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23/06/2023 | FRANCE | N°21/01989

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 juin 2023, 21/01989


MINUTE N° 330/2023





























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- SELARL ARTHUS



- SELARL ACVF



Le 23 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01989 -

N° Portalis DBVW-V-B

7F-HR6I



Décision déférée à la cour : 11 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS :





Monsieur [F] [E] et

Madame [G] [U] épouse [E]

demeurant ensemble [Adresse 3]



Monsieur [D] [H] et

Madame [I] [E] épouse [H]

demeurant ensemble [A...

MINUTE N° 330/2023

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- SELARL ARTHUS

- SELARL ACVF

Le 23 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01989 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HR6I

Décision déférée à la cour : 11 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [F] [E] et

Madame [G] [U] épouse [E]

demeurant ensemble [Adresse 3]

Monsieur [D] [H] et

Madame [I] [E] épouse [H]

demeurant ensemble [Adresse 4]

représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

plaidant : Me GEHIN, avocat au barreau d'Epinal

INTIMÉES :

OCHSNER WÄRMEPUMPEN GmbH,

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 7]

[Adresse 5])

représentée par Me Anne CROVISIER de la SELARL ARTHUS,

avocat à la cour.

plaidant : Me DUPONT, avocat au barreau de Strasbourg

La S.A.R.L. [...]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

La CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 6]

représentées par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF, avocat à la cour

plaidant : Me HERTWECK, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats :Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon devis accepté du 27 décembre 2011, les époux [F] et [G] [E] et les époux [D] et [I] [H] ont fait procéder par la SARL [...] à l'installation d'une pompe à chaleur de marque Ochsner destinée au chauffage de leurs deux maisons individuelles, d'une piscine commune ainsi que d'un spa.

L'installation a été mise en service en juillet 2012.

Se plaignant de dysfonctionnements de l'installation, et du fait que les performances annoncées n'étant pas atteintes, ils devaient supporter des frais d'électricité exorbitants, les époux [E] et [H] ont obtenu une expertise amiable diligentée par l'assureur de la société [...], à la suite de laquelle cette dernière les a partiellement indemnisés de leur préjudice. Ils ont ensuite obtenu l'organisation d'une expertise judiciaire confiée à M. [S], par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 août 2015. L'expert a déposé son rapport le 19 novembre 2018.

Par exploit des 17 et 20 juillet 2017, les consorts [E] et [H] ont fait assigner la société [...] et son assureur la société Groupama Grand Est devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'indemnisation de leur préjudice.

Par exploit du 23 octobre 2017, la société [...] et son assureur ont appelé en garantie la société de droit allemand Ochnser Wärmepumpen GmbH. Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement en date du 11 mars 2021, le tribunal judiciaire a :

- débouté les époux [E] et les époux [H] de leur demande au titre de la garantie décennale,

- déclaré irrecevables leurs demandes au titre de la garantie de bon fonctionnement comme forcloses,

- débouté les époux [E] et les époux [H] de leurs demandes sur le fondement de la garantie contractuelle de droit commun,

- les a condamné in solidum à payer à la société [...], à la société Groupama Grand Est et à la société Ochnser Wärmepumpen GmbH, la somme de 1 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire.

Pour rejeter la demande en tant que fondée sur la garantie décennale, le tribunal a tout d'abord considéré que l'installation prévue ne comprenant pas de travaux de génie civil incluant l'incorporation de matériaux au sol au moyen de travaux de construction n'était pas d'une ampleur suffisante pour caractériser un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

Le tribunal a ensuite estimé qu'une réception tacite sans réserves à la date du 25 juillet 2012 pouvait être retenue, et que si des désordres affectant des éléments dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, étaient susceptibles de relever de cette garantie lorsqu'ils rendaient l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, tel n'était pas le cas en l'espèce puisque les investigations de l'expert avaient mis en évidence que les températures relevées dans les deux habitations étaient satisfaisantes, qu'il en était de même des températures primaires d'eau chaude sanitaire, l'expert concluant à une absence de dysfonctionnement du chauffage ainsi qu'à une absence de surconsommation électrique notable.

