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06/07/2023 | FRANCE | N°21/00773

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 juillet 2023, 21/00773


MINUTE N° 355/2023





























Copie exécutoire à



- Me Mathilde SEILLE



- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR





Le 6 juillet 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 6 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00773 - N° Portalis DBVW-V-B

7F-HP4S



Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS et intimés sur appel incident :



Madame [Y] [G]

Monsieur [B] [G]

demeurant ensemble [Adresse 5] (SUISSE)



représentés par Me Mathilde SEILLE, avocat à...

MINUTE N° 355/2023

Copie exécutoire à

- Me Mathilde SEILLE

- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR

Le 6 juillet 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 6 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00773 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP4S

Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS et intimés sur appel incident :

Madame [Y] [G]

Monsieur [B] [G]

demeurant ensemble [Adresse 5] (SUISSE)

représentés par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.

INTIMÉE et appelante sur incident :

La S.C.I. RIVASINNE prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT

- prononcé publiquement après prorogation du 4 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

La SCI Rivasinne, représentée par son gérant M. [R] [W], notaire, d'une part, et M. [B] [G] et son épouse, Mme [Y] [G], d'autre part, pour une SCI en cours de formation, ont signé respectivement les 27 et 29 juin 2018 un compromis de vente, sous conditions suspensives, portant sur deux immeubles situés respectivement [Adresse 3] et [Adresse 1], cédé par la première aux seconds au prix de 420 000 euros.

Parmi les conditions suspensives figurait notamment celle, incombant aux acheteurs, de fournir un accord de banque à l'agent immobilier avant le 13 août 2018 à 18 H, relatif à un prêt de 467 000 euros au taux d'intérêt maximum de 3% l'an, remboursable sur 20 ans.

Le contrat contenait une clause pénale prévoyant le paiement d'une somme de 42 000 euros en cas de refus de régularisation de l'acte authentique dans le délai imparti, la date prévue pour la signature de cet acte étant le 28 septembre 2018.

La réitération par acte authentique n'est pas intervenue et, par assignation délivrée le 5 juillet 2019, les époux [G] ont attrait la SCI Rivasinne devant le tribunal de grande instance de Mulhouse en paiement de la somme de 42 000 euros, au titre de la clause pénale.

Par jugement contradictoire du 17 novembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation ;

- déclaré recevable l'action aux fins d'indemnisation ;

- déclaré sans objet la demande d'injonction aux époux [G] de communiquer leurs pièces ;

- rejeté la demande d'indemnisation au titre de la clause pénale du compromis de vente des 27 et 29 juin 2019 ;

- rejeté la demande d'indemnisation pour résistance abusive ;

- rejeté les demandes des époux [G] et de la SCI Rivasinne au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné les époux [G] aux dépens.

Sur l'exception de nullité de l'assignation invoquée par la SCI Rivasinne, en ce que les époux [G] l'avaient assignée devant la chambre commerciale et non la chambre civile, le tribunal a considéré que cette exception pour vice de forme relevait exclusivement de la compétence du juge de la mise en état et l'a donc déclarée irrecevable devant la juridiction du fond.

Sur la clause pénale, le tribunal a rappelé les dispositions des articles 1304, 1304-3 et 1304-4 du code civil relatives aux obligations conditionnelles, ainsi que l'article IX du compromis de vente stipulant qu'après levée de toutes les conditions suspensives, la partie refusant de régulariser la vente des immeubles par acte authentique dans le délai imparti devrait régler à l'autre partie une indemnité forfaitaire de 42 000 euros au titre de la clause pénale. Il a alors relevé qu'il appartenait à celui qui invoquait la mise en 'uvre de cette clause pénale de prouver que les conditions de celle-ci étaient remplies.

