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30/06/2023 | FRANCE | N°22/03215

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 juin 2023, 22/03215


MINUTE N° 339/2023





























Copie à



- Me Céline RICHARD



- Me Valérie SPIESER





Copie par LS aux parties

et au médicateur (+ par

voie électronique à ce dernier)



Le 30 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 30 JUIN 2023


>

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03215 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H46T



Décision déférée à la cour : 04 Juillet 2022 par le président du tribunal judiciaire de SAVERNE



APPELANTES et intimées sur incident :



Madame [S] [H] [L] [J]

demeurant [Ad...

MINUTE N° 339/2023

Copie à

- Me Céline RICHARD

- Me Valérie SPIESER

Copie par LS aux parties

et au médicateur (+ par

voie électronique à ce dernier)

Le 30 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 30 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03215 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H46T

Décision déférée à la cour : 04 Juillet 2022 par le président du tribunal judiciaire de SAVERNE

APPELANTES et intimées sur incident :

Madame [S] [H] [L] [J]

demeurant [Adresse 9]

Madame [K] [A] ès qualités de tutrice de Mme [S] [J]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 5]

représentées par Me Céline RICHARD, avocat à la cour.

INTIMÉE et appelante sur incident :

Madame [F] [U] [I] [J] épouse [X]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 4]

représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire et avant dire droit

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suite au décès de [D] [J], ses trois enfants, Mesdames [S] [J] et [F] [J], épouse [X] et M. [T] [J] sont devenus co-indivisaires chacun pour un tiers d'une maison de villégiature sise à [Localité 8] (Espagne) dont la gestion était assurée par Mme [F] [J], épouse [X], en vertu d'une convention d'indivision du 10 avril 2008.

A l'issue du partage successoral M. [T] [J] a cédé son tiers indivis à sa soeur, Mme [F] [J], qui possède désormais les deux tiers indivis de ce bien.

Un litige oppose les deux soeurs sur la gestion de ce bien immobilier, Mme [S] [J] reprochant à sa soeur de dissimuler les comptes et de ne pas s'expliquer sur les revenus perçus lors de la mise en location du bien.

Par exploit du 3 mars 2022, Mme [S] [J], représentée par sa curatrice, Mme [K] [A], a fait citer Mme [F] [J], épouse [X] devant le président du tribunal judiciaire de Saverne, selon la procédure accélérée au fond, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire en vue de faire les comptes du bien administré, et de désignation d'un administrateur ad hoc aux fins de prendre des mesures de location du bien conformément à la législation applicable en Espagne.

Mme [F] [J] a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit des juridictions espagnoles, lieu de situation de l'immeuble, la nullité de l'assignation pour défaut de pouvoir de Mme [A] en l'absence d'autorisation du juge des tutelles, et des fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir au regard des donations intervenues au profit des fils de la demanderesse et de l'autorité de chose jugée de précédentes décisions.

Par 'ordonnance de référé', du 4 juillet 2022, le juge des référés a rejetées comme mal fondées les exceptions d'incompétence et de défaut de capacité à agir, ainsi que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, déclaré la demande de Mme [S] [J] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, l'a rejetée et a débouté Mme [F] [J] de sa demande de dommages et intérêts. Il a condamné Mme [S] [J] aux dépens, disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Pour rejeter l'exception d'incompétence territoriale le premier juge a relevé que, selon l'article 46 du code de procédure civile, en matière mixte, le demandeur peut saisir à son choix la juridiction du domicile du défendeur ou du lieu de situation de l'immeuble.

Il a rejeté l'exception de nullité tirée d'un défaut de capacité de Mme [S] [J], celle-ci étant représentée dans tous les actes de la procédure par sa curatrice à la personne et aux biens.