Pour déclarer irrecevable la demande fondée sur la garantie de bon fonctionnement, le tribunal a rappelé que le délai prévu à l'article 1792-3 du code civil était un délai de forclusion ne pouvant être interrompu que par une assignation en justice, l'article 2240 selon lequel la reconnaissance du débiteur interrompt la prescription n'étant pas applicable, et que le délai biennal était expiré à la date de l'assignation en référé expertise, soit le 28 mai 2015.

Pour rejeter la demande sur le fondement de la responsabilité de droit commun le tribunal a retenu que les dommages qui relevaient d'une garantie légale, en l'espèce la garantie biennale, ne pouvaient donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité de droit commun.

Les époux [E] et les époux [H] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 avril 2021, en toutes ses dispositions.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 27 juillet 2022, les époux [E] et les époux [H] concluent à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandent à la cour de les déclarer recevables et bien fondés en leurs prétentions et de condamner in solidum la société [...], la société Ochnser et la société Groupama Grand Est au paiement des sommes de :

- 29 490,12 euros au titre du remplacement de la pompe à chaleur, à actualiser suivant la variation de l'indice BT01 du 15 janvier 2019 à la date du 'jugement' à intervenir,

- 13 310 euros au titre des surconsommations électriques supportées,

- 5 000 euros au titre de l'impossibilité d'autonomiser les deux installations de chauffage, de la perte de valeur des deux propriétés du fait de cette installation commune et du manquement au devoir de conseil,

- 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance et des tracas liés aux dysfonctionnements de la pompe à chaleur pendant 7 années,

- 3 000 euros au titre du préjudice moral,

- 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils sollicitent également la condamnation in solidum des intimés aux entiers dépens, de première instance, d'appel et de référé, et que soit ordonné l'anatocisme et l'exécution provisoire des condamnations.

Ils indiquent que leur demande est fondée sur la responsabilité décennale, subsidiairement sur la garantie biennale, et à titre infiniment subsidiaire sur la responsabilité contractuelle de droit commun.

Ils soutiennent être fondés à agir au titre de la garantie décennale, s'agissant de désordres affectant des éléments dissociables installés sur existant rendant l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, le coût exorbitant des factures supportées depuis l'installation de la pompe à chaleur caractérisant l'impropriété de l'ouvrage dans son ensemble à sa destination.

En outre et en tout état de cause, l'installation en cause qui permet le chauffage de deux maisons reliées par un réseau constitue en elle-même un ouvrage, et elle est affectée de désordres la rendant impropre à sa destination puisqu'elle ne permet pas le chauffage des deux maisons dans des conditions normales d'utilisation.

Ils invoquent également les dispositions de l'article L.123-2 du code de la construction et de l'habitation qui permet de retenir le défaut de performance énergétique pour caractériser l'impropriété à la destination en cas de surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant.

Ils contestent les conclusions du rapport d'expertise judiciaire et se fondent sur l'analyse d'un autre expert, M. [Z], selon lequel un surcoût de 4 370 euros par an peut être attribué au dysfonctionnement de la pompe à chaleur.

Subsidiairement, les époux [E] et les époux [H] invoquent l'article 1792-3 du code civil et soutiennent tout d'abord que le délai biennal a été interrompu par les interventions successives de la société [...] en juin et juillet 2014 qui a reconnu sa responsabilité en indemnisant les surcoûts d'électricité générés par l'installation. Ils ajoutent ensuite que les interventions de la société [...] ont entraîné une modification de l'installation, laquelle a fait courir un nouveau délai de garantie biennale qui a été interrompu par l'assignation en référé expertise. Le dysfonctionnement étant avéré, la société [...] est donc présumée en être responsable.

