement sujette à interprétation. Elle est opposable à M. [M] qui, bien que n'ayant ni signé, ni paraphé ladite notice d'information, reconnaît néanmoins expressément en avoir eu connaissance.

L'intimé soutient que cette exclusion serait en contradiction avec l'engagement clair, ferme et précis de la société Allianz IARD représentée par son salarié, M. [N], de prendre en charge le forfait journalier. Il ne rapporte toutefois pas la preuve d'un tel engagement qui ne résulte pas des messages électroniques échangés avec M. [N]. En effet, ce dernier lui écrivait le 9 juillet 2020 : ' je ne comprends pas, j'appelle le service en question et je reviens vers vous au plus vite  , et le 17 juillet 2020 : ' mon responsable de marché a pris ce dossier en main car on ne comprends pas la réponse que vous a apporté notre centre de gestion. On revient vers vous la semaine prochaine lorsque nos services auront répondu a notre réclamation à ce sujet. , ces messages témoignant certes d'une incompréhension de M. [N] face au refus de garantie mais ne démontrant pas pour autant un engagement clair, ferme et précis de la société Allianz IARD de renoncer à la clause d'exclusion de garantie précitée et de prendre en charge le forfait journalier facturé par la maison d'accueil spécialisée hébergeant M. [K] [M].

Un tel accord ne peut pas non plus être déduit du courriel du 11 décembre 2019 de M. [N], conseiller de la société Allianz IARD, par lequel il confirmait à l'intimé le prix de la mutuelle proposée à son fils 'par rapport à ses besoins, forfait journalier et option sérénité en cas d'hospitalisation', qui ne fait pas expressément référence au forfait journalier des maisons d'accueil spécialisées, et n'établit donc pas une volonté non équivoque de l'assureur de prendre en charge ces frais. Le courrier électronique du 22 août 2020 de M. [W] [G], responsable de marché Elite, évoquant une information erronée qui aurait été donnée à M. [B] [N] ne fait enfin que reprendre les affirmations de ce dernier.

L'intimé invoque enfin un manquement du conseiller de la compagnie d'assurances à son obligation d'information, le contenu de la notice d'information ne lui ayant été ni commenté, ni explicité. Si à l'évidence, la garantie souscrite n'était pas en adéquation avec les besoins exprimés par M. [M], un tel manquement est seulement susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts pour perte de chance d'avoir pu contracter une garantie adaptée à ses besoins, mais ne peut donner lieu au paiement d'une prestation qui n'a pas été souscrite.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a accueilli la demande de M. [M] tendant à la prise en charge du forfait journalier de la maison d'accueil spécialisée dans laquelle est accueilli son fils, qui sera rejetée.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution du jugement, mais de rappeler que le présent arrêt infirmatif vaut titre de restitution, et que les sommes réglées porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en tant qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral présentée par M. [M] qui est fondée sur un refus d'indemnisation fautif de l'assureur non caractérisé.

En considération de la solution du litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par M. [M], qui sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Allianz IARD les frais exclus des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la distraction des dépens, l'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicable dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE la demande d'annulation du jugement ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 22 avril 2021, sauf en ce qu'il a débouté M. [V] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

CONFIRME le jugement entrepris de ce seul chef ;

Statuant à nouveau pour le surplus et ajoutant audit jugement,

DÉBOUTE M. [V] [M] de sa demande de prise en charge par la société Allianz IARD du forfait journalier exposé par M. [K] [M] au sein de l'établissement spécialisé [4] à [Localité 3], à compter du 1er janvier 2020 ;

RAPPELLE que l'arrêt vaut titre de restitution de toutes sommes payées en exécution du jugement déféré et que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;

REJETTE les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [V] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à distraction des dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02575
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.02575 ?
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