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30/06/2023 | FRANCE | N°22/02890

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 juin 2023, 22/02890


MINUTE N° 345/2023





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER





Le 30 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 30 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02890 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4N7



Décision déférée à

la cour : 11 Juillet 2022 par le Juge de la mise en état de STRASBOURG





APPELANTE :



La S.A. GROUPAMA GAN VIE

ayant son siège social [Adresse 2]



représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.





INTIMÉ :



Monsieur [Y] [T]

demeurant [Adresse 3] à [L...

MINUTE N° 345/2023

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

Le 30 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02890 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4N7

Décision déférée à la cour : 11 Juillet 2022 par le Juge de la mise en état de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A. GROUPAMA GAN VIE

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [T]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 1]

assigné le 31 août 2022 à personne.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

En sa qualité de gérant de société, M. [Y] [T] a souscrit un contrat de prévoyance auprès de la compagnie Gan Assurances, aux droits de laquelle est venue par la suite la compagnie la société Groupama Gan Vie, ce contrat ayant pris effet au 1er janvier 2008 et couvrant notamment les risques incapacité et invalidité.

M. [T] a été en arrêt de travail à compter du 29 août 2013 et pris en charge au titre de ce contrat à compter du 1er septembre 2013.

Cette prise en charge s'est poursuivie à compter du 1er septembre 2016, où il a été reconnu en invalidité de la deuxième catégorie par la CPAM du Bas-Rhin. Elle a encore continué au titre de la garantie invalidité, suite à un premier contrôle médical. Cependant, suite à un nouveau contrôle médical du 19 janvier 2018, dans le cadre duquel la consolidation de M. [T] a été fixée au 1er septembre 2016, avec fixation d'un taux d'incapacité professionnelle de 20 % et d'un taux d'incapacité fonctionnelle de 15 %, la société Groupama Gan Vie a cessé tout versement de prestation au titre de la rente invalidité à compter du 28 mars 2018 et a maintenu sa position par une lettre du 5 juillet 2018, malgré la contestation émise par M. [T] par l'intermédiaire de son conseil, lequel a adressé une nouvelle réclamation à l'assureur le 24 juillet 2018. La société Groupama Gan Vie s'y est à nouveau opposée et a invité M. [T] à solliciter la mise en place d'une procédure d'arbitrage amiable prévue à l'article 12 du contrat en cas de désaccord persistant.

Un compromis d'arbitrage a ainsi été signé entre les parties le 11 janvier 2019, dans le cadre duquel le docteur [G], désigné aux fins d'examen médical, a déposé son rapport le 24 juin 2019, suite auquel, au vu des taux de déficience permanente fonctionnelle et professionnelle retenus, une rente partielle a été allouée à M. [T] par Groupama Gan Vie à compter du 1er septembre 2016.

En juin 2020, contestant les conclusions du rapport médical d'arbitrage, M. [T] a saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg.

La société Groupama Gan Vie a alors saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au compromis d'arbitrage, à laquelle M. [T] s'est opposé.

Par ordonnance du 11 juillet 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au compromis d'arbitrage signé entre les parties, et il a déclaré en conséquence l'action de M. [T] recevable en la forme, disant qu'il serait statué sur le surplus des demandes de ce dernier par le tribunal comme relevant du fond.

Il a également dit qu'il serait statué sur les dépens et les frais d'article 700 du code de procédure civile par la décision qui mettrait fin à l'instance et, invitant la société Groupama Gan Vie à conclure au fond, il a renvoyé la procédure à une audience de mise en état ultérieure.

Le juge de la mise en état a relevé que si le compromis d'arbitrage comportait, outre la signature des parties qui l'avaient lu et approuvé, la mention selon laquelle « les conclusions de l'arbitre sont obligatoires pour les deux parties », il ne déterminait pas l'objet du litige, contrairement aux exigences de l'article 1445 du code de procédure civile.

De plus, l'article 1443 du même code, invoqué par l'assureur comme permettant de tenir compte des échanges d'écrits, était sans emport concernant la preuve de la convention d'arbitrage, son existence et non son contenu. Or, seule sa portée juridique était contestée.