A ce titre, au vu des pièces produites, les époux [G] avaient obtenu un prêt le 18 septembre 2018 auprès du Crédit mutuel, répondant aux conditions contractuelles. Si le délai de réalisation de cette condition suspensive était alors expiré, l'attitude du gérant de la SCI Rivasinne et notamment la transmission, le 12 octobre 2018, de documents utiles au notaire chargé de l'établissement de l'acte authentique démontrait sa volonté de proroger le délai contractuel et de confirmer l'acte de vente.

Toutefois, le tribunal a constaté que, si la déclaration d'intention d'aliéner (DIA), reçue le 17 juillet 2019 (en réalité 2018) par la mairie de [Localité 4], était erronée notamment sur la surface et sur le prix, le notaire en charge de la passation de l'acte authentique pouvait « régulariser une DIA rectificative », de même que convoquer les parties à la signature de l'acte authentique avant le 29 décembre 2019 (en réalité 2018), date de caducité du compromis en application de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924.

De plus, il n'était justifié par aucune des parties de demandes effectuées auprès du gérant de la SCI Rivasinne, en vue de rectifier la DIA ou de signer l'acte authentique de vente avant le 29 décembre 2019.

Enfin, il n'était pas établi que le gérant de la SCI Rivasinne ait eu conscience, avant le 29 octobre 2019 (en réalité 2018) du caractère erroné de la DIA, qu'il ait refusé de faire rectifier cette DIA par le notaire ou qu'il ait refusé de signer l'acte authentique de vente avant le 29 décembre 2019 (2018), et ce alors que le projet d'acte, qui comportait une erreur sur le prix, avait été établi après cette date.

Dans ces conditions, le tribunal, soulignant que le refus de réitérer la vente par acte authentique supposait un élément intentionnel du co-contractant, a considéré que les conditions de mise en 'uvre de la clause pénale n'étaient pas réunies.

Il en était de même de la demande d'indemnisation pour résistance abusive formée par les époux [G], la résistance de la SCI Rivassine étant bien fondée.

* * *

Les époux [G] ont interjeté appel de ce jugement le 3 février 2021, en ce qu'il a, d'une part rejeté leurs demandes d'indemnisation au titre de la clause pénale du compromis de vente des 27 et 29 juin 2019 et au titre de la résistance abusive, ainsi que leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'autre part, en ce qu'il les a condamnés aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 octobre 2021, les époux [G] demandent à la cour de déclarer leur appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions visées dans leur déclaration d'appel et, statuant à nouveau :

- de condamner la SCI Rivasinne à leur payer la somme de 42 000 euros en application de la clause pénale ;

- d'assortir cette condamnation des intérêts aux taux légal à compter du 23 avril 2019, date de mise en demeure du gérant de la SCI Rivasinne par leur conseil de régulariser le dossier, notamment la DIA ;

- de condamner la SCI Rivasinne à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation, déclaré sans objet la demande d'injonction de communiquer leurs pièces et déclaré recevable l'action aux fins d'indemnisation ;

- de condamner la SCI Rivasinne à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des entiers dépens de première instance et d'appel ;

- de débouter la SCI Rivasinne de son appel incident ainsi que de toutes demandes et conclusions.

Sur l'appel incident de la SCI portant sur la nullité de l'assignation, les époux [G] font valoir que le second original de l'assignation délivrée à cette dernière figurant au dossier comporte bien la mention de la première chambre civile, si bien que cette assignation a bien été délivrée devant la « bonne chambre ». En tout état de cause, ils reprennent les motifs du jugement déféré sur l'irrecevabilité de cette exception de nullité tirée de ce que, selon l'article 789 du code de procédure civile, elle relevait de la compétence du juge de la mise en état.

Sur l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de mention de leur profession, les appelants soulignent que l'article 54 du code de procédure civile, en sa rédaction applicable à la date de l'assignation, le 5 juillet 2019, n'imposait pas de mentionner la profession des demandeurs à peine de nullité. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, la SCI ne rapporte pas la preuve d'un grief causé par cette omission, ce qui ne permet pas de prononcer la nullité sollicitée, en application de l'article 114 du code de procédure civile.

