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06/07/2023 | FRANCE | N°21/04830

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 juillet 2023, 21/04830


MINUTE N° 351/2023





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 6 juillet 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04830 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWZ3



Décision déférée à la cour : 12 Novembre 2021 par

le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE :



Madame [A] [B]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005689 du 14/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)



r...

MINUTE N° 351/2023

Copie exécutoire

aux avocats

Le 6 juillet 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04830 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWZ3

Décision déférée à la cour : 12 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [A] [B]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005689 du 14/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Maître [O] [V]

exerçant son activité [Adresse 5] à [Localité 4]

représenté par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [A] [B] a mis en vente en 2014, un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3] par lots.

Par acte du 11 juin 2014, Madame [A] [B] et Monsieur [I] [U] ont conclu un compromis de vente sous les conditions suspensives d'usage portant sur un appartement situé dans l'immeuble cité ci-dessus, l'acquéreur indiquant qu'il avait recours à un prêt à hauteur de 104 000 euros.

Monsieur [I] [U] n'arrivant pas à obtenir le financement nécessaire à l'acquisition du bien immobilier, Madame [A] [B] est intervenue auprès de la CCM [Localité 6], établissement détenteur de ses propres comptes, aux fins que celle-ci accorde le financement à Monsieur [I] [U].

Par courrier du 28 août 2014, la CCM [Localité 6] a confirmé accorder à Monsieur [I] [U] le prêt d'un montant de 100 000 euros, mais en contrepartie a sollicité de Madame [A] [B] la constitution d'un nantissement à hauteur de 20 000 euros. Par ailleurs, la venderesse a avancé à l'acheteur des fonds nécessaires au règlement des frais de notaire à hauteur de 7000 euros.

Par acte passé par devant Maître [O] [V] le 22 septembre 2014, la vente entre Madame [A] [B] et Monsieur [I] [U] a été réitérée par acte authentique.

Monsieur [I] [U] a été admis par jugement du 19 décembre 2016 au bénéfice de la liquidation judiciaire simplifiée ; aussi la CCM [Localité 6] a sollicité le règlement par Madame [A] [B] du nantissement à hauteur de 20 000 euros. Corrélativement, Madame [A] [B] a déclaré sa créance à Maître [L] [N] en charge de la procédure de liquidation de l'acquéreur.

C'est dans ce contexte que par acte du 5 janvier 2018, Madame [A] [B] a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de voir condamner Maître [O] [V] à lui payer différents montants à titre de dommages et intérêts, lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de conseil.

Par jugement du 12 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Mulhouse devait :

- débouter Mme [A] [B] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre Maître [O] [V], au titre tant du préjudice financier que du préjudice moral ;

- débouter M. [O] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que de sa demande tendant au prononcé d'une amende civile à l'encontre de Mme [A] [B];

- condamner Mme [B] à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Dans sa décision, le premier juge a essentiellement retenu que :

- Madame [A] [B] a signé l'acte de nantissement en date du 10 septembre 2014 hors la présence du notaire, celui-ci n'étant intervenu que postérieurement, ce qui ne lui a pas permis d'exercer son obligation de conseil,

- la validité de l'acte authentique n'est pas remise en cause et Madame [A] [B] ne justifie pas de la nature de la garantie qui aurait pu être mise en 'uvre dans l'acte de vente pour se prémunir d'une éventuelle défaillance de Monsieur [I] [U] à l'égard de l'établissement bancaire prêteur,

- il résulte du courrier de Madame [A] [B] du 1er septembre 2014 que celle-ci était parfaitement informée des risques encourus et que la sûreté accordée constituait le seul moyen pour permettre à l'acquéreur en difficulté d'obtenir son financement.

