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23/06/2023 | FRANCE | N°21/01962

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 23 juin 2023, 21/01962


CKD/KG



MINUTE N° 23/529





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRÊT DU 23 JUIN 2023





Numéro d'inscriptio

n au répertoire général : 4 A N° RG 21/01962

N° Portalis DBVW-V-B7F-HR42



Décision déférée à la Cour : 11 Mars 2021 par la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Strasbourg





APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :



Monsieur [N] [F]

[Adresse 1]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/274...

CKD/KG

MINUTE N° 23/529

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01962

N° Portalis DBVW-V-B7F-HR42

Décision déférée à la Cour : 11 Mars 2021 par la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Strasbourg

APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [N] [F]

[Adresse 1]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/2747 du 22/06/2021

Représenté par Me David FRANCK, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

S.A.S. BASIC FIT II

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Loreleï PELLENNEC, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [N] [F], né le 30 août 1986, a été engagé par la SAS Basic Fit II le 11 janvier 2017 en qualité d'agent d'accueil à temps partiel, affecté sur le site [Adresse 3] à [Localité 4]. Par avenant du 03 avril 2017 l'horaire de travail a été porté de 17,5 heures à 20 heures par semaine.

Une rupture conventionnelle a été proposée à Monsieur [F], refusée par lui, puis une nouvelle affectation sur le site de [Localité 4] Hautepierre plus près de son domicile à compter du 1er juin 2017, proposition également refusée par le salarié.

Le 24 mai 2017 vers 22h30 Monsieur [F] a tenté de mettre fin à ses jours par pendaison dans la salle de sport. Il a pu être sauvé, a été hospitalisé, et a fait l'objet d'arrêts de travail jusqu'au 02 octobre 2018.

Par courrier du 22 août 2018 le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur qui a manqué à son obligation de sécurité en ne mettant pas un terme aux agissements répétés de harcèlement moral dont il déclare avoir été victime.

Il a le 28 novembre 2018 saisi le conseil des prud'hommes de Strasbourg d'une demande de requalification de la rupture, en licenciement nul, du fait du harcèlement moral, et réclamait diverses indemnités de rupture de ce chef, outre 60.000 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Par jugement du 11 mars 2021, le Conseil des Prud'hommes statuant en formation de départage a :

- Requalifié la prise d'acte de la rupture en un licenciement nul et de nul effet,

- Condamné la SAS Basic Fit II à payer à Monsieur [N] [F] les sommes

de :

* 355,47 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 853,11 € bruts au titre de l'indemnité de préavis,

* 85,31 € bruts au titre des congés payés afférents,

* 5.118,78 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1980.

Le conseil des prud'hommes a ordonné l'exécution provisoire, et a débouté les parties du surplus de leurs demandes. Il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité.

Monsieur [N] [F] a interjeté appel le 09 avril 2021.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 03 janvier 2022 [N] [F] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement concernant le manquement à l'obligation de sécurité,

- Constater, dire et juger que la société n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale du salarié, et qu'elle a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- La Condamner à lui payer 60.000 € à titre au titre de son manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- La condamner à verser à Me David Franck la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Donner acte à l'avocat de ce qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991,

- Condamner la société aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'exécution,

- Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions.

Sur l'appel incident

- Constater dire et juger qu'il a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral,

- Débouter la société de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 08 octobre 2021 la SAS Basic Fit II demande d'infirmer le jugement en ce qu'il requalifie la prise d'acte en un licenciement nul et de nul effet, et dans tous les montants alloués au salarié.

