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29/06/2023 | FRANCE | N°21/03138

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 juin 2023, 21/03138


MINUTE N° 323/2023































Copie exécutoire

aux avocats



Le 29 juin 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 29 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03138 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HT7M



Décision déférée à la cour : 11 Mai 2021 par le tribuna

l judiciaire de Mulhouse





APPELANT :



Le syndicat des copropriétaires de la Résidence PEUPLIERS CAMUS, représenté par son syndic la SAS FONCIA ALSACE HAUT-RHIN, ayant son siège social [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal

ay...

MINUTE N° 323/2023

Copie exécutoire

aux avocats

Le 29 juin 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03138 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HT7M

Décision déférée à la cour : 11 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANT :

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence PEUPLIERS CAMUS, représenté par son syndic la SAS FONCIA ALSACE HAUT-RHIN, ayant son siège social [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal

ayant siège [Adresse 1]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour.

INTIMÉ :

Maître [D] [Z], dont l'étude est sous l'administration de Maître [V] [W]

domicilié [Adresse 4]

représenté par la SELARL ACVF ASSOCIES, société d'avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Mme Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Mme Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [O] était propriétaire d'un appartement situé dans la Résidence Les Peupliers, sise [Adresse 2].

Par jugement prononcé 16 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Mulhouse a condamné Madame [K] [O] à payer au syndicat des Copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, représentée par son syndic, la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin, la somme de 10 173,11 euros, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 7 août 2015, au titre des charges de copropriété et provisions pour charges et frais de recouvrement selon décompte arrêté au 10 juin 2015, ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte authentique passé le 18 mars 2016 par-devant Maître [D] [Z], notaire en la résidence de [Localité 6], Madame [K] [O] a vendu à Madame [B] [X] [S] le bien dont elle était propriétaire au sein de la résidence Peupliers Camus moyennant le prix de 19 000 euros.

Par acte en date du 24 mars 2016, Maître [D] [Z] a notifié à la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin la survenance de cette vente, et l'a informée des conditions de forme et de délai pour former, le cas échéant, opposition au paiement du prix de vente et qu'à défaut d'opposition régulière dans le délai et dans les formes sus indiquées, le prix de vente deviendrait disponible.

Par acte d'huissier en date du 7 avril 2016, la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin, agissant ès qualité de syndic de la Résidence Peupliers Camus à [Localité 6], a formé une opposition à paiement sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965. Cette opposition portait sur un montant de 13 216,64 euros mais sans précision quant à la composition de cette somme.

Or par acte du 4 avril 2016, Maître [D] [Z] avait déjà procédé à la notification aux fins de purge, à la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin. Aucun créancier n'a formé surenchère dans le délai de 40 jours prescrit par l'article 2480 du code civil, suite à la notification aux fins de purge.

Parallèlement, par acte du 31 mars 2016 le syndicat des copropriétaires avait saisi le tribunal de l'exécution forcée immobilière d'une requête en adjudication forcée de l'appartement vendu.

Par ordonnance prononcée le 27 avril 2016, le tribunal de l'exécution de Mulhouse, a décidé l'adjudication forcée du bien immobilier de Madame [K] [O] et désigné Maître [Y] [P] en qualité de notaire chargé de la procédure d'adjudication.

Par jugement prononcé le 29 août 2016, le tribunal de grande instance de Mulhouse avait prononcé la liquidation judiciaire de Madame [K] [O], en fixant la date d'insolvabilité notoire au 28 avril 2016, et désigné comme mandataire la SELARL Hartmann & Charlier.

Par courrier du 21 septembre 2016, la SELARL Hartmann & Charlier, ès qualité de liquidateur de Madame [K] [O], a adressé à la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin un avertissement d'avoir à déclarer ses créances, en attirant son attention sur les formes et sur le délai à respecter, en l'espèce de deux mois courant à compter de la publication du jugement au BODACC.

Par ordonnance prononcée le 10 octobre 2016, à la requête de Madame [B] [S], le tribunal de l'exécution forcée immobilière de Mulhouse a décidé l'ouverture de la procédure de distribution du prix de vente des biens immobiliers sis à [Adresse 2] ayant appartenu à Madame [K] [O] et désigné Maître [D] [Z] pour y procéder en présence des créanciers hypothécaires dont le syndicat des copropriétaires.

Maître [D] [Z] a immédiatement informé le tribunal qu'il ne pourrait pas procéder à la distribution du prix en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et qu'en conséquence, le prix de vente des biens et droits immobiliers visés serait distribué par le liquidateur, la SELARL Hartmann & Charlier.

Par courrier en date du 8 novembre 2016, Maître [D] [Z] a transmis à la SELARL Hartmann & Charlier l'attestation de non surenchère et l'a invitée à produire la justification de l'apurement des dettes de la copropriété, ainsi que des dettes hypothécaires.