Très subsidiairement, ils invoquent la responsabilité contractuelle de la société [...] mais aussi du fabricant, la société Ochnser, pour non-conformité de la chose vendue, cette dernière étant également intervenue sur l'installation. Ils soutiennent que le défaut de performance est avéré et a été retenu par l'expert judiciaire, comme par M. [Z], ces deux experts s'accordant sur les constats mais non sur les remèdes, M. [S] préconisant en effet une révision de la pompe à chaleur et M. [Z] son remplacement.

Enfin, la société Groupama Grand Est, assureur de la société [...] devra être condamnée sur le fondement de l'action directe.

S'agissant de leurs préjudices, ils estiment être fondés à demander le remplacement de la pompe à chaleur, outre le surcoût de consommation d'électricité, et l'indemnisation d'un préjudice moral et de jouissance. Ils sollicitent également indemnisation du préjudice lié au fait que les deux maisons étant reliées par un réseau unique sont invendables indépendamment l'une de l'autre, ce qui génère une perte de valeur. Ils invoquent à cet égard un défaut de conseil de la société [...] qui leur a expressément conseillé cette installation.

*

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 31 août 2022, la société [...] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles - Groupama Grand Est concluent à l'irrecevabilité, en tous cas au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement.

Elles demandent à la cour, à titre principal, de constater que la demande est forclose et de condamner in solidum les époux [E] et les époux [H] aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire, elles sollicitent la limitation de la condamnation de la société [...] à la somme de 3 770,10 euros au titre de la régulation d'ambiance par zone, la déduction de la somme de 5 243,23 euros déjà versée en 2014 au titre des préjudices subis, et demandent à la cour de dire la franchise de Groupama opposable et de débouter les consorts [E]-[H] du surplus de leurs demandes. Ils sollicitent en outre la condamnation de la société Ochnser à les garantir de toutes condamnations prononcées contre elles.

La société [...] et son assureur approuvent le jugement en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la garantie décennale car d'une part, une pompe à chaleur n'est pas un ouvrage, et ce même si elle est destinée à chauffer deux habitations, d'autre part il n'y a pas d'impropriété des immeubles à leur destination laquelle suppose une absence de chauffage, or aucune insuffisance de chauffage ou d'eau chaude sanitaire n'a été relevée par l'expert. Il n'est pas non plus démontré une surconsommation énergétique à un coût exorbitant qui serait anormale au sens de l'article L.123-2 du code de la construction et de l'habitation, l'expert ne l'ayant retenue que pour la première année d'utilisation de la pompe à chaleur pour laquelle le dommage a été indemnisé, et ayant estimé qu'il n'y avait plus de surconsommation électrique depuis l'intervention de la société [...] en 2014.

Les intimées soutiennent que les conclusions de M. [Z], qui sont erronées, avaient été soumises à l'expert judiciaire et écartées par ce dernier, soulignant que la consommation d'électricité avait nécessairement augmenté depuis 2012 du fait de l'adjonction de nouveaux équipements - piscine, spa... -.

Subsidiairement, les intimées considèrent que la demande fondée sur la garantie de bon fonctionnement est prescrite faisant leurs les motifs du jugement, ajoutant qu'il n'y a pas eu de reconnaissance de responsabilité non équivoque de la part de la société [...] qui a seulement consenti un geste commercial, s'agissant des dysfonctionnements constatés au cours de la première année auxquels il a été remédié. Elles contestent par ailleurs toute modification de l'installation susceptible d'avoir fait courir un nouveau délai biennal, s'agissant seulement de travaux de réparation.

Enfin, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle, y compris s'agissant d'un manquement au devoir de conseil.

