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07/07/2023 | FRANCE | N°21/00015

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 07 juillet 2023, 21/00015


MINUTE N° 358/2023

























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- la SCP CAHN & Associés



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 7 juillet 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 7 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00015 -

N° Porta

lis DBVW-V-B7F-HOSM



Décision déférée à la cour : 06 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Monsieur [Z] [U]

Madame [W] [M] épouse [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représ...

MINUTE N° 358/2023

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- la SCP CAHN & Associés

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 7 juillet 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00015 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOSM

Décision déférée à la cour : 06 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [Z] [U]

Madame [W] [M] épouse [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de l'enfant mineur [O] [U]

demeurant [Adresse 4]

[O] [U], mineur, représenté par ses représentants légaux Madame [W] [U] et Monsieur [Z] [U].

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me EYRAUD, avocat à [Localité 9].

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

La FONDATION [6] DE [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal

sise [Adresse 1]

représentée par la SCP CAHN & Associés, avocats à la Cour.

Avocat plaidant : Me Thibaut MAI, avocat à [Localité 5].

INTIMÉES :

La S.E.L.A.R.L. CABINET DE GYNECOLOGIE OBSTETRIQUE [N] représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me HEICHELBECH, avocat à la cour.

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

non représentée, assignée à personne habilitée le 15 mars 2021

L'URSSAF D'ALSACE venant aux droits de la SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS,

ayant son siège social [Adresse 2]

non représentée, assignée à personne habilitée le 15 mars 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 octobre 2013, Mme [W] [U], qui était enceinte de 9 mois, s'est présentée à la clinique [7] de [Localité 8], vers 16h15, pour une séance d'acupuncture. Comme elle se plaignait d'un léger malaise et d'une sensation de pesanteur, la sage-femme a procédé à un enregistrement du rythme cardiaque foetal. Le tracé présentant des anomalies, elle a fait appel au docteur [N] qui décidait, à 17h, de pratiquer une césarienne en urgence pour souffrance foetale aigüe. [O] naissait à 17h40 et était aussitôt transféré vers le service de réanimation néonatale du Centre hospitalier de [Localité 8]. L'anoxo-ischémie dont [O] a souffert au moment de sa naissance a provoqué des lésions cérébrales pariéto-occipitales bilatérales à l'origine d'un retard psychomoteur.

Les époux [U] ont obtenu du tribunal administratif de Strasbourg l'organisation d'une expertise confiée au docteur [G], pédiatre, assisté de deux sapiteurs, les docteurs [A], neurologue, et [S], gynécologue-obstétricien

Aux termes de son rapport du 19 décembre 2015, l'expert concluait à l'absence de toute faute dans la prise en charge de Mme [U], estimant que les soins et actes médicaux avaient été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale

Par décision du 14 décembre 2017, la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Alsace, saisie par Mme [U], a rejeté sa demande estimant que le dommage subi par [O] [U] n'était la conséquence ni d'une faute médicale, ni d'un accident médical non fautif, ni d'une affection iatrogène, ni d'une affection nosocomiale.

Par exploits d'huissiers des 13 et 21 novembre 2018, Mme [W] [M], épouse [U], et M. [Z] [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [O] [U], ont fait citer devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, la Fondation [6] de [Localité 8] et la SELARL Cabinet de gynécologie et d'obstétrique [N], en présence de la CPAM du Haut-Rhin et du RSI, aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise médicale.

Par jugement en date du 6 novembre 2020, le tribunal a rejeté la demande de contre-expertise des consorts [U], ainsi que la demande de la Fondation [6] de [Localité 8] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a dit que chaque partie supportera ses dépens, y compris d'expertise.

Le tribunal a constaté que les époux [U] ne présentaient qu'une demande de contre-expertise, sans former de demande d'indemnisation du préjudice ni même de provision, que cette seule demande de contre-expertise justifierait, à elle seule, le rejet de la demande car elle ne constituait pas une demande au fond dont serait saisi le tribunal.

