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23/06/2023 | FRANCE | N°21/03174

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 23 juin 2023, 21/03174


CKD/KG





MINUTE N° 23/546





















































Copie exécutoire

aux avocats



le 27 juin 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 23 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N°

RG 21/03174

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBQ



Décision déférée à la Cour : 21 Juin 2021 par la formation paritaire du Conseil de prud'hommes de Colmar





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



L'Association Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers

de [Localité 2]

N° SIRET : 916 120 785

[Adresse 4]...

CKD/KG

MINUTE N° 23/546

Copie exécutoire

aux avocats

le 27 juin 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 23 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03174

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBQ

Décision déférée à la Cour : 21 Juin 2021 par la formation paritaire du Conseil de prud'hommes de Colmar

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

L'Association Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers

de [Localité 2]

N° SIRET : 916 120 785

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas SIMOENS, Avocat au barreau de Colmar

INTIMÉ et APPELANT SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [L] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [L] [P] né le 30 juillet 1980 a été embauché par l'association Coopérative des Patrons Boulangers Pâtissiers de [Localité 2] en qualité de manutentionnaire le 1er avril 2003.

Selon nouveau contrat de travail du 29 mars 2011, il a occupé à compter du 1er avril 2011 les fonctions de technico-commercial.

Le contrat de travail prévoyait une rémunération fixe de 355,33 € augmentée de commissions mensuelles variables de 1 à 2 % en fonction du chiffre d'affaires réalisé.

A l'automne 2018 la direction a décidé de réorganiser les secteurs d'activité, entraînant selon Monsieur [P] la perte de 24 clients, et une diminution de sa rémunération.

Dès le 24 septembre 2018 il a interrogé son employeur sur la compensation financière de la baisse. L'employeur invoquant une seule modification de l'organisation du travail n'a pas donné suite à cette demande.

Monsieur [P] affirme avoir par mail du 07 mars 2019 appris par les responsables du Super U de [Localité 5] qu'il ne serait plus le commercial de cette société, décision qu'il a contestée même jour.

Par courrier du 31 août 2020 Monsieur [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en invoquant :

- le retrait de 24 clients au mois d'octobre 2018 entraînant une baisse de 380 000 € annuels de chiffre d'affaires,

- le retrait en avril 2019 du Super U [Localité 5] entraînant la baisse d'un chiffre d'affaires de 136 000 €

- l'ensemble entraînant une baisse de plus de 10.000 € bruts de revenus à l'année.

Il fait valoir que ces retraits constituent une modification unilatérale du contrat de travail.

Il a le 23 septembre 2020 saisi le conseil des prud'hommes de Colmar d'une demande de requalification de la rupture, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sollicitait outre un rappel de salaire de 12.467,19 €, les diverses indemnités de rupture, dont 79.783 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil des prud'hommes a :

Requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que le salaire de référence reconstitué s'élève à 4.980,81 € bruts,

Condamné la société Coopérative des Patrons Boulangers Pâtissiers de [Localité 2] à payer à Monsieur [L] [P] les sommes de :

- 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

- 9.883,62 € bruts à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents

- 24.539,08 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 2.266,66 € bruts à titre de rappels de salaire outre les congés payés afférents.

Le conseil des prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire au-delà de l'exécution de droit, a débouté l'employeur de ses demandes reconventionnelles, et l'a condamné aux entiers dépens.

L'association coopérative à responsabilité limitée des Patrons Boulangers Pâtissiers de [Localité 2] a le 08 juillet 2021 interjeté appel de ce jugement (RG 21/3174).

Elle a le 16 juillet 2021 formé un second appel (RG 21/3261)

Par arrêt du 14 mars 2023, la jonction a été ordonnée des deux procédures a été ordonnée sous le numéro le plus ancien RG 21/3174.

Par conclusions numéro 4 transmises par voie électronique le 04 janvier 2023 l'association demande à la cour de :

Avant dire droit

- Ordonner l'audition et la comparution personnelle des parties et des anciens collègues en la personne de Messieurs [Y], [D], [C], [V], et [Z].