Par acte du 16 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, par l'intermédiaire de son conseil, a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, pour un montant de 13 454,32 euros.

Le 20 décembre 2017, la SELARL Hartmann & Charlier a dressé l'état de collocation, listant notamment les 10 hypothèques grevant le bien immobilier susvisé (dont une inscription hypothécaire légale au profit du syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Peupliers Camus à [Localité 6], pour un montant de 1.567,47 euros, au titre des charges de copropriété impayées) et les créances admises.

La créance déclarée par le syndicat, pour un montant de 13.454,32 euros, n'y figurait pas du fait de l'absence de revendication de privilège et surtout de la forclusion la frappant, la déclaration étant intervenue plus de 2 mois après la publication au BODACC du jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de Madame [K] [O].

La publication de l'avis de dépôt de l'état de collocation a été effectuée au BODACC en date du 6 juin 2018. Aucune contestation n'a été émise dans le délai légal de 30 jours.

Un certificat de non opposition a été délivré par le greffe le 26 juillet 2018 et un procès-verbal de clôture de l'ordre a été dressé par la SELARL Hartmann & Charlier en date du 2 août 2018.

Le 7 septembre 2018, la SELARL Hartmann & Charlier a déposé une requête en radiation des inscriptions hypothécaires au Livre Foncier.

Par acte en date du 2 octobre 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence Peupliers Camus a formé opposition au paiement du prix de vente.

Par ordonnance prononcée le 30 janvier 2019, le tribunal d'instance de Mulhouse a déclaré l'opposition formée par le syndicat des copropriétaires de la résidence Peupliers Camus, représenté par son syndic la société Foncia irrecevable dès lors que le délai pour contester l'état de collocation était expiré depuis le 7 juillet 2018.

Cette ordonnance n'a été frappée d'aucun pourvoi immédiat de droit local et est devenue définitive.

* * *

C'est dans ce contexte que par acte introductif d'instance en date du 18 septembre 2019, signifié le 1er octobre 2019, le syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, représenté par la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin, a introduit une instance devant le tribunal judiciaire de Mulhouse à l'encontre de Maître [D] [Z] aux fins de condamnation de celui-ci à des dommages et intérêts, pour un montant de 13 471,38 euros, au titre d'un manquement commis à l'occasion de l'établissement de l'état de collocation.

Par un jugement prononcé le 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré recevable la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires de la résidence Peupliers Camus,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus,

- rejeté la demande reconventionnelle du notaire en dommages et intérêts et en paiement d'une amende civile.

Dans un premier temps, le tribunal a déclaré la demande du syndicat des copropriétaires recevable écartant l'exception de fin de non-recevoir soulevée au titre de l'autorité de la chose jugée, au motif que si le tribunal de l'exécution avait été saisi d'une opposition au paiement du prix de vente, il ne l'avait pas été d'une action en responsabilité à l'encontre d'un notaire, objet de la présente instance.

Sur l'action en responsabilité diligentée contre Me [Z], le tribunal a reconnu l'existence d'une faute, résidant dans le fait que le notaire avait procédé à la notification aux fins de purge par courrier du 4 avril 2016 avant d'avoir attendu l'expiration du délai d'opposition ouvert jusqu'au 15 avril de cette même année.

En revanche, la juridiction a estimé qu'il n'existait pas de préjudice découlant de cette faute, car l'opposition réalisée dans le délai par le syndicat des copropriétaires avait été irrégulière en la forme, en ce qu'elle ne distinguait pas les sommes selon leur nature. Les premiers juges ont précisé que même si l'opposition avait été retenue par Me [Z], elle aurait encouru une contestation de la part des autres créanciers hypothécaires inscrits et notamment de la caisse du crédit mutuel sise à [Localité 5].

En outre, le tribunal a considéré que faute d'avoir déclaré la créance dans le délai de deux mois à compter de la publication au Bodacc du jugement prononçant la liquidation judiciaire de Madame [K] [O], le syndicat des copropriétaires - qui avait été régulièrement averti par le liquidateur de l'existence de ce délai - aurait été en tout état de cause forclos en sa demande.

S'agissant des demandes reconventionnelles, le tribunal n'a pas retenu le caractère dilatoire ou abusif de la procédure menée par le syndicat des copropriétaires de sorte qu'il a rejeté les demandes du notaire afin d'obtenir des dommages-intérêts.

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus a interjeté appel de ce jugement en date du 6 juillet 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il rejette la demande de dommages et intérêts formulées par le syndicat des copropriétaires, le déboute de l'ensemble de ses conclusions y compris au titre des frais répétibles et irrépétibles et le condamne au frais,

Statuant à nouveau

- condamner Me [D] [Z] à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus la somme de l3 471,38 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter Me [Z] de toutes ses conclusions plus amples ou contraires,

- le condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris.

