La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°20/02232

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 29 juin 2023, 20/02232


MINUTE N° 334/2023





























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Laurence FRICK





Le 29 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 29 Juin 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02232 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HL4X

r>
Décision déférée à la cour : 25 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur appel incident :



La S.A.S. LES LOUPI'DOUX, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]



représentée par Me Nadine HEI...

MINUTE N° 334/2023

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Laurence FRICK

Le 29 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 29 Juin 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02232 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HL4X

Décision déférée à la cour : 25 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur appel incident :

La S.A.S. LES LOUPI'DOUX, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

Monsieur [S] [T]

Madame [Z] [X] épouse [T]

demeurant ensemble [Adresse 3]

représentés par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me DOPPLER, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat en date du 30 juillet 2014, la SAS Loupi'doux a pris à bail auprès de M. [S] [T] et Mme [Z] [X] épouse [T] des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] (67), à usage exclusif de microcrèche et moyennant un loyer annuel hors charges de 12 000 euros.

En raison d'un dysfonctionnement du système de chauffage par pompe à chaleur qui l'aurait conduite à fermer son établissement les 9 et 10 janvier 2017, la société Loupi'doux a, par acte d'huissier de justice du 21 septembre 2017, fait assigner les époux [T]-[X] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir leur condamnation à réaliser des travaux de remise en état de la pompe à chaleur sous astreinte, ainsi qu'à lui verser des dommages et intérêts, tant au titre du préjudice commercial qu'elle estimait avoir subi en raison de la fermeture de l'établissement intervenue, qu'au titre de la surconsommation du système d'appoint qu'elle avait installé en remplacement.

La société Loupi'doux a en effet fait installer, en remplacement des pompes défectueuses, un système provisoire de chauffage électrique, pris en charge par les bailleurs, qui ont ensuite remplacé la pompe à chaleur par une chaudière à gaz.

Par jugement contradictoire du 25 juin 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- débouté la société Les Loupi'doux de ses demandes indemnitaires au titre des vices cachés et de l'obligation de délivrance conforme des bailleurs ;

- débouté la société Loupi'doux de ses demandes de remise en service de la pompe à chaleur et de retrait des tuyaux entreposés sur le terrain ;

- condamné la société Loupi'doux à payer à M. [T] et Mme [X] les sommes, toutes augmentées au taux légal à compter de la présente décision, de 494 euros au titre de la taxe de réaménagement et de la redevance archéologique, de 49,40 euros au titre de la clause pénale, de 550,88 euros au titre des arriérés de loyers, et de 55,08 euros au titre la clause pénale ;

- condamné la société Loupi'doux à payer à M. [T] et Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs autres fins et prétentions.

Le tribunal a relevé que l'objet du bail conclu le 30 juillet 2014 était un « local professionnel » et « à usage exclusif de microcrèche », activité libérale ne relevant pas des statuts des baux commerciaux, de sorte qu'il relevait en conséquence de l'article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 et des dispositions de droit commun du code civil.

Sur les demandes indemnitaires de la société Loupi'doux, le tribunal a rappelé, au visa des articles 1719 et 1721 du code civil, que si les dispositions relatives à la garantie des vices ou défauts de la chose louée en empêchant l'usage ne sont pas d'ordre public, le bailleur ne peut s'exonérer en invoquant la clause selon laquelle les locaux sont pris en l'état et que, pendant le bail, le bailleur ne sera tenu que des travaux de gros 'uvre définis à l'article 606 du code civil.

Ainsi, il résultait de la facture établie le 21 avril 2016 et de l'attestation du 20 mai 2019 versées aux débats que le système de chauffage par pompe à chaleur litigieux avait connu des dysfonctionnements récurrents durant les saisons hivernales 2015/2016 et 2016/2017 ayant justifié le remplacement de la pompe à chaleur par l'installation de radiateurs électriques le 24 janvier 2017, puis par une chaudière à gaz au mois de décembre 2017, dont le coût avait été pris en charge par les bailleurs.

Au vu de l'attestation établie le 20 mai 2019 par la SARL A'Renov expliquant l'origine des pannes, le tribunal a considéré qu'était démontrée l'existence d'un vice affectant le système de chauffage, constaté seulement après l'entrée en jouissance des lieux par la société Loupi'doux, et dont l'origine était liée à la composition géologique du sous-sol de l'immeuble qu'elle ne pouvait déceler.

Il a indiqué que, si les époux [T] reconnaissaient les dysfonctionnements du chauffage et avaient tout mis en 'uvre pour y remédier, cela ne constituait pas pour autant une cause d'exonération de leur garantie.

Toutefois, le tribunal a estimé que les documents fournis par la société Loupi'doux à l'appui de ses demandes indemnitaires ne permettaient pas d'établir la réalité des préjudices allégués.

Il n'était pas démontré que, les 9 et 10 janvier 2017, la crèche avait été dans l'obligation de fermer en raison de l'absence de chauffage, ni le nombre d'enfants qui n'avaient pas été accueillis ces jours, ni le nombre d'heures non-effectuées, les documents produits ne renseignant pas sur ces différents points.

La société Loupi'doux n'expliquait pas en quoi consistait son préjudice commercial et ne justifiait d'aucune perte de chiffre d'affaires ou de clientèle par un document comptable.