Sur l'absence de réitération de la vente et l'application de la clause pénale, ils font valoir que la clause pénale stipulée dans le compromis de vente prévoyait qu'elle trouverait à s'appliquer après la levée de toutes les conditions suspensives, si l'une des parties refusait de régulariser la vente en la forme authentique.

Ils estiment que le tribunal aurait dû vérifier l'accomplissement ou la défaillance des conditions suspensives qui déterminaient la mise en 'uvre de cette clause pénale, dès lors qu'une partie était récalcitrante à parachever la vente en la forme authentique.

Ils soutiennent que les conditions suspensives étaient stipulées au profit des seuls acquéreurs, qui seuls étaient donc fondés à invoquer la défaillance de l'une de ces conditions pour faire échec à la vente. En outre, ils ont eux-mêmes levé l'ensemble des conditions suspensives qu'ils se devaient de réaliser et ont communiqué l'ensemble des éléments à leur charge au notaire. Ils n'ont donc pas commis la moindre faute.

Ils estiment que le tribunal, en considérant qu'ils devaient justifier d'une demande en vue de la rectification de la DIA, a fait peser sur eux l'accomplissement d'une condition suspensive dont la réalisation incombait au vendeur. Le gérant de la SCI Rivasinne, notaire, ayant refusé de rectifier cette erreur ou de la faire rectifier par son mandataire, alors qu'elle lui était imputable, il ne peut invoquer sa propre turpitude.

Ils ajoutent que l'erreur dans la déclaration d'intention d'aliéner, communiquant un prix de 410 000 euros en lieu et place d'un prix réel de 420 000 euros, est insignifiante et qu'ainsi, dès lors que la mairie n'aurait pas préempté au prix communiqué de 410 000 euros, elle l'aurait encore moins fait à un prix supérieur.

En conséquence, le tribunal aurait dû considérer que la condition suspensive était réputée accomplie et que la SCI Rivasinne avait un intérêt à empêcher son accomplissement.

Les appelants soulignent que l'article 42 alinéa 2 de la loi du 1er juin 1924 imposant la réitération par un acte authentique dans le délai de 6 mois, ne peut être invoqué pour leur opposer la caducité de la vente, car le retard dans la réitération ne leur est pas imputable.

Ils soulignent que l'application de la clause pénale est indépendante de l'éventuelle caducité encourue par un compromis de vente, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mai 2014.

Enfin, les époux [G] sollicitent de la cour qu'elle retienne une résistance abusive de la SCI Rivasinne, au vu de la profession de son gérant, qui, étant notaire, connaissait les conséquences d'une DIA erronée, et d'une attitude qu'elle estime être de mauvaise foi, par l'absence de réaction de la SCI et de réponse aux sollicitations du notaire commun des parties, destinée à faire échouer la vente.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2021, la SCI Rivasinne demande à la cour de débouter les époux [G] de l'intégralité de leurs conclusions, de déclarer recevable et bien fondé son appel incident, d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses moyens tendant à la nullité de l'assignation et, statuant à nouveau, de déclarer nulle l'assignation qui lui a été délivrée le 5 juillet 2019 et de débouter en conséquence les appelants de leurs fins et conclusions.

Subsidiairement, elle sollicite de la cour qu'elle confirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes des époux [G].

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner les appelants aux entiers frais et dépens des deux instances, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant l'assignation, elle fait valoir que celle-ci visait à l'attraire devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse, qui n'était pas compétente. De plus, l'article 54 du code procédure civile prévoit la nécessité, pour les demandeurs, de mentionner leur profession à peine de nullité.

Sur le fond, l'intimée souligne que le compromis de vente prévoit en page 10 une condition suspensive d'obtention du prêt à la charge des acquéreurs, avec échéance au 13 août 2018, et qu'il stipule qu'à défaut de réalisation de cette condition suspensive dans le délai prévu, sans que ce défaut n'incombe à l'acquéreur, chacune des parties retrouvera sa pleine et entière liberté sans indemnité de part et d'autre.

