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29/06/2023 | FRANCE | N°21/01874

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 juin 2023, 21/01874


MINUTE N° 335/2023





























Copie exécutoire à



- Me Katja MAKOWSKI



- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY





Le 29 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 29 Juin 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01874 - N° Portalis DBVW-V-B7

F-HRX7



Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur appel incident :



La S.A.R.L. HCA - HERITAGE COLLECTION AUTO ANCIENNEMENT FORMULA AUTOMOBILES

prise en la personne de ses représentants l...

MINUTE N° 335/2023

Copie exécutoire à

- Me Katja MAKOWSKI

- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY

Le 29 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 Juin 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01874 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRX7

Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur appel incident :

La S.A.R.L. HCA - HERITAGE COLLECTION AUTO ANCIENNEMENT FORMULA AUTOMOBILES

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 3]

représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

Monsieur [F] [E]

Madame [V] [I] épouse [E]

Monsieur [D] [E]

demeurent tous trois [Adresse 1] à [Localité 4]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction.

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er mars 2016, la SARL Formula Automobiles a établi au nom des M. et Mme [F] [E] un bon de commande d'un véhicule Ford Mustang cabriolet V8 d'occasion pour un montant total de 65 510 euros moyennant un acompte de 10000 euros.

Ce document a été adressé pour signature par courriel du 3 mars 2016 à l'adresse de « [E]-revalorisation » et a été retourné à la société Formula Automobiles après apposition d'une signature pour le compte de l'acheteur.

L'acompte de 10 000 euros payé par M. [D] [E], fils de M. [F] [E] et Mme [V] [I], épouse [E] a été crédité, le 4 mars 2016, sur les comptes bancaires de la SARL Formula Automobiles.

Par SMS du 22 mars 2016, M. [Z], gérant du garage vendeur, a informé les époux [E] de ce que le véhicule était livré au garage.

Par SMS du 14 avril 2016, Mme [E] a indiqué à M. [Z] que la livraison et le paiement du solde étaient repoussés compte tenu de contraintes professionnelles.

Le 20 août 2018, les époux [E]-[I] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Strasbourg la SARL Formula Automobiles, à titre principal, en nullité de la vente, à titre subsidiaire, en résolution de celle-ci.

M. [D] [E] est intervenu volontairement à1'instance.

Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- dit recevables Mme [V] [I] et M. [F] [E] en leurs demandes ;

-   débouté Mme [V] [I] et M. [F] [E] de leurs demandes en nullité du contrat de vente ;

-  prononcé la résolution du contrat de vente aux torts conjoints des parties ;

-      ordonné à la SARL Formula Automobiles de restituer l'acompte de 10 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2017, et ce sous astreinte de 50 euros par jour passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement ;

-  dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

-   condamné Mme [V] [I] et M. [F] [E] à verser une somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts à la SARL Formula Automobiles ;

-  débouté Mme [V] [I] et M. [F] [E] de leur demande en dommages intérêts pour résistance abusive ;

-   dit sans objet la demande de M. [D] [E] ;

-   laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;

-   débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-   débouté les parties de leurs demandes pour le surplus.

Le tribunal a considéré que la demande des époux [E]-[I] tendant à la restitution de l'acompte était recevable, même s'il avait été versé par leur fils, dès lors que son versement, selon une dénomination visible pour le garage récipiendaire a été considéré par toutes les parties comme une exécution de cette obligation par les acquéreurs.

Sur la demande de nullité du contrat de vente, le tribunal a, tout d'abord, considéré qu'elle n'était pas encourue au regard des dispositions de l'article L.121-18-2 du code de la consommation, puisque la vente en cause ne relevait pas de la réglementation du contrat hors établissement au sens des dispositions de l'article L.121-18-2 du même code, le contrat ayant été établi au moyen d'une technique de communication à distance mais pas  immédiatement après que le consommateur ait été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et ou les parties étaient physiquement et simultanément présentes, peu importe qu'en page 2 du bon de commande, des mentions types n'étant à remplir que si la situation l'exige, soient restées vierges.