Madame [A] [B] a interjeté appel de ce jugement le 24 novembre 2021, en toutes ses dispositions.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 novembre 2022, Madame [A] [B] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de Mme [A] [B] bien fondé. Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris

Et statuant à nouveau,

- constater la faute de Me [V] et le préjudice en découlant ; en conséquence,

- condamner Me [V] à payer à Mme [B] 22 245,23 euros en réparation de son préjudice financier,

Subsidiairement, les manquements de Me [V] à son obligation de conseil ayant fait perdre à la concluante une chance de ne pas contracter, le condamner à l'indemniser du préjudice financier par elle subi dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 80% de celui-ci, soit un montant de 17 796,18 euros.

En tout état de cause, condamner Me [V] à payer à Mme [B] 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner Me [V] à payer à Mme [B] les entiers dépens, ainsi qu'un montant de 5 000 euros par application de l'article 700 al 2 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, Madame [A] [B] fait valoir que Maître [O] [V] aurait manqué à son obligation de conseil :

- en omettant malgré sa demande écrite de mentionner le nantissement de 20 000 euros dans le futur acte de vente avec Monsieur [I] [U],

- en ne lui indiquant pas qu'il était impossible de faire figurer dans l'acte de vente une clause la prémunissant du risque de défaillance de Monsieur [I] [U],

- en ne l'ayant pas rendue attentive aux risques encourus, la laissant dans la croyance qu'elle pourrait se voir concéder un privilège à l'occasion de la rédaction de l'acte de vente.

Elle développe ses moyens en indiquant que Me [V] aurait été chargé par elle de la rédaction de l'intégralité des actes nécessaires à la cession, depuis l'élaboration du compromis de vente, et qu'il aurait été informé par ses soins des exigences de l'organisme bancaire dès aout 2014, à l'occasion d'un rendez-vous que l'appelante avait eu avec lui en présence de sa mère en son étude (cf. attestation Mme [X] [S] - rédigée de la main de l'appelante parce que sa mère n'écrirait pas bien le français).

Elle invoque également un écrit qu'elle affirme avoir remis au notaire le 1er septembre 2014 ; alors qu'elle repassait à l'étude notariale, ne pouvant rencontrer le notaire, elle aurait laissé à son secrétariat, contre reçu, un courrier dans lequel elle écrivait :

« Je souhaite que vous fassiez apparaître mon nantissement de 20.000 euros dans le futur acte de vente avec M [U]. J'ai retenu l'information que vous m'avez communiquée concernant votre expérience avec vos clients et la directrice de la banque, Mme [D]. Je ne souhaite pas me faire avoir et c'est pour cette raison que je vous demande de le noter clairement dans votre acte de vente pour que si un jour, il y a un souci, je puisse bénéficier d'un privilège prioritaire et que par cet acte, vous me protégiez tout simplement ».

Or, le notaire n'ayant a pas mentionné ledit nantissement dans l'acte de vente, l'appelante lui reproche de ne pas avoir tenu compte de sa volonté « d'être protégée » et de ne pas l'avoir avisée de l'impossibilité de mise en place d'une telle protection.

L'appelante conteste le bien fondé de l'argumentation du premier juge - selon laquelle cette pièce ne présente aucun intérêt dès lors que le nantissement avait été concédé par Mme [B] à la banque, antérieurement à l'intervention du notaire qui ne s'était vu mandaté que pour la rédaction de l'acte authentique de vente, dont la signature est intervenue le 22 septembre 2014 ' alors qu'il ressortirait des pièces versées que Me [V] était en charge du dossier depuis le compromis de vente, qu'il a été interrogé par Mme [B] le 24 août et le 1er septembre quant à l'incidence de ce nantissement sur ses droits soit avant la signature de l'acte authentique.

Il en résulterait selon Madame [A] [B], que le notaire aurait commis une faute directement en lien avec son préjudice résultant de la perte d'une part du capital de 20 000 euros nanti mais également d'autre part des intérêts que ce placement aurait pu produire soit un montant de 2 245,23 euros.

Mme [B] réclame ainsi la condamnation de Me [V] à lui verser les sommes de 22 245,23 euros en réparation de son préjudice financier et de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. A titre subsidiaire, l'appelante estime qu'il apparait à tout le moins que les manquements de Me [V] à son obligation de conseil aurait généré une perte de chance de ne pas contracter, et que ce dernier devrait ainsi l'indemniser du préjudice financier par elle subi dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 80% (soit 17796,18 euros).