Subsidiairement, les intimées estiment que les demandes indemnitaires sont mal fondées. Elles considèrent qu'il n'y a pas lieu de remplacer la pompe à chaleur qui fonctionne, soulignant le caractère disproportionné d'une telle réparation, alors que tout au plus, selon l'expert judiciaire, une régulation d'ambiance par zone pourrait être installée, ce que la société [...] avait d'ailleurs proposé dès 2013, mais avait été refusée par les appelants. La révision de la pompe à chaleur ne se justifie pas davantage.

Elles considèrent par ailleurs, qu'il n'y a pas de surconsommation électrique non indemnisée. Les autres chefs de préjudice ne sont enfin pas démontrés ni dans leur principe ni dans leur quantum.

S'agissant de l'impossibilité de vendre les maisons séparément, aucune faute n'est démontrée puisqu'il s'agit d'un choix constructif des appelants qui ne pouvaient en ignorer les conséquences.

Enfin s'agissant des dépens et frais irrépétibles, ils relèvent que le coût des opérations d'expertise est lié à l'intervention d'un sapiteur à la demande expresse des époux [E] et des époux [H], alors que l'expert n'avait pas estimé cette intervention utile. Par ailleurs la société [...] s'est toujours montrée de bonne volonté et prête à une solution amiable.

La société Groupama Grand Est reconnaît assurer la société [...] pour les garanties décennale et biennale et pour sa responsabilité contractuelle, mais considère que sa garantie n'est pas susceptible d'être mobilisée puisque la demande ne peut prospérer sur aucun des fondements visés. De plus, elle ne couvre pas les frais de dépose et repose du matériel de sorte que la demande de remplacement de la pompe à chaleur se heurte à une exclusion de garantie. En outre, la garantie facultative des préjudices immatériels n'a pas été souscrite dans le cadre de l'assurance décennale.

Enfin si la responsabilité de la société [...] devait être retenue, la société Ochnser devrait être condamnée à la garantir tant sur le fondement des articles 1231-1 que 1641 du code civil, la pompe à chaleur étant affectée d'un vice.

*

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 1er décembre 2021, la société Ochnser Wärmepumpen GmbH conclut au rejet des prétentions des époux [E] et des époux [H], à la confirmation du jugement, et au débouté de l'appel en garantie de la société [...] et de son assureur. Elle sollicite la condamnation in solidum des époux [E] et des époux [H] au entiers dépens et au paiement d'une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève qu'aucun des fondements juridiques invoqués n'est susceptible d'engager sa responsabilité. Elle rappelle qu'elle n'est pas le sous-traitant de la société [...] mais son fournisseur. Par ailleurs aucun manquement de la société Ochnser susceptible de fonder une action en responsabilité délictuelle n'est démontré, pas plus que le lien de causalité avec d'éventuels dysfonctionnements.

Elle considère que le remplacement de la pompe à chaleur serait disproportionné, soulignant qu'il n'y a plus de surconsommation électrique depuis les interventions de 2014, et que les autres chefs de préjudice ne sont pas démontrés.

Elle soutient qu'elle ne peut se voir reprocher un manquement à un devoir de conseil auquel elle n'était pas tenue en tant que fournisseur.

Elle conclut enfin au rejet de l'appel en garantie de la société [...] et de la société Groupama Grand Est en l'absence de preuve d'une faute contractuelle ou d'un vice caché.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

La société [...] et la société Groupama Grand Est concluent à l'irrecevabilité de l'appel, sans toutefois soulever aucun moyen précis. Aucune fin de non-recevoir n'ayant pas été soumise au conseiller de la mise en état qui a compétence exclusive pour en connaître, la demande est irrecevable en tant que formée devant la cour. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

1- Sur la demande des consorts [E] et [H] dirigée contre la société [...]

A titre liminaire, il convient de constater que ni les intimés, ni les appelants qui fondent leurs demandes à titre principal sur la garantie décennale, subsidiairement sur la garantie biennale, garanties dont la mise en oeuvre est conditionnée par la réception des travaux par le maître de l'ouvrage, ne critiquent la motivation du premier juge qui a considéré que pouvait être retenue l'existence d'une réception tacite sans réserves à la date du 25 juillet 2012 résultant de la prise de possession des lieux par les consorts [E] et [H] et du paiement intégral des factures sans émission de réserves.

