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23/06/2023 | FRANCE | N°21/03106

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 juin 2023, 21/03106


MINUTE N° 331/2023





























Copie exécutoire à



- Me Eulalie LEPINAY



- Me Mathilde SEILLE



- Me Céline RICHARD



Le 23 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR



DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03106 - >
N° Portalis DBVW-V-B7F-HT5S



Décision déférée à la cour : 25 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



S.A.R.L. MUC HABITAT représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]
...

MINUTE N° 331/2023

Copie exécutoire à

- Me Eulalie LEPINAY

- Me Mathilde SEILLE

- Me Céline RICHARD

Le 23 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03106 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HT5S

Décision déférée à la cour : 25 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

S.A.R.L. MUC HABITAT représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour.

INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [V] [J] [K] [M] et

Madame [R] [G] [P] épouse [M]

demeurant tous deux [Adresse 3]

représentés par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [Y]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 4]

représenté par Me Céline RICHARD, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats :Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [Y] est propriétaire d'une parcelle de terrain sise [Adresse 2] à [Localité 4].

Le 23 novembre 2018, il a signé un compromis de vente avec M. [V] [M] et Mme [R] [P], son épouse, portant sur ce bien, avec stipulation d'une condition suspensive liée à l'obtention d'un permis de construire par les acquéreurs, en vue de la construction d'une maison d'habitation de 150 m2, le prix étant de 174 000 euros.

Le 14 décembre 2018, les époux [M] ont conclu un contrat de construction d'une maison individuelle (CCMI) avec la société Muc Habitat qu'ils ont mandatée pour accomplir notamment les démarches nécessaires à l'obtention du permis de construire.

Par arrêté du 18 janvier 2019, le maire de la ville de [Localité 4] a refusé la délivrance du permis de construire aux époux [M], pour défaut de conformité de leur demande au plan local d'urbanisme (PLU).

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 mars 2019, M. [Z] [Y] a mis en demeure les époux [M] de régulariser le compromis par acte authentique.

Sans réponse de leur part, il les a assignés, le 13 juin 2019, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de les faire condamner à lui payer une somme de 23 400 euros, en exécution de la clause pénale stipulée au compromis de vente.

Le 27 septembre 2019, les époux [M] ont fait assigner en intervention forcée la société Muc Habitat, en sa qualité de mandataire, afin de les garantir de toutes condamnations à l'encontre de M. [Z] [Y].

Après jonction des procédures, le tribunal judiciaire, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

condamné in solidum M. [V] [M] et Mme [R] [P], d'une part, et la société Muc Habitat, d'autre part, à payer à M. [Z] [Y] la somme de 17 400 euros avec intérêts au taux légal à compter de 13 juin 2019 ;

condamné la société Muc Habitat à garantir M. [V] [M] et Mme [R] [P] des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. [Z] [Y] ;

condamné la société Muc Habitat aux dépens, en ce compris les frais d'huissier ;

condamné la société Muc Habitat à payer à M. [Z] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Muc Habitat à payer à M. [V] [M] et Mme [R] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution de la présente décision ;

débouté les parties de leurs demandes pour le surplus.

Après avoir rappelé les dispositions des articles 1132, 1133 et 1135 du code civil sur l'erreur et 1137 du même code sur le dol et indiqué qu'il appartenait aux époux [M], lesquels faisaient état de ce qu'ils avaient été victimes d'une erreur et d'un dol relatifs au compromis de vente litigieux, de supporter la charge de la preuve de leur existence au moment de la formation du contrat, le tribunal a rejeté la demande de nullité du compromis de vente.

Il a ainsi écarté le moyen des époux [M] selon lequel M. [Z] [Y] avait réduit la taille de son terrain entre l'offre des époux et le compromis, faute pour ce moyen de caractériser un dol ou une erreur, puisqu'ils en avaient été informés et avaient eu le temps de modi'er leur offre avant le compromis, un délai de plus d'un mois s'étant écoulé entre les deux dates, conformément à l'offre du 8 octobre 2018 et au compromis signé le 23 novembre 2018.