- Enjoindre à Monsieur [P] de verser aux débats le contrat qu'il a signé avec la SARL Didier distribution, de la D UE régularisée à cette occasion et de l'ensemble des bulletins de paie de septembre 2020 à juillet 2022.

- Réserver à la coopérative la possibilité de conclure après production.

Au fond

- Déclarer l'appel recevable et bien-fondé,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- Débouter Monsieur [L] [P] de l'intégralité de ses prétentions et moyens,

- Juger qu'il ne rapporte pas la preuve des manquements graves de l'employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail,

- Dire et juger que la prise d'acte produit les effets d'une démission,

- Condamner Monsieur [L] [P] à lui payer une indemnité compensatrice de préavis de 7.630,71 €,

- Débouter Monsieur [L] [P] de l'intégralité de ses prétentions fins et moyens s'agissant de l'appel incident formé selon conclusions du 4 janvier 2022,

- Le condamner à lui payer la somme globale de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances.

Par dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 07 décembre 2022 Monsieur [P], formant un appel incident demande à la cour de :

- Déclarer l'appel de la coopérative mal fondé et le rejeter,

-Débouter la coopérative de l'ensemble de ses fins et conclusions,

Sur appel incident

- Infirmer le jugement en ce qu'il dit que le salaire de référence s'élève à 4.991,81 € bruts,

- Et limite les montants alloués au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, du rappel de salaire, et des congés payés afférents,

- Infirmer le jugement en ce qui limite les dommages et intérêts à la somme de 50.000 €,

Statuant à nouveau dans cette limite

- Juger que le salaire reconstitué s'élève à 5.698,79 €

- Condamner en conséquence l'association coopérative des patrons boulangers pâtissiers de [Localité 2] à payer les montants suivants :

* 12.467,19 € bruts au titre de rappels de salaire,

* 27.781,61 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 11.397,58 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 1.139,76 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

* 1.049,06 € au titre de rappels sur indemnité compensatrice de préavis,

* 79.783,06 € de dommages et intérêts,

* 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 04 janvier 2023, l'ordonnance de clôture initiale du 13 décembre 2022 a été révoquée, et l'affaire a été renvoyée pour une nouvelle clôture à l'audience du 10 janvier 2023 au cours de laquelle l'ordonnance de clôture a été prononcée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens de l'appelant à ses conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes avant dire droit

Les demandes avant dire droit de comparution personnelle des parties, d'audition d'anciens collègues de travail, et de production de pièces sont rejetées, la cour disposant de suffisamment d'éléments pour trancher le litige.

Les parties ont en effet longuement conclu de part et d'autre dans la procédure qui est écrite, de sorte que leur comparution personnelle n'apporterait rien.

Par ailleurs les cinq témoins cités ont attesté par écrit.

Enfin le salarié produit les bulletins de paie de septembre 2020 à septembre 2021 auprès de son nouvel employeur, et qu'il n'est pas nécessaire dans ces conditions d'ordonner la production du contrat de travail, ou de la déclaration unique d'embauche.

II. Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Lorsque qu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Par ailleurs, le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par courrier du 31 août 2020, Monsieur [P] a pris acte de la rupture du son contrat de travail, en raison d'une modification unilatérale de son contrat de travail par le retrait de 24 clients en octobre 2018, et le retrait en avril 2019 de l'important client Super U [Localité 5], l'ensemble entraînant une baisse de salaire de 10.000 € bruts sur l'année.

Dans ses conclusions le salarié invoque un second grief à savoir le comportement de son supérieur hiérarchique Monsieur [Y].

1. Sur la modification du contrat de travail

Selon nouveau contrat de travail du 29 mars 2011, Monsieur [L] [P] occupait à compter du 1er avril 2011 les fonctions de technico-commercial. Le contrat de travail prévoyait une rémunération fixe de 355,33 € augmentée de commissions mensuelles variables de 1 à 2 % en fonction du chiffre d'affaires réalisé.

- Sur la qualification de la réorganisation des secteurs de prospection

L'article 6 du contrat de travail dispose que le salarié s'engage à réaliser au cours de chaque exercice (1er octobre - 30 septembre) un chiffre d'affaires d'au moins 1.398.171,16 € HT, montant représentatif du portefeuille clients qui lui était dévolu.