Le premier juge a ensuite retenu qu'il ressortait des pièces produites que Mme [S] [J], qui était propriétaire d'un tiers indivis du bien en question, avait fait donation de la nue-propriété à concurrence d'un sixième à chacun de ses deux fils, de sorte qu'elle était usufruitière à hauteur d'un sixième, sa soeur possédant les deux tiers indivis de ce bien ; que selon une jurisprudence constante aucune indivision n'existait entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, et que le premier ne pouvait agir en justice que pour défendre son droit de jouissance, or la demande d'expertise destinée à établir les comptes de gestion du bien administré par Mme [F] [J] était sans incidence sur la jouissance du bien et n'appartenait qu'aux nus-propriétaires qui avaient seuls qualité et intérêt à agir.

Mme [S] [J], représentée par sa curatrice, Mme [A], a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 10 août 2022, aux fins d'annulation respectivement de réformation en ce qu'elle déclare sa demande irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, la rejette et la condamne aux dépens.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Lors des débats la cour, ayant constaté que dans ses écritures, Mme [S] [J] faisait état de l'aggravation de la mesure de protection dont elle bénéficie, a invité la partie appelante à préciser qu'elle était le régime de protection de Mme [S] [J], et a autorisé les parties à présenter leurs observations sur ce point par une note en délibéré.

Par note en délibéré transmise par voie électronique le 13 mars 2023, le conseil de l'appelante a précisé que Mme [S] [J] était désormais placée sous le régime de la tutelle. Mme [K] [A] est intervenue à l'instance en qualité de tutrice par conclusions du même jour reprenant les termes des conclusions antérieurement déposées, et sollicitant, le cas échéant la réouverture des débats, afin de permettre à l'intimée de répliquer.

Par note en délibéré transmise par voie électronique le 21 mars 2023, Mme [F] [J] a demandé que l'affaire soit mise en délibéré sur la base des conclusions rectifiées de Mme [S] [J], elle-même reprenant ses conclusions antérieures en les dirigeant contre Mme [S] [J], représentée par Mme [K] [A] en qualité de tutrice.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 13 mars 2013, Mme [S] [J], représentée par sa tutrice, Mme [A], demande à la cour d'infirmer la décision entreprise des chefs visés dans la déclaration d'appel et statuant à nouveau, de déclarer ses demandes recevables, d'ordonner une mesure d'expertise, aux frais avancés de Mme [F] [J], afin de faire les comptes de gestion du bien depuis 2008 jusqu'à ce jour, subsidiairement jusqu'au 7 juillet 2021, de désigner un administrateur ad hoc pour que soient prises les mesures de location du bien dont s'agit en conformité avec la législation applicable en Espagne, d'ordonner qu'elle pourra jouir provisoirement, en conformité avec l'administrateur ad hoc, de deux périodes de deux mois pour séjourner dans le bien lui appartenant. Elle demande en outre à la cour de débouter Mme [F] [J] de ses prétentions, et de la condamner en considération de son attitude réfractaire au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que l'exception d'incompétence territoriale soulevée est irrecevable faute d'avoir été soulevée in limine litis, et approuve la décision entreprise en tant qu'elle a considéré qu'elle bénéficiait d'une option de compétence, en vertu de l'article 46 du code de procédure civile, ce qui est aussi le cas en application des articles 4 et 8-4) du règlement dit Bruxelles I bis, la compétence des juridictions du lieu de situation de l'immeuble n'étant que facultative. C'est en outre la juridiction du domicile de l'intimée qui a les liens les plus étroits avec le litige s'agissant de désigner un expert français pour examiner des comptes, ainsi qu'un administrateur ad hoc dont la mission s'exercera en France. Enfin, aucune des juridictions ayant eu à connaître du litige n'a retenu la compétence des juridictions espagnoles.

Sur le prétendu défaut de pouvoir de sa représentante, l'appelante fait valoir que sa curatrice a été autorisée à ester en justice par une ordonnance du juge des tutelles du 20 mai 2019, qui n'est pas caduque, même si elle vise le nom du précédent conseil de l'appelante qui a pris sa retraite, Mme [S] [J] ayant le libre choix de son conseil.

Elle indique que bien qu'elle soit recevable à opposer à la fin de non-recevoir soulevée par Mme [F] [J] tirée de son défaut d'intérêt à agir la nullité des donations consenties à ses enfants, s'agissant d'une demande destinée à écarter les prétentions adverses, elle renonce à le faire car elle n'est pas en conflit avec ceux-ci.