A titre surabondant, le tribunal, après avoir relevé que les époux [U] ne semblaient plus rechercher que la responsabilité de la sage-femme estimant que l'expert judiciaire, qui n'avait pas procédé à l'audition de celle-ci, aurait été trop succinct sur son intervention, a considéré que le premier expert avait parfaitement répondu à sa mission s'agissant de la prise en charge de Mme [U] par la sage-femme. Il a par ailleurs relevé que l'avis technique sur lequel se fondaient les demandeurs comportaient des interrogations auxquelles l'expert avait répondu.

Les époux [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [O] [U], ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 décembre 2020, en tant qu'il rejette leur demande de contre-expertise et dit que chaque partie devra conserver ses propres dépens.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été respectivement signifiées à la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin par exploit du 15 mars 2021, remis à personne habilitée et à l'URSSAF d'Alsace, venant aux droits du RSI, le 15 mars 2021 également à personne habilitée. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

Par ordonnance du 6 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré la requête aux fins d'irrecevabilité de la demande d'expertise présentée par les époux [U] irrecevable pour défaut de pouvoir du conseiller de la mise en état pour en connaître.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 août 2021,

les époux [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [O] [U], demandent à la cour, au visa des articles 144 du code de procédure civile, et L.1142-1 et suivants du code de la santé publique, d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de contre-expertise,

et statuant à nouveau, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur demande ;

en conséquence,

- ordonner une expertise médicale et désigner tel collège d'experts en gynécologie- obstétrique et pédiatrie qui lui plaira avec la mission décrite dans le corps des conclusions ; - renvoyer à la mise en état dans l'attente du dépôt du rapport ;

- débouter le Cabinet de gynécologie [N] et la Clinique du Diaconat de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre des consorts [U],

- réserver les dépens.

Sur appel incident

- rejeter l'appel incident,

- débouter la Fondation [6] de [Localité 8] de l'intégralité de ses fins et conclusions,

- débouter la SELARL Cabinet de gynécologie-obstétrique [N] de l'intégralité de ses fins et conclusions.

Ils font valoir que, conformément à l'article 144 du code de procédure civile, le juge peut, alors même qu'une mesure d'instruction aurait d'ores et déjà été ordonnée, ordonner toute nouvelle mesure d'instruction qui lui parait nécessaire pour trancher le litige dont il est saisi. Or en l'espèce, le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Strasbourg est particulièrement lacunaire et ne permet pas d'éclairer la juridiction sur la solution à donner au litige.

Ils estiment qu'une contre-expertise est nécessaire afin que soient précisément et objectivement examinées de manière détaillée toutes les conditions de prise en charge de Mme [U] et de [O] [U] les 23 et 24 octobre 2013, et qu'il ne peut leur être reproché de n'avoir pas présenté de demande d'indemnisation, ce qu'ils ne peuvent faire, même à titre provisionnel, si le principe de la responsabilité n'est pas tranché.

Ils reprochent à l'expert judiciaire et à son sapiteur de ne pas s'être intéressés à la prise en charge de Mme [U] par la sage-femme et s'interrogent notamment sur le délai de 45 mn écoulé entre la détection des anomalies du rythme cardiaque foetal par cette dernière et l'appel du praticien, puis jusqu'à extraction de l'enfant, les experts n'ayant pas auditionné la sage- femme ni procédé à une analyse détaillée du tracé.

Ils estiment que le rapport ne répond pas à la question de savoir quelle est la cause de l'anoxo-ischémie, et ne se prononce pas non plus sur le moment où celle-ci s'est produite, ni sur le point de savoir s'il était possible d'y remédier plus tôt.