Par ailleurs, en comparant les facture d'électricité produites, le tribunal a constaté que, depuis son entrée dans les lieux et indépendamment du type de chauffage utilisé, la société Loupi'doux avait pu avoir d'importantes consommations électriques, sans que les pièces versées aux débats n'établissent que les radiateurs électriques fussent à l'origine d'une surconsommation électrique.

Il a également constaté l'absence de restriction, dans le bail, quant à l'utilisation du 1er étage, de sorte que celui-ci était également objet du bail, avant de relever toutefois que la société Loupi'doux ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle subissait un préjudice d'absence de chauffage au 1er étage, n'expliquant pas à quel usage et depuis quand elle utilisait ce 1er étage et ne démontrant pas avoir dû renoncer à son utilisation.

Sur la demande de remise en service de la pompe à chaleur et de retrait des tuyaux entreposés, rejetées par le premier juge, ce dernier a, pour la première, précisé que le bail ne faisait aucune mention d'un système de chauffage particulier, de sorte qu'aucune obligation contractuelle n'imposait aux bailleurs l'installation ou la remise en service d'un type de chauffage. De plus, la société Loupi'doux ne démontrait pas la déficience de la nouvelle chaudière installée aux frais des bailleurs.

Pour la seconde, le tribunal a indiqué qu'elle ne reposait sur aucun fondement juridique et que la demanderesse ne justifiait, ni de la réalité des tuyaux sur le terrain, ni du préjudice que leur présence non avérée lui causerait.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [T], au visa des articles 1134 ancien, 1315 ancien et 1728 du code civil, concernant le paiement de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique, il a relevé que, faute d'identification précise de la consistance des locaux, le bail incluait également la véranda, et que l'article 1.8.1 « impôt et taxes » du contrat de bail prévoyait que la taxe d'aménagement et la redevance archéologique étaient à la charge du locataire. Les époux [T] justifiaient du bienfondé de leur demande par la production des titres de perception pour ladite taxe et pour ladite redevance, en date du 8 juin 2016, ainsi que d'une mise en demeure de payer adressée à la société Loupi'doux le 10 mai 2017.

Concernant le paiement des arriérés de loyers, à la lecture des articles 1.6 et 1.7 du contrat de bail prévoyant le montant du loyer et son indexation sur la variation du coût de la construction, le tribunal en a conclu que la société Loupi'doux était redevable tous les ans et sans formalités d'une indexation du loyer à compter du 1er juin, sans que ladite société ne conteste devoir ces sommes ou produise un document attestant qu'elle s'en était acquittée.

Concernant l'application de la clause pénale, au visa des articles 1152 et 1153 anciens du code civil et de l'article 2.5.1 du contrat de bail prévoyant une telle clause en cas de retard dans le paiement des loyers, le tribunal a considéré que celle-ci était applicable aux sommes de 494 euros et de 550,88 euros, dès lors que la société Loupi'doux ne s'était pas acquittée de ses obligations en temps et en heure, tant au regard des taxe et redevance, qu'au regard du paiement intégral des loyers.

* * *

La société Loupi'doux a interjeté appel de ce jugement le 4 août 2020, en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 27 avril 2022, le conseiller de la mise en état, a déclaré irrecevable, faute de pouvoir en connaître, la fin de non-recevoir soulevée par les époux [T], tirée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de la nouveauté des demandes de la société Loupi'doux aux fins de les voir condamner à lui verser la somme de 35 000 euros à titre de remboursement de loyers, ainsi qu'à lui payer les sommes de 20 000 euros et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il a réservé les dépens, qui suivraient le sort de ceux de l'instance principale.

* * *

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 mai 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2021, la société Loupi'doux demande à la cour d'infirmer dans sa totalité le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de condamner M. [T] et Mme [X] à :

- lui rembourser la somme de 35 000 euros au titre du remboursement du trop versé de loyers ;

- lui verser la somme de 2 328,38 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la perte d'exploitation due à la fermeture de son établissement les 9 et 10 janvier 2017 ;

- lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et commercial causé par l'absence de chauffage ;

- lui verser la somme de 1 234,70 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la surconsommation énergétique causée par l'installation des chauffages électriques provisoires ;

- lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé par l'absence de chauffage au premier étage ;

- lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance et d'atteinte à l'image de l'établissement ;

- à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle sollicite également de la cour qu'elle déboute les époux [T]-[X] de leurs demandes.

Au soutien de son appel, l'appelante fait valoir, sur la recevabilité de ses demandes remise en cause par les intimés, au visa de l'article 566 du code de procédure civile, qu'elles ne sont pas nouvelles car celle-ci sont fondées sur le droit dû au locataire de pouvoir jouir paisiblement de la chose louée résultant des articles 1719 et 1721 du code civil et que ces demandes ne sont que le complément nécessaire et à tout le moins la conséquence de ses prétentions rejetées en première instance.

Elle ajoute que ne sont pas nouvelles des demandes par lesquelles une partie augmente le montant réclamé, tendant à la même fin, s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi.

