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29/06/2023 | FRANCE | N°21/02749

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 juin 2023, 21/02749


MINUTE N° 341/2023





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 29 juin 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 29 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02749 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTI4



Décision déférée à la cour : 09 Avril 2021 par le tri

bunal judiciaire de Mulhouse





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Madame [N] [Y] épouse [K]

demeurant [Adresse 4] à [Localité 9]



Monsieur [F] [Y]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]



représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la co...

MINUTE N° 341/2023

Copie exécutoire

aux avocats

Le 29 juin 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02749 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTI4

Décision déférée à la cour : 09 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Madame [N] [Y] épouse [K]

demeurant [Adresse 4] à [Localité 9]

Monsieur [F] [Y]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 7]

représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me Pascale LAMBERT, avocat à Mulhouse.

INTIMÉE :

Madame [T] [S]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 12]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me NAHON, avocat à Mulhouse

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

Madame [H] [L]-[J]

demeurant [Adresse 6] à [Localité 8]

représentée par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [H] [L] veuve [J], née le 15 mars 1940, a fait la connaissance de Monsieur [W] [Y], également veuf, né le 26 octobre 1926, au courant de l'année 2014. Ce dernier s'est installé chez elle, quittant le domicile dont il est l'usufruitier.

Madame [L] et Monsieur [Y] ont contracté un pacte civil de solidarité le 28 octobre 2015, devant Maître [P] notaire à [Localité 10]. Monsieur [Y] a enregistré le même jour devant Maître [P] un testament authentique instituant Madame [L] comme légataire universelle de tous ses biens.

Monsieur [Y] a signé le 10 mai 2016 un compromis de vente aux fins de céder à Madame [T] [S] un terrain constructible à [Localité 12] pour un prix de 120 000 euros. L'acte prévoyait en page 7 un paragraphe relatif à la régularisation de l'accès au terrain, faisant mention, qu'à titre de condition essentielle et déterminante, la vente était soumise à la condition suspensive de la constitution d'une servitude de passage sur une parcelle appartenant à un tiers, Monsieur [Z], Monsieur [Y] s'engageant à faire toutes les démarches nécessaires pour permettre cet accès.

L'acte portant constitution de servitude a été signé par Monsieur [Y] le 22 juillet 2016.

Monsieur [Y] est décédé le 31 juillet 2016, laissant comme ayant droits ses deux enfants - Madame [N] [Y] épouse [K] et Monsieur [F] [Y] - et sa concubine Madame [H] [L] veuve [J], sans avoir pu signer l'acte réitératif de vente du terrain avec Madame [S].

Par acte introductif d'instance du 22 octobre 2016, Madame [S], en raison de l'absence de réitération du compromis de vente par acte authentique, a fait citer Madame [H] [L], Madame [N] [Y] épouse [K] et Monsieur [F] [Y] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse afin de les voir condamnés à signer l'acte de vente sous la forme authentique portant sur le terrain à bâtir concerné par le compromis de vente du 10 mai 2016.

Par courrier officiel de son conseil en date du 24 janvier 2017, Madame [L] a fait savoir qu'elle n'était pas opposée à signer l'acte de vente.

Deux ordonnances du juge de la mise en état de Mulhouse ont été rendues :

- une première le 17 mai 2018, confirmée à hauteur d'appel le 27 février 2019, rejetant la demande de sursis à statuer des consorts [Y] dans l'attente du retour de la procédure pénale initiée suite au dépôt de plainte pour abus de faiblesse,

- une seconde le 16 juillet 2020 rejetant la demande des consorts [Y] en vue de désignation d'un expert médecin chargé d'une mission sur pièces.

Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a notamment déclaré recevable l'action de Madame [S], rejeté l'exception de nullité du compromis de vente soutenue par les enfants de Monsieur [W] [Y], les a condamnés à régulariser l'acte authentique de vente sous astreinte de 300 euros par jour de retard et au paiement de la somme de 1 200 euros à Madame [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Madame [H] [L] a été condamnée à supporter ses propres dépens et s'est vue refuser l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé la coexistence de plusieurs procédures, les premiers juges ont estimé que les consorts [Y] :

* disposaient bien du statut d'héritiers de Monsieur [W] [Y],

* ne justifiaient pas de l'existence d'une contrainte ou de violences exercées par Madame [H] [L] veuve [J] sur leur père ni que ce dernier ait souffert d'une insanité d'esprit, au moment où il a signé le compromis de vente le 10 mai 2016.