Selon l'article 1 du contrat de travail, la liste des clients est définie dans l'annexe au contrat de travail, mais que la direction peut décider de ne plus confier la charge de certains clients au salarié en cas de :

- baisse du chiffre d'affaires réalisées avec le client

- mécontentement du client,

- problème de paiement,

- décision de réorganisation du secteur d'activité par la direction.

L'employeur se trouve dès lors dans le dernier cas évoqué par l'article 1er du contrat de travail liant les parties, à savoir une réorganisation du secteur d'activité.

Il est en effet établi qu'à compter d'octobre 2018 la direction a décidé de réorganiser les secteurs d'activité, afin de rationaliser les déplacements des commerciaux, et qu'elle a confié cette réorganisation à l'ensemble des commerciaux qui ont procéder à de nouveaux découpages.

Une telle réorganisation qui relève du pouvoir de l'employeur ne caractérise pas en soi une modification du contrat de travail. En revanche, contrairement aux affirmations de la société appelante, lorsque la modification du périmètre de prospection impacte la rémunération du salarié, elle constitue bien une modification du contrat de travail, et non pas simplement de ses conditions.

L'employeur ne peut s'affranchir de sa décision de réorganisation au motif que celle-ci a été mise en 'uvre par les commerciaux eux-mêmes. En effet d'une part la décision de réorganisation a bien été prise par l'employeur, et d'autre part il a approuvé le nouveau découpage proposé. Enfin si une nouvelle répartition du périmètre de prospection a été proposée, Monsieur [L] [P] a immédiatement par mail du 24 septembre 2018 dénoncé une diminution de son chiffre d'affaires, et a interrogé l'employeur sur la compensation de cette perte.

- Sur l'importance de la baisse de rémunération et ses causes

L'employeur conteste par ailleurs l'importance de la baisse de la rémunération, sa cause qu'il attribue à une démotivation du salarié, à de nombreuses prises de congés, ou encore à la fluctuation du marché.

Le salarié verse aux débats le contrat de travail, ainsi qu'une annexe éditée le 05 avril 2011 comportant une liste de clients. L'employeur pour sa part ne produit pas de listing ancien, ni de listing nouveau. En revanche la liste des 24 clients dressée par Monsieur [P] dans son mail du 24 septembre 2018 n'a pas été contestée, et ne l'ai toujours pas, pas davantage que le chiffre d'affaires que générerait l'ensemble de ces 24 clients en 2017.

Selon un tableau produit par Monsieur [P] en pièce numéro 11 sont détaillés notamment mois par mois et au total, les chiffres d'affaires et le salaire pour les années 2016 à 2019. Sont également mentionnés le salaire et le chiffre d'affaires de 2011 à 2019. Il en résulte que le chiffre d'affaires a régulièrement progressé de 2011 à 2018 pour atteindre les trois dernières années 2.461.515 €, 2.681.259 €, et 2.738.073 € avant de chuter en 2019 à 2.260.899 €.

De la même manière le salaire était de 2016 à 2018 de 37.165 €, 41.767 €, 41.713 €, avant de chuter à 34.741 € en 2019.

La baisse de revenus subis par le salarié en 2019, soit après la mise en 'uvre du nouveau découpage, et le retrait de 24 clients n'est pas contestable.

Par ailleurs le manque d'investissement du salarié mis en avant par la coopérative pour expliquer cette baisse n'est pas établi, pas davantage qu'une fluctuation du marché.

Enfin la reprise de nombreux jours de congés payés ne résulte pas d'un désinvestissement du salarié, mais de la dénonciation de l'usage par l'employeur de reporter d'une année sur l'autre les congés acquis, cette dénonciation prenante effet le 1er mai 2019.

Ainsi le salarié se trouvait dans l'obligation de prendre 62,5 jours de congés payés avant le 30 avril 2019 de sorte qu'il a pris 62 jours de congés sur l'exercice 2018, et disposait encore de 37,5 jours à prendre avant le 30 avril 2019.

Or le tableau récapitulatif (pièce 11) ne démontre pas de baisse du chiffre d'affaires et du salaire en 2018, alors que le nombre de jours de congés était tout aussi important qu'en 2019. Ainsi la prise de jours de congés payés en 2019 ne peut expliquer la chute du chiffre d'affaires, et celle consécutive du salaire.