1. Sur les demandes de la société Loupi'doux

Faute d'exclusion du 1er étage dans le bail, qui précise au contraire que les biens loués forment un tout indivisible, l'appelante affirme, au visa des articles 1719 et 1721 du code civil, que celui-ci était bien contenu dans les locaux loués et était utilisé dans le cadre de son activité, regroupant tout à la fois les bureaux de la direction, un lieu de rangement du matériel pédagogique et une salle de réunion et de repos du personnel ; dès lors, le personnel de l'entreprise et ses clients ont souffert de l'absence de chauffage.

Elle soutient qu'après l'installation d'appareils électriques provisoires pour le rez-de-chaussée, le premier étage est resté glacial et qu'en n'assurant pas le chauffage de l'ensemble des locaux, les époux [T]-[X] ont manqué à leurs obligations.

A propos du rez-de-chaussée, l'appelante souligne que le tribunal, ainsi que les bailleurs ont reconnu les dysfonctionnements de l'installation de chauffage, qui démontrent un manquement des bailleurs à leurs obligations d'entretenir la chose donnée à bail, de s'assurer de la jouissance paisible du preneur pendant la durée du bail et de la garantir contre les vices de la chose louée qui en empêchent son usage.

Avant toute demande indemnitaire, elle soutient que rien ne justifie que le locataire paie son entier loyer si le bailleur n'exécute pas son obligation, s'estimant fondée à solliciter à ce titre la restitution des loyers payés durant les mois d'hiver d'octobre 2015 à avril 2020.

Par ailleurs, elle critique le jugement qui a relevé les dysfonctionnements du chauffage sans faire droit à ses demandes indemnitaires, réaffirmant avoir subi un préjudice du fait de la fermeture de l'établissement les 9 et 10 janvier 2017 et estimant en rapporter la preuve, notamment au moyen de témoignages.

Elle fait valoir que l'imprécision éventuelle du chiffrage proposé par la victime ne permet pas au juge de rejeter purement et simplement la demande relative à un préjudice dont il constate l'existence en son principe, et qu'il peut procéder lui-même à son évaluation ou faire usage de ses pouvoirs d'instruction.

Elle chiffre la perte d'exploitation des 9 et 10 janvier en incluant le manque à gagner, le coût du personnel et le loyer de ces deux jours, soit au total 2 328,38 euros.

S'agissant de son préjudice moral et commercial, la société Loupi'doux fait valoir qu'en dehors de ces deux jours, la micro-crèche est restée ouverte, mais dans des conditions dégradées.

L'appelante ajoute que l'installation de radiateurs électriques au rez-de-chaussée a entraîné une surconsommation d'énergie de 3 à 4 fois supérieure à l'installation initiale qui, si elle est difficile à chiffrer, témoigne d'un préjudice certain. Elle ajoute que l'élément pertinent à prendre en compte pour établir ce préjudice est la consommation en kWh.

Le montant de 20 000 euros qu'elle sollicite par ailleurs représente, selon ses explications, le préjudice subi pour n'avoir pas pu utiliser les locaux de l'étage qui n'a plus été chauffé à compter de janvier 2017.

S'agissant de la somme réclamée au titre du préjudice de jouissance et de l'atteinte à son image, elle se plaint de tuyaux entreposés sur le terrain pendant de nombreux mois, le bailleur ayant entamé des travaux pour remettre en service la pompe à chaleur, avant de les suspendre, ce qui l'a privée d'une jouissance normale du bien et a donné une mauvaise image de l'établissement.

2. sur les demandes des bailleurs

S'agissant de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique préventive, l'appelante soutient que l'article 1.8.1 du bail ne prévoyait pas de lui imputer la charge de ces impôts et taxes mais uniquement les contributions personnelles du locataire. Ainsi, les redevances dues à l'initiative du bailleur, par l'agrandissement de la véranda, dont il s'est engagé à supporter le coût, ne sont pas dues par elle.

De plus, elle affirme que la jurisprudence réduit considérablement la portée de telles stipulations et impose une clause claire et précise pour permettre au bailleur d'imposer au locataire le remboursement des charges exposées relativement au bien loué.

L'appelante ne remet pas en cause l'arriéré de loyers, mais elle sollicite de la cour qu'elle réduise les pénalités réclamées au titre de la clause pénale, qu'elle estime manifestement excessives au regard du dossier, et qu'elle écarte celles relatives aux taxes mises en compte, dont elle n'est pas redevable.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 avril 2022, les époux [T]-[X] demandent à la cour :

- de déclarer irrecevables comme étant des prétentions nouvelles les demandes formées par l'appelante, tendant à leur condamnation à lui payer la somme de 35 000 euros au titre du remboursement du loyer sur la période d'octobre 2015 à avril 2020, la somme de 20 000 euros à titre de dommage et intérêts pour absence de chauffage du premier niveau de la maison à partir de janvier 2017 et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour présence prétendue de tuyaux sur le terrain ;

- de constater que l'appelante ne remet pas en cause sa condamnation à leur payer les arriérés de loyers au vu de l'indexation annuelle prévue par le bail, majorés de 10 % à titre de clause pénale et ce jusqu'au mois de novembre 2019 inclus ;

- de déclarer l'appel interjeté par la société Loupi'doux mal fondé, conséquemment le rejeter, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de débouter l'appelante de l'intégralité de ses conclusions ;

- sur demande additionnelle, de condamner l'appelante à leur payer la somme de 315,36 euros au titre de l'indexation du loyer pour la période décembre 2019-août 2020 inclus, outre 31,54 euros au titre de la clause pénale ;

- en tout état de cause, de condamner l'appelante à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de dommages et intérêts en application de l'article 32-1 du code de procédure civile;

- de statuer ce que de droit s'agissant d'une amende civile ;

- de condamner l'appelante à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en cause d'appel.