Le tribunal n'a pas retenu que le contrat relevait de la réglementation du contrat à distance prévue par les articles L.121-16 et suivants du code de la consommation dès lors que le contrat en cause ne relevait pas d'un système organisé de vente à distance, les acheteurs n'ayant pas eu recours à une offre dématérialisée de vente à laquelle ils ont souscrit à distance en se portant acquéreur d'un véhicule proposé à la vente.

Il a souligné que le fait que le contrat ait été établi sans contact physique, et avec des approximations notables quant à sa date d'établissement puisque daté du 1er mars 2016 alors qu'il a manifestement été établi le 3 suivant puis signé par la suite par l'acquéreur, ne permettait pas de l'inscrire dans un système organisé de vente à distance.

Sur la demande en résolution de la vente formulée tant par le vendeur que les acquéreurs, le tribunal a fait état de ce que les époux [E]-[I], après avoir obtenu un délai de livraison promis d'une brièveté caractérisée, moins de trois semaines après le versement de l'acompte pour un véhicule non présent dans les stocks du garage, n'avaient informé ce dernier que le 14 avril 2016 qu'ils ne prendraient pas livraison immédiatement et ne le paieraient pas en raison de contraintes professionnelles propres.

Il a ajouté que c'est seulement trois semaines plus tard que les époux [E]-[I] avaient invité, sans date précise, leur co-contractant à une attente renouvelée et indéterminée et qu'informés, le 18 avril 2016, par le garage du fait que le véhicule automobile de marque Ford modèle Mustang était remis en vente, les époux [E]-[I] n'avaient manifesté aucune réprobation ou indignation, et que, tout au contraire, pendant de nombreux mois les parties étaient restées en relations courtoises en projetant une nouvelle acquisition après celle inaboutie, et en considérant manifestement à ce stade l'acompte comme un avoir en perspective d'une vente future.

Le tribunal a ainsi retenu :

-  la faute des acquéreurs dans leur exécution contractuelle en ne versant pas le solde en dépit d'une réception assurée dans les délais contraints exigés ;

-   la faute de la défenderesse qui a considéré que la vente était résolue de plein droit, ce que ne permet pas l'article 1384 ancien du code civil, sans recherche d'un accord sur ce point ou mise en demeure aux acquéreurs de régler, en revendant à son profit le véhicule.

Le tribunal a alloué des dommages et intérêts à hauteur de 3000 euros à la SARL Formula Automobiles au titre des errements des acquéreurs.

Il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par les époux [E]-[I] considérant qu'ils n'entendaient manifestement pas poursuivre plus avant leur engagement initial.

La société Héritage Collection Auto (HCA) venant aux droits de la société Formula Automobiles a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 7 avril 2021.

L'instruction a été clôturée le 6 septembre 2022.

 

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2022, la SARL HCA demande à la cour de :

-    confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a : 

' débouté les époux [E]-[I] de leur demande de nullité du contrat de vente, 

' débouté les époux [E]-[I] de leur demande de dommages intérêts pour résistance abusive,

' débouté M. [D] [E] de sa demande ;

 pour le surplus :

-         infirmer le jugement déféré en ce qu'il a : 

' dit recevables les époux [E]-[I] en leurs demandes,  

' prononcé la résolution du contrat de vente aux torts conjoints des parties,

' ordonné la restitution de l'acompte de 10 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2017 et sous astreinte de 50 euros par jour passé suivant la signification du jugement,

' condamné les demandeurs à 3000 euros au titre des dommages-intérêts ;

 statuant nouveau :

- dire et juger irrecevables, à tout le moins mal fondées, l'ensemble des demandes des époux [E] ;

-  dire et juger qu'au regard des dispositions de l'article L.121-16 du code de la consommation, le contrat objet du présent litige ne s'analyse ni comme étant conclu hors établissement, ni comme une vente à distance ;

-  dire et juger qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de l'annuler ;

-  dire et juger que le contrat prévoyait un délai de livraison au 22 mars 2016 ;