1-1 sur la garantie décennale

La cour fait sienne l'appréciation du premier juge qui par une exacte analyse des éléments de la cause a considéré que l'installation de chauffage en question constituée d'une pompe à chaleur air/eau en version split avec évaporateur extérieur, alimentée en eau de ville et destinée à alimenter 6 circuits - plancher chauffant, radiateurs, piscine commune aux deux maisons, spa, déshumidificateur et deuxième maison - et des éléments d'équipement de chacun des ces circuits, n'était pas en elle-même constitutive d'un ouvrage, fût-elle destinée à desservir deux maisons individuelles, en considération de la nature des travaux qui n'impliquaient pas la mise en oeuvre de techniques de construction spécifiques assimilables à des travaux de construction d'ouvrage, les appelants ne développant aucun moyen de fait de nature à critiquer sérieusement cette appréciation.

Selon une jurisprudence établie, les désordres affectant un élément d'équipement dissociable ou non, d'origine ou installé sur existant, relèvent de la garantie décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Comme l'a relevé le tribunal, si l'expert a constaté une surconsommation d'énergie électrique au cours de la première année d'utilisation de la pompe à chaleur ayant généré un coût excédentaire au titre des consommations qu'il a évalué à 3 879,45 euros, en lien avec une défaillance du circuit frigorigène, il a toutefois relevé que le retour à un fonctionnement normal avait été obtenu suite aux interventions de la société [...] et de son fournisseur, la société Ochnser Wärmepumpen GmbH.

Par ailleurs, après réalisation d'une campagne de mesures et comparaison de ces mesures avec les relevés effectués par M. [E] et les factures d'électricité, l'expert a retenu que :

- il n'apparaît pas de surconsommation électrique probante sur la période du 28 octobre 2013 au 14 septembre 2018,

- les températures ambiantes relevées dans les deux habitations du 7 mai au 23 juillet 2018 ont été satisfaisantes, avec un minimum de 19° et un maximum de 24,5° et une moyenne de 21,2° pour l'une, et un minimum de 16° et un maximum de 22,5° et une moyenne de 21° pour l'autre, une brève période basses températures pouvant correspondre à un incident ponctuel,

- les températures du primaire ECS - eau chaude sanitaire - relevées du 7 mai au 23 juillet 2018 ont été satisfaisantes et les pertes du réseau primaire [H] limitées.

Si l'expert a relevé une conception insuffisante du procédé de régulation dans l'habitat [E] engendrant inconfort et consommation d'énergie excédant les besoins des occupants, et à une anomalie notable de performance de l'ordre de 50 % dans le fonctionnement de la pompe à chaleur, il conclut toutefois à l'absence de surconsommation par rapport aux estimations sur des hypothèses de performance qui devraient être adaptées au usages courants décrits sur ce site.

L'appréciation de M. [Z], expert ayant assisté les époux [E] dans le cadre des opérations d'expertise, n'est pas de nature à remettre en cause ces constatations et conclusions. Cet expert procède en effet à une analyse purement mathématique consistant à comparer les consommations d'électricité antérieures à l'installation de la pompe à chaleur et celles postérieures, et à attribuer la moitié du différentiel constaté au défaut de performance de la pompe à chaleur, alors que M. [S], expert judiciaire, a relevé le caractère peu judicieux d'une telle comparaison des factures au regard de l'augmentation des besoins en énergie générés par l'adjonction de nouveaux équipements - piscine, spa, déshumidificateur et éléments auxiliaires -, et ayant souligné l'incidence des 'variables d'usage au gré des utilisateurs'.