Sur l'appel, au vu des conclusions de la société Loupi'doux, les intimés font valoir qu'elle semble renoncer à l'injonction sollicitée de remise en service de la pompe à chaleur et à celle de retirer les tuyaux prétendument entreposés sur le terrain.

Ils affirment que la construction de la véranda est intervenue à la demande de la société Loupi'doux pour qu'elle puisse justifier d'une surface de 100 m² pour l'exercice de son activité, dès lors que le bail ne lui consentait que le rez-de-chaussée.

Les intimés soutiennent que le fondement des demandes de l'appelante, soit les articles 1719 et 1721 du code civil, est inopérant en ce qu'ils estiment ne pas avoir manqué à leurs obligations de délivrance conforme en ayant équipé les locaux d'un système de chauffage neuf, et qu'aux termes de l'article 2.2.1 du contrat de bail, le locataire reconnaissait que le bailleur avait satisfait à son obligation de délivrance définie audit article 1719.

Ils ajoutent avoir supporté le coût des travaux de remise en état du système défectueux en remplaçant la pompe à chaleur par de nouveaux radiateurs électriques dès le mois de janvier 2017, face à l'impossibilité de faire fonctionner la pompe à chaleur en calorifique eau/eau, malgré plusieurs coûteuses interventions, et soulignent que c'est l'appelante qui a insisté pour faire installer quatre radiateurs électriques au rez-de-chaussée et a pris l'initiative de faire « couper » la pompe à chaleur qui, fonctionnant en mode électrique grâce à ses résistances électriques, permettait un chauffage au sol des deux niveaux, y compris le 1er étage.

Les intimés critiquent également les dires de l'appelante et le premier juge d'avoir fait remonter à 2015 l'apparition des dysfonctionnements du chauffage, affirmant qu'aucune plainte de la société n'est intervenue avant le mois de janvier 2017 et qu'ils ont immédiatement fait le nécessaire.

Sur le préjudice mis en compte, ils font valoir que la société Loupi'doux ne rapporte la preuve ni qu'elle a cessé son activité les 9 et 10 janvier 2017, ni qu'elle a subi un préjudice commercial. Les factures adressées aux parents des enfants gardés ne comportent pas de déduction d'heures en raison d'un problème de chauffage. En outre, cette fermeture, qui n'est pas démontrée, résulterait de l'appelante elle-même qui a sollicité l'intervention de la société A'Renov le 6 janvier 2017 pour couper la pompe à chaleur.

Les époux [T]-[X] soulignent que la société Loupi'doux ne rapporte pas non plus la preuve que les radiateurs électriques consommaient plus d'électricité que la pompe à chaleur, et que la soustraction opérée entre la moins élevée de ses factures, de février 2016, et une facture du mois de février 2017 ne saurait être probante de la démonstration d'un préjudice certain. Ils ajoutent qu'au regard des autres années, notamment 2015, les coûts sont semblables entre les deux systèmes de chauffage, alors même que le prix de l'abonnement forfaitaire a augmenté, et que l'hiver 2016 était particulièrement doux alors que celui de 2017 était plus froid.

Les intimés font également valoir que, selon la facture du 24 février 2017, la société Loupi'doux a augmenté la puissance souscrite à 15 kwh, contre 12 kwh, ce qui a une incidence sur ses frais d'électricité et ne saurait être mis à leur charge.

Sur la proposition de la société Loupi'doux tendant à ce que le juge procède, s'il y a lieu, à une évaluation forfaitaire de son préjudice ou à ce qu'il ordonne une mesure d'instruction, les époux [T]-[X] font valoir qu'il n'appartient pas à la cour de combler la carence d'une partie dans la charge de la preuve qui lui incombe et que la défaillance de l'appelante, s'agissant de la preuve de son préjudice, justifie le rejet de ses demandes.

Ils estiment nouvelles et donc irrecevables sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, d'une part la prétention relative au remboursement du « trop-versé » de loyers par l'appelante, sans qu'elle n'explique en quoi elle serait fondée à solliciter ce remboursement qui correspond à 35 mois de loyers, soit quasiment toute la période de location, et d'autre part celle relative à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de chauffage au 1er étage, soulignant que la société Loupi'doux ne rapporte la preuve d'aucun manquement de leur part, d'aucune mise en demeure de régler la situation prétendument alléguée.

Sur la demande en restitution de loyers, au fond, les époux [T]-[X] soulignent également que les dysfonctionnements de la pompe à chaleur sont apparus en janvier 2017, qu'il y a été remédié immédiatement et qu'une chaudière à gaz a été installée en septembre 2017.

Ils critiquent la demande indemnitaire de l'appelante en raison de la présence alléguée de tuyaux sur le terrain, dont ils soulèvent l'irrecevabilité, dès lors que n'était sollicité en première instance que l'enlèvement de ceux-ci, que leur présence n'est pas établie, comme l'a relevé le premier juge, et qu'aucun préjudice n'est démontré.