- dire et juger que la société Formula Automobiles a exécuté ses obligations prévues au contrat et n'a pas procédé à sa résolution de plein droit ;

- dire et juger que la société Formula Automobiles a exercé de manière légitime l'exception d'inexécution conformément aux dispositions des articles 1219 et 1220 anciens du code civil, en suspendant ses obligations ; 

-  juger qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'en prononcer la résolution à ses torts ;

-  juger que les conditions d'un enrichissement injustifié au détriment de M. [D] [E], ne sont pas apportées au sens de l'article 1303 du code civil ;

en conséquence :

- dire et juger que les  époux [E]'[I] n'ont pas  exécuté  leur obligation  au paiement du prix tel que convenu au contrat ;

- prononcer la  résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs des  époux [E]-[I] ;

-  dire et juger  ne pas y avoir lieu à restitution par elle de l'acompte de 10000 euros perçu, suite à la non-exécution par les intimés de leur obligation contractuelle de paiement du prix tel que convenu au contrat ;

-  rejeter l'appel incident formé par les intimés ; 

- débouter les époux [E]-[I] de l'ensemble de leurs demandes incidentes ;

- débouter M. [D] [E] de sa demande incidente de restitution de l'acompte de 10 000 euros ;

subsidiairement, si la cour devait faire droit à la demande de restitution de l'acompte de 10 000 euros, aux époux [E]- [I] ou à M. [D] [E] :

- dire et juger que l'inexécution par les intimés de leur obligation au paiement du solde du prix, lui a été préjudiciable ;

-   condamner les époux [E]-[I] à lui payer la somme de 10 000 euros de  dommages-intérêts au titre des diligences accomplies par cette dernière et  des conséquences subies suite au défaut de paiement du prix par les demandeurs ;

en tout état de cause :

- condamner les époux [E]-[I] et M. [D] [E] aux entiers dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'au versement d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société HCA soutient que la demande de remboursement de l'acompte faite par les époux [E]-[I] est irrecevable puisque c'est M. [D] [E] qui a versé l'acompte.

Elle ajoute que le mail produit en annexe 1 par les demandeurs concernant l'acompte et le bon de commande ainsi que les mails échangés portent la signature de Mme [V] [E] [V] pour la SAS [E] Revalorisation.

Elle en déduit que n'ayant pas exécuté l'obligation au paiement de cet acompte, les époux [E]-[I] ne pouvaient dès lors en demander le remboursement, faute d'intérêt à agir, de justification par une convention, une libéralité, une disposition légale ou règlementaire, à se voir rembourser l'acompte.

La société HCA considère que la demande d'annulation du contrat de vente n'est pas fondée puisqu'il n'y a pas de démarchage et de contrat hors de son établissement au sens des dispositions de l'article L.121-16 al. 2 du code de la consommation, les conditions dans lesquelles les parties ont contracté leurs obligations réciproques et ont signé le bon de commande, ne correspondant à aucune des trois hypothèses visées par cet article.

Elle souligne que si le bon commande a été envoyé par mail le 3 mars 2016, ce n'était pas suite à une sollicitation personnelle et individuelle des demandeurs dans un lieu différent que celui où le  professionnel exerce son activité, à savoir le showroom de [Localité 5], les époux [E]-[I] s'étant présentés le 26 février 2016, dans les locaux de la société Formula Automobiles, sans avoir été démarchés ou sollicités préalablement et lui ayant  donné mandat de se porter acquéreur d'un véhicule dont les caractéristiques et les conditions d'acquisition, étaient définies, de leur propre initiative. 

Elle ajoute que la signature du bon de commande par voie de mail, suivie de l'absence de respect de l'obligation de paiement du prix par les époux [E]- [I] en mars / avril 2016, n'ont pas mis fin à ce mandat puisque les demandeurs ont sollicité par la suite la société pour poursuivre d'autres recherches d'un véhicule similaire et qu'après un an d'absence, ce sont à nouveau les demandeurs qui, le 26/05/2017, ont sollicité la société Formula Automobiles. 