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2022, Maître [O] [V] demande à la cour de :

- rejeter l'appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Madame [A] [B] aux dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre d'observations préliminaires, le notaire estime qu'on ne saurait pouvoir tenir compte de l'attestation de la mère de l'appelante et de celle rédigée par Monsieur [K] [Y] qui seraient toutes deux sujettes à caution, d'une part parce que la première a été écrite de la main de l'appelante ce que cette dernière ne réfute pas, d'autre part car il est surprenant que le témoin [J] se souvienne aussi bien de faits aussi anciens ce qui laisse à penser que le texte a été dicté par Madame [B].

Quant à la copie d'un courrier du 1er septembre 2014 versé par Madame [B] sur lequel figure le tampon en original de Maître [O] [V], le notaire considère que la présence de ce tampon ne justifie pas du dépôt à l'étude de ce courrier dès lors que le tampon n'est accompagné d'aucune signature contrairement à la pratique. Pour justifier ses propos, le notaire fait référence à un autre courrier produit sous annexe 10 par l'appelante, sur lequel figure le tampon du notaire et la signature de l'employé l'ayant reçu, avec la date de remise.

De manière générale, le notaire souligne le caractère procédurier de l'appelante qu'il soupçonne d'être prête à avoir recours à des pratiques illicites. Ainsi fait-il référence à son annexe 4 à savoir un courrier adressé par l'appelante à Me [R] qui comporte des menaces implicites et démontre que l'appelante a pour habitude d'enregistrer ses interlocuteurs à leur insu, mais aussi à l'audition de Monsieur [I] [U] faite dans le cadre d'une enquête de police dans laquelle ce dernier a indiqué que Madame [A] [B] n'avait pas hésité à antidater une procuration, à signer un bail à sa place, et surtout à lui demander de produire un faux témoignage permettant de mettre en cause la responsabilité du notaire.

Sur le fond du dossier, le notaire affirme que l'appelante n'aurait jamais fait état du courrier déposé à l'étude ni de l'entretien qu'elle prétend avoir eu avec le notaire lors de l'enquête pénale.

Le notaire, qui conteste « solennellement » la remise du courrier du 1er septembre 2014 à son étude, soutient que quand les parties se sont présentées pour signer l'acte authentique de vente il n'aurait pas été fait référence à la question du nantissement ni à celle de la mise en place d'une garantie en lien.

En tout état de cause, il n'y aurait plus eu de place pour le devoir de conseil du notaire en ce sens que le nantissement avait déjà été signé.

Si par impossible la cour devait retenir l'existence d'une faute contre Maître [O] [V], elle ne pourrait que constater l'absence de lien entre cette faute et le préjudice subi par Madame [A] [B].

Il résulterait des éléments de la procédure pénale produits aux débats que si l'appelante n'avait pas consenti ce nantissement, la banque n'aurait pas accordé le prêt à Monsieur [I] [U] de sorte que la vente n'aurait pu être réalisée.

Il ressortirait de la procédure pénale que l'appelante avait en fait fortement insisté pour vendre son appartement à une valeur quasiment deux fois supérieure à la valeur réelle à Monsieur [I] [U], qui n'avait pu obtenir un financement de la part de la CCM grâce à l'intervention de Madame [A] [B].

En outre, le notaire rappelle qu'en matière de manquement à l'obligation de conseil, seule une perte de chance d'une éventualité favorable peut être réparée. En l'espèce il y aurait lieu de constater que l'appelante ne démontre pas ne pas avoir perçu une indemnisation de la liquidation judiciaire de Monsieur [I] [U], la somme réclamée au titre des intérêts perdus étant de surcroît nullement justifiée.