Enfin, à l'appui de leur demande reconventionnelle, les intimés affirment que le paiement de la taxe était dû par la société Loupi'doux, en application de l'article 1.8.1 du contrat de bail, qu'ils estiment limpide, cette dernière ayant justement sollicité de leur part la création de la véranda pour augmenter la surface des locaux.

Les intimés sollicitent de la cour qu'elle condamne l'appelante au paiement d'arriérés de loyers compte tenu de leur indexation, pour la période s'étendant des mois de décembre 2019 à août 2020, soit la date à laquelle la société Loupi'doux a libéré les locaux, ainsi qu'à la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts en application de l'article 32-1 du code de procédure civile pour une procédure qu'ils estiment abusive.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I - Sur les demandes de la société Loupi'doux

A) Sur la responsabilité des bailleurs, s'agissant des dysfonctionnements du chauffage

Il résulte des écritures des parties et des pièces produites, y compris par les époux [T]-[X] eux-mêmes, et notamment de la facture de la société A'Renov du 21 avril 2016 relative à des dépannages et interventions sur la pompe à chaleur de l'immeuble loué à la société Loupi'doux, mais aussi aux attestations du représentant de cette entreprise, datées du 20 mai 2019 et du 4 mai 2021, que cette pompe à chaleur a connu des pannes récurrentes ayant nécessité plusieurs interventions, de 2014 à 2016-2017. Celles-ci étaient liées aux difficultés de pompage de l'eau des deux puits et au colmatage récurrent du système de pompage, dus à la composition sablonneuse du sous-sol, à laquelle le dispositif de la pompe à chaleur eau-eau installée était manifestement inadapté.

Si les époux [T]-[X] démontrent avoir fait remplacer cette installation défectueuse par une chaudière à gaz à « haute performance énergétique », selon factures des 22 septembre 2017 et 19 décembre 2017, il apparaît cependant que les difficultés de fonctionnement de la pompe à chaleur sont établies pendant une période antérieure.

Le représentant de la société A'Renov intervenue lors des pannes récurrentes de la pompe à chaleur, explique que celle-ci fonctionnait automatiquement sur résistances électriques dès que le circuit extérieur eau/eau par pompe dysfonctionnait, ce qui a assuré la continuité du chauffage de la maison entière. Cependant, il explique aussi que les difficultés de cette pompe à chaleur ont conduit à son « arrêt complet et définitif fin janvier 2017 ».

En outre, s'il n'est démontré, de la part de la société Loupi'doux, aucune réclamation adressée à ses bailleurs avant janvier 2017, la précarité de plus en plus flagrante du fonctionnement de la pompe à chaleur, dont ces derniers avaient parfaitement connaissance du fait des compte-rendus de ses interventions par la société A'Renov, justifie l'initiative de la locataire, début janvier 2017, de faire poser un chauffe-eau et des radiateurs électriques provisoires, afin de garantir, de façon certaine, la continuité d'un chauffage suffisant des locaux pour l'accueil d'enfants en bas âge. Le réparateur de la chaudière évoque à ce titre un « arrêt complet et hors service » de la pompe à chaleur, ajoutant « Nous constations un important problème lié au pompage de l'eau du puits, jusqu'à l'arrêt définitif de la PAC et non réutilisable ».Or, si les bailleurs ont fait le nécessaire pour changer de système de chauffage, la nouvelle chaudière à gaz n'a été installée que fin 2017.

Dès lors, les bailleurs étant tenus d'assurer à leur locataire la jouissance paisible des lieux, qui inclut un système de chauffage suffisant et pérenne, d'autant plus pour des locaux dont la destination est l'exploitation d'une crèche, ils doivent répondre, vis-à-vis de la société Loupi'doux, des conséquences des défaillances de la pompe à chaleur dans la maison louée à cette dernière.

B) Sur les montants réclamés en conséquence des dysfonctionnements du chauffage

- Sur la somme de 35 000 euros au titre du remboursement du trop versé de loyers

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il apparaît que la demande de remboursement de sommes correspondant, selon la société Loupi'doux, à un trop versé de loyers, du fait du non respect, par les bailleurs, de leurs propres obligations relatives au fonctionnement du chauffage, est présentée pour la première fois en appel. En effet, si une demande de restitution de loyers avait été effectuée en première instance, elle l'avait été à titre de dommages et intérêts, à hauteur de 2 000 euros, pour l'absence de chauffage au 1er étage, et représentait la moitié des loyers versés pendant quatre mois.

Or, la demande présentée en appel ne tend pas aux mêmes fins que celle soumises au premier juge, ne s'intégrant plus dans les demandes indemnitaires, mais revêtant une autre nature. Elle n'en est pas non plus la conséquence ou le complément nécessaire, leur étant parfaitement autonome. Elle ne tend ni à opposer compensation, ni à faire écarter les prétentions des époux [T]-[X], qui ne sollicitent, au titre des loyers, que le versement de sommes relatives à une indexation impayée, qui au demeurant n'est pas sérieusement contestée.

Dès lors, cette demande doit être déclarée irrecevable sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus.

- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation des 9 et 10 janvier 2017

La société Loupi'doux sollicite une somme de 2 328,38 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la perte d'exploitation due à la fermeture de son établissement les 9 et 10 janvier 2017, soit 1 468,25 euros de manque à gagner pour les deux jours de garde de 13 enfants, 793,47 euros de salaires versés à son personnel et 66,66 euros représentant deux jours de loyer.

La fermeture de la crèche durant ces deux jours paraît faire suite à la décision de la société Loupi'doux de faire installer des radiateurs électriques en lieu et place de la pompe à chaleur évoquée plus haut. Les époux [T]-[X] produisent une facture adressée à la locataire par la société A'Renov, relative à deux interventions des 5 et 6 janvier 2017, qui ont précédé le week-end des 7-8 janvier. L'intervention du 6 janvier 2017 a consisté en la mise à l'arrêt de la production d'eau chaude via la PAC et en la mise à disposition provisoire d'une production d'eau chaude sanitaire électrique. Or, il n'apparaît pas contestable que ces interventions ont été provoquées par de nouvelles difficultés de fonctionnement de la pompe à chaleur. Le représentant d'A'Renov précise que l'arrêt complet et définitif de cette pompe à chaleur a été ordonné dès lors que les radiateurs ont été installés et mis en fonction.

Il résulte des pièces produites par la société Loupi'doux que la crèche a dû être fermée les 9 et 10 janvier 2017 en raison d'un « problème de chauffage » .

Il apparaît donc justifié, au vu du manquement des bailleurs à leur obligation de garantir à leur locataire la jouissance paisible des lieux loués, de mettre à leur charge le manque à gagner résultant de ces deux jours de fermeture due aux difficultés de chauffage.

L'appelante justifie, par un décompte accompagné des factures concernées, de la perte de revenus de 1 468,25 euros sur ces deux jours de fermeture forcée et il y a lieu de retenir ce montant.

Il ne peut en revanche être retenu le montant de 793,47 euros censé représenter les salaires versés à ses employées pour ces deux jours, étant observé que ces salaires étaient en tout état de cause dus, ces dernières étant payées à temps complet ou à temps partiel, et leur temps de travail étant pré-défini par leur contrat de travail. Il en est de même du loyer qui, payé mensuellement, était dû lui aussi, en tout état de cause.

En conséquence, si le jugement déféré doit être infirmé sur ce chef, il ne sera fait droit à la demande de la société Loupi'doux au titre de ce poste de préjudice qu'à hauteur de 1 468,25 euros.

- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et commercial

La société Loupi'doux, qui invoque un préjudice moral et commercial causé par l'absence de chauffage, produit deux attestations de mères d'enfants qui ont fréquenté sa crèche et qui évoquent ses difficultés relatives au chauffage des locaux, mais ne font nullement apparaître de conséquences, s'agissant des relations de la direction et du personnel de la crèche avec elles ou avec d'autres parents. Quant aux attestations de ses salariées, elles ne peuvent être prises en compte, faute de force probante en raison du lien de subordination de leurs auteurs à l'égard de l'appelante. Cette dernière n'apporte d'ailleurs aucune précision de nature à caractériser le préjudice commercial qu'elle invoque.

Par ailleurs, elle ne produit non plus aucun document de nature à établir l'existence d'un préjudice moral causé par les difficultés relatives aux dysfonctionnements de la pompe à chaleur.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande présentée au titre de tels postes de préjudices.

- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la surconsommation énergétique

La société Loupi'doux met en compte un montant de 1 234,70 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la surconsommation énergétique causée par l'installation des chauffages électriques provisoires, ce montant représentant la différence entre les coûts de sa consommation électrique facturés pour la période du 24/12/2016 au 16/02/2017, soit 1594,22 euros, et pour la période du 22/12/2015 au 12/02/2016, soit 359,52 euros, les radiateurs électriques ayant été installés début janvier 2017.

Si les périodes sont comparables et si les factures toutes deux établies sur la base de relevés de la consommation réelle de l'appelante, il convient de souligner, comme le démontrent les intimés, que le mois de janvier 2016 avait été marqué par des températures très douces pour la saison, alors que le mois de janvier 2017 a été particulièrement froid, avec des températures de 2 à 4°C inférieures aux normales.

Il en résulte que, s'il apparaît indéniable que la consommation électrique de la locataire a été augmentée suite au remplacement provisoire de la pompe à chaleur par des radiateurs électriques, l'impact des différences de températures extérieures au regard de l'année précédente doit également être pris en compte, si bien que sera alloué à l'appelante au titre de ce poste de préjudice la somme de 618 euros.

- Sur la demande de dommages et intérêts en raison du préjudice causé par l'absence de chauffage au premier étage

L'appelante met en compte la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé par l'absence de chauffage au premier étage, étant observé qu'elle avait déjà présenté une telle demande en première instance, d'un montant moindre. L'augmentation de celle-ci ne fait pas d'elle une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et cette demande est donc recevable.