Elle conteste les reproches relatifs à l'absence de rectification de la DIA erronée et à l'absence de réalisation d'une condition suspensive tenant au non exercice du droit de préemption du seul fait des vendeurs, faisant valoir que le compromis de vente prévoit seulement, comme condition suspensive, que les parties reconnaissent être informées de ce que la vente peut être soumise à un droit de préemption et qu'en cas d'exercice de celui-ci, l'acquéreur reprendra sa pleine liberté.

En revanche, elle soutient que les appelants n'ont jamais justifié avoir levé la condition suspensive qui leur imposait de transmettre « un accord de banque » relatif au prêt à l'agence A&V Immo avant le 13 août 2018. Ils ont versé aux débats pour la première fois en appel une attestation du Crédit Mutuel datée du 4 juillet 2019, portant sur une offre de crédit pour le financement des biens immobiliers objets du compromis, laquelle n'indique nullement à quelle date cette offre de crédit a été émise et elle n'a pas été transmise avant le 13 août 2018, comme le prévoyait le compromis de vente.

Les appelants n'ont justifié d'aucune démarche en vue de procéder à la signature de l'acte authentique dans le délai requis par le compromis de vente ou dans le délai de validité de 6 mois et le compromis de vente est devenu caduc le 29 décembre 2019, aux termes de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924.

Elle soutient enfin que les époux [G] ne justifient ni en quoi elle devrait être condamnée au titre de la clause pénale stipulée, ni en quoi le retard pris dans la réitération de la vente par acte authentique relèverait de la seule responsabilité de son gérant.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la SCI fait valoir que l'ensemble de ses développements démontre son caractère infondé.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I - Sur l'exception de nullité de l'assignation

En application de l'article 56 du code de procédure civile tel qu'en vigueur en juillet 2019, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée.

En application de l'article 648 du même code, tout acte d'huissier de justice indique à peine de nullité, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs, si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.

Cependant, il doit être rappelé qu'en application de l'article 789 du même code en vigueur depuis le 1er janvier 2020, qui a repris sur ce point les dispositions de l'ancien article 771, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance.

Or, tant l'erreur invoquée sur la désignation de la chambre du tribunal saisie que l'absence de toute mention relative à la profession des requérants constituent des exceptions de procédure et, en tout état de cause, des incidents de nature à mettre fin à l'instance.

Dès lors, ces exceptions, soulevées pendant le déroulement de la première instance, ne relevaient que des pouvoirs du seul juge de la mise en état qui était alors saisi et c'est à bon droit que le tribunal a considéré qu'elles étaient à ce titre irrecevables devant la juridiction du fond. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce chef.

Au surplus, alors qu'elle soulève des exceptions de nullité de forme, la SCI Rivassine ne rapporte la preuve d'aucun grief qui serait résulté, pour elle, des irrégularités qu'elle dénonce.

II ' Sur la demande des époux [G] tendant à l'application de la clause pénale

Il résulte des termes du compromis de vente signé les 27 et 29 juin 2018 entre les parties qu'« en application de la rubrique « RÉALISATION » et après levée de toutes les conditions suspensives, il est convenu, au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, qu'elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit, en supportant les frais de poursuite et de recours à justice et sans préjudice de tous dommages et intérêts. Toutefois, la partie qui n'est pas en défaut, pourra à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat.

Dans l'un ou l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, la somme de :

(') : 42 000 euros ».