Par voie de conséquence, en l'état de ces constatations et conclusions de l'expert judiciaire, dont il ne résulte pas que l'inconfort ponctuellement relevé auquel il peut être remédié par la mise en place d'une régulation d'ambiance porterait atteinte à l'habitabilité des maisons, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la preuve d'une impropriété à leur destination des maisons des consorts [E] et [H] n'était pas rapportée, pas plus que celle d'un défaut de performance conduisant à des consommations d'énergie exorbitantes.

Il sera au surplus observé que l'article L.111-13-1 du code de la construction et de l'habitation, devenu L.123-2 du même code, issu de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 n'a pas vocation à s'appliquer à des travaux réceptionnés en juillet 2012.

Le jugement entrepris sera donc confirmé tant qu'il a rejeté les demandes des consorts [E] et [H] formées au titre de la garantie décennale.

1-2 sur la garantie biennale de bon fonctionnement

Les consorts [E] et [H] font valoir non seulement que la société [...] a reconnu sa responsabilité en intervenant sur l'installation à plusieurs reprises en 2014, ainsi qu'en leur versant une indemnisation au titre des surcoûts de consommation dans les deux années de la réception de l'ouvrage, ce qui a fait courir un nouveau délai biennal, mais surtout que ces interventions qui ont conduit à une modification de l'ouvrage ont fait courir un nouveau délai de garantie.

Comme l'a exactement retenu le tribunal le délai biennal étant un délai de forclusion et non de prescription, il n'est pas susceptible d'être interrompu par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, l'article 2240 du code civil ne s'appliquant qu'aux délais de prescription.

De même l'assignation en référé délivrée le 28 mai 2015, postérieurement à l'expiration du délai biennal, le 25 juillet 2014, n'a pu interrompre ce délai.

Par ailleurs, les interventions de la société [...], respectivement de la société Ochnser Wärmepumpen GmbH, telles que listées en pages 4 et 5 du rapport Eurexo, et au paragraphe IV 'chronologie' du rapport d'expertise judiciaire qui consistent exclusivement en des travaux de réparations de l'installation existante, à savoir réglages, remplacement d'éléments défectueux, contrôles et modification d'un branchement, ne constituent pas une modification de l'installation susceptible de faire courir un nouveau délai de garantie biennale, contrairement à ce que soutiennent les consorts [E] et [H].

Le jugement entrepris sera donc également confirmé en tant qu'il a déclaré forclose la demande présentée sur le fondement de la garantie biennale, ainsi qu'en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la société [...] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui ne peut être invoquée pour des désordres relevant d'une garantie légale, en l'occurrence la garantie biennale qui est expirée.

La responsabilité de la société [...] n'étant pas retenue, la garantie de son assureur, la société Groupama Grand Est, n'est pas due.

2- Sur la demande au titre de l'impossibilité de désolidariser les deux maisons

Les consorts [E] et [H] recherchent en outre la responsabilité des intimées et plus particulièrement de la société [...] pour manquement à son devoir de conseil pour avoir préconisé une installation de chauffage commune aux deux maisons, sans attirer leur attention sur le fait qu'elles ne pourraient être vendues séparément.

S'agissant d'un manquement distinct et indépendant des problèmes liés au fonctionnement de l'installation, la demande est recevable.

Il ne peut toutefois être déduit de la mention manuscrite figurant à la fin du devis du 6 décembre 2011 selon laquelle 'le fait de rajouter une maison supplémentaire sur l'installation ne génère pas un surcoût énorme. Au contraire, l'intérêt réside dans une installation commune (...)' , que la société [...] a expressément conseillé la réalisation d'une telle installation, cette mention apparaît en effet comme une réponse à une interrogation des époux [E] à qui était destiné le devis, dont le projet consistait notamment à réaliser une piscine commune avec les époux [H], qui sont leur fille et leur gendre.

