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23/06/2023 | FRANCE | N°21/03192

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 juin 2023, 21/03192


MINUTE N° 315/2023





























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- la SCP CAHN ET ASSOCIÉS





Le 23 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03192 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUC

R



Décision déférée à la cour : 28 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse





APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :



Monsieur [R] [T]

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me Laurence FRICK, Avocat à la cour





INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCID...

MINUTE N° 315/2023

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- la SCP CAHN ET ASSOCIÉS

Le 23 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03192 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUCR

Décision déférée à la cour : 28 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [R] [T]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Laurence FRICK, Avocat à la cour

INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [L] [K] et

Madame [J] [B] épouse [K]

demeurant tous deux [Adresse 1]

représentés par la SCP CAHN ET ASSOCIÉS, Avocats à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats :Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contracdictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon compromis de vente du 21 novembre 2019, M. [R] [T] a vendu aux époux [L] [K] et [J] [B], par l'entremise de l'agence Créa immobilier [Localité 4], un appartement avec cave, sis [Adresse 2], au prix de 46 000 euros.

M. [T] a été convoqué par acte extra-judiciaire délivré le 26 février 2020 à personne pour la signature de l'acte de vente, le 5 mars 2020, en l'étude de Me [Y], notaire à [Localité 4]. Il s'est présenté en l'étude du notaire peu avant cette date et le jour même, pour indiquer qu'il ne souhaitait plus vendre son bien.

Par acte introductif d'instance remis au greffe le 30 mars 2020, signifié le 29 mai 2020, les époux [K] ont fait citer M. [T] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de condamnation sous astreinte à signer l'acte de vente, et en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 28 mai 2021 le tribunal a :

- rejeté l'exception de nullité du compromis de vente,

- condamné, sous astreinte, M. [T] à signer l'acte de vente aux conditions prévues au compromis de vente,

- condamné M. [T] à payer aux époux [K] la somme de 4 600 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020 au titre de la clause pénale,

- rejeté la demande d'indemnisation au titre des loyers supportés et de paiement de la commission d'agence,

- condamné M. [T] au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, le déboutant de sa demande sur ce fondement.

Le tribunal a considéré que le fait que M. [T] ait été hospitalisé en soins intensifs puis en service de médecine du 28 octobre au 14 novembre 2019 ne suffisait pas à démontrer qu'il n'aurait pas eu une lucidité suffisante le 21 novembre 2019 pour signer le compromis de vente, qu'il ne justifiait pas davantage d'une contrainte constitutive d'une violence de la part de l'agence immobilière, son revirement étant lié à un conflit patrimonial avec son épouse, et qu'il ne pouvait exciper d'une erreur sur le prix.

Le tribunal a donc accueilli les demandes en passation d'acte et en paiement du montant de la clause pénale formées par les époux [K]. Constatant que ces derniers ne pouvaient cumuler l'indemnité due au titre de cette clause et l'indemnisation de leur préjudice, le tribunal les a déboutés de leur demande aux titres des loyers qu'ils avaient supportés depuis le 1er avril 2020 suite à la vente de leur maison, et au titre de la commission d'agence dont seule l'agence immobilière était la créancière.

M. [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 juillet 2021, en toutes ses dispositions.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 juin 2022.

A l'audience du 24 février 2023, la cour a invité les parties à préciser si l'appelant faisait l'objet d'une mesure de protection, et si l'acte authentique de vente avait été effectivement régularisé, et les a autorisées à déposer une note en délibéré sur ce point.