Le syndicat estime avoir régulièrement formé opposition dans le délai de 15 jours qui lui était ouvert par le courrier du notaire aux fins de purge du 4 avril 2016, suite à la survenue de l'acte de vente du 18 mars 2016. Aucune contestation n'aurait été émise suite à son opposition qui devait lui permettre de faire valoir son privilège mentionné à l'article 19.1 de la loi du 10 juillet 1965.

Le notaire aurait commis une faute en ne tenant pas compte de cette opposition formée dans le délai et en ignorant le caractère exécutoire de la décision à l'origine de la créance du syndicat de copropriété.

Quand bien même il est reproché une absence de ventilation de sa créance au visa de l'article 20 de la loi de 1971 et de l'article 5 du décret de 1967, à aucun moment la validité de l'opposition n'a pas été contestée ; à la date de l'ouverture de la procédure collective, elle aurait alors dû être prise en compte, et ce d'autant plus qu'il existe un décompte qui ventile parfaitement les créances de différentes valeurs conformément aux textes.

Contrairement à ce que le premier juge a retenu, cette faute aurait causé un préjudice. Le notaire n'a pas tenu compte de cette créance, et n'a pas porté à la connaissance du liquidateur son existence, de sorte que le syndicat aurait perdu « toute chance de recouvrement de sa créance à hauteur de son montant, soit la somme de 13 471,38 euros » (page huit des conclusions).

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 décembre 2021, Me [D] [Z] demande à la cour de :

- déclarer l'appel du syndicat des copropriétaires de la résidence Peupliers Camus mal fondé,

En conséquence,

- le rejeter

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner le syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d'appel.

Bien que la partie intimée demande la confirmation en son intégralité du premier jugement, dans ses écritures elle conteste la décision du premier juge qui a retenu l'existence d'une faute à son encontre.

A ce sujet, le notaire estime qu'à défaut d'opposition à paiement régulière (en ce qu'elle ne contenait aucunement les mentions prévues à peine de nullité, soit un état détaillé précis des montants dus) on ne saurait lui imputer une faute car il n'aurait pas été tenu de tenir compte de cette opposition qu'il savait irrégulière.

Et même si on devait le considérer comme ayant été à l'origine d'une faute - en débutant la procédure de purge avant l'expiration du délai d'opposition - l'intimé estime que cette faute serait sans aucun rapport avec le préjudice prétendu.

Il considère que la perte de rang privilégié résulte de la carence du syndicat, de la présence d'autres inscriptions conventionnelles et légales dont une hypothèque plus ancienne d'exécution forcée au profit de la caisse de crédit mutuel pour 302 113 euros en capital. Il avance que la créance du syndicat des copropriétaires aurait été contestée et n'aurait pu aboutir à un quelconque versement, rappelant que l'acte de vente avait porté sur un prix de 19 000 euros alors que le montant total des inscriptions s'élevait à 476 906,45 euros.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 11 mai 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

Lors de la mutation à titre onéreux d'un lot, le syndicat des copropriétaires peut, par le biais de son syndic, former opposition pour obtenir le paiement des sommes dues, notamment au titre des charges, par l'ancien propriétaire.

Le syndic doit pour cela signifier, par acte d'huissier, son opposition, dans le délai de quinze jours suivant la réception de l'avis de mutation que lui a envoyé le notaire, par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours à compter de la mutation, et ce conformément à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965.

L'opposition prévue par l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 permet au syndicat des copropriétaires de s'opposer au versement de la partie du prix de la vente correspondant aux sommes que le vendeur reste devoir à la collectivité.

 

Pour être recevable, cette opposition doit remplir plusieurs conditions, posées par l'article 5-1 du décret du 17 mars 1967 qui précise que :

 « Pour l'application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation.

L'opposition éventuellement formée par le syndic doit énoncer d'une manière précise :

1° Le montant et les causes des créances du syndicat afférent aux charges et travaux mentionnés aux articles 10 et 30 de la loi du 10 juillet 1965 de l'année courante et des deux dernières années échues ;

 2° Le montant et les causes des créances du syndicat afférent aux charges et travaux mentionnés aux articles 10 et 30 de la loi du 10 juillet 1965 des deux années antérieures aux deux dernières années échues ;

3° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat garanti par une hypothèque légale et non comprises dans les créances privilégiées, visées aux 1° et 2° ci-dessus

 4° Le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat non comprises dans les créances visées aux 1°, 2° et 3° ci-dessus.

Il ressort de ces dispositions que l'opposition doit donc énoncer le montant et les causes de la créance à peine de nullité et que les effets de l'opposition sont limités aux montants ainsi énoncés.