* * *

Par ordonnance du 6 décembre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 1er juin 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées

MOTIVATION

1) Sur la responsabilité du notaire

Le notaire engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui prévoit que tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il appartient à celui qui se plaint du comportement du notaire, de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Comme l'a fait remarquer le premier juge, si le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui, il n'est en revanche pas tenu d'une obligation de conseil et de mise en garde en ce qui concerne l'opportunité économique de l'opération à laquelle il prête son concours, n'ayant notamment pas d'obligation à s'assurer de la solvabilité des contractants ou du caractère équilibré de l'opération concernée.

Il ressort des éléments du dossier, et plus particulièrement de la lecture des procès-verbaux de police établis dans le cadre d'une enquête réalisée suite au dépôt de plainte de Madame [A] [B] contre Monsieur [I] [U], que l'appelante souhaitait vendre un de ses appartements à ce dernier pour une somme de 100 000 euros.

Réalisant que Monsieur [I] [U] ne pouvait obtenir de financement bancaire, elle a fait le nécessaire auprès de sa propre banque le CCM [Localité 6] pour que celle-ci accorde un prêt au candidat acquéreur.

En échange, l'appelante a accepté de se porter garante de Monsieur [I] [U] sous la forme d'un nantissement concédé à la banque à hauteur de 20 000 euros.

L'enquête a démontré que suite à la vente, c'est elle qui a avancé à l'acquéreur les frais de notaire et s'est chargée de trouver un locataire pour le compte de Monsieur [I] [U] disposant d'un mandat de gestion implicite que ce dernier lui a concédé (page 4 du procès-verbal en annexe 15 du notaire).

L'appelante, questionnée par les enquêteurs sur le caractère surprenant de son intervention en ce qu'elle avait permis l'opération en concédant un nantissement, condition préalable à l'octroi du prêt, indiquait « j'ai accepté (le nantissement) car j'estimais ne plus avoir le choix car un compromis était signé et que je lui avais déjà donné les clés. Il avait commencé à faire des travaux » (annexe 15 du notaire page 2).

Il résulte de ces éléments d'information issus de la procédure pénale, et non contestés par les parties, que :

- Madame [A] [B] a signé l'acte de nantissement de compte bancaire au profit de la caisse de crédit mutuel [Localité 6] le 10 septembre 2014 en dehors de toute intervention notariale,

- cet acte de nantissement concernait des parties différentes (Madame [A] [B] et la banque) de celles engagées dans l'acte authentique de vente (Madame [A] [B] et Monsieur [I] [U],

- si l'appelante n'avait pas consenti ce nantissement, la banque n'aurait pas accordé le prêt à Monsieur [I] [U] de sorte que la vente n'aurait pu être réalisée.

S'agissant de la responsabilité du notaire recherchée, premièrement il y a lieu de noter que ce dernier n'avait pas à intervenir ou apporter un conseil quant à cette opération de nantissement, en ce sens que son obligation consistait pour lui de vérifier ' au moment de la signature de l'acte authentique ' que l'acquéreur disposait bien d'un financement, ce qu'il a fait.

Le premier juge a fort judicieusement remarqué que l'acte de vente ne présente aucun défaut quant à sa validité, étant pleinement efficace juridiquement.

Dans ces conditions, les longs développements présentés par les parties quant à la réalité du dépôt à l'étude de Maître [V] d'un courrier rédigé par Madame [A] [B] daté du 1er septembre 2014 portant sur la question de ce nantissement sont sans intérêt, tout du moins en ce qui concerne la solution du litige.

En revanche, la lecture de ce courrier du 1er septembre 2014 démontre assurément que Madame [B] a consenti la sûreté en toute connaissance de cause, puisqu'il apparaît que sans ce nantissement l'acquéreur n'aurait pas obtenu le financement nécessaire à l'acquisition du bien (qui lui avait été refusé précédemment), la rédactrice de ce courrier rappelant même que Monsieur [I] [U] avait fait l'objet d'une inscription auprès du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers

Deuxièmement, au moment de la signature de l'acte authentique, l'appelante ne pouvait que constater l'absence de toute mention écrite quant à l'existence de ce nantissement litigieux. Pourtant, elle a signé l'acte, souhaitant probablement réaliser la vente au plus vite.