Il résulte de l'état des lieux d'entrée produit par la société Loupi'doux, signé le 3 octobre 2014 que, contrairement aux allégations des époux [T]-[X], le bail signé entre les parties portait bien sur le rez-de-chaussée mais aussi le premier étage de la maison. Or, lors de la mise à l'arrêt de la pompe à chaleur, 4 radiateurs électriques « petite enfance » ont été installés, soit manifestement pour les locaux du rez-de-chaussée, qui étaient les seuls à accueillir les enfants, ce dont il résulte que la société Loupi'doux n'a plus été en mesure d'utiliser les locaux de l'étage pour d'autres fonctions que le stockage de matériel, alors que, d'après l'état des lieux d'entrée, la locataire y disposait aussi d'un bureau et d'une salle destinée au personnel. Le réparateur de la chaudière indiquant que la pompe à chaleur comportait un système permettant, à l'aide de résistances électriques, de pallier les dysfonctionnements de la pompe elle-même, et la preuve d'aucune réclamation aux bailleurs n'étant rapportée au titre des années précédentes, la preuve de ce que le 1er étage était privé de chauffage n'est donc rapportée qu'à compter de janvier 2017 .

Il en résulte une privation de jouissance d'une partie des locaux loués, pendant la période de chauffe, soit de janvier 2017 à avril inclus, puis d'octobre à décembre 2017, où la chaudière à gaz a été installée. Celle-ci justifie l'allocation de dommages et intérêts à la société Loupi'doux d'un montant de 300 euros par mois durant 7 mois, soit 2 100 euros au total.

C) Sur la demande en réparation du préjudice de jouissance et d'atteinte à l'image de l'établissement

La société Loupi'doux demande la condamnation de ses anciens bailleurs à des dommages et intérêts de 5 000 euros en conséquence de l'entreposage de tuyaux pendant de nombreux mois, alors qu'en première instance, le bail étant toujours en cours, elle avait sollicité qu'il fût fait injonction aux défendeurs de retirer les tuyaux entreposés sur son terrain, sous astreinte.

Dès lors, cette demande précédente devenant sans objet dans la mesure où elle a quitté les lieux, la demande de dommages et intérêts qui lui a été substituée est parfaitement recevable, résultant d'un fait nouveau.

Force est de constater cependant que l'appelante ne produit, à l'appui de cette demande indemnitaire, aucune pièce susceptible de démontrer l'entreposage de tuyaux susceptible de l'avoir privée de la jouissance des extérieurs des locaux loués, dont la consistance n'est d'ailleurs nullement démontrée, faute de précision sur ce point dans le contrat de bail. Elle ne démontre pas non plus que son établissement aurait subi à ce titre une atteinte à son image.

En outre, elle ne rapporte la preuve d'aucune mise en demeure adressée aux époux [T]-[X], pendant la durée du bail, de libérer le terrain de tels tuyaux.

Il en résulte que cette demande de dommages et intérêts est infondée et doit être rejetée.

II ' Sur les demandes reconventionnelles des époux [T]-[X]

A) - Sur la demande au titre de la taxe de réaménagement et de la redevance archéologique

L'article 1.8.1. du bail relatif aux impôts et taxes stipule notamment que « le locataire acquittera ses contributions personnelles auxquelles il est ou sera assujetti personnellement, ainsi que celles dont le bailleur pourra être responsable à un titre quelconque », et qu'il réglera au bailleur, s'il ne les a pas déjà réglés directement, la taxe d'habitation, les taxes d'enlèvement des ordures ménagères et de balayage, ainsi que les frais de gestion de la fiscalité locale directe afférente aux taxes réglées au bailleur.

La demande des époux [T]-[X] porte sur la taxe d'aménagement et la redevance d'archéologie préventive, la première est notamment due pour les travaux d'agrandissement d'un bâtiment et la seconde pour de tels travaux lorsqu'ils affectent le sous-sol. Toutes deux ont été réclamées à M. [T] en juin 2016, au titre d'un dossier du 2 avril 2014 correspondant manifestement à la construction de la véranda adjointe à l'immeuble du [Adresse 2] à [Localité 4], ainsi que l'affirment les intimés.

Cependant, d'une part ces taxes ne figurent pas parmi celles qui sont énumérées à l'article 1.8.1. du bail, lesquelles sont évoquées séparément des « contributions » dont le bailleur pourrait être responsable. D'autre part, la cause de ces taxes est antérieure à la signature du bail entre les parties et il n'est nullement justifié de ce que cette véranda aurait été édifiée à la demande de la société Loupi'doux et en tout cas pour lui permettre de bénéficier d'une surface suffisante pour pouvoir y exercer son activité de micro-crèche.

Dès lors, aucun lien ne pouvant être effectué entre cette construction et le bail consenti à l'appelante, il n'est nullement justifié de mettre ces taxes à sa charge. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce chef et la demande des époux [T]-[X] présentée à cette fin sera rejetée.

B) - Sur la demande au titre des arriérés de loyers

La demande des époux [T]-[X] porte sur la somme de 550,88 euros qui lui a été allouée par le jugement déféré au titre de l'application de l'indexation du loyer prévue par le bail pour la période du 1er juin 2015 au 30 novembre 2019 et sur la somme additionnelle de 315,36 euros au titre de l'application de l'indexation du loyer prévue par le bail pour la période postérieure, de décembre 2019 à août 2020 inclus.