Il est de jurisprudence constante qu'est jugée irrégulière l'opposition qui ne fait pas apparaître de manière précise le montant et les causes des créances du syndicat des copropriétaires (Civ.2, 20 octobre 2005, n°03-17550).

Au cas d'espèce, le syndicat des copropriétaires appelant disposait d'une créance sur Madame [K] [O] en vertu d'un jugement du 16 octobre 2015, d'un total de 10 173,11 euros en principal augmentée des intérêts légaux à compter du 7 août 2015, plus 400 euros à titre de dommages-intérêts et 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce qui représente un total de 11 573,10 euros hors intérêts et frais.

Il a été avisé par un courrier de Me [Z] du 24 mars 2016 que ce dernier avait reçu un acte de vente le 18 mars 2016 portant sur l'appartement appartenant à Madame [K] [O] au sein de la copropriété [Adresse 7]. Il est à noter que le courrier du 24 mars 2016 a été réceptionné le 1er avril 2016 (annexe 9 du syndicat).

Le syndicat des copropriétaires a régulièrement formé opposition dans le délai de 15 jours ouvert à compter de la date de réception du courrier du 24 mars 2016, par acte d'huissier de justice le 7 avril 2016 dans lequel il était :

- indiqué que le syndicat était créancier de Madame [K] [O] et que par le présent acte il s'opposait à ce que le notaire libère le prix d'acquisition de l'immeuble vendu hors sa présence,

- rappelé que cette opposition était faite conformément à l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 modifié par la loi du 21 juillet 1994 pour garantir le paiement des sommes de

* 13 216,64 euros en principal,

* 17,06 euro au titre des droits proportionnels,

* 237,68 euros au titre du présent acte d'opposition,

soit un montant total de 13 471,38 euros.

Or le notaire a, avant l'expiration du délai de 15 jours ouvert au syndicat des copropriétaires (qui ne prenait fin que le 16 avril), rédigé le 4 avril 2016 un document intitulé « notification aux fins de purge » dans lequel il a établi un tableau des hypothèques et autres inscriptions, ne retenant pour le syndicat des copropriétaires qu'une somme de 1 567,47 euros en capital au titre d'une hypothèque légale datée du 15 janvier 2015.

Ce faisant, le notaire a ignoré le droit du syndicat de copropriétaires en émettant son courrier du 4 avril 2016 avant le terme du délai de 15 jours qui était ouvert pour se manifester et dénoncer sa créance de 13 471.38 euros (et non pas de 1 567.47 euros comme retenue dans la précipitation par le notaire).

Le premier juge a, à juste titre, estimé que ce faisant, Me [D] [Z] a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil.

Cette faute a nécessairement entraîné une perte de chance pour le syndicat des copropriétaires de pouvoir récupérer tout ou partie de sa créance.

Le notaire avance de nombreux arguments concernant la non régularité de l'opposition que lui a adressée le syndicat des copropriétaires, mais ne démontre nullement que ce dernier aurait perdu toute chance de se voir régler une partie de sa créance.

La complexité de la procédure, la multiplicité des créanciers, et le fait que les informations apportées dans l'opposition du 7 avril 2016 adressée au notaire par le syndicat des copropriétaires ne répondaient probablement pas aux exigences posées par l'article 5.1 du décret évoqué précédemment, ne sont pas de nature à supprimer l'existence d'un préjudice, découlant d'une simple perte de chance.

Le jugement de première instance, en ce qu'il a écarté l'existence de tout préjudice, devra être infirmé sur ce point.

Les éléments de fait rappelés dans le paragraphe précédent (complexité de la procédure, multiplicité des créanciers, débat sur la validité des informations contenues dans l'opposition du 7 avril 2016 adressée au notaire) font que la perte de chance de pouvoir récupérer la créance de l'ancienne copropriétaire, était modeste ; elle sera chiffrée à 25 %.

Le notaire sera dès lors condamné à verser à l'appelant une somme de 3 367,85 euros à titre de dédommagement.

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera également infirmé.

Me [D] [Z], partie succombante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et à verser au syndicat des copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, représentée par son syndic, la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Me [D] [Z] tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 11 mai 2021 ,

Et statuant à nouveau et y ajoutant

CONDAMNE Me [D] [Z] à payer au syndicat des Copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, représentée par son syndic, la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin la somme de 3367,85 euros (trois mille trois cent soixante-sept euros et quatre- vingt- cinq centimes) à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE Me [D] [Z] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel,

CONDAMNE Maître [D] [Z] à verser au syndicat des Copropriétaires de la Résidence Peupliers Camus, représentée par son syndic, la SAS Foncia Alsace Haut-Rhin une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Me [D] [Z] de fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03138
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.03138 ?
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