S'agissant de sa qualité à agir, elle relève que les pièces dont se prévaut Mme [F] [J] sont rédigées en espagnol sans être accompagnés de traduction et sont donc comme telles irrecevables, et souligne que le juge des tutelles n'a jamais autorisé ces donations alors qu'elle est sous tutelle depuis le 27 septembre 2021.

A supposer qu'elle ne dispose que de l'usufruit du bien, ce qu'elle conteste, l'appelante considère qu'elle serait néanmoins en indivision avec sa soeur au moins pour l'usufruit, et aurait donc qualité et intérêt à agir pour solliciter les comptes de gestion du biens indivis. En outre, elle subit un préjudice puisqu'elle n'a jamais perçu les revenus locatifs du bien en indivision, de sorte qu'elle est également fondée à solliciter la désignation d'un administrateur ad hoc.

Au fond, elle fonde sa demande d'expertise pour faire les comptes de gestion sur l'article 815-6, alinéa 1er du code civil, permettant au président de prescrire toute mesure justifiée par l'intérêt commun et invoque l'obstruction systématique dont fait preuve Mme [F] [J] depuis 2008, aucun justificatif n'ayant jamais été produit.

Mme [A] indique par ailleurs qu'il lui est très difficile de s'impliquer officiellement dans la gestion des locations alors qu'il semblerait que l'immeuble tombe sous le coup d'une loi espagnole de 2008 interdisant de louer à des touristes des maisons situées dans le périmètre du site protégé de l'Unesco et que seul un administrateur ad hoc pourrait prendre les mesures nécessaires pour louer en conformité avec la loi espagnole. Enfin, Mme [S] [J] ne peut jouir de ce bien qu'épisodiquement sur de courtes durées, sa soeur y faisant obstacle, cette dernière devant enfin être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 21 mars 2023, Mme [F] [J], épouse [X] conclut à l'irrecevabilité de l'appel formé par Mme [S] [J] représentée par sa tutrice, et demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de prononcé de la nullité des donations, de confirmer la décision entreprise, dans la limite de l'appel incident, de l'infirmer en ce qu'elle a rejeté comme mal fondées les exceptions d'incompétence, débouté Mme [F] [J] de sa demande de dommages et intérêts et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de la déclarer recevable en son exception d'incompétence territoriale, de dire que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions espagnoles, et de renvoyer l'appelante à mieux se pourvoir, de dire que l'assignation et l'appel interjeté sont nuls pour défaut de pouvoir, de condamner Mme [F] [J] au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 1240 du code civil, d'une somme de 3 500 euros pour les frais irrépétibles de première instance, et d'une somme de 6 000 euros à hauteur d'appel et aux entiers dépens, et de débouter Mme [F] [J] de l'ensemble de ses fins, conclusions et prétentions.

Sur la qualité à agir, elle indique que Mme [A] était parfaitement informée des donations, ce qu'elle a reconnu devant le juge des tutelles dans un courrier du 27 mai 2021, chacun des fils de l'appelante ayant ainsi été gratifié de 1/6 de la nue propriété, de sorte que Mme [S] [J] possède désormais 1/3 de l'usufruit.

Ces donations sont valables tant qu'elles n'ont pas été annulées, ce qu'il n'appartient pas à la cour de faire, de sorte que la demande est irrecevable comme l'a retenu le premier juge.

Si les actes sont en langue espagnole ils sont parfaitement compris des parties qui parlent cette langue et le premier juge s'est appuyé sur le courrier précité rédigé en langue française, outre une annexe 24 b parfaitement intelligible.

Au fond, l'intimée soutient qu'elle a toujours établi des comptes de gestion depuis 2006, de sorte que la demande d'expertise est non seulement irrecevable mais également mal fondée en l'absence d'intérêt légitime. Elle ajoute que désormais c'est le fils de l'appelante, M. [E] [W], qui vit à l'année dans la maison depuis juillet 2020, sans verser de loyer, de sorte que c'est elle qui est spoliée de sa part de l'indivision. Elle indique avoir saisi un avocat espagnol pour liquider l'indivision et que des négociations sont en cours avec les fils de Mme [S] [J]. Par ailleurs, la législation limite la durée de location à 30 jours mais ne l'interdit pas. Elle conteste avoir empêché sa soeur de jouir de ce bien, au contraire c'est elle qui ne peut en profiter.