Le conseil de M. [T] a précisé que son client ne faisait pas l'objet d'une mesure de protection, que l'acte de vente avait été signé le 23 août 2022, - en réalité 2021 - et que l'astreinte avait été liquidée par un jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse du 26 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 mars 2022, M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :

- déclarer le compromis de vente nul,

- ordonner la remise en état des parties là où elles se trouvaient avant la signature, en application des articles 1131 et 1142 du code civil,

- déclarer les époux [K] irrecevables et mal fondés en leurs demandes,

- les débouter de l'intégralité de leurs fins et conclusions, y compris sur appel incident,

- ordonner la radiation de la mention de la vente au Livre foncier de [Localité 3],

en tout état de cause,

- rejeter la demande de condamnation de M. [T] à régler l'indemnité de 4 600 euros ainsi que l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

- condamner les époux [K] aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir qu'il n'avait pas la capacité de contracter au jour de la signature du compromis de vente du fait de la pathologie cardiaque dont il souffre qui avait nécessité son hospitalisation dans les jours ayant précédé cette signature, et de son état de vulnérabilité lié à son âge avancé - 82 ans -, outre une fragilité psychique et la prise de lourds traitements médicamenteux pouvant induire une confusion mentale.

Il indique que l'agent immobilier est venu chez lui, après sa sortie de l'hôpital, pour lui faire signer le compromis de vente et qu'étant affaibli par son hospitalisation en soins intensifs, il n'avait pas pris conscience de ce qu'il signait. Il ajoute que l'agent immobilier contre lequel il a déposé une plainte pénale pour faux et usage de faux, dans la mesure où il conteste sa signature sur le mandat de vente, et pour abus de faiblesse, a usé de contrainte pour obtenir son consentement en menaçant de lui 'envoyer un huissier'. Il s'appuie sur des courriers qu'il a rédigés qui démontreraient sa confusion mentale et sur un rapport de diagnostic du docteur [I] du 8 juillet 2021 préconisant une mesure de curatelle.

Il ajoute qu'il avait peur de se déplacer en pleine crise sanitaire, et que le prix est inférieur à celui du marché.

Son consentement ayant été recueilli sous la contrainte, il demande que soit prononcée la nullité du compromis de vente et partant, la nullité de la vente réitérée par-devant Me [N] (successeur de Me [Y]).

En tout état de cause, le tribunal ne pouvait cumuler la condamnation à signer l'acte et la clause pénale qui n'a pas vocation à jouer dès lors que l'acte a été signé. Il conclut au rejet de l'appel incident qui, selon lui, vise à le dépouiller.

Aux termes de leurs écritures transmises par voie électronique le 3 janvier 2022, les époux [K] demandent à la cour de déclarer l'appel irrecevable en tous cas mal fondé et de rejeter les demandes, fins et conclusions de l'appelant, et de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté l'exception de nullité du compromis de vente,

- condamné, sous astreinte, M. [T] à signer l'acte de vente aux conditions prévues au compromis de vente,

- condamné M. [T] à payer aux époux [K] la somme de 4 600 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2020 au titre de la clause pénale,

- condamné M. [T] au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que M. [T] avait bien mandaté, à deux reprises, l'agence Créa immobilier qui en atteste, pour louer puis pour vendre l'appartement. Ils soutiennent que l'appelant ne peut, sans se contredire, invoquer une imitation de sa signature, puis l'absence de prise de conscience de ce qu'il signait ; que sa prétendue vulnérabilité n'est pas démontrée, sa pathologie cardiaque n'étant pas de nature à altérer sa capacité à contracter ; que le certificat médical du docteur [I] est postérieur de près de deux années à la signature de l'acte, une mesure de curatelle simple n'empêchant au surplus pas la personne qui en fait l'objet de pouvoir contracter. Ils soulignent que le prix de vente est proche de celui indiqué dans le mandat de vente - 50 000 euros -, et que de plus, M. [T] a signé le 19 décembre 2019 une convention par laquelle il reconnaissait que les acquéreurs l'autorisaient à démonter la cuisine à ses frais, ce qui démontrerait qu'il était en pleine possession de ses moyens pour accepter la vente. Enfin, dans un courriel du 14 décembre 2020, Me [Y] indiquait que M. [T] avait évoqué des motifs purement personnels tenant à ses relations patrimoniales avec son épouse pour justifier son refus de signer l'acte.