Elle précise qu'au verso du bon de commande, il a été fait un rappel type des dispositions applicables en matière de démarchage et de vente à domicile et de la formule type d'annulation de commande prévu dans ce cas, cette pré-impression, étant faite indistinctement sur les formulaires concernant aussi bien les ventes dans l'établissement que les ventes hors établissement, ce qui ne permet pas de préjuger qu'elle a décidé de soumettre l'ensemble de ses ventes à l'un ou l'autre des régimes juridiques. 

La société HCA conteste l'existence d'un contrat à distance relevant des dispositions de l'article L.121-16 al.1 du code de la consommation puisqu'elle rappelle que les demandeurs se sont rendus physiquement au show-room de la société Formula Automobiles, sans avoir été démarchés au préalable dans le cadre d'un système de vente à distance. 

La société HCA conteste également l'existence d'une réticence dolosive, au sens de  l'article 1116 du code civil, par défaut d'information des consommateurs dans le cadre d'un prétendu système de vente à distance. 

Sur la demande de résolution de la vente à ses torts, la société HCA soutient qu'il n'y a pas eu de défaut de livraison de la part de Formula Automobiles, le véhicule commandé ayant été réceptionné et que ce sont les époux [E]-[I] qui se sont trouvés dans l'incapacité de régler le moindre euro et avaient décidé de reporter unilatéralement la livraison du véhicule à une date indéterminée dépendant de leur seule volonté. 

Elle considère que, dans ces circonstances, la société Formula Automobiles était parfaitement en droit de remettre en vente le véhicule à la date du 18 avril 2016, sans commettre une faute au regard du mandat donné et sans y mettre fin, alors même que, dès le 5 avril 2016, soit dix jours avant la remise en vente du véhicule, les époux [E]-[I] avaient été prévenus par la société Formula Automobiles des conséquences qu'entraînait pour elle l'absence de paiement des époux [E].

Elle conteste avoir refusé de déduire l'acompte de 10 000 euros du prix de vente et souligne que le 29 mars 2016, elle a envoyé un SMS aux époux [E]-[I] demandant la mise en paiement du solde de 55 773 euros TTC, Mme [I] l'ayant informée par SMS du 14 avril 2016 que son mari était en déplacement et qu'il demandait à ce que la livraison soit repoussée, au motif que leur société ne disposait pas des fonds nécessaires au paiement. 

La société HCA conteste que la société Formula Automobiles ait commis une faute en vendant le véhicule automobile en cause puisqu'elle avait informé en amont les époux [E]-[I] de ce qu'elle ne pouvait plus attendre pour le virement et leur avait proposé de la prévenir dès qu'ils auraient la possibilité de virer l'argent afin qu'elle trouve un autre véhicule automobile. 

Elle ajoute que le mandat était toujours en vigueur au 26 mai 2017, date à laquelle les demandeurs ont décidé d'acheter une Ford Mustang de couleur rouge chez un autre fournisseur.

Elle se prévaut de l'exception d'inexécution, prévue aux articles 1219 et 1220 anciens du code civil, faisant état de ce que la société Formula Automobiles avait, à plusieurs reprises, demandé aux intimés d'exécuter leur obligation de paiement du solde. 

Elle souligne qu'elle ne pouvait considérer la vente comme résolue de plein droit, le 18 avril 2016 puisqu'elle en avait demandé à titre reconventionnel, la résolution judiciaire devant le tribunal. 

La société HCA considère que, puisque les époux [E]-[I] n'ont pas été en mesure d'honorer leur obligation en paiement du prix de vente, empêchant la bonne exécution du contrat, le contrat doit être résolu à leurs torts exclusifs.