Au soutien de son appel incident, elle réitère son exception d'incompétence au profit des juridictions espagnoles, le Règlement n°1215/2012 Bruxelles I bis ayant vocation à s'appliquer. Or selon l'article 24§1, en matière d'action réelle la compétence est impérativement celle du lieu de situation de l'immeuble, de sorte que la demande portant sur des droits réels, il ne pouvait donc être fait application des règles de compétence de droit français. Elle soutient qu'elle a soulevé l'exception in limine litis, dans la partie des écritures consacrée à son appel incident. Enfin, selon le règlement précité aucune clause ne donne compétence à la juridiction ayant un lien étroit avec le litige.

Elle réitère également sa demande d'annulation de l'assignation pour défaut de pouvoir de Mme [A], représentant Mme [S] [J] qui ne peut invoquer l'ordonnance du juge des tutelles du 29 mais 2019 qui l'autorisait à engager une action en référé devant le tribunal de Colmar et à mandater Me Cuny, avocat au barreau de Versailles. Elle relève que trois procédures ont été engagées suite à cette ordonnance qui est manifestement caduque, et ne peut plus être exécutée puisque c'est un autre avocat qui agit.

Elle sollicite enfin la condamnation de sa soeur au paiement de dommages et intérêts à raison de sa mauvaise foi, les comptes de gestion étant déposés, outre le fait que Mme [S] [J] a refusé une proposition de rachat de sa part indivise, que son fils habite l'immeuble, et que des pourparlers sont en cours. Elle s'estime victime d'un véritable acharnement judiciaire de la part de l'appelante, ce qui justifie des condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la réouverture des débats

Il convient de constater, ainsi que cela était évoqué dans le corps des écritures de l'appelante, que la mesure de protection dont fait l'objet Mme [S] [J] a été aggravée, celle-ci ayant été placée sous tutelle et Mme [A] ayant été désignée en qualité de tutrice par un jugement du juge des tutelles de Versailles du 27 septembre 2021. Mme [A] étant intervenue à la procédure d'appel en cette qualité, il n'y a pas lieu à réouverture des débats les parties ayant donné leur accord à ce que l'affaire soit mise en délibéré sur la base des conclusions rectifiées, sans nouveaux débats devant la cour.

Sur la nullité de l'appel, respectivement son irrecevabilité

Mme [F] [J] demande à la cour d'une part de déclarer Mme [S] [J] représentée par sa tutrice irrecevable en son appel et d'autre part de déclarer nul l'appel interjeté pour défaut de pouvoir. Il se déduit implicitement de l'argumentation de l'intimée qu'elle se prévaut à cet égard du fait que Mme [A] n'a pas été autorisée à agir en justice, l'ordonnance du 29 mai 2019 étant, selon l'intimée, devenue caduque.

Il convient toutefois de constater que Mme [S] [J] étant sous tutelle depuis le 27 septembre 2021, Mme [A], tutrice, avait en application de l'article 504, alinéa 2 du code de procédure civile, pouvoir pour agir seule en justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée.

Cependant la déclaration d'appel qui a été formée par Mme [S] [J] représentée par Mme [A], en sa qualité de curatrice aux biens de la personne protégée, et non par Mme [A] en qualité de tutrice, est entachée d'une nullité de fond. La régularisation demeure toutefois possible jusqu'à ce que le juge statue, en application de l'article 121 du code de procédure civile. Cette régularisation étant intervenue suite à l'intervention à la procédure d'appel de Mme [A] en sa qualité de tutrice, la nullité de la déclaration d'appel n'est donc pas encourue.

La déclaration d'appel, même nulle, ayant interrompu le délai de forclusion pour former appel, en application de l'article 2241 du code civil, et la procédure ayant été régularisée, l'appel doit être déclaré recevable.