Elle demande à la cour de :

- Constater que la prise d'acte produit les effets d'une démission,

- Débouter le salarié de toutes ses demandes,

- Constater qu'elle n'a jamais manqué à son obligation de sécurité,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de paiement de 60.000 €,

- Le condamner à lui payer 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions des parties ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur le harcelement moral

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet, ou pour effet, une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique, ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1154-1 du même code il appartient au salarié de présenter des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, puis il revient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative,xxxxx' enfin il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [F] fait valoir qu'il a été victime de l'animosité de Messieurs [W] et [E] qui s'exprimait quotidiennement dans leurs propos ou leur attitude générant un état de stress et d'angoisse important. Il expose que cette attitude transparaissait également dans les nombreux rapports transmis par mail aux supérieurs hiérarchiques alors même qu'aucun client ne s'est jamais plaint de ses prestations, et qu'au contraire il produit de nombreux témoignages de satisfaction. Monsieur [F] expose que le harcèlement moral est caractérisé par :

- des reproches incessants et injustifiés transmis par Messieurs [W] et [E] à leur supérieur hiérarchique par mails,

- l'humiliation résultant de l'envoi de ces mails à l'ensemble de l'équipe,

- une tentative de suicide sur les lieux du travail le 24 mai 2017,

- des arrêts de travail du 24 mai 2017 jusqu'à octobre 2018,

- un suivi psychiatrique régulier,

- un traitement lourd contre la dépression.

Les pièces versées aux débats établissent et suivants :

Le 13 avril 2017 à 7h58 Monsieur [O] [E] adressait un courriel à son responsable Monsieur [X] dénonçant le fait que Monsieur [F] la veille avait oublié de faire une sauvegarde l'empêchant d'accéder à l'Internet, qu'il n'avait pas rangé, l'obligeant lui-même à ranger pendant une demi-heure tout le matériel qu'il avait laissé traîner, ainsi qu'un ticket resté par terre, interrogeant le responsable sur le point de savoir si cela était normal.

Le 26 avril 2017 Monsieur [Y] [W] adressait à ce même responsable " un petit débrief sur [N] ces derniers temps ". Ce mail note un point positif, et huit points négatifs à savoir :faire rentrer des personnes sans carte, travailler sans sa tenue, rester un peu trop à l'accueil à parler avec les adhérents, laisser les gens s'entraîner en salle, ne pas nettoyer les douches, fermeture " pas toujours au top ", des explications non correctes sur les offres aux nouveaux adhérents, des mails d'ouverture et de fermeture " toujours pas comme il le faut ".

Le 27 avril 2017 Monsieur [Y] [W] adressait à deux responsables une liste de reproches concernant Monsieur [F], à savoir l'absence de nettoyage avant la fermeture, le travail sans tenue, l'entraînement pendant les heures de travail, avoir raté un rendez-vous chez le médecin du travail, de s'adresser de manière inappropriée à ses supérieurs hiérarchiques, d'être en retard.

Le 17 mai 2017 Monsieur [Y] [W] adressait à son responsable Monsieur [X] un résumé sur le travail de [N] notant deux points positifs, et quatre points négatifs à savoir un nettoyage délaissé, le rangement des poids et le déchargement des machines mal effectué pendant le service ou à la fermeture, des ventes avec mauvaise information sur les tarifs et offres, le fait de laisser accéder des personnes sans carte.

Le 22 mai 2017 Monsieur [O] [E] adressait un courriel à son responsable Monsieur [X] se plaignant du défaut de nettoyage des douches la veille photographiant les lieux avant et après demandant de faire le nécessaire auprès des intéressés afin que cela est définitivement.

Le 23 mai 2017 à 11h25 Monsieur [X] adressait un courriel aux deux sites de [Localité 4] et [Localité 4]-Hautepierre exposant s'être entretenu avec que Monsieur [F] avant son prochain départ pour le site de [Localité 4]- Hautepierre et listant les problèmes rencontrés jusqu'alors, ajoutant : " dès à présent Monsieur [N] [F] s'engage à respecter scrupuleusement nos attentes et parfaire son travail chez Basic-fit. Dans le cas contraire nous serons en accord pour que cette collaboration prenne fin. [N], merci de signer comme convenu ce mail et me le retourner. Nous attendons également tes coordonnées postales le plus rapidement possible' ".