*

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 juin 2021, la Fondation [6] de [Localité 8] conclut in limine litis à ce que la demande de contre-expertise soit déclarée irrecevable, au débouté des consorts [U] et forme appel incident en ce que le jugement a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera ses propres dépens. Elle sollicite la condamnation des consorts [U] in solidum au paiement d'une somme de 2 500 euros pour la procédure de première instance et de 3 000 euros pour la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle estime que la demande est irrecevable dès lors qu'aucune demande au fond n'est formulée.

Au fond, elle relève que l'expert et ses sapiteurs ont analysé toutes les données relative à la prise en charge de Mme [U], tant par la sage-femme que par les praticiens libéraux, et qu'il a été constaté que la sage-femme avait appelé le médecin dès l'apparition des

premiers signes de ralentissement, mesure qualifiée de prudente. Elle soutient que le rapport d'expertise est complet et ses conclusions suffisamment motivées et qu'il n'y a donc aucune justification juridique à infirmer le jugement et ordonner une nouvelle expertise, l'avis technique du docteur [E] qui se contente d'apporter des interrogations n'apportant aucun élément scientifique ou médical nouveau, et l'expert y ayant répondu.

Elle souligne que la clinique et son personnel salarié ont été mis hors de cause par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux.

L'infirmation du jugement s'impose toutefois en ce qu'elle a été condamnée à supporter ses propres dépens et en ce que sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile a été rejetée alors qu'aucune faute de sa part n'est établie.

*

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juin 2021, la Selarl Cabinet de gynécologie-obstétrique [N] conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, au débouté des époux [U], subsidiairement, au cas où une expertise serait ordonnée, elle demande sa mise hors de cause. Elle sollicite la condamnation des consorts [U] aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée relève que les époux [U] admettent eux-même que l'intervention du docteur [N] a fait l'objet d'un examen rigoureux par les experts, qui n'ont retenu aucune faute à sa charge et ont répondu aux dires, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause. Elle considère que les appelants n'apportent aucun élément nouveau, quand bien même dans le nouvel avis qu'il a rédigé le docteur [E] n'utilise plus le conditionnel. Elle se réfère également à l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux du 4 décembre 2017 ayant mis le praticien hors de cause.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

La Fondation [6] de [Localité 8] conclut in limine litis à l'irrecevabilité de la demande de contre-expertise mais sans demander l'infirmation du jugement en tant qu'il a débouté les consorts [U] de leur demande, et ce faisant a donc statué au fond ce qui suppose nécessairement que la demande présentée soit recevable.

La cour qui n'est pas saisie par l'intimée d'une demande d'infirmation du jugement n'a donc pas à statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par cette dernière.

Conformément à l'article 144 du code de procédure civile, les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

Une mesure d'expertise judiciaire, ou en l'occurrence de contre-expertise, ne peut toutefois être ordonnée que dans la mesure où la juridiction à laquelle cette demande est présentée est saisie de prétentions au fond, l'opportunité et l'étendue de la mesure sollicitée devant en effet être appréciées au regard du litige qui lui est soumis, après examen des moyens de preuve proposés.

En l'occurrence, en l'absence de toute demande tendant à voir reconnaître la responsabilité des intimées ou de l'une d'entre elles, et à obtenir leur condamnation à indemnisation du préjudice subi, la cour n'est, pas plus que la juridiction de première instance, saisie de prétentions au fond et donc d'un litige, de sorte que la demande de contre-expertise ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d'appel seront en revanche supportés par les appelants qui seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il est inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais irrépétibles qu'elles ont exposés. Il sera alloué à la Fondation [6] de [Localité 8], d'une part, et à la Selarl Cabinet de gynécologie-obstétrique [N], d'autre part, une indemnité de procédure de 1 000 euros chacune.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 6 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [W] [M], épouse [U], et M. [Z] [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [O] [U], de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [W] [M], épouse [U], et M. [Z] [U], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [O] [U], aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer à la Fondation [6] de [Localité 8] d'une part et à la Selarl Cabinet de gynécologie-obstétrique [N], d'autre part une indemnité de procédure de 1 000 (mille) euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00015
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.00015 ?
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