- Sur l'ancienneté des griefs invoqués

L'employeur fait valoir que les griefs allégués sont anciens, qu'ils n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail, et qu'en réalité le salarié après un congé parental a immédiatement travaillé auprès d'un autre employeur, et enfin qu'il savait ne pas revenir au sein de la coopérative lors de son départ en congé parental pour avoir effacé le contenu total de son téléphone professionnel avec les numéros des clients, et autres informations.

Monsieur [P] conteste que l'ancienneté des manquements s'oppose à la requalification en faisant valoir qu'il devait attendre la fin de l'exercice en octobre 2019 pour pouvoir comparer les chiffres d'affaires suite au retrait d'une partie de sa clientèle. Il rappelle que la dernière modification relative aux clients Super U a pris effet en avril 2019.

***

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Ainsi si les manquements de l'employeur sont sérieux, mais sont pour la plupart anciens et n'ont par conséquent pas empêché la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte ne pourra produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais aura les effets d'une démission.

En l'espèce il résulte de la procédure que la chronologie est la suivante :

- Le 24 septembre 2018 : le nouveau périmètre de prospection avec retrait de 24 clients est conformément à son courriel, connu du salarié,

- Le 03 octobre 2018 : par un mail en réponse l'employeur conteste la modification du contrat de travail, fait valoir les avantages du nouveau découpage, et conteste une présupposée diminution du chiffre d'affaires,

- Le 07 mars 2019 : le salarié déclare qu'il vient d'être informé de la perte du client Super [Localité 5] et demande de faire le point sur cette question,

- du 17 janvier 2020 au 31 août 2020 : le salarié se trouve en congé parental d'éducation.

- Le 25 août 2020 : un courriel dans lequel le salarié informe son employeur qu'à défaut d'accord amiable destiné à mettre fin au contrat de travail, il prendrait acte de la rupture de ce contrat compte tenu de l'importance des clients retirés depuis l'automne 2018 et l'impact financier,

- Le 28 août 2020 : le courriel de contestation de l'employeur,

- Le 31 août 2020 la lettre recommandée de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Les motifs des deux demandes de rendez-vous durant le congé parental, les 26 février et 13 août 2020 ne sont pas précisés, le salarié invoquant ces éléments pour établir la lenteur de la réponse de l'employeur.

Or le grief principal invoqué par le salarié est le retrait de 24 clients à l'automne 2018, suivi en mars 2019 du retrait de l'important client Super U [Localité 5].

Force est de constater que le contrat de travail s'est néanmoins poursuivi.

Le salarié ne peut dans ces conditions invoquer le 31 août 2020 à l'appui de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail des griefs échus depuis septembre 2018, et mars 2019 pour le plus récent.

2. Sur le comportement de son supérieur hiérarchique

Le salarié est en droit d'invoquer de nouveaux griefs qui ne l'auraient pas été dans la lettre de prise d'acte.

En l'espèce Monsieur [P] affirme que son supérieur hiérarchique Monsieur [Y] a employé à son égard un ton condescendant et agressif dans ses mails des 09 et 12 novembre 2018. Mais ces deux courriels n'ont visiblement pas empêché la poursuite du contrat de travail durant de nombreux mois.

Il invoque par ailleurs un mail du 24 janvier, dans lequel Monsieur [Y] lui aurait fait dire ce qu'il n'a jamais dit. Or d'une part cette affirmation ne se réfère à aucune pièce, et l'année de ce mail n'est pas même précisée.

Ces éléments sont par conséquents insuffisants à justifier prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

3. Sur la synthèse

Les manquements de l'employeur sont en l'espèce sérieux, mais sont anciens remontant à septembre 2018, novembre 2018, et mars 2019, et n'ont par conséquent pas empêché la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent la prise d'acte ne pourra produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais aura les effets d'une démission.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la prise d'acte produisant les effets d'une démission, Monsieur [P] doit être débouté de ses prétentions.

