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22/06/2023 | FRANCE | N°22/02806

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 22 juin 2023, 22/02806


MINUTE N° 327/2023





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Claus WIESEL





Le 22 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 22 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02806 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4J2
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Décision déférée à la cour : 28 Juin 2022 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



La S.A.S.U. RELAIS FNAC

ayant son siège social [Adresse 12]



représentée par Me Guillaume HARTER, Avocat à la cour.

avocat plaidant : Me Jean D'ALEM...

MINUTE N° 327/2023

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Claus WIESEL

Le 22 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02806 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4J2

Décision déférée à la cour : 28 Juin 2022 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A.S.U. RELAIS FNAC

ayant son siège social [Adresse 12]

représentée par Me Guillaume HARTER, Avocat à la cour.

avocat plaidant : Me Jean D'ALEMAN, Avocat à Paris.

INTIMÉ :

Le COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE (CSE) DE LA RÉGION NORD EST DE LA SASU RELAIS FNAC, agissant par son représentant légal

ayan son siège [Adresse 1]

représenté par Me Claus WIESEL, Avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation du 8 juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 janvier 2022, la SAS Relais Fnac a organisé une réunion extraordinaire du comité social et économique central (CSEC) de la société fixée au 14 janvier 2022 afin de l'informer en vue de sa consultation sur le projet d'évolution de l'organisation du Réseau Fnac Exploitation.

Le 14 janvier 2022, le CSEC a décidé de désigner un expert, le cabinet ISAST, pour analyser l'impact de ce projet sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Le rapport a été rendu le 2 mars 2022.

Le 16 mars 2022, le CSEC a émis un avis défavorable au projet de la société Relais Fnac.

Par assignation délivrée le 12 avril 2022, le comité social et économique de la région (CSER) Nord Est de la SASU Relais Fnac a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg d'une demande dirigée contre la SASU Relais Fnac tendant à voir ordonner la suspension immédiate du projet d'évolution de l'organisation du réseau Fnac Exploitation dans les magasins du périmètre relevant de la compétence du CSER Nord Est, de voir ordonner à la société Relais Fnac d'engager sous astreinte le processus de consultation du CSER Nord Est.

Par ordonnance réputée contradictoire du 28 juin 2022, le juge des référés a':

au principal, renvoyé les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservés':

-''''''' ordonné la suspension immédiate du projet d'évolution de l'organisation du réseau Fnac Exploitation dans les magasins du périmètre relevant de la compétence du CSER Nord Est ;

-''''''' ordonné à la SASU Relais Fnac d'engager le processus de consultation du CSER Nord Est dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 1000 euros par jour de retard passé ce délai, dans la limite de quatre mois ;

-''''''' dit n'y avoir lieu à se réserver la compétence pour la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée ;

-''''''' condamné la SASU Relais Fnac à payer au CSER Nord Est la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts;

-''''''' condamné la SASU Relais Fnac à payer au CSER Nord Est la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

-''''''' condamné la SASU Relais Fnac aux entiers dépens de la procédure.

Le juge a rappelé les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile et a précisé que pour être caractérisé, le dommage imminent ou le trouble manifestement illicite impliquait l'existence d'un fait matériel ou juridique constituant une violation manifeste de la loi, se traduisant par un trouble d'ores et déjà avéré ou sur le point de se produire.

Il a fait état des dispositions de'l'article L.2312-8 du code du travail qui prévoit que':

-''''''' le comité social et économique (CES) a pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment':

1/ les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs,

2'/ la modification de son organisation économique ou juridique,

3/ les conditions d'emploi, de travail et notamment la durée du travail et la formation professionnelle ('),'

- le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise avant toute décision de l'employeur conformément à l'article L.2312-14 du code du travail.

Il a également fait état des dispositions de l'article L.2316-20 du code du travail qui énonce que le comité social économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

Le juge a indiqué que le CSE produisait l'accord du 18 septembre 2018 portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac rappelant les attributions du CSER Nord Est dont celles relatives aux mesures d'adaptation à un ou des magasins d'une région des projets décidés au niveau de l'entreprise.

Il a considéré qu'il était établi que la SASU Relais Fnac avait entendu déployer une nouvelle organisation de l'entreprise en cohérence avec la stratégie «'Every day'» en développant le maillage de tous les formats de magasins, intégrés et franchisés, pour faire croître ses parts de marché, cette nouvelle organisation devant permettre, selon l'entreprise, de faire interagir plusieurs formats de magasins Fnac au sein d'une même zone géographique, d'assurer l'animation commerciale transverse et régionale au sein d'une même zone géographique, de confier le pilotage commercial de ces zones géographiques à des directeurs régionaux des ventes dédiés.

Il a souligné qu'il résultait de la délibération du conseil social et économique central (CSEC) Relais Fnac du 4 janvier 2022, que, dès lors que cette nouvelle organisation emportait des conséquences importantes, le recours à une expertise pour analyser les conséquences de la mise en oeuvre du projet sur la sécurité des conditions de travail et la santé au travail du personnel avait été décidé conformément à l'article L.2315-96 alinéa 2 du code du travail.