Il a ajouté que les époux [M] ne démontraient pas que les plans qu'ils avaient établis avec la société Muc Habitat avant la signature du compromis de vente avaient été portés à la connaissance de M. [Z] [Y], aucun élément ne permettant de conclure que ce dernier avait connaissance du projet d'implantation et d'exposition de leur future maison d'habitation.

Il a également écarté l'erreur sur les qualités essentielles de la prestation de M. [Y] dans la mesure où le terrain demeurait constructible, l'erreur portant sur les motifs à savoir la réalisation du projet tel que proposé par la société Muc Habitat n'étant pas une cause de nullité dans la mesure où les parties n'en avaient pas fait expressément un élément déterminant de leur consentement.

S'agissant du contrat de construction, le tribunal a rappelé les dispositions de l'article L.231-1 du code de la construction et de l'habitation qui dispose que toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L.231-2.

Il a fait état de ce que, dans le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, le constructeur souscrit la mission de concevoir et de réaliser la maison convenue, ce qui caractérise une obligation de résultat.

Il a relevé que le contrat signé entre les époux [M] et la SARL Muc Habitat le 14 décembre 2018 était un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan et son article 5-2 des conditions générales disposait que le contrat était conclu sous condition de l'obtention notamment du permis de construire et des autres autorisations administratives et que, si une ou plusieurs de ces conditions ne se réalisaient pas dans le délai prévu aux conditions particulières, le contrat devait être considéré comme caduc et les sommes versées par le maître de l'ouvrage devaient lui être remboursées.

Il a considéré que le contrat de construction était devenu caduc, puisque le 21 janvier 2019 le maire de la commune de [Localité 4] avait refusé la demande de permis de construire des époux [M] conformément aux plans annexés au contrat de construction de maison individuelle, au motif que le projet présenté n'était pas conforme au plan local d'urbanisme, ce qui impliquait que ces derniers ne pouvaient obtenir un permis de construire pour le projet tel que prévu par les plans annexés au contrat de construction et se trouvaient dans l'obligation de modifier leur projet pour pouvoir obtenir ledit permis, ce qui s'avérait impossible dans un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, le constructeur étant tenu par les plans annexés au contrat.

Il en a déduit que la demande de nullité était sans objet.

Sur le paiement de la clause pénale formée par M. [Z] [Y], le tribunal a relevé que les époux [M] s'étaient abstenus de déposer une nouvelle demande de permis suite au refus du permis de construire déposé par la société Muc Habitat, et ce, malgré les propositions faites par le constructeur et le délai imparti pour le faire, arguant de la présentation par leur constructeur de plans ne correspondant plus à leurs attentes, lesquelles n'étaient pas intégrées dans le contrat de construction ni dans le compromis de vente, sauf une exigence d'une surface de plancher de 150 m2 étant précisée laquelle n'avait, au demeurant, pas été remise en cause.

Il en a déduit que les époux [M] avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive relative à l'obtention du permis de construire et que la clause pénale devait s'appliquer, sans réduction, du fait de l'absence de caractère excessif au regard du préjudice engendré résultant de l'immobilisation du bien et de sa vente à un prix moindre (160 000 euros).

Le tribunal a considéré que la société Muc Habitat, en sa qualité de professionnel de la construction, avait commis une faute contractuelle à l'égard des époux [M] en leur proposant un projet de construction qui ne respectait pas le plan d'urbanisme et avait généré le refus de permis de construire, alors que ce projet avait été validé par les époux [M] avant leur offre d'achat et la signature du compromis de vente et ne pouvait pas être réalisé.

Il a retenu que la société Muc Habitat engageait sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [Z] [Y] puisque la non-réalisation du projet de construction tel que prévu initialement était un fait générateur du dommage de M. [Z] [Y], les époux [M] n'ayant pas donné suite à la signature du compromis de vente ce qui avait généré une immobilisation du bien finalement vendu à moindre prix.

Il en a déduit que les époux [M] et la société Muc Habitat devaient être condamnés à payer à M. [Z] [Y] la somme de 17 400 euros au titre de la clause pénale.