Le jugement déféré par conséquent infirmé en ce qu'il requalifie la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamne la coopérative à payer à Monsieur [P] 50.000 € à titre de dommages et intérêts, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, ainsi que l'indemnité légale de licenciement.

Monsieur [L] [P] est débouté de l'intégralité de ces demandes.

4. Sur l'indemnité de préavis

Dès lors que la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié demeure débiteur du préavis de deux mois qu'il n'a pas exécuté. Par conséquent l'employeur est bien-fondé à réclamer le paiement de cette indemnité compensatrice. Il a pour sa part retenue un salaire minimum de 3.815,35 €, soit une indemnité de préavis de 7.630,71 € qui lui sera par conséquent allouée. Le jugement est infirmé sur ce point.

III. Sur le rappel de salaire et des congés payés afférents

1. Sur le rappel de salaire

Le conseil des prud'hommes a alloué à Monsieur [P] la somme de 2.266,60 € bruts à titre de rappels de salaire, outre les congés payés afférents. Ce montant a été alloué au titre de la perte de commission du client Super U de [Localité 5] du 1er avril 2019 au 31 janvier 2020 sur la base mensuelle de 226,67 €.

Monsieur [P] forme un appel incident et réclame 12.467,19 €, outre les congés payés à ce titre, alors que l'employeur conclut simplement au débouté de la demande.

Il résulte de la procédure que le retrait du client Super U a entraîné une perte de salaire de 226,67 € bruts par mois entre le 1er avril 2019 et le 31 janvier 2020.

C'est à juste titre que Monsieur [P] relève que le conseil des prud'hommes tout en reconnaissant le mal fondé du retrait de 24 clients entre octobre 2018 et janvier 2020 n'a alloué aucun montant à ce titre. Il réclame de ce chef 637,53 € par mois durant 16 mois soit 10.200,53 €. Ce montant fondé sur la perte du chiffre d'affaires suite à la réorganisation de l'automne 2018 apparaît justifié. Il convient par conséquent de faire droit à l'appel incident, et d'infirmer le jugement sur ce point en allouant à Monsieur [P] la somme totale réclamée de 12.467,19 € bruts.

Il y a lieu par ailleurs de faire droit à sa demande de fixation à la somme de 5.698,79 € bruts du salaire mensuel brut après reconstitution. Le jugement déféré sur ce point également infirmé.

- Sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis

Le conseil des prud'hommes a alloué au salarié somme de 272 € bruts.

Monsieur [P] réclame une somme de 1.049,06 € à titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur la base d'un salaire reconstitué de 5.698,79 €. Exposant avoir perçu une somme de 3.396 € sur les 4.445,06 € dus, il réclame la différence de 1.049,06 €.

Cette somme est effectivement due compte-tenu du rappel de salaire alloué.

IV. Sur les demandes annexes

En première instance, la coopérative qui succombe au moins partiellement a, à juste titre, été condamnée aux frais et dépens de la procédure.

À hauteur d'appel Monsieur [L] [P] qui succombe pour l'essentiel est condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'issue du litige ne commande pas, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou de l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Colmar le 21 juin 2021 en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il condamne la société Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers de [Localité 2] aux entiers frais et dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

REJETTE les demandes avant dire droit de la Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers de [Localité 2] d'audition de témoins, de comparution personnelle, et d'injonction à produire des pièces ;

JUGE que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission ;

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de ses demandes de dommages et intérêts, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés afférents, et indemnité de licenciement,

CONDAMNE Monsieur [L] [P] à payer à la Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers de [Localité 2] la somme de 7.630,71 € (sept mille six cent trente euros et soixante-et-onze centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

JUGE que le salaire mensuel reconstitué s'élève à 5.698,79 € bruts ;

CONDAMNE la Coopérative des Patrons Boulangers et Pâtissiers de [Localité 2] à payer à Monsieur [L] [P] les sommes de :

* 12.467,19 € (douze mille quatre cent soixante-sept euros et dix-neuf centimes) bruts à titre de rappels de salaire,

* 1.049,06 € (mille quarante-neuf euros et six centimes) bruts au titre de rappels sur indemnité compensatrice de congés payés ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [L] [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023 et signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle Greffière.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/03174
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;21.03174 ?
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