Au demeurant, elle ne démontre toujours pas à hauteur d'appel en quoi cette mention était de nature à changer sa situation, sachant qu'elle savait pertinemment l'existence du risque inhérent à l'opération même du nantissement.

Troisièmement, la mention ou non de l'existence du nantissement de 20 000 euros dans l'acte authentique de vente n'aurait eu aucune incidence quant à la validité de l'acte.

Le fait pour le notaire de ne pas avoir attiré l'attention de l'appelante sur le fait qu'il aurait été impossible de faire figurer dans l'acte de vente une clause la prémunissant du risque de défaillance de Monsieur [I] [U], ne constitue pas davantage une faute, en ce sens que l'acquéreur disposait d'un financement et que le notaire n'a pas participé aux opérations de mise en 'uvre du nantissement ; les arrangements consentis par l'appelante au profit de l'acquéreur (nantissement, prêt de 7 000 euros pour les frais de notaire) étaient étrangers à l'acte de vente et n'exposaient pas le notaire à un devoir de conseil.

Le devoir d'information sur le risque de défaillance de Monsieur [I] [U] ne pouvait qu'incomber au contractant de Madame [A] [B] dans le cadre de ce nantissement, c'est à dire la banque.

Mais, pour avoir été à l'initiative du montage, il est démontré (notamment à la lecture du courrier du 1er septembre 2014) que Madame [A] [B] disposait dès le départ de toutes les informations nécessaires et utiles pour savoir quels étaient le bénéfice et le risque de son engagement en lien avec la situation financière de Monsieur [I] [U] .

Quatrièmement, enfin, il est important de s'attarder sur l'économie du montage pensé par Madame [A] [B].

Dans son audition réalisée devant les enquêteurs, Monsieur [I] [U] explique que Madame [B] souhaitait absolument lui vendre son appartement au prix de 100 000 euros alors qu'il estime que la valeur réelle était très inférieure. Les enquêteurs ont indiqué dans une de leurs questions (annexe 15, page 2) que l'appartement a été revendu en 2016 par Monsieur [I] [U] au prix de 55 000 euros, Monsieur [I] [U] précisant sur ce sujet avoir cédé le logement au prix du marché à un acquéreur qui, déjà propriétaire d'un appartement dans le même immeuble, connaissait parfaitement l'état du marché immobilier.

A l'aune de ces différentes informations chiffrées (gains obtenus par Madame [B] 100 000 euros ; valeur de revente de l'appartement deux ans plus tard 55 000 euros ; coût de la garantie à la charge de Madame [A] [B] 20 000 euros) il n'est pas démontré par Madame [A] [B] que cette opération immobilière lui ait été défavorable, même avec la perte de la somme nantie de 20 000 euros. Devant les enquêteurs elle s'est limitée à affirmer que l'appartement aurait été revendu à perte du fait de la précipitation, mais elle n'a nullement apporté d'élément de preuve venant infirmer la thèse de Monsieur [U], et il y a lieu de constater ' à nouveau ' qu'elle avait grand intérêt à nantir, pour pouvoir procéder à une vente au prix fort, à un acquéreur particulièrement passif et probablement facile à convaincre.

En tout état de cause, le notaire n'avait pas - au sens d'une jurisprudence classique de la Cour de cassation - à s'immiscer dans le montage économique de sa cliente.

Dans ces conditions, le premier juge a, à juste titre, estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre le notaire de sorte qu'il y ait lieu de confirmer le jugement en son intégralité.

2) sur les demandes accessoires

Madame [A] [B], partie succombante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Maître [O] [V] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Madame [A] [B] tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

Et y ajoutant

CONDAMNE Madame [A] [B] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Madame [A] [B] à verser à Maître [O] [V] une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Madame [A] [B] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04830
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.04830 ?
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