 

La société HCA conteste que M. [D] [E] puisse, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, demander la restitution de l'acompte de 10 000 euros, dès lors qu'il n'en rapporte pas la preuve et qu'il ne démontre pas qu'il ne pourrait agir sur la base d'un fondement légal ou contractuel, autre que celui de l'enrichissement sans cause.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 5 octobre 2021, les consorts [E] demandent à la cour de :

-  infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande de nullité du contrat ;

statuant à nouveau :

-  annuler le contrat de vente objet du présent litige ;

-  confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution de la somme de 10 000 euros, compte tenu de la nullité du contrat;

à titre subsidiaire, faisant application des dispositions des articles 1134 et 1184 (anciens) du code civil :

-  infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat aux torts partagés des parties ;

-   prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Formula Automobiles-HCA ;

-  confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution de la somme de 10 000 euros aux époux [E] ;

-   infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux [E] au paiement d'un montant de 3000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Formula Automobiles-HCA ;

-   infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande d'indemnisation à titre de dommages et intérêts, compte tenu de la résistance abusive de la société Formula Automobiles-HCA;

- condamner en conséquence, la société Formula Automobiles-HCA au paiement d'un montant de 1500 euros à titre de dommages et intérêts par application des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil ;

à titre infiniment subsidiaire, si la cour déclarait irrecevable les demandes des époux [E] :

-  recevoir M. [D] [E] en son intervention volontaire principale ;

-  condamner la société Formula Automobiles-HCA à la restitution de la somme de 10 000 euros à M. [D] [E] sur le fondement de l'article 1303 du code civil ;

en tout état de cause :

-  infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande de condamnation de la société Formula Automobiles-HCA au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

-  condamner la société Formula Automobiles-HCA au paiement d'un montant de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

-  condamner la société Formula Automobiles-HCA au paiement d'un montant de 2500 euros au titre des frais non répétibles de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-  condamner la société Formula Automobiles-HCA aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance, et de la procédure d'appel.

Sur la recevabilité de la demande de remboursement de l'acompte, les consorts [E] indiquent que la circonstance que ce dernier ait été payé non par les époux [E] eux-mêmes, mais par leur fils, est sans emport.

Sur la nullité de la vente, les consorts [E] font valoir qu'il ressort des énonciations du bon de commande que les parties ont entendu soumettre le contrat aux dispositions applicables aux contrats de vente hors établissement qui interdisent au vendeur d'obtenir ou d'exiger du client, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, une contrepartie quelconque, respectivement le paiement du prix ou d'un acompte, et cela avant le terme du délai visé en page 2 dudit contrat, à savoir sept jours.

Ils ajoutent qu'il n'est pas contestable que la société Formula Automobiles a entendu soumettre ce contrat aux dispositions du code de la consommation applicables aux contrats de vente hors établissement, de sorte qu'il doit être fait application des dispositions de l'article L.121-18-2 du code de la consommation.

Ils en déduisent qu'à défaut de respect des dispositions précitées du code de la consommation lesquelles sont d'ordre public, la nullité du contrat de vente est encourue.

A titre subsidiaire, les consorts [E] demandent l'application des dispositions des articles L.121-16 et suivants du code de la consommation, applicables à la date des faits, s'agissant du contrat à distance qui imposent au professionnel une obligation d'information préalable au consommateur laquelle n'ayant pas été respectée caractérise la réticence dolosive, au sens de l'article 1116 ancien du code civil, étant démontré que  le procédé d'échanges contractuels s'est fait de manière dématérialisée puisque les époux [E] ont souscrit au contrat à distance, pour avoir reçu le bon de commande par mail, et l'avoir retourné de la même façon.

Sur la résolution du contrat, les consorts [E] entendent rappeler que le délai de délivrance fixé contractuellement avant le 22 mars 2016, n'a pas été respecté par la société Formula Automobiles, tel que le démontre le SMS adressé par la société, le 22 mars en fin de journée, laquelle, par la suite et de sa propre autorité, sans avoir requis le consentement des époux [E], a vendu le véhicule commandé à un tiers, alors même que Mme [E], le 14 avril 2016, l'avait informée de ce qu'il leur faudrait un délai afin de pouvoir prendre délivrance, en raison de leurs engagements professionnels.