Le 24 mai 2017 entre 22h15 et 22h45 Monsieur [F] a fait une tentative de suicide par pendaison avec une serviette sur une barre de traction dans la salle de sport, ainsi que décrit dans un courriel de basic fit. Ce message précise que les policiers ont retrouvé un mot laissé sur l'ordinateur " disant en quelque sorte que cela était de notre faute ". Ce mot n'est cependant pas versé aux débats.

Du point de vue médical le salarié produit un certificat d'hospitalisation à compter du 24 mai 2017, ainsi que des arrêts de travail jusqu'au (illisible) mai 2018 délivrés par un praticien hospitalier des urgence psychiatriques, un certificat médical du 28 mars 2018 dans lequel le psychiatre atteste de consultation psychiatrique deux fois par mois depuis mai 2017, des ordonnances du pôle psychiatrique des 26 janvier et 23 mars de 2018 établissant la prescription d'antidépresseurs. Enfin l'accident du travail est confirmé par la déclaration d'accident du travail.

Il apparait que pris dans leur ensemble ces éléments permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, qu'il incombe donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, mais reposent sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

***

Il convient de relever que le salarié a été embauché à compter 11 janvier 2017 en qualité d'agent d'accueil à temps partiel, et que par avenant du 03 avril 2017 l'horaire de travail a été porté à 20 heures par semaine, sans qu'aucun reproche ne soit formulé à son encontre avant le 13 avril 2017.

L'employeur fait valoir que Monsieur [E] était parfaitement en droit de relater à son supérieur les manquements de son collègue dans la mesure où ils avaient des répercussions sur son propre travail. Il souligne que le responsable du club Monsieur [W] a également rencontré des difficultés avec Monsieur [F] qui à plusieurs reprises ne respectait pas les procédures. Il déclare que les échanges qui ont eu lieu au sein du club avaient pour but de trouver une solution face aux manquements récurrents du salarié et ne caractérisent aucune forme d'acharnement à son encontre. Il ajoute encore que le salarié a fait l'objet de deux avertissements reposant sur des faits objectifs.

En effet la société Basic Fit adressait le 10 mai 2017 un avertissement à Monsieur [F] pour son absence lors de la formation sécurité du 03 mai 2017. Cet avertissement n'est pas contesté par le salarié qui déclare qu'il a bien travaillé ce jour-là. Il est surtout relevé que le grief sanctionné est étranger à ceux dénoncés dans les différents mails dont se plaint Monsieur [F].

La société produit un second avertissement du 24 mai 2017 suite à un retard du salarié le mercredi 17 mai pour une prise de poste à 17h15 à 16h30, le salarié invoquant une confusion de planning. Force est de constater que là encore le salarié ne conteste pas l'avertissement qui sanctionne un grief autre que ceux dénoncés dans les mails.

Deux des attestations produites par l'employeur sont sans incidence. Ainsi Monsieur [L] [T] ne fait que rapporter les propos de Monsieur [X]. Monsieur [J], pour sa part déclare essentiellement qu'il n'a rencontré qu'une seule fois Monsieur [F], qu'il n'avait pas le temps de le connaître, et qu'ils occupaient des tâches similaires.

Monsieur [X] responsable régional explique qu'aucune pression n'a été exercée à l'encontre de Monsieur [F], et qu'avec Monsieur [W] le responsable du club " nous cherchions une solution pour l'épanouissement de [N] [F] au sein de l'entreprise", expliquant que ce dernier a refusé l'opportunité d'une mutation, et qu'il a fallu faire plusieurs réunions et (illisible) pour ces manquements, concluant : " je n'ai pu constater aucun problème d'entente au niveau de l'équipe. Il ne s'agit que de problèmes d'ordre professionnel, et non une tyrannie personnelle ".

Monsieur [W] responsable du club [Localité 4] [Adresse 3] explique que plusieurs réunions avaient été faites avec Monsieur [F] concernant le travail au sein de l'entreprise, et qu'ont été évoquées les questions du respect du règlement intérieur, et nettoyage, et le port de la tenue de travail obligatoire. Il déclare qu'il n'a obtenu pour toute réponse qu'un simple acquiescement sans que le salarié ne prenne réellement en compte ses remontrances de sorte que " des demandes d'avertissements ont été demandées ".