Il a ajouté que, dès lors que cette nouvelle organisation était également susceptible d'avoir des répercussions et un impact immédiat sur le périmètre de compétence du CSER Nord Est, notamment sur la représentation du personnel de l'établissement Nord Est, sur le montant des subventions relatives à la masse salariale, sur la gestion au niveau local des différences esquivées au niveau national selon le rapport d'expertise établi le 22 mars 2022 par l'ISAST à la demande du CSER, le défaut de consultation de ce dernier constituait un trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser en ordonnant la suspension du projet d'évolution de l'organisation du réseau Fnac Exploitation dans les magasins relevant d'un périmètre de la compétence du CSER Nord Est et en enjoignant à la société Relais Fnac d'engager le processus de consultation du CSER Nord Est dans un délai de 15 jours après signification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte.

Considérant que l'existence d'un trouble manifestement illicite résultait de l'entrave aux prérogatives du CSER et ouvrait droit à ce titre à la réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations, qui ne se heurtait à aucune contestation sérieuse, d'autant que la société Relais Fnac n'était pas présente à la procédure, le juge a alloué au CSER une provision d'un montant de 10 000 euros.

Le 8 juillet 2022, en application de l'ordonnance du juge des référés, la société Relais Fnac a organisé une réunion extraordinaire du CESR Nord Est fixée au 13 juillet 2022 afin de l'informer et de le consulter sur le projet de la société Relais Fnac.

La société Relais Fnac a formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 19 juillet 2022.

Selon ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du''' 2 février 2022.

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PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 17 janvier 2023, la société Relais Fnac demande à la cour de':

- infirmer l'ordonnance de référé du 28 juin 2022 rendue par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'elle :'

* a ordonné la suspension' immédiate' du' projet' d'évolution' de' l'organisation' du' réseau' FNAC Exploitation dans les magasins du périmètre relevant de la compétence du CSER Nord Est ;'

* lui a ordonné d'engager le processus de consultation du CSER Nord Est dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai, et dans la limite de quatre mois';'

* l'a condamnée à payer au CSER Nord Est la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts';

* l'a condamnée à payer au CSER Nord Est la somme de 1 500 euros en 'application de l'article 700 du code de procédure civile';

et, statuant à nouveau :'

-' juger qu'elle a valablement consulté le CSEC sur le projet d'évolution de l'organisation commerciale ;

- juger que la consultation du CSER Nord Est sur le projet d'évolution de l'organisation commerciale n'est pas obligatoire en l'absence de mesures spécifiques d'adaptation ;'

- juger que le CSER Nord Est n'apporte la preuve ni de l'urgence, ni d'aucun trouble manifestement illicite et qu'il existait des contestations sérieuses s'opposant aux demandes formulées en première instance ;'

en tout état de cause :

-''''''' infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamnée à verser au CSER Nord Est 10 000 euros de provision à valoir sur dommages et intérêts et débouter le CSER Nord Est de sa demande de provision à valoir sur dommages et intérêts ;

-''''''' débouter le CSER' Nord Est' de' sa' demande' de' 3 000' euros' au' titre' de' l'article' 700' du' code' de procédure civile ;'

-''''''' condamner le CSER Nord Est à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;'

-''''''' condamner le CSER Nord Est aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

La société Relais Fnac soutient que rien ne justifie, dans le cadre du projet d'évolution de l'organisation commerciale, la consultation préalable du CSER Nord Est.

Elle indique qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite et qu'il existe des contestations sérieuses justifiant l'infirmation de l'ordonnance entreprise.

Après avoir repris les règles relatives à la consultation du CSEC et du CSE d'établissement telles qu'elles résultent des dispositions de l'article L.2316-1 du code du travail, la société Relais Fnac indique que le CSEC exerce seul les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement, le législateur ayant pris soin de préciser que le CSEC est seul consulté sur les' projets' décidés' au ' niveau' de' l'entreprise ' qui ' ne' comportent' pas ' de' mesures' d'adaptation

spécifiques à un ou plusieurs établissements (article L.2316-1 du code du travail), sur' les' mesures' d'adaptation communes à' plusieurs' établissements relatives' à 'tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (application combinée des dispositions de l'article L.2316-1 al. 2-3° et de l'article L.2312-8 ' II 4° du code du travail).'

Elle se prévaut de la' jurisprudence' de' la' Cour' de' cassation' selon laquelle' lorsqu'un' projet' a' été' défini' au' niveau' de l'entreprise par le chef d'entreprise, il n'est soumis à la consultation du CSE d'établissement qu'à la condition de comporter de véritables mesures spécifiques à cet établissement et pour lesquelles le chef d'établissement dispose d'une certaine marge de man'uvre'; dans le cas contraire, il ne s'agit que de simples déclinaisons du projet national, qui tiennent compte éventuellement des contingences locales.