Le tribunal a condamné la société Muc Habitat à garantir les époux [M] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. [Y], faute pour la première d'avoir satisfait à son obligation de résultat consistant à concevoir et réaliser la maison convenue.

Le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle en paiement de la société Muc Habitat contre les époux [M] au regard de la caducité du contrat de construction.

La société Muc Habitat a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 25 juin 2021.

L'instruction a été clôturée le 7 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 27 décembre 2022, la société Muc Habitat demande à la cour de :

sur l'appel principal :

le déclarer recevable ;

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 25 mai 2021 ;

statuant à nouveau :

débouter les époux [M] et M. [Y] de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre ;

condamner les époux [M] à lui payer :

la somme de 13 515 euros au titre de l'indemnité forfaitaire du CCMI,

la somme de 13 515 euros au titre du paiement de l'acompte ;

à titre subsidiaire :

constater le caractère manifestement excessif de la clause pénale de 10% prévue par le compromis de vente du 23 novembre 2018 ;

réduire l'indemnité due par les époux [M] à la somme de 1 euro symbolique ;

sur l'appel incident :

le rejeter ;

débouter les époux [M] de l'intégralité de leurs fins et conclusions ;

infirmer le jugement entrepris dans la limite de l'appel principal ;

en tout état de cause :

condamner solidairement les époux [M] et M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les époux [M] et M. [Y] aux entiers dépens, y compris les frais exposés pour la réalisation du constat qu'elle a produit.

La société Muc Habitat argue de ce que M. [Y] ne peut demander le paiement de la clause pénale dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve de ce que les époux [M] ont volontairement méconnu les dispositions d'urbanisme pour provoquer la défaillance de la condition suspensive en vue de se dégager de leur engagement contractuel.

La société Muc Habitat expose que M. [Y] ne produit aucun élément de nature à apprécier la réalité de son préjudice et, a fortiori, de l'ordre de 17 400 euros ; elle considère que la clause pénale a un caractère excessif, étant souligné que M. [Y] a vendu son terrain. Elle demande que la clause pénale soit ainsi ramenée à 1 euro.

La société Muc Habitat conteste avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle et fait valoir que tant que le délai des conditions suspensives n'est pas écoulé, il est impossible de retenir un manquement contractuel du constructeur.

Elle souligne que les époux [M] se sont engagés à acheter un terrain en vue de la construction d'une maison individuelle de 150 m² sans autre condition et que ce n'est qu'après la signature du compromis qu'ils ont signé avec elle un contrat de construction d'une maison individuelle en date du 14 décembre 2018.

Elle ajoute qu'à la suite du refus de délivrance du permis de construire, elle s'est tenue à la disposition des époux [M] et a pris le soin de leur exposer les alternatives s'offrant à eux, à savoir contester ce refus ou déposer un nouveau plan sans modification substantielle, une troisième option s'offrant encore à eux consistant à déposer de nouveaux plans, y compris avec des modifications substantielles par le biais d'un avenant, aucun élément ne prouvant que les époux [M] n'auraient pas accepté des nouveaux plans y compris avec des modifications substantielles.

Elle souligne que, dès le 31 janvier 2019, soit dix jours après le refus du permis de construire, les époux [M] ont informé leur notaire de leur décision d'abandonner leur projet d'acquisition du terrain alors que le délai de réalisation des conditions suspensives du CCMI était toujours en cours et que l'obtention du permis de construire était encore largement réalisable.

Elle en déduit que les époux [M] ont agi avec précipitation et qu'il est donc impossible de considérer que la prétendue faute contractuelle serait la cause du prétendu préjudice de M. [Y] lequel ne résulterait que de la seule décision des époux [M], l'impossibilité de réalisation de la condition suspensive dans les délais n'étant pas rapportée par ces derniers.

Elle est persuadée que les époux [M] ont agi ainsi car ils avaient déjà un autre projet immobilier.