Le tribunal a considéré que le fait qu'il ait été atteint d'un cancer de la prostate et du pancréas ' maladie grave de nature à fragiliser son état de santé tant physique que psychique ' n'était en soi pas synonyme d'insanité d'esprit au sens de l'article 414'1 du code civil, qui suppose la démonstration de l'existence d'un trouble mental dont la preuve n'était pas rapportée en l'espèce.

La juridiction a observé qu'aucune pièce médicale n'était produite aux débats et que la liste des médicaments que prenait leur père lors de son traitement, avec leurs effets indésirables, ne saurait suffire à établir un état d'insanité d'esprit.

Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] ont interjeté appel de ce jugement le 15 mai 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 4 juillet 2022, Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] demandent à la cour de :

DECLARER Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] recevables en leur appel.

Les DIRE bien fondés.

INFIRMER le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que lors de la signature du compromis de vente en date du 10 mai 2016, le consentement de Monsieur feu [W] [Y] était vicié et que celui-ci n'était pas sain d'esprit.

En conséquence,

PRONONCER la nullité du compromis de vente signé le 10 mai 2016 entre feu [W] [Y] et Madame [T] [S].

DEBOUTER Madame [T] [S] et Madame [H] [L] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions.

DEBOUTER Madame [T] [S] et Madame [H] [L] de l'ensemble de leurs appels incidents.

CONDAMNER Madame [T] [S] aux frais et dépens nés de l'appel principal et des appels incidents ainsi qu'au paiement d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants estiment que leur père se serait trouvé, au moment de la signature du compromis de vente litigieuse du 10 mai 2016, dans une situation de grande vulnérabilité tant psychologique que physique, et que son discernement aurait été altéré.

Ils regrettent que par ordonnance du 16 juillet 2020, le juge de la mise en état a rejeté leur demande d'expertise médicale qui aurait été de nature à démontrer l'existence de cette vulnérabilité. Aussi font-ils référence aux médicaments que prenait leur père, présentant des effets secondaires de nature à altérer sa lucidité.

En outre Monsieur [W] [Y] aurait été sous la contrainte et l'emprise de son entourage, Madame [L] l'ayant coupé de ses amis, de ses enfants et même de son assistante à domicile, de sorte que le vendeur aurait été isolé du monde extérieur.

Il conviendrait de tenir compte de ce contexte, à savoir qu'à peine six mois après s'être pacsé avec Mme [L] et l'avoir instituée légataire universelle, Monsieur [W] [Y] signait avec Madame [S] un compromis de vente portant sur un terrain à [Localité 12] qu'il n'avait jamais souhaité vendre précédemment. Les appelants rappellent l'âge de leur père au moment de la signature du compromis, 90 ans, le fait que son organisme aurait été fortement impacté par le cancer généralisé dont il souffrait, estimant que la signature qu'il avait apposée sur le compromis était celle d'un homme très affaibli.

Ils continuent en expliquant que ce serait également sans discernement que leur père a signé le 22 juillet 2016, soit une semaine avant son décès, un acte portant constitution d'une servitude pour permettre la réalisation d'une des conditions suspensives stipulées au compromis de vente, cet acte ayant été signé alors qu'il était hospitalisé à la clinique du diaconat à [Localité 10].

Le tribunal judiciaire de Mulhouse ayant refusé d'ordonner une expertise médicale, les appelants avaient fait appel « en désespoir de cause » (page 13 leurs conclusions) au Docteur [U] [D] expert près la cour d'appel de Colmar qui dans un rapport médical réalisé sur pièces, aurait évoqué clairement un risque de confusion et d'hallucination engendré par la prise de traitements médicamenteux, tout en concluant qu'à la date du 22 juillet 2016 Monsieur [W] [Y] n'aurait plus été en état de signer un acte juridique.