Elle invoque l'accord collectif du 18 septembre 2018 sur la représentation du personnel au sein du sous-groupe Fnac qui rappelle' expressément' ces' principes,' sans' accorder' aucun' droit' à' la' consultation' du' CSER' au-delà' des dispositions légales' puisque le CSEC est seul consulté sur les orientations stratégiques,' les' projets' décidés' au' niveau' de' l'entreprise' qui' ne' comportent' pas' de' mesures' d'adaptation spécifiques à une ou plusieurs régions et les mesures d'adaptation communes à plusieurs régions.

Elle expose que la Cour de cassation rappelle que la charge de la preuve pèse sur le CSE d'établissement et qu'à défaut pour ce dernier de démontrer que le projet est spécifique à un établissement ou qu'il comporte des mesures d'adaptation spécifiques à un établissement, celui-ci ne saurait être exigé d'être consulté en plus du CSEC.

La société Relais Fnac énonce que le CSEC a été consulté sur le projet litigieux dans le cadre d'une procédure ayant débuté le 14 janvier 2022 et ayant pris fin le 16 mars 2022, date à laquelle elle a procédé au recueil de l'avis du CSEC après une expertise du cabinet ISAST'; le CSER Nord Est a été informé, dès le 3 février 2022, du refus de la direction de procéder à une double consultation au niveau central et local.

Elle souligne que, dans son assignation, le CSER Nord Est s'est contenté de soutenir que le projet avait un impact immédiat sur son fonctionnement et des conséquences prévisibles sur le travail au sein des magasins exploités par Fnac Relais dans la région Nord Est, ces' deux' prétendus' impacts' invoqués' étant strictement identiques au sein de toutes les régions et à tous les CSER d'établissement de Relais Fnac puisqu'il s'agit d'un projet national englobant l'animation commerciale de toutes les régions.

La société Relais Fnac soutient qu'en ne mettant pas en lumière une quelconque mesure d'adaptation spécifique au niveau régional, le CSER Nord Est entend bénéficier d'un droit automatique à double consultation au mépris de la loi et des accords collectifs applicables. '

A ce titre, elle conteste que le projet ait un impact immédiat sur le périmètre du CSER Nord Est puisque':

-''''''' toutes les instances représentatives du personnel actuellement existantes au sein de Relais Fnac sont toutes maintenues dans les conditions actuelles (périmètre, composition, fonctionnement, '), selon les dispositions de l'accord portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac et jusqu'au prochain cycle électoral comme le rappelait la documentation remise au CSEC s'agissant du périmètre du CSER Nord Est, celui-ci demeure ainsi identique, avec les mêmes magasins, jusqu'au prochain cycle électoral,

-''''''' il n'y a pas de double présidence du CSER Nord Est dans l'attente des prochaines élections professionnelles'; la présence de deux directeurs des ventes (DRV Nord et DRV Est) dans le périmètre d'un seul CSER (CSER Nord Est) ne porte pas atteinte aux règles

de fonctionnement antérieures du CSER Nord Est, le découpage de l'entreprise en quatre régions reposant exclusivement sur des considérations géographiques, en vue d'un dialogue social plus efficient, les présidents de chaque CSER n'ayant jamais disposé d'une autonomie de gestion'; ce changement de présidence n'est pas propre au CSER Nord Est,

-''''''' le montant des subventions du CSER Nord Est n'est pas altéré, le rapport ISAST ayant simplement relevé que compte tenu du transfert volontaire des quatre directeurs régionaux des ventes et de huit coordinateurs produits éditoriaux et produits techniques de région de Relais Fnac vers la société FDPS, la masse salariale globale de la société Relais Fnac au niveau national était susceptible de diminuer.'

Elle conteste également qu'il existe des mesures d'adaptation spécifiques' qui' relèveraient' des' pouvoirs' du chef d'établissement en termes de gestion locale au niveau de la région Nord Est tel que cela ressort du rapport de l'expert ISAST lequel n'évoque pas une seule particularité propre à la région Nord Est, ni aucune mesure d'adaptation propre à l'une quelconque des régions ainsi que des procès-verbaux des réunions' du CSEC du 10 et du 16 mars 2022 auxquelles participait d'ailleurs la secrétaire du CSER Nord Est en qualité de membre du CSEC.

Elle ajoute que l'impact sur les conditions de travail évoqué dans l'assignation est très éloigné de la réalité puisque seuls les directeurs régionaux des ventes et coordinateurs produits éditoriaux et produits techniques de région sont impactés par ce projet soit douze salariés Relais Fnac sur un total de 2500'; les salariés en magasin de Relais Fnac, y compris au sein de la région Nord Est restent rattachés à Relais Fnac, qui conserve son autonomie juridique et économique et leurs contrats de travail demeurent inchangés'; aucun changement ne survient dans les statuts sociaux et accords collectifs en vigueur, chaque salarié demeurant dans son magasin d'affectation actuel, avec la poursuite de ses fonctions dans les mêmes conditions'; l'organisation des ressources humaines demeure propre à chaque entité juridique, les RRH intervenant exclusivement au sein des magasins de l'entité juridique. '

Sur la provision à valoir sur dommages et intérêts, la société Relais Fnac expose que le CSER Nord Est ne pouvait lui reprocher de ne pas l'avoir spécifiquement consulté sur le sujet, de sorte que la demande de provision à