S'agissant du contrat de construction, la société Muc Habitat conteste qu'il y ait une erreur sur la nature du contrat ou sur les qualités essentielles de la chose qui ait été de nature à vicier le consentement des époux [M] lesquels, lors de la signature du CCMI, avaient connaissance du délai de réalisation des conditions suspensives et donc du délai de 18 mois pour régulariser un éventuel refus de permis de construire.

Elle ajoute n'avoir dissimulé aucune information ni usé d'aucune man'uvre.

Elle considère que le contrat n'est pas caduc mais a été résilié à l'initiative des époux [M] puisque, à la date à laquelle les époux [M] ont procédé à la rupture du contrat de construction de maison individuelle, il restait 16 mois de réalisation des conditions suspensives.

Elle en déduit que les époux [M] doivent être condamnés au paiement de la somme de 13 515 euros au titre de l'indemnité forfaitaire (5% du prix de la construction) et de la somme de 13 515 euros au titre du remboursement de l'acompte.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 29 novembre 2022, les époux [M] demandent à la cour de :

sur l'appel principal de la société Muc Habitat :

le rejeter ;

confirmer le jugement entrepris dans la limite de l'appel incident ;

sur leur appel incident :

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 25 mai 2021 en ce qu'il a rejeté leurs demandes tendant à :

à titre principal, prononcer la nullité du compromis de vente et du contrat de construction de maison individuelle, pour vice de consentement,

à titre subsidiaire, débouter M. [Y] de ses demandes, à défaut de réalisation de la condition suspensive du compromis de vente, sans faute de leur part,

à titre infiniment subsidiaire, ordonner la réduction de la clause pénale à 1 euro symbolique, au regard de son caractère manifestement excessif ;

statuant à nouveau et dans cette limite :

à titre principal :

juger que le compromis de vente conclu avec M. [Z] [Y] ainsi que le contrat de construction de maison individuelle conclu avec la société Muc Habitat sont nuls, pour vice de consentement et prononcer la nullité de ces contrats ;

remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion des contrats susvisés ;

débouter M. [Z] [Y] et la société Muc Habitat de la totalité de leurs demandes ;

subsidiairement :

juger qu'ils ne sont pas responsables de la défaillance de la condition suspensive particulière tenant à l'obtention d'un permis de construire d'une maison individuelle ayant conduit à l'absence de régularisation de l'acte authentique de vente portant sur la parcelle sise [Adresse 2] venant justifier la mise en 'uvre de la clause pénale ;

débouter M. [Z] [Y] de la totalité de ses demandes ;

à titre infiniment subsidiaire :

juger manifestement excessive la clause pénale prévue par le compromis de vente du 23 novembre 2018 ;

réduire l'indemnité qu'ils doivent à la somme de 1 euro symbolique ;

juger qu'aucun honoraire d'agence immobilière ne saurait être mis à leur charge ;

débouter M. [Z] [Y] de la totalité de ses demandes ;

confirmer le jugement pour le surplus ;

en toute hypothèse :

débouter la société Muc Habitat et M. [Y] de la totalité de leurs demandes dirigées à leur encontre ;

condamner la société Muc Habitat à leur payer la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

condamner la société Muc Habitat aux entiers frais et dépens d'appel.

Sur la nullité du compromis de vente et du contrat de construction de maison individuelle, les époux [M] soutiennent que la possibilité pour eux de réaliser leur projet selon les plans présentés par la société Muc Habitat et ainsi la conformité des croquis au plan d'urbanisme constituaient une qualité essentielle tacitement convenue par les parties, nonobstant l'absence de stipulation expresse en ce sens dans le compromis de vente.

Ils soulignent que c'est dans ces conditions, sur la base de ces deux projets de plan présentés par la société Muc Habitat, qu'ils ont décidé de soumettre une offre d'achat pour le terrain de M. [Z] [Y] et que le compromis de vente du 23 novembre 2018 a été signé, la société Muc Habitat et M. [Y] ayant été informés de leur volonté de soumettre la réalisation de la vente à la faisabilité effective de leur projet, aucun d'eux ne les informant des restrictions de construction propres au terrain.