Ils considèrent que la société Formula Automobiles s'est refusée à exécuter le contrat, de manière déloyale, au sens des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil.

Ils en déduisent que la société Formula Automobiles a commis une faute contractuelle qui a empêché |'exécution du contrat, de son seul chef.

A titre infiniment subsidiaire, les consorts [E] demandent à ce que la somme de 10 000 euros soit rendue à M. [D] [E] qui l'a versée à titre d'acompte à la société Formula Automobiles, ce qui est constitutif d'un enrichissement sans cause, au sens de l'article 1303 du code civil.

 

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées. 

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties et n'a pas à répondre à des demandes tendant à voir « dire et juger »  qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et ne constituent pas des prétentions.

Sur la recevabilité des demandes des époux [E]

Considérant que le versement de l'acompte par M. [D] [E] fait au profit de la société Formula Automobiles caractérise un paiement par un tiers prévu à l'article 1236 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, n'étant pas contesté que M. [D] [E] a entendu agir au nom des acheteurs lesquels sont ses parents, il y a lieu de déclarer les époux [E] recevables en leur demande de restitution de l'acompte dès lors qu'ils ont intérêt à agir à cette fin.

La société HCA conclut à l'irrecevabilité de toutes les autres demandes des époux [E] sans toutefois développer de moyens sur cette irrecevabilité de sorte qu'il y a lieu de déclarer les époux [E] recevables également en leurs autres demandes.

Le jugement entrepris est donc confirmé sur ce point.

 

Sur la nullité du contrat de vente

Sur l'application des dispositions applicables aux contrats de vente hors établissement

Les époux [E] soutiennent que la société Formula Automobiles et eux-mêmes ont entendu soumettre le contrat en cause aux dispositions applicables au contrat de vente hors établissement.

L'analyse du bon de commande de véhicule d'occasion du 1er mars 2016 indique  qu'il a été établi à [Localité 5] ; il comporte deux pages dont seule la première a été signée par les parties laquelle mentionne notamment que le client déclare avoir pris connaissance des conditions particulières applicables aux commandes soumises à la loi n°72.1137 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile figurant ci-contre et les avoir reçues ainsi que le bordereau d'annulation de commande au verso. La seconde page prévoit la possibilité de demander la livraison immédiate avec pour effet la réduction du délai de rétraction ; cette demande de livraison immédiate n'a pas été formulée par les acquéreurs. Cette même page rappelle également les conditions particulières applicables aux commandes soumises à la loi n°72.1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile et contient le bon d'annulation de commande.

Toutefois, les époux [E] ne sauraient en déduire que la deuxième page témoigne de ce que le contrat a été souscrit hors établissement, alors même que la première page précise qu'il est signé à [Localité 5], lieu du siège social de la société Formula Automobiles et qu'ils ne justifient pas de ce que cette mention ne correspond pas à la réalité.

Le moyen est donc rejeté.

Sur l'application des dispositions applicables aux contrats de vente à distance

Aux termes des dispositions de l'article L.121-16 du code de la consommation dans sa version applicable à la date de souscription du contrat en cause, est considéré comme « contrat à distance » tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat.

Les époux [E] soutiennent que le procédé d'échanges contractuels s'est fait de manière totalement dématérialisée puisqu'ils ont reçu le bon de commande par mail et l'ont retourné selon le même procédé.

C'est avec pertinence que le premier juge a considéré que le fait que les échanges des parties au contrat de vente aient eu lieu par courriels ne caractérise pas un système organisé de vente à distance, les acheteurs n'ayant pas donné suite à une offre dématérialisée de vente à laquelle ils ont souscrit à distance.

Ce moyen est rejeté.

                                                         *

Considération prise de ce que les moyens soulevés par les époux [E] ont été rejetés, leur demande tendant à l'annulation du contrat de vente du véhicule automobile en cause est rejetée.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Sur la résolution de la vente

Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1184 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Selon le bon de commande du 1er mars 2016, le véhicule en cause devait être livré avant le 22 mars 2016.