Tout en sollicitant l'infirmation totale du jugement déféré et le rejet de toutes les demandes des époux [T]-[X], la société Loupi'doux indique, dans les motifs de ses écritures, ne pas remettre en cause « l'arriéré de loyers, à hauteur de 550,88 euros » et elle n'invoque aucun moyen pour s'opposer au règlement de la somme supplémentaire de 315,36 euros pour la période postérieure, écoulée jusqu'au terme du bail, le 31 août 2019.

Or, effectivement, le bail ayant lié les parties prévoit une révision annuelle du loyer, automatique, le 1er juin de chaque année, en fonction de la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE, l'indice de base étant celui du 1er trimestre de 2014, d'une valeur de 125,00.

Le calcul du montant dû en application de cette indexation n'étant pas remis en cause, il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Loupi'doux à verser aux époux [T]-[X] la somme de 550,88 euros et de la condamner au règlement du montant de 315,36 euros supplémentaires, au titre de l'indexation des loyers jusqu'au terme du bail.

C)- Sur les demandes au titre de la clause pénale

Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'article 2.5.1. du bail qui a lié les parties prévoit une clause pénale de 10 % des sommes dues au titre du loyer et de ses accessoires. Or, il résulte des développements qui précèdent que les taxes réclamées par les intimés n'étaient pas dues par l'appelante. En conséquence, aucune somme ne peut lui être imputée à titre de clause pénale sur ces taxes et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande présentée sur ce chef.

En revanche, les sommes impayées au titre de l'indexation des loyers donnent lieu au règlement de la pénalité prévue par la clause pénale du bail. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Loupi'doux au règlement de la somme de 55,08 euros à ce titre et il y sera ajouté celle de 31,54 euros, au titre de la clause pénale due sur la somme impayée de 315,36 €.

D) - Sur la demande de dommages et intérêts en application de l'article 32-1 du code de procédure civile

Les époux [T]-[X] sollicitent la condamnation de la société Loupi'doux à les indemniser sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, selon lequel celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. Cependant, il résulte des développements qui précèdent que les demandes de la société Loupi'doux sont partiellement fondées, ce dont il résulte qu'aucun abus de droit n'est constitué à son encontre et que la demande de dommages et intérêts des intimés pour procédure abusive doit être rejetée.

Par ailleurs, alors que les époux [T]-[X] sollicitent de la cour qu'elle statue ce que de droit s'agissant d'une amende civile, il doit être observé que cette demande, indéterminée, ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, étant rappelé, en tout état de cause, que les parties n'ont pas qualité pour présenter de demande à ce titre.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant partiellement infirmé, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens.

De plus, les demandes de chacune des parties étant partiellement, accueillies, chacune d'elles conservera à sa charge ses dépens, mais aussi les frais exclus des dépens qu'elle aura engagés à l'occasion de la première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 25 juin 2020, sauf en ce qu'il a débouté la SAS Les Loupi'doux de ses demandes indemnitaires au titre des vices cachés et de l'obligation de délivrance conforme des bailleurs, de ses demandes de remise en service de la pompe à chaleur, et de retrait des tuyaux entreposés sur le terrain et de ses demandes en réparation de son préjudice commercial et moral, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [T] et Mme [X] la somme de 550,88 euros au titre des arriérés de loyers, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision, et CONFIRME ce jugement sur ces chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant au dit jugement,

DECLARE irrecevable la demande de la société Loupi'doux au titre du remboursement du trop versé de loyers,

DECLARE recevables les demandes d'indemnisation de la société Loupi'doux de 20 000,00 euros pour absence de chauffage du premier niveau de la maison à partir de janvier 2017 et de 5 000 euros pour présence de tuyaux sur le terrain,

CONDAMNE M. [S] [T] et Mme [Z] [X], épouse [T], à payer à la société Loupi'doux :

- la somme de 1 468,25 euros (mille quatre cent soixante-huit euros et vingt-cinq centimes) de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation relative à la fermeture de son établissement les 9 et 10 janvier 2017,

- la somme de 618,00 (six cent dix-huit) euros de dommages et intérêts en raison de la surconsommation énergétique,

- la somme de 2 100 (deux mille cent) euros de dommages et intérêts au titre de l'absence de chauffage au 1er étage des locaux loués,

REJETTE la demande de la société Loupi'doux en réparation de son préjudice de jouissance et d'atteinte à l'image de l'établissement lié à l'entreposage de tuyaux sur le terrain loué,

CONDAMNE la société Loupi'doux à payer à M. [S] [T] et Mme [Z] [X], épouse [T], la somme de 315,36 euros (trois cent quinze euros et trente six centimes) au titre de l'indexation du loyer pour la période de décembre 2019 à août 2020 inclus, ainsi que la somme de 31,54 euros (trente et un euros et cinquante quatre centimes) au titre de la clause pénale y afférente,

REJETTE la demande de M. [S] [T] et de Mme [Z] [X], épouse [T], au titre de la taxe d'aménagement et de la redevance d'archéologie préventive et leur demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses dépens de première instance et d'appel,

REJETTE les demandes réciproques de la société Loupi'doux d'une part et de M. [S] [T] et Mme [Z] [X], épouse [T], d'autre part, présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02232
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;20.02232 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award