Ils reprochent à la société Muc Habitat d'avoir omis d'apporter des explications sur la présentation de croquis non conformes au plan d'urbanisme alors que ces croquis ont été décisifs dans leur consentement et font état de ce qu'au regard de leur qualité de profanes, il était légitime qu'ils fassent confiance à la société Muc Habitat.

Ils entendent rappeler que la conformité des croquis au plan d'urbanisme était une qualité essentielle tacitement convenue par les parties même s'il n'y avait pas de stipulation expresse dans le compromis de vente.

Ils en déduisent que leur consentement a été vicié par la réticence dolosive voire même les man'uvres de la société Muc Habitat, subsidiairement par leur erreur tenant à la mise en exécution du projet de construction présenté par cette dernière sur le terrain de M. [Z] [Y] et, ainsi, à la qualité même dudit terrain.

Sur la non-réalisation de la condition suspensive du compromis de vente, les époux [M] soutiennent qu'ils n'ont commis aucune faute puisqu'ils n'avaient aucune solution alternative aux fins de bénéficier d'une implantation centrale de leur maison, d'un jardin rectangulaire et plus encore d'une exposition plein sud.

Ils ajoutent qu'au demeurant M. [Y] ne rapporte pas la preuve qu'ils ont volontairement méconnu les dispositions d'urbanisme afin de provoquer la défaillance de la condition suspensive en vue de se dégager de leur engagement contractuel, l'absence de discussion du refus opposé par l'autorité administrative n'étayant pas leur volonté de faire défaillir la condition.

Ils en déduisent qu'ils n'engagent pas leur responsabilité à l'égard de M. [Y] venant justifier, à titre de sanction, le paiement de la clause pénale prévue au compromis de vente.

S'agissant de la clause pénale, les époux [M] considèrent qu'il y a lieu de la réduire, du fait de son caractère excessif et entendent la voir fixer à 1 euro.

Ils entendent rappeler qu'il est de jurisprudence constante que l'inexécution de l'obligation sanctionnée par une clause pénale doit être imputable au débiteur et considèrent qu'ils ne sont pas responsables de la caducité du compromis de vente.

Ils soutiennent que la clause pénale est manifestement excessive faisant état de ce que M. [Y] a redécoupé le terrain après la signature du compromis de vente, l'amputant ainsi de 27 m², que le prix initial demandé se situait bien au-dessus des prix du marché et que M. [Y] a revendu le terrain au prix du marché.

Les époux [M] ajoutent que le dossier de demande de permis de construire a été constitué par la société Muc Habitat et a été déposé par cette dernière en leur nom, le refus dudit permis ayant été motivé par des violations des règles d'implantation de construction.

Ils considèrent qu'il appartenait à la société Muc Habitat de déposer un permis conforme à la demande et au contrat signé avec le maître de l'ouvrage, dans la mesure où elle est intervenue en qualité de professionnel de la construction immobilière et de mandataire, tenu d'une obligation de résultat dans l'obtention d'un permis de construire, la responsabilité contractuelle de la société Muc Habitat étant engagée à leur égard, eux-mêmes étant profanes en matière de règles d'urbanisme.

Ils ajoutent que la défaillance de la condition suspensive peut être constatée à l'intérieur du délai prévu pour sa réalisation, étant précisé que le contrat de construction de maison individuelle ne prévoit aucune stipulation ayant pour effet de permettre au constructeur de déposer plusieurs demandes de permis de construire.

Ils indiquent encore que le refus du permis de construire impliquait de prévoir des modifications substantielles ne pouvant leur être raisonnablement imposées et qu'après avoir renoncé à ce projet, ils se sont orientés vers un autre.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 mars 2022, M. [Y] demande à la cour de :

sur l'appel principal de la société Muc Habitat:

le déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en tant qu'il est dirigé contre les dispositions du jugement portant condamnation des époux [M] au profit de M. [Y] ;

en toute hypothèse :

débouter la SARL Muc Habitat de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

sur l'appel incident des époux [M] :

débouter les époux [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens ;

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

en toute hypothèse :

condamner in solidum la SARL Muc Habitat et les époux [M] en tous les frais et dépens en cause d'appel, ainsi qu'à un montant de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] soutient que la SARL Muc Habitat, qui n'est pas partie au compromis de vente, ne justifie d'aucun intérêt à agir pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [V] [M] et Mme [R] [M] à lui payer la somme de 17 400 euros avec intérêts au taux légal à compter de 13 juin 2019.