Les enfants du défunt estiment également que les conclusions des autres parties resteraient « étrangement silencieuses au sujet de la chronologie des événements de même qu'elles ne prennent pas position au sujet des pièces médicales produites », et ajoutent que le fait de ne pas avoir contesté le testament rédigé par leur père ne les priverait pas du droit de contester la régularité du compromis de vente signé six mois après le testament, à une époque où l'état de santé de leur père aurait été très dégradé.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 octobre 2021, Madame [H] [L] veuve [J] demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

DONNER acte à Madame [L] de ce qu'elle accepte de signer l'acte de vente sous la forme authentique portant sur le terrain de 7 ares à [Localité 12] cadastré section [Cadastre 3]

STATUER ce que de droit sur les mérites de l'appel des consorts [Y]-[K]

Sur l'appel incident de Madame [L]-[J] :

Le DECLARER recevable et bienfondé

Y faire droit et en conséquence :

INFIRMER partiellement la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame [L] à supporter ses propres dépens

STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER Madame [N] [K] née [Y] et Monsieur [F] [Y] aux entiers frais et dépens de première instance

En tout état de cause :

DEBOUTER Madame [N] [K] née [Y] et Monsieur [F] [Y] de toute demande formée à l'encontre de Madame [L]

DEBOUTER Madame [S] de toute demande dirigée à l'encontre de Madame [L]

CONDAMNER solidairement Madame [N] [K] née [Y] et Monsieur [F] [Y] à garantir Madame [L] de toute condamnation susceptible d'intervenir à son encontre en principal, frais et accessoires

CONDAMNER Madame [N] [K] née [Y] et Monsieur [F] [Y] aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [H] [L] veuve [J] affirme que les appelants auraient mal vécu le fait que leur père ait pu refaire sa vie et se pacser avec elle, et que la fille de Monsieur [W] [Y] n'aurait plus entretenu de relations avec ce dernier depuis de nombreuses années.

Elle indique, s'agissant de la présente procédure, qu'elle souhaite respecter la volonté de Monsieur [W] [Y] et qu'elle n'a jamais été opposée à la signature de l'acte authentique portant réitération de la vente, ce qu'elle a d'ailleurs fait savoir à Madame [S].

Il n'y aurait alors pas lieu de la condamner, à quelque titre que ce soit, à prendre en charge les frais de la présente procédure, de sorte qu'elle forme un appel incident en ce que la première décision l'a condamnée à supporter ses propres dépens.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 avril 2022, Madame [S] demande à la cour de :

SUR L'APPEL PRINCIPAL :

DECLARER Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] irrecevables et mal fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- REJETER l'appel

DEBOUTER Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] de l'intégralité de leurs fins et conclusions

- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions

SUR L'APPEL INCIDENT de Mme [L] :

- STATUER ce que de droit

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER solidairement Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] à payer à Madame [T] [S] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER solidairement Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] aux dépens d'appel.

Madame [S] rappelle que les enfants de Monsieur [W] [Y] disposent de la qualité d'héritiers de ce dernier.

Elle fait sienne l'analyse du premier juge, en ajoutant que la signature du compromis de vente ne serait nullement contraire aux intérêts du défunt et qu'en outre le prix de vente ne serait pas lésionnaire.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 4 mai 2023.

Madame [H] [L] veuve [J] a saisi le conseiller de la mise en état le 16 février 2023 en vue d'obtenir la révocation de l'ordonnance de clôture aux motifs qu'elle souhaitait verser aux débats une copie du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 4 novembre 2022 qui aurait rejeté l'action en nullité soutenue par Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] au sujet de l'acte notarié contenant constitution de servitude du 22 juillet 2016 passé par Monsieur [W] [Y].

Par ordonnance du 24 février 2023, la requête était rejetée au motif que la décision, non définitive du tribunal judiciaire de Mulhouse, ne pouvait lier la cour dans son appréciation devant porter sur la validité du compromis de vente signé par Monsieur [W] [Y] le 10 mai 2016.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur la validité du compromis de vente du 10 mai 2016

L'article 414'1 du code civil pose le principe que « pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ».

Le trouble mental dont la preuve doit être rapportée doit donc exister au moment précis où l'acte attaqué a été fait.

Mais si l'acte d'insanité d'esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l'acte litigieux, il revient au défendeur d'établir en pareil cas l'existence d'un intervalle lucide au moment où l'acte a été passé.