Enfin Monsieur [O] [E] après avoir expliqué qu'il n'a jamais eu aucune pression de la part de son responsable Monsieur [W], atteste qu' " il y a eu effectivement quelques soucis (avec Monsieur [F]) car lors de ses fermetures il ne rangeait pas le matériel à sa place. Quand je faisais l'ouverture' je passais 20 à 30 minutes à tout ranger avant l'ouverture. J'en ai porté parler à mon responsable [Y] [W] pour qu'il règle le problème ".

Il apparaît d'une part que Monsieur [X] responsable régional ne rapporte aucun fait précis auquel a personnellement assisté s'agissant des faits reprochés au salarié.

Les attestations de Messieurs [W] et [E] rapportent en des termes beaucoup plus modérés que dans les mails les manquements qu'ils imputent au salarié.

Il apparaît surtout s'agissant de ces mails que certains d'entre font état de reproches injustifiés.

Ainsi un défaut de nettoyage des douches est relevé le lundi 22 mai par Monsieur [E] alors qu'il résulte du planning que Monsieur [F] qui n'a travaillé ni le samedi après-midi, ni le dimanche, ne pouvait être tenu responsable de ce défaut de nettoyage contrairement à la dénonciation.

De même le 17 mai 2017 il était reproché au salarié de laisser accéder des personnes sans carte, sans que jamais ce grief ne soit justifié, et alors même que Monsieur [F] dénonçait par mail un incident survenu le 02 mai 2017 précisément lorsqu'il a refusé l'accès à un client démuni de carte qui lui indiquait par ailleurs qu'un autre salarié le laissait entrer.

Enfin la société intimée n'explique pas la diffusion le 23 mai 2017 sur les deux sites d'un entretien confidentiel entre le responsable régional et Monsieur [N] [F]. Ce dernier a pu se sentir humilié de voir diffuser à l'ensemble du personnel son engagement de respecter scrupuleusement les attentes de l'employeur, de parfaire son travail, ainsi que la rupture annoncée du contrat de travail dans le cas contraire. Le message demandait en outre à Monsieur [F] de signer le mail, et de le retourner. La diffusion sur les deux sites du compte rendu de cet entretien était parfaitement inutile.

Il est relevé que la tentative de suicide a eu lieu le lendemain de ce message, et ce sur les lieux mêmes de l'activité professionnelle avec un message de mise en cause qui n'est pas versé aux débats, mais qui est néanmoins évoqué dans les pièces.

En dernier lieu hormis les mails précisément dénoncés par l'appelant, l'employeur ne verse aux débats aucune pièce confirmant la véracité des dénonciations, et au demeurant aucune plainte de client.

En revanche Monsieur [F] produit des formulaires d' " enquête de satisfaction pour [N] " remplis par un certain nombre de clients qui contrairement aux affirmations de l'employeur sont identifiabl es puisqu'ils mentionnent leur numéro d'adhérent. Ainsi sur six feuilles, la colonne relative aux points positifs fait état de la satisfaction des clients qui soulignent : " un accueil chaleureux, sympa accessible, de loin le conseiller le plus professionnel, l'écoute bienveillante avec les clients, personne très disponible, toujours souriant et de bonne humeur, un très bon accueil et de conseil, super satisfait, accueillant, serviable, dynamique, sérieux, meilleur agent d'accueil de cette salle, dynamique souriant travailleur, toujours de bonne humeur, accueillant, serviable, entretient bien la salle, donne des conseils sportifs, bon encadrement des membres, s'assure de la propreté de la salle, très sociable, très sympa et bon conseil, gentil, dynamique, sérieux dans son travail, je le vois souvent nettoyer, [N] est un très bon élément, une bonne ambiance de travail, adorable et accueillant' " etc.

Ainsi la société intimée ne parvient pas à renverser la présomption de harcèlement moral.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes en formation de départage a jugé que Monsieur [F] a fait l'objet d'un harcèlement moral.