Le compromis de vente signé les 27 et 29 juin 2018 était assorti de conditions suspensives. La seule à la charge de l'acquéreur était l'obtention d'un prêt de 467 000 euros au taux d'intérêt maximal de 3 % l'an, remboursable en 20 ans. Si, comme l'a relevé le tribunal, les époux [G] n'ont pas justifié de l'obtention d'un tel prêt dans les délais prévus, soit avant le 13 août 2018 à 18 heures, il est justifié, par l'attestation du Crédit Mutuel du 4 juillet 2019 qui prouve l'accord relatif à un prêt de 420 000 euros au taux annuel de 1,40 %, remboursable sur 20 ans, et par le projet d'acte authentique mentionnant le numéro de ce contrat de prêt Modulimmo et précisant qu'il date du 18 septembre 2018, de l'obtention, à cette date, d'un prêt du montant correspondant au prix de vente du bien immobilier.

La date de son obtention ainsi inscrite dans le projet d'acte authentique apparaît totalement cohérente avec le fait que, le 12 octobre 2018, le gérant de la SCI Rivassine ait transmis à l'étude de Me [T], notaire en charge de l'établissement de l'acte authentique, le « dossier d'usage » nécessaire à l'établissement de cet acte. En effet, une telle transmission ne pouvait avoir lieu qu'après justification, par les acquéreurs, de l'obtention du financement nécessaire à cette acquisition.

Ce faisant, la SCI Rivassine a manifesté sa volonté de renoncer à se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention du prêt par les acquéreurs dans les délais requis et elle a choisi, comme l'a souligné le premier juge, de poursuivre la réitération de la vente par acte authentique.

En novembre 2018, le vendeur n'avait cependant toujours pas transmis tous les documents nécessaires à l'établissement de l'acte de vente, au vu du courriel de Me [I], collaborateur de Me [T], adressé à Mme [G] : « Je viens de m'entretenir avec votre vendeur. Nous avons clarifié la situation et il me confirme qu'il se charge bien de réunir les pièces. » Ce courriel lui ayant été transféré, l'agent immobilier qui avait rédigé le compromis de vente a indiqué à Mme [G] : « je viens d'avoir [D] (note : [D] [L], collaboratrice de Me [W], notaire et gérant de la SCI Rivassine) elle m'a dit pas avant 15 jours pour tout réunir, c'est pénible et si Me [W] dit à votre notaire qu'il ne peut pas il m'a dis que ça partirai au clash donc il n'a pas pu se permettre, il a hésité à me dire qu'il ne souhaitait plus vendre ».

Il apparaît donc, au vu de ces deux courriels concordants, que des retards étaient survenus dès cette date pour l'établissement de l'acte de vente, imputables au vendeur. Toutefois, il restait un délai suffisant pour que cet acte puisse être signé avant le 29 décembre 2018, date de caducité du compromis en application des dispositions de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924.

Par ailleurs, le compromis de vente était assorti d'autres conditions suspensives que celle portant sur l'obtention du prêt par les acquéreurs, dont celle relative au droit de préemption, en son article V. 3.

A cette fin, il revenait au vendeur de transmettre à la mairie de [Localité 4] sa DIA (déclaration d'intention d'aliéner) et, si Me [N], notaire de la SCI Rivassine, s'était effectivement chargé de cette formalité dès le 12 juillet 2018 (AR signé le 16 juillet 2018), cette DIA contenait des erreurs tenant notamment à la surface, au prix, et en ce qu'elle mentionnait un prix de vente de 410 000 euros au lieu de 420 000 euros et en ce que les immeubles étaient déclarés comme étant libres de tout occupant, alors qu'ils étaient loués.

Le projet d'acte émis par Me [T], suite à la réception des documents des parties à la vente, avait notamment repris l'erreur sur le prix de vente. Contrairement aux observations de la SCI Rivassine, ce projet a manifestement été émis avant la fin de l'année 2018, dans la mesure où il comportait l'indication de cette année-là.