Sur la nullité du contrat de vente soulevée par les époux [M], M. [Y] fait valoir que :

le compromis de vente stipule expressément que les acquéreurs ont été informés des dispositions d'urbanisme applicables à la parcelle objet de la vente,

la parcelle objet du compromis est parfaitement constructible, et aurait pu accueillir sans aucune difficulté une maison individuelle de 150 m², ce qui est d'ailleurs admis par le constructeur, dans ses écritures,

les époux [M] ont été informés de la réduction résiduelle du terrain (27m2) et avaient tout loisir de modifier leur offre avant la signature du compromis,

la circonstance que les projets de plan établis par Muc Habitat n'aient pu être mis à exécution, ne saurait lui être opposée puisqu'il n'était ni en relation avec ce constructeur et ni même tenu informé des projets proposés aux époux [M].

Sur la réalisation des conditions suspensives, M. [Y] expose qu'il est constant que le compromis de vente litigieux était soumis à une condition suspensive particulière relative à l'obtention d'un permis de construire en vue de la construction d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 150 m², stipulée en faveur des acquéreurs, aucune précision particulière sur les autres caractéristiques du projet n'ayant été imposée, notamment en termes d'implantation, de hauteur ou de style architectural, le projet étant parfaitement réalisable sur un plan technique et juridique.

Il ajoute qu'aux termes du compromis de vente, les époux [M] ont déclaré avoir été informés des règles d'urbanisme liées à la localisation des biens et droits immobiliers et qu'au regard du caractère grossier des méconnaissances du PLU, ils ont sciemment cherché à obtenir un refus de permis de construire, de façon à être déliés de leurs engagements à son égard, ayant même refusé de déposer un nouveau permis de construire ou un permis de construire acte rectificatif.

S'agissant de la clause pénale, M. [Y] indique qu'elle est applicable puisqu'il a subi l'immobilisation de son terrain pendant douze mois ainsi que des multiples tracas et désagréments liés à une telle situation, qu'il a été privé de la possibilité de contracter avec d'autres acquéreurs, qu'il a été contraint de reprendre des démarches en vue d'une nouvelle mise en vente du terrain auprès d'une agence immobilière et de baisser le prix de vente, le terrain étant sur le marché depuis plusieurs mois.

M. [Y] rejoint les époux [M] sur la responsabilité de la société Muc Habitat, laquelle en tant que société professionnelle de la construction et en sa qualité de mandataire des époux [M] chargée de l'obtention du permis de construire, était tenue à l'égard de ces derniers d'une obligation de résultat.

Il ajoute que la non réalisation du projet de construction tel que prévu initialement est un fait générateur de son dommage puisque les époux [M] n'ont pas donné suite à la signature du compromis de vente ce qui a généré une immobilisation du bien qui a finalement été vendu à moindre prix ; la responsabilité délictuelle de la société Muc Habitat est donc engagée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article 789 6° du code de procédure civile applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 auquel renvoie l'article 997 du même code, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Dès lors, il y a lieu de déclarer M. [Y] irrecevable en sa demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel de la société Muc Habitat pour défaut d'intérêt à agir dès lors que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir.

Sur la nullité du compromis de vente

Les époux [M] se prévalent de l'existence d'une erreur ou d'un dol au moment de la formation du contrat de nature à générer la nullité du compromis de vente, ce qu'il leur appartient de démontrer.

Ils invoquent le fait que M. [Y] ait réduit la taille de son terrain entre leur offre et le compromis de vente. Toutefois, à juste titre, le premier juge a écarté ce moyen de nullité en faisant état de ce que cette réduction de surface était connue des époux [M] en amont de la signature du compromis lesquels avaient, en outre, bénéficié d'un laps de temps suffisant pour modifier leur offre, au besoin.