Au surplus, il ne ressortait pas de ce compromis d'arbitrage que M. [T] ait renoncé à son droit de saisir le tribunal, la renonciation au droit d'agir en justice devant être précise quant à son objet, claire et sans équivoque. De même, il ne résultait pas du compromis d'arbitrage que les parties aient manifesté leur volonté de conférer à un tiers un pouvoir juridictionnel, la seule mention de ce que les conclusions de l'arbitre étaient obligatoires pour les deux parties étant insuffisantes comme imprécises sur sa portée, notamment comme n'informant pas qu'elle priverait ainsi les parties d'avoir recours à la voie contentieuse et pouvant laisser croire que ses conclusions marquaient simplement la fin de la phase amiable de règlement du litige.

En outre, le juge de la mise en état a également relevé qu'avant la signature du compromis d'arbitrage, M. [T] avait adressé à Groupama Gan Vie, le 6 décembre 2018, un courrier sollicitant la mise en place de la procédure d'arbitrage amiable, tout en indiquant expressément qu'il entendait se réserver les suites à donner si ce troisième avis persistait à contester son état de santé. Il avait ainsi, sans ambiguïté, précisé qu'il n'entendait pas renoncer à l'exercice de son droit d'agir en justice et ses réserves, portées à la connaissance de Groupama Gan Vie avant la signature de ce compromis d'arbitrage, n'avaient pas suscité de réponse de cette dernière et d'avertissement de ce que, si l'assuré acceptait le compromis d'arbitrage, il renoncerait à son droit de saisir le tribunal. Groupama Gan Vie n'avait donc pas contesté que M. [T] ne perdrait pas son droit d'agir.

Ainsi, M. [T] n'avait pas accepté un arbitrage au sens juridictionnel du terme, de sorte que le compromis d'arbitrage signé n'avait pas autorité de chose jugée et il n'y avait pas lieu d'examiner la demande présentée « en tant que de besoin » portant sur la nullité de ce compromis.

La société Groupama Gan Vie a interjeté appel de cette ordonnance le 22 juillet 2022.

Par ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre a, en application de l'article 905 du code de procédure civile, fixée d'office l'affaire à bref délai.

Bien que régulièrement assigné par acte d'huissier signifié sa personne le 31 août 2022, M. [T] n'a pas constitué avocat devant la cour. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions d'appel transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, régulièrement signifiées à M. [T], la société Groupama Gan Vie sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée en chacune de ses dispositions et que la cour, statuant à nouveau, notamment :

- prononce l'irrecevabilité de l'action de M. [T],

- déboute l'appelant de l'ensemble des demandes formulées à son encontre,

- le condamne à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens des deux instances,

- rejette toute demande de condamnation formulée à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au titre des dépens.

Rappelant les stipulations du contrat relatives à la procédure d'arbitrage, la société Groupama Gan Vie souligne qu'aux termes du compromis d'arbitrage signé entre les parties, « les conclusions de l'arbitre sont obligatoires pour les deux parties » et que, le contrat prévoyant l'intervention d'un troisième médecin pour les « départager », l'intervention du Docteur [G] visait donc à trancher le désaccord entre les parties, et il lui était donc confié un pouvoir juridictionnel.

En outre, les courriers échangés entre les parties ne laissaient subsister aucun doute sur l'objet de l'arbitrage et la lettre de mission confiée au médecin arbitre ne permettait pas de se méprendre sur cette mission, Groupama Gan Vie soulignant que, si la convention d'arbitrage doit être écrite, elle peut aussi résulter, conformément à l'article 1443 du code de procédure civile, « d'un échange d'écrits ».

L'assureur ajoute que l'article 1478 du code de procédure civile dispose que le tribunal arbitral tranche les litiges conformément aux règles de droit, ce qui n'interdit aucunement à l'arbitre de trancher des questions techniques « conformément aux règles de droit ». Enfin, la convention signée par les parties comportait le titre « compromis d'arbitrage », outre qu'elle indiquait expressément que les conclusions de l'arbitre seraient obligatoires pour les parties.

Sur l'autorité de la chose jugée attachée au compromis d'arbitrage, la société Groupama Gan Vie fait valoir que, si M. [T] avait émis des réserves le 6 décembre 2018, ces dernières ne peuvent produire d'effet pour n'avoir pas été réitérées en janvier 2019, lors de la signature de ce compromis, dont les mentions sont dépourvues d'équivoque sur le fait que M. [T] a accepté de se soumettre aux conclusions de l'arbitre. Elle ajoute que retenir que l'expression « les conclusions de l'arbitrage sont obligatoires pour les deux parties » signifie seulement la fin de la phase amiable revient à vider de sa substance l'engagement des parties de se soumettre à la position de l'arbitre.