Il appartenait à la SCI Rivassine, responsable de cette DIA, de rectifier cette dernière ou de donner toutes instructions nécessaires au notaire instrumentaire dans des délais permettant au maire de la ville de [Localité 4] de se positionner, s'agissant de l'exercice éventuel de son droit de préemption. Contrairement à l'analyse du premier juge, alors que son notaire initial n'intervenait plus en raison de la qualité de notaire de son propre gérant, elle ne pouvait, à ce titre, se décharger de cette responsabilité sur Me [T], initialement notaire des acquéreurs, en charge de la rédaction de l'acte de vente.

Cependant, il n'est pas établi que la SCI Rivassine ait elle-même constaté cette erreur avant la transmission de cette DIA à Me [T] et avant que ce dernier l'ait lui-même reproduite dans le projet d'acte de vente. Or, aucun élément ne permet de connaître la date de transmission aux parties du projet d'acte versé aux débats par l'intimée. L'absence totale d'élément sur ce point ne permet pas non plus de vérifier si ce projet d'acte a bien été proposé aux parties afin de pouvoir être signé avant le 29 décembre 2018, étant souligné qu'aucune convocation de ces dernières par Me [T], aux fins de signature de l'acte de vente, n'est évoquée par les appelants.

Le courriel adressé à Mme [G] le 16 janvier 2019 par le notaire instrumentaire laisse au contraire penser qu'aucune convocation n'a été émise en temps utile, puisque Me [T], répondant à une interrogation sur les motifs d'une nouvelle DIA, exprime sa volonté d'éviter aux acquéreurs une remise en cause ultérieure de leur droit de propriété. Or, l'envoi d'une nouvelle DIA supposait l'attente du délai de deux mois relatif à l'exercice éventuel du droit de préemption de la commune.

De plus, si Me [T] a indiqué, dans son courriel à Mme [G] du 21 mars 2019, qu'il avait été avisé la semaine précédente par la SCI Rivassine que cette dernière ne réitérerait pas l'acte de vente, au motif que le compromis était caduc en application de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, ajoutant que c'était la première fois depuis le 7 décembre qu'il avait « des nouvelles du côté vendeur malgré (ses) appels téléphoniques et (ses) 4 courriels », les appelants ne produisent aucun élément de nature à prouver les propos du notaire sur ce point et donc l'existence des diligences invoquées auxquelles la SCI n'aurait pas réagi.

En effet, aucun document n'est produit, de nature à prouver les démarches du notaire instrumentaire auprès de la SCI Rivassine aux fins de signature de l'acte de vente avant la date de caducité du compromis, soit avant le 29 décembre 2018. Il n'est pas non plus rapporté la preuve de la moindre démarche des époux [G] eux-mêmes en ce sens. Or, le délai de caducité du compromis de vente imposé par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 s'impose à toutes les parties, contrairement à ce que semblent envisager les appelants.

Dès lors, aucune des parties n'ayant réclamé à l'autre la signature de l'acte authentique de vente avant le 29 décembre 2018, délai de caducité du compromis, et, en particulier, ni les époux [G], ni le notaire chargé de dresser cet acte n'ayant sollicité la SCI Rivassine à cette fin avant cette échéance, il en résulte, en l'absence d'autre élément de nature à l'établir, que le refus de signature de l'acte authentique de vente par le vendeur, nécessaire pour justifier la mise en 'uvre de la clause pénale au profit des acquéreurs, n'est pas démontré. En conséquence, force est de constater que la demande de ces derniers présentée à cette fin n'est pas fondée et que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

III ' Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive des époux [G]

La confirmation du rejet de la demande principale des époux [G] démontre que la résistance au paiement de la clause pénale opposée par la SCI Rivassine n'avait rien d'abusif. C'est pourquoi le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

IV - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par chacune d'elles lors de la première instance.

De plus, si l'appel principal des époux [G] est rejeté, il en est de même de l'appel incident de la SCI Rivassine. C'est pourquoi chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel et des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Les demandes réciproques présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 17 novembre 2020,

Ajoutant à ce jugement,

CONDAMNE chaque partie à conserver ses propres dépens d'appel,

REJETTE les demandes réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00773
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.00773 ?
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