Ils invoquent ensuite un préjudice lié au fait qu'ayant parallèlement vendu leur maison ils ont dû prendre un appartement en location et ont supporté des loyers à hauteur de 12 350 euros -, et soutiennent que le montant de la clause pénale est dû en sus, ainsi que la commission qu'ils ont payée à l'agence. Ils sollicitent en outre 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le même montant à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

À titre liminaire, il sera relevé que les époux [K] concluent à l'irrecevabilité de l'appel mais sans soulever aucun moyen précis. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il y a lieu de déclarer l'appel recevable.

Sur la nullité du compromis de vente

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que M. [T] ne rapportait la preuve ni d'un trouble mental ayant pu altérer son discernement, ni du fait que son consentement aurait été vicié par une contrainte exercée sur lui par l'agent immobilier.

En effet, si le compte-rendu d'hospitalisation du 28 octobre au 14 novembre 2019 mentionne l'existence d'une pathologie cardiaque, il ne fait pas état de troubles cognitifs, et le certificat du docteur [I] qui conclut à l'existence d'un déficit des capacités mentales empêchant M. [T] d'exprimer pleinement sa volonté, et justifiant une mesure de curatelle simple, a été établi le 28 juillet 2021, soit plus de vingt mois après la signature du compromis de vente. Ce certificat ne comporte par ailleurs aucun élément permettant d'établir que l'appelant n'aurait pas disposé de toute sa lucidité au moment de la signature de cet acte.

Il n'est pas non plus démontré que le lourd traitement médicamenteux auquel l'appelant était soumis à cette date était susceptible de générer une confusion mentale comme il l'affirme.

M. [T] ne démontre pas davantage avoir subi des pressions de la part de l'agent immobilier pour le contraindre à signer, le doucement qu'il produit en annexe 6 étant rédigé par lui.

Le prix stipulé n'apparaît par ailleurs nullement dérisoire. En effet, si l'appelant produit des estimations évoquant une valeur se situant entre 50 000 et 60 000 euros, les époux [K] ont motivé leur offre par l'importance des travaux à réaliser produisant à cet égard un devis du 10 novembre 2019 portant sur un montant de 17 568 euros.

Il ressort par ailleurs d'un courrier adressé le 24 mars 2020 par M. [T] au conseil des intimés que le motif de son refus de signer l'acte était 'en lien avec son régime matrimonial', ce qui apparaît certes peu explicite, mais confirmé par Me [Y], notaire, qui dans un courrier électronique du 14 décembre 2020 précisait que pour justifier son refus de vendre et de signer M. [T] avait invoqué des motifs purement personnels tenant notamment à ses relations patrimoniales avec son épouse et à un litige concernant la maison occupée par le couple appartenant à cette dernière.

Enfin, l'appelant ne conteste pas avoir signé le document intitulé 'convention' produit en annexe 11 par les intimés, daté du 19 décembre 2019, aux termes duquel il reconnaissait avoir été autorisé à démonter entièrement la cuisine installée dans l'appartement à sa charge et à ses frais en accord avec l'acquéreur M. [K], ce qui confirme son intention de vendre l'appartement.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Sur la demande de passation d'acte et sur l'application de la clause pénale

Le compromis de vente n'étant pas entaché de nullité, le jugement doit être confirmé en tant qu'il a condamné M. [T] à régulariser l'acte de vente, sous astreinte.

L'acte comporte une clause pénale qui stipule qu'au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution de l'acte étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 4 600 euros à titre de clause pénale, conformément aux articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tous dommages et intérêts.

Il est en outre précisé que 'la présente clause pénale ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente'.

La clause pénale ayant vocation à s'appliquer même dans le cas où une action est engagée aux fins de passation de l'acte de vente, le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a accueilli la demande des époux [K] en paiement de la somme de 4 600 euros au titre de la clause pénale, M. [T] ayant été mis en demeure.

Sur les autres demandes

Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Force est de constater que si dans le corps de leurs conclusions les époux [K] formulent un appel incident, la cour n'est toutefois saisie d'aucune prétention à ce titre dans le dispositif de celles-ci.

M. [T] qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel, et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 28 mai 2021 ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [T] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [R] [T] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03192
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;21.03192 ?
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