En outre, le devoir de conseil auquel l'entreprise est tenue ne couvre que les éléments techniques susceptibles d'échapper à la connaissance ou à la vigilance d'un maître de l'ouvrage profane, et ne s'étend pas aux conséquences de bon sens relevant du choix constructif de doter deux maisons indépendantes d'équipements et d'installations communs, tout maître de l'ouvrage normalement avisé étant à même d'appréhender les conséquences d'un tel choix en cas de vente de l'une des maisons.

Enfin, la société Ochnser Wärmepumpen GmbH en sa qualité de fournisseur de la pompe à chaleur n'est pas tenue d'un devoir de conseil à l'égard des maîtres de l'ouvrage.

La demande sera donc rejetée et le dispositif du jugement complété, le premier juge ayant omis de statuer sur ce chef de demande distinct.

3- Sur la demande des consorts [E] et [H] dirigée contre la société Ochnser Wärmepumpen GmbH

Si en page 7 de leurs dernières conclusions, les consorts [E] et [H] reprochent au tribunal d'avoir omis de statuer sur leur demande présentée très subsidiairement aux fins d'engager la responsabilité délictuelle du fournisseur et sous-traitant Ochsner, ils indiquent toutefois en page 14 agir contre la société Ochnser Wärmepumpen GmbH sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, pour non-conformité de la chose vendue.

La société Ochnser Wärmepumpen GmbH n'étant pas intervenue en qualité de sous-traitant de la société [...], mais de fournisseur du matériel installé par cette dernière, sa responsabilité ne peut en effet être recherchée par les maîtres de l'ouvrage que sur un plan contractuel pour manquement aux obligations lui incombant en sa qualité de vendeur.

A cet égard, force est de constater que les consorts [E] et [H] se contentent d'affirmer que 'la non-conformité de la chose vendue est acquise', sans l'établir, alors d'une part que l'expert n'a nullement fait état d'un quelconque vice ou défaut de conformité de la pompe à chaleur, et d'autre part que si il a certes relevé une dégradation du coefficient de performance qu'il a estimée à 50 %, il précise ne pas avoir pu en identifier les causes en dépit des investigations menées, et retient par ailleurs que son fonctionnement est adapté aux usages du site.

L'expert n'a par ailleurs relevé aucun manquement de la société Ochnser Wärmepumpen GmbH dans le cadre des interventions auxquelles elle a procédé au titre de la garantie due par elle en sa qualité de vendeur, et n'a notamment pas mis en cause les réglages et paramétrages auxquels ses techniciens ont procédé.

Par voie de conséquence, la non-conformité alléguée du matériel livré n'étant pas démontrée, ni aucune faute de la société Ochnser Wärmepumpen GmbH, la demande des consorts [E] et [H] dirigée contre elle sera rejetée, et il sera ajouté au jugement.

4- Sur les autres demandes

Le jugement étant confirmé en l'ensemble de ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

En considération de la solution du litige, les dépens d'appel seront supportés par les consorts [E] et [H] in solidum qui seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera par contre alloué, sur ce fondement, une somme de 2 000 euros d'une part à la société [...] et à la société Groupama Grand Est, ensemble, et d'autre part à la société Ochnser Wärmepumpen GmbH.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DÉCLARE l'appel des consorts [E] et [H] recevable ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 11 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les époux [E] et les époux [H] de leur demande d'indemnisation au titre de la perte de valeur des propriétés ;

DÉBOUTE les époux [E] et les époux [H] de leurs demandes dirigées contre la société Ochnser Wärmepumpen GmbH ;

DÉBOUTE les époux [E] et les époux [H] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [F] [E] et son épouse, née [G] [U], et M. [D] [H] et son épouse, née [I] [E], à payer une somme de 2 000 euros (deux mille euros) d'une part à la société [...] et à la société Groupama Grand Est, ensemble, et d'autre part à la société Ochnser Wärmepumpen GmbH ;

CONDAMNE in solidum M. [F] [E] et son épouse, née [G] [U], et M. [D] [H] et son épouse, née [I] [E], aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01989
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;21.01989 ?
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