Les consorts [Y] soutiennent que leur père, Monsieur [W] [Y], n'aurait plus été sain d'esprit le 10 mai 2016, jour où il a signé un compromis de vente d'un terrain au profit de Madame [S], cette insanité découlant d'une part de troubles psychiques en lien avec son âge et au traitement qu'il suivait depuis de nombreux mois pour lutter contre le cancer dont il était atteint, et d'autre part car il aurait été sous l'influence, voire l'emprise, de sa nouvelle compagne - Madame [H] [L] veuve [J] - avec laquelle il s'était pacsé six mois plus tôt.

S'agissant de la question de l'emprise, force est de constater que les appelants ne produisent aucune pièce de nature à démontrer que leur père âgé de près de 90 ans aurait été dans une situation telle qu'on pourrait estimer qu'il avait perdu sa capacité de discernement, suite à des man'uvres ou des attitudes dolosives adoptées par sa compagne ou par son entourage.

Les enfants du vendeur ne produisent aucune attestation, ou autres pièces, de nature à connaître les conditions d'existence de Monsieur [W] [Y] durant les mois qui ont suivi son installation au domicile de Madame [H] [L] veuve [J] ou à démontrer qu'il a été victime d'un comportement abusif de nature à lui faire perdre tout discernement et libre arbitre.

L'existence d'une procuration générale signée par Monsieur [W] [Y] au profit de Madame [H] [L] veuve [J] le 7 juin 2016, soit quelques semaines avant son décès, l'existence de chèques signés par Monsieur [W] [Y] au profit de Madame [H] [L] veuve [J] (notamment en vue de l'achat d'un véhicule et de la réalisation de travaux dans la salle de bain de la maison de Madame [H] [L] veuve [J] ) ne sont pas à même de démontrer l'existence d'une insanité d'esprit.

En outre le fait que la procuration n'ait été signée par Monsieur [W] [Y] au profit de Madame [H] [L] veuve [J] qu'au mois de juin 2016 ' et non pas dès son installation au domicile de Madame [H] [L] veuve [J] ' laisse à penser que Monsieur [W] [Y] continuait de gérer seul des affaires jusqu'à quelques semaines de son décès survenu le 31 juillet 2016.

Quant à la lettre anonyme reçue par Madame [K] le 27 juin 2016 dans lequel il lui était intimé : « ouvre bien tes yeux, car ton père va se faire déplumer jusqu'au dernier sou par la vieille buse » (') « ils abusent de son âge regarde bien son testament sa maison et le terrain » (annexe 5 des appelants), elle ne peut constituer à elle seul un élément de preuve suffisant et sérieux.

Le jugement, qui a écarté l'existence d'un vice du consentement suite à une emprise ou même du fait de l'âge de Monsieur [W] [Y], doit être confirmé.

S'agissant de la question de l'affectation de l'état de conscience de Monsieur [W] [Y], de par les traitements reçus pour lutter contre son cancer, alléguée par les appelants, ces derniers produisent en annexe 28 un documents intitulé « observation paramédicale'psychologue » rédigé le 22 juillet 2016 par le psychologue de l'hôpital qui précise « souffrance affective, morosité, rupture familiale avec sa fille depuis 1990, voit son fils de temps en temps. Plus de relations avec P-enf et arr-P-Enf. conscient de son état qu'il accepte mal ».

La cour note dans un premier temps que ce document a été établi le 22 juillet 2016 soit très postérieurement à la date à laquelle le compromis de vente ' dont la validité est discutée - a été signé (le 10 mai 2016) de sorte que ce document n'est pas susceptible d'apporter des éléments d'information utiles quant à la capacité de discernement de Monsieur [W] [Y] au 10 mai 2016. De toute manière, à aucun moment le psychologue n'a évoqué un état de conscience défaillant ou de confusion.

D'autre part, les appelants produisent un rapport médical sur pièces réalisé à leur demande par le docteur [U] [D], saisi pour donner un « avis médical quant à l'état des fonctions supérieures de Monsieur [Y] [W] juste avant son décès » (première page de la pièce 29).

Contrairement à ce qu'ils soutiennent, le docteur [D] n'a pas retenu l'existence d'une altération mentale de Monsieur [W] [Y] au jour où il a signé le compromis de vente.