Sur la nullité de l'assignation

Mme [F] [J] forme appel incident pour demander l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a 'rejeté comme mal fondées les exceptions d'incompétence'. L'exception de nullité de l'assignation n'étant pas une exception d'incompétence, la cour ne peut que constater qu'elle n'est pas saisie d'un appel relatif à la disposition de l'ordonnance ayant rejeté 'l'exception de défaut de capacité', et donc de la question de la validité de l'assignation, étant au surplus relevé que l'intimée ne sollicite pas l'annulation de l'ordonnance mais seulement sa réformation.

Sur l'exception d'incompétence

Il convient de constater que Mme [F] [J] a soulevé cette exception, dès ses premières conclusions de première instance du 12 avril 2022, avant toute défense au fond et avant toute autre exception et fin de non-recevoir, de sorte que l'exception d'incompétence ayant bien été soulevée in limine litis est recevable en application de l'article 74 du code de procédure civile.

En l'espèce, si le litige qui oppose Mmes [S] et [F] [J] concerne les droits qu'elles détiennent concurremment sur l'immeuble, en qualité soit de co-indivisaires, soit respectivement d'usufruitière et de nue-propriétaire au cas où la validité des donations consenties par l'appelante à ses enfants serait admise, elle vise également en définitive à obtenir une reddition de comptes de la part de Mme [F] [J] qui était investie d'un mandat de gestion de l'indivision. Il ne s'agit donc pas d'une action réelle immobilière mais d'une action mixte comme l'a exactement retenu le premier juge.

Par voie de conséquence, l'action ne relève donc pas de la compétence exclusive des juridictions du lieu de situation de l'immeuble prévue par l'article 24 1) du Règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, la partie demanderesse bénéficiant de l'option de compétence prévue par les articles 4 et 8 4) dudit règlement, qui donnent compétence aux juridictions de l'Etat membre dans lequel est domiciliée la partie défenderesse ou à celles du lieu de situation de l'immeuble en matière mixte contractuelle/réelle.

La décision entreprise sera donc confirmée en tant qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée.

Sur l'intérêt à agir de Mme [S] [J], représentée par sa tutrice

La cour n'étant pas saisie d'une demande d'annulation des donations consenties par Mme [S] [J] à ses deux fils portant sur la nue-propriété de son tiers indivis, dont la réalité est confirmée par un courrier adressé le 27 mais 2021 par Mme [A] au juge des tutelles, la cour ne peut que constater que l'appelante possède désormais un tiers de l'usufruit de la maison d'[Localité 8], et non un sixième comme indiqué par erreur par le premier juge.

Si aucune indivision n'existe entre usufruitier et nu-propriétaire, en l'occurrence il existe cependant une indivision de l'usufruit entre Mmes [S] [J] et [F] [J] puisque la première ne possède qu'un tiers de l'usufruit du bien et la seconde les deux tiers.

En outre, la demande tendant d'une part à voir désigner un expert pour établir les comptes de gestion de l'indivision concerne les droits de l'usufruitier qui a vocation à percevoir les fruits du bien, et d'autre part à la désignation d'un administrateur ad hoc afin notamment de permettre à Mme [S] [J] de pouvoir jouir de son usufruit, l'appelante a incontestablement qualité et intérêt à agir.

La décision entreprise sera donc réformée sur ce point.

Sur le fond

En considération de la nature familiale du litige qui oppose de manière récurrente les deux soeurs, et qui concerne également le fils de l'appelante, M. [E] [W], qui n'est pas partie au litige mais dont il n'est pas contesté qu'il occupe le bien en question, il apparaît qu'une mesure de médiation pourrait permettre une résolution amiable globale du litige. Il convient donc de surseoir à statuer sur les demandes de Mme [S] [J] et sur la demande de dommages et intérêts de Mme [F] [J], et d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur pour qu'elles soient exactement informées de cette mesure, et afin de la mettre en oeuvre selon les modalités précisées dans le dispositif du présent arrêt si, à l'issue de cette information, toutes les parties acceptent formellement la mesure.