C'est également avec pertinence que le premier juge a relevé que les époux [M] ne démontraient pas que le vendeur, M. [Y], était au courant, à la date de la signature du compromis de vente, des modalités du projet de construction des époux [M], aucun dol ni erreur sur les qualités essentielles de la prestation de M. [Y] ne pouvant, par conséquent, lui être reprochés, l'erreur sur les motifs, à savoir la réalisation du projet proposé par la société Muc Habitat, n'étant pas une cause de nullité dès lors que les parties au compromis de vente ne l'ont pas expressément mentionnée comme un élément déterminant de leur consentement.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du compromis de vente.

Sur la nullité du contrat de construction

L'article 5-2 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan souscrit prévoit qu'il est conclu sous condition de l'obtention d'éléments déterminés, dont l'obtention du permis de construire et des autres autorisations administratives, et que si une ou plusieurs de ces conditions ne se réalisent pas dans le délai prévu aux conditions particulières, le contrat est alors considéré comme caduc.

C'est donc avec pertinence que le premier juge, faisant application de cet article, en a déduit qu'à défaut d'obtention de permis de construire par les époux [M] pour le projet tel que prévu par les plans annexés au contrat de construction, ce dernier était devenu caduc et en a déduit que la demande de nullité du contrat de construction était devenue sans objet, soulignant que, dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, le constructeur est tenu par les plans annexés au contrat.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Sur la clause pénale

Le premier juge a retenu, à juste titre, que les époux [M], s'étant vus refuser le permis de construire sollicité sur la base des plans correspondant au contrat de construction souscrit avec la société Muc Habitat, n'avaient pas agi afin de permettre, dans le délai imparti, l'accomplissement de la condition relative à l'obtention du permis de construire en sollicitant un nouveau permis de construire, malgré les propositions faites par le constructeur, étant souligné que l'ensemble des attentes des époux [M] n'était mentionné ni dans le contrat de construction ni dans le compromis de vente.

A défaut pour les époux [M] de justifier du caractère manifestement excessif de la clause pénale, ils sont redevables envers M. [Y], à ce titre, de la somme de la somme de 17 400 euros, étant souligné que M. [Y] s'est vu imposer l'immobilisation de son bien et l'a vendu à un prix moindre.

C'est avec pertinence que le premier juge a retenu la responsabilité délictuelle de la société Muc Habitat, professionnel de la construction, pour avoir proposé aux époux [M] un projet ne respectant pas, dès son origine, les dispositions du plan local d'urbanisme et a mis également à la charge de la société Muc Habitat le paiement de la clause pénale au bénéfice de M. [Y].

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les époux [M] et la société Muc Habitat à payer à M. [Y] la somme de 17 400 euros au titre de la clause pénale.

Sur l'appel en garantie par les époux [M] de la société Muc Habitat

Le premier juge a, à juste titre, fait état de ce que les époux [M] avaient contacté avec M. [Y] au regard du projet proposé par la société Muc Habitat lequel n'était pas conforme aux règles d'urbanisme, de sorte que pour ne pas avoir respecté son obligation de résultat lui imposant de concevoir et de réaliser la maison convenue, cette dernière devait garantir les époux [M] de toutes les condamnations prononcées contre eux au profit de M. [Y].

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Muc Habitat

Le contrat de construction ayant été déclaré caduc, cette demande doit être rejetée.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, les époux [M] et la société Muc Habitat sont condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes d'indemnités des époux [M] et de la société Muc Habitat fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DÉCLARE irrecevable la demande de M. [Z] [Y] tendant à l'irrecevabilité de l'appel ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 mai 2021 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE in solidum M. [V] [M], Mme [R] [P] et la SARL Muc Habitat aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE in solidum M. [V] [M], Mme [R] [P] et la SARL Muc Habitat à payer à M. [Z] [Y] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE M. [V] [M], Mme [R] [P] et la SARL Muc Habitat de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03106
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;21.03106 ?
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