En effet, après avoir rappelé que Monsieur [W] [Y] souffrait de « un cancer céphalique du pancréas, réputé très algique, quasiment rebelle quant à l'intensité de la douleur, avec nécessité de traitement antalgique très soutenu de la famille des opiacés », le médecin affirme que le jour de la signature de l'acte de servitude (et non pas du compromis de vente)« son état général est apparu très altéré (pesée impossible, alimentation difficile ou nul et entretien avec un psychiatre à la demande d'une infirmière du service pour troubles comportementaux) » mais sans retenir l'existence d'un état confusionnel.

De même, à l'occasion de l'analyse en page 2 des traitements médicamenteux qui ont été administrés durant l'année 2016 à Monsieur [W] [Y], et plus exactement des effets indésirables notoires notamment du « Topalgic injectable », le médecin conseil ne conclut nullement à ce que ces traitements ont empêché Monsieur [W] [Y] d'être conscient au moment de la signature du compromis de vente le 10 mai 2016. Il a noté au sujet du médicament « Topalgic » que « des effets indésirables notoires de ce produit, sont d'abord la somnolence, avec plus rarement des hallucinations et une confusion mentale » sans qu'il ne précisât que de tels effets indésirables (qu'il a qualifiés de « rares ») aient été constatés sur la personne de Monsieur [W] [Y].

Enfin, et en tout état de cause, dans sa conclusion générale, le docteur [D] n'évoque pas l'existence ' voire même de la possibilité - d'un état confusionnel ou la présence d'une insanité d'esprit au moment de la signature du compromis de vente, se contentant d'avancer que « il apparaît évident qu'une expertise médicale détaillée comprenant la totalité des documents puisse être diligentée afin d'éclairer légitimement les enfants de Monsieur [Y] [W] ».

Il résulte par conséquent de ces deux documents de nature médicale, qu'ils n'établissent pas l'existence d'une insanité d'esprit chez Monsieur [W] [Y] à la date à laquelle il a signé le compromis de vente le 10 mai 2016.

La production des annexes 12, 13, 14 et 15 des appelants, qui comportent la liste des traitements médicamenteux administrés à leur père et les extraits du Vidal concernant les effets secondaires des médicaments Ciflox, Stilnox et Topalgic, n'est pas à même de démontrer quoi que ce soit au cas particulier de Monsieur [W] [Y].

Le jugement de première instance ayant rejeté l'ensemble des demandes de Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] et les condamnant à régulariser l'acte authentique de vente concernant le bien cadastré section [Cadastre 2], [Adresse 11] sur la commune de [Localité 12], doit par conséquent être confirmé en toutes ses dispositions.

2) Sur l'appel incident de Madame [H] [L] veuve [J]

C'est à juste titre que Madame [H] [L] veuve [J] rappelle qu'elle ne s'est jamais opposée à la régularisation de l'acte authentique de vente de sorte qu'elle « subit » cette procédure qui a été initiée par Madame [S] à l'encontre des héritiers de Monsieur [W] [Y].

Aussi y a-t-il lieu de constater qu'elle n'était pas partie succombante en première instance.

La décision du premier juge laissant à sa charge les dépens et la privant d'une indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit être infirmée.

Seuls les enfants de Monsieur [W] [Y] devront prendre en charge les dépens.

3) Sur les demandes accessoires

Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y], parties succombantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Madame [S] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

D'autre part ils seront également condamnés à verser au titre des frais irrépétibles engagés par Madame [H] [L] veuve [J] à l'occasion de la procédure d'appel, une somme de 2 000 euros.

Ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Madame [N] [K] et Monsieur [F] [Y] tendant à être indemnisés de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 9 avril 2021 sauf en ce qu'il a condamné Madame [H] [L] veuve [J] à supporter ses propres dépens,

Et statuant à nouveau sur ce seul point et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Monsieur [F] [Y] et Madame [N] [Y] épouse [K] aux entiers dépens de l'instance,

CONDAMNE Madame [N] [Y] épouse [K] et Monsieur [F] [Y] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Madame [N] [Y] épouse [K] et Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [H] [L] veuve [J] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel,

CONDAMNE Madame [N] [Y] épouse [K] et Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [T] [S] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [Y] et Madame [N] [Y] épouse [K] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02749
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.02749 ?
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