L'appelante se prévaut des dispositions de l'article 1484 du code de procédure civile selon lesquelles la sentence arbitrale, dès qu'elle est rendue, a l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche, ce qui a pour effet de rendre irrecevable toute demande tendant à en contester les termes, ainsi que l'admet une jurisprudence constante.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère à ses conclusions notifiées et transmises à la date susvisée.

MOTIFS

I ' Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. [T]

En application des articles 1442 et suivants du code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à l'arbitrage un litige né, par un compromis qui doit être une convention écrite ou résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale.

Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, en application de l'article 1445 du même code, le compromis détermine l'objet du litige.

À ce titre, il convient de souligner que le document signé par les deux parties le 11 janvier 2019, intitulé « compromis d'arbitrage » fait référence au contrat liant les parties et mentionne qu'entre elles, « il est convenu de recourir à l'arbitrage » du docteur [G] marque, dont il mentionne les coordonnées.

Il y est simplement ajouté qu'« au terme de ce compromis, les parties ont également convenu ce qui suit :

- les frais de l'expertise sont supportés pour moitié par chacune d'entre elles,

- les conclusions de l'arbitre sont obligatoires pour les deux parties. »

Cependant, ce compromis d'arbitrage ne fait aucune référence au litige existant entre les parties et à la mission du docteur [G]. Si un document pré-imprimé intitulé « Lettre de mission » figure au dos de la copie du compromis d'arbitrage produit par la société Groupama Gan Vie, aucune indication ne permet de vérifier qu'il s'agit bien de celle confiée au docteur [G] par les parties.

Il résulte de ces éléments que le « compromis d'arbitrage » signé entre les parties comporte des imprécisions qui ne permettent pas de s'assurer que l'assuré ait pu en saisir précisément la portée.

De plus et surtout, si M. [T] n'a pas constitué avocat en appel et n'a donc produit aucune pièce devant la cour, il ressort des motifs du jugement déféré qu'il avait, le 6 décembre 2018, écrit à la société Groupama Gan Vie qu'il sollicitait la mise en place de la procédure d'arbitrage, laquelle était, d'après les écritures de l'assureur, imposée par l'article 12 du contrat. Mais il avait également, dans ce même courrier, précisé qu'il entendait se réserver les suites à donner si ce troisième avis persistait à contester son état de santé.

Or, aucun élément ne permet de penser que la position de M. [T] ait pu changer entre la signature de ce courrier et celle du « compromis d'arbitrage » du 11 janvier 2019. En effet, dans sa réponse à ce courrier du 8 janvier 2019, la société Groupama Gan Vie n'a nullement contesté cette position et n'a émis aucune observation sur l'incompatibilité entre la signature du « compromis d'arbitrage » et la possibilité de remettre en cause ultérieurement les conclusions du médecin arbitre désigné.

En outre, la société Groupama Gan Vie soulignant elle-même que la convention d'arbitrage peut résulter d'un échange d'écrits, il ne peut, à ce titre, être fait abstraction des réserves émises par M. [T] dans le courrier qu'il lui a adressé le 6 décembre 2018, qui accompagnait sa demande de mise en place de la procédure d'arbitrage amiable. Il doit être souligné également que le contrat ne laissait visiblement aucune faculté d'éviter cette désignation d'un médecin arbitre en cas de désaccord entre les médecins respectifs des parties sur l'état d'incapacité temporaire complète de travail ou sur l'état d'invalidité permanente totale ou partielle.

Dans de telles circonstances et, au surplus, au vu de la rédaction très succincte et imprécise du « compromis d'arbitrage » lui-même quant à l'objet du litige et à la mission de l'arbitre, il ne peut être considéré que le rapport du docteur [G] puisse avoir la portée d'une sentence arbitrale et être assorti d'une quelconque autorité de la chose jugée.

Il en résulte que c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir soulevé à ce titre par la société Groupama Gan Vie et qu'il a déclaré recevable l'action de M. [T].

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

L'ordonnance déférée étant confirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés lors de la première instance, étant observé que celle-ci se poursuit devant la juridiction du fond.

L'appel de la société Groupama Gan Vie étant rejeté, celle-ci sera condamnée aux dépens de l'appel et sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue entre les parties par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg le 11 juillet 2022,

Ajoutant à ladite ordonnance,

CONDAMNE la société Groupama Gan Vie aux dépens de l'appel et REJETTE sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02890
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.02890 ?
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