Les dépens de première instance et d'appel demeureront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à réouverture des débats ;

REJETTE l'exception de nullité de la déclaration d'appel ;

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence ;

CONSTATE que la cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté 'l'exception de défaut de capacité à agir' ;

INFIRME l'ordonnance entreprise en tant ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [S] [J] pour défaut d'intérêt à agir ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DECLARE la demande de Mme [S] [J] recevable ;

SURSOIT à statuer au fond sur les demandes de Mme [S] [J] et sur la demande de dommages et intérêts de Mme [F] [J] ;

FAIT injonction aux parties de rencontrer :

Mme [B] [P],

[Adresse 6] (Allemagne),

adresse électronique : [Courriel 7], téléphone : [XXXXXXXX01], inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d'appel de Colmar pour délivrer cette information ;

DONNE mission au médiateur ainsi désigné :

- d'informer les parties de l'objet et du déroulement d'une mesure de médiation,

- de recueillir leur consentement, ou le refus de cette mesure,

DIT que les conseils des parties devront communiquer au médiateur désigné, dans les huit jours de la réception de la présente décision, des coordonnées permettant de joindre leurs clients respectifs (téléphone et/ou adresse mail),

DIT que la réunion d'information devra se tenir dans le délai d'un mois à compter de la réception de ces coordonnées,

DIT que cette réunion d'information obligatoire est gratuite et qu'elle pourra être réalisée en présentiel ou en distanciel par visioconférence,

DIT qu'aux fins de vérification de l'exécution de présente injonction le médiateur indiquera à la juridiction 1'identité et la qualité des personnes s'étant présentées à la réunion d'information,

DIT que l'inexécution, par l'une ou l'autre des parties, de cette injonction, sans motif légitime, est susceptible de constituer un défaut de diligences justifiant une radiation du dossier,

En cas d'accord des parties au principe de la médiation :

DIT que si les parties donnent leur accord à la médiation proposée, le médiateur fera parvenir au magistrat l'accord signé des parties et pourra mettre en oeuvre immédiatement cette mesure, selon les modalités suivantes :

- Les séances de médiation se dérouleront dans les locaux professionnels du médiateur ou dans tout autre lieu convenu avec les parties, de même que la fixation de la date des rencontres,

- Les parties peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation,

- Le montant de la provision à valoir sur la rémunération due au médiateur, est fixé à 600 euros (six cents euros) et devra être versé entre les mains du médiateur (au plus tard dans le délai d'un mois suivant l'accord des parties, à peine de caducité de la mesure,

- Cette provision sera versée à parts égales entre les parties ou selon des proportions qu'elles détermineront, sauf si l'une ou l'autre partie bénéficie de 1'aide juridictionnelle, si cette provision est insuffisante pour couvrir les frais de la médiation, le montant du reliquat sera déterminé en accord avec les parties et selon les modalités convenues entre elles et à défaut d'accord, la rémunération due au médiateur sera fixée par le conseiller de la mise en état, ainsi que ses modalités de règlement,

- La mission du médiateur désigné est de trois mois à compter de la première réunion de médiation tenue après versement de la provision, cette durée de trois mois pouvant être prorogée une seule fois, pour trois mois, sur demande du médiateur,

- Le médiateur informera le conseiller de la mise en état de tout incident affectant le bon déroulement de la médiation, dans le respect des règles de confidentialité de rigueur en la matière,

- Au terme de sa mission, le médiateur informera le conseiller de la mise en état de la conclusion ou non d'un accord,

En cas de refus de la médiation par l'une ou l'autre des parties,

DIT que dans l'hypothèse ou au moins une des parties refuserait le principe de la médiation ou à défaut de réponse de l'une d'entre elles, le médiateur en informera le conseiller de la mise en état, dans le mois suivant la réception de l'arrêt et cessera ses opérations, sans défraiement,

DIT que le présent arrêt sera notifié aux parties, à leurs conseils et au médiateur désigné, par les soins du greffe ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 7 novembre 2023 ;

RESERVE à statuer sur les dépens et frais exclus des dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/03215
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.03215 ?
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