S'il est vrai qu'il a été livré avec quelques heures de retard puisque sa livraison est intervenue le 22 mars 2016 à 21h11, ce décalage peu important dans les délais de livraison ne caractérise pas un manquement suffisamment grave de la société Formula Automobiles d'autant plus que lorsque les époux [E] ont été informés de la livraison, ils n'ont pas fait état d'un retard de livraison pour justifier l'absence de règlement du solde de la commande mais ont prétexté de contraintes professionnelles pour reporter le paiement sans donner de date quant à l'effectivité de paiement du solde.

Le 18 avril 2016, la société Formula Automobiles a informé les époux [E] de ce qu'elle ne pouvait plus attendre le paiement et qu'il avait remis le véhicule automobile en cause en vente le matin.

La société HCA considère qu'elle n'a pas commis de manquement en agissant ainsi et se prévaut, à ce titre, des dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil applicables à la date du contrat la liant aux époux [E].

Aux termes des dispositions combinées desdits articles, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ; elle peut également suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

Au regard du non-paiement du solde du prix de vente près d'un mois après la livraison d'un véhicule automobile d'un prix de 65 510 euros lequel caractérise un manquement suffisamment grave et de l'incertitude entretenue par les époux [E] sur la date du paiement du solde, c'est à juste titre, que la société HCA, sur le fondement de l'exception d'inexécution, a décidé de remettre en vente le véhicule automobile objet du bon de commande du 1er mars 2016, ce qui ne caractérise pas un manquement de sa part.

Dès lors, considérant que les époux [E] ont commis un manquement grave en ne réglant pas le solde du prix de vente du véhicule automobile commandé, il y a lieu de prononcer la résolution du contrat à leurs torts exclusifs.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur la restitution de l'acompte

Considération prise de la résolution de la vente, l'acompte de 10 000 euros doit être restitué aux époux [E], cet acompte ayant été versé par leur fils à la société Formula Automobiles pour leur compte. L'astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de l'acompte mais infirmé sur l'astreinte avec cette précision que la restitution doit se faire aux époux [E].

Sur les demandes de dommages et intérêts

Au regard du comportement dilatoire des époux [E] à l'égard de la société Formula Automobiles, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts avec cette précision que la société HCA vient aux droits de la société Formula Automobiles.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté les époux [E] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la résolution du contrat de vente ayant été prononcée à leurs torts.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais infirmé sur les dépens.

Les époux [E] et M. [D] [E] sont condamnés aux dépens de la procédure de premier ressort et de la procédure d'appel.

Les époux [E] et M. [D] [E] sont condamnés à payer à la société HCA la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel.

Les époux [E] et M. [D] [E] sont déboutés de leurs demandes d'indemnité formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

 

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 27 janvier 2021 en ce qu'il a :

-  prononcé la résolution du contrat de vente aux torts conjoints des parties ;

-  assorti la restitution de l'acompte de 10 000 euros d'une astreinte ;

-  laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;

CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 27 janvier 2021 avec cette précision que :

-   la restitution de l'acompte doit se faire à M. [F] [E] et Mme [V] [I],

-  la SARL HCA vient aux droits de la SARL Formula Automobiles s'agissant des dommages et intérêts devant être payés par M. [F] [E] et Mme [V] [I] ;

 

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

PRONONCE la résolution du contrat de vente du 1er mars 2016 portant sur le véhicule automobile de marque Ford modèle Mustang aux torts exclusifs de M. [F] [E] et Mme [V] [I],

DIT n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte la restitution de l'acompte de 10 000 euros ;

     CONDAMNE M. [F] [E] et Mme [V] [I] aux dépens de la procédure de premier ressort et d'appel ;

CONDAMNE M. [F] [E] et Mme [V] [I] et M. [D] [E] à payer à la SARL HCA la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

   DEBOUTE M. [F] [E] et Mme [V] [I] et M. [D] [E] de leurs demandes en paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

        

 

La greffière,                                 Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01874
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.01874 ?
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