Le jugement est par conséquent également confirmé en ce qu'il requalifie la prise d'acte de la rupture en un licenciement nul, et a alloué à Monsieur [F] l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents qui découlent de cette qualification.

La somme de 5.108,78 € allouée à titre de dommages et intérêts indemnise justement le préjudice subi par le salarié, qui ne conteste pas le montant arbitré par les premiers juges.

II. Sur l'obligation de sécurité

Le conseil des prud'hommes a jugé que la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est rapportée dès lors que le délai écoulé entre les premières dénonciations du 13 avril 2017 et la tentative de suicide du 24 mai 2017 a été relativement bref, et qu'à l'issue de l'entretien du 22 mai 2017 l'employeur a proposé au demandeur une mutation ce qui l'aurait mis à l'abri de ses harceleurs.

La reconnaissance d'un harcèlement moral, n'implique pas en soi que l'employeur ait en outre failli à son obligation de sécurité.

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;

Qu'il est précisé que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances, et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Selon l'article L 4121-2 du code du travail l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention énoncés par le texte.

Il résulte de la procédure que le responsable du site, et le collègue de l'appelant ont adressé à la hiérarchie cinq mails dénonçant des manquements de Monsieur [F] entre le 13 avril et le 22 mai 2017.

En revanche aucun élément du dossier n'établit que le salarié ait fait part de son mal être au responsable régional, ou encore au service des ressources humaines, ni même à des collègues. La pièce 36 présentée comme un courrier est en réalité une page sur laquelle le salarié écrit depuis la toute première ligne, jusqu'à la dernière, un certain nombre de reproches. Ce document contrairement à son affirmation n'est pas un courrier. En effet il n'est pas daté, pas signé, et ne mentionne pas à qui il aurait été adressé.

Ainsi n'est pas établi que le salarié ai informé l'employeur des actes dont il était victime, alors qu'il aurait pu le faire par exemple par mail, comme il l'a d'ailleurs fait le 02 mai 2017 en dénonçant un incident survenu avec un client démuni de carte.

Le salarié n'a pas davantage saisi le médecin du travail, ni aucun autre organisme. Il ne s'est pas plaint auprès des délégués du personnel, ni de la Direccte de ses conditions de travail.

L'attestation de Monsieur [A] [G] qui précise que son lien est " très proche " rapporte avoir pu voir que la situation de travail de Monsieur [F] s'est dégradée vu les nombreuses pressions venant de l'équipe, sans cependant que cette attestation ne soit circonstanciée, et ne rapporte le moindre élément précis. Il en est de même de l'attestation de Monsieur [M] [U] tout aussi imprécise. Par ailleurs aucun de ces témoins n'établit que l'employeur aurait été informé des actes de harcèlement moral.

La proposition de mutation de Monsieur [F] sur un autre site, en outre plus proche de son domicile, apparaît, tel que jugé par le conseil des prud'hommes, être une solution mettant le salarié à l'abri de ses harceleurs, cette solution étant en l'espèce intervenue relativement rapidement.

Finalement la seule maladresse de l'employeur consistant à adresser le courriel du 23 mai 2017 aux salariés des deux sites n'est pas suffisante pour caractériser le non-respect de l'obligation de sécurité.

Le jugement déféré qui a rejeté ce chef de demande, et la demande indemnitaire qui en découle, est par conséquent confirmé.

III. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est également confirmé s'agissant des frais irrépétibles, et des dépens.

Les deux parties succombant à leur appel principal et incident, supporteront chacune leurs propres dépens.

Il est rappelé que la charge des frais d'exécution forcée est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution, et qu'il n'appartient pas au juge du fond de statuer par avance sur le sort de ces frais.

Compte-tenu de l'issue du litige, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une de l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mars 2021 par le Conseil des Prud'hommes de Strasbourg statuant en formation de départage ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SAS Basic Fit II et Monsieur [N] [F] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter ses propres dépens exposés à hauteur d'appel ;

RAPPELLE que le sort des frais d'exécution forcée est fixé par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution ;

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023 et signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffière.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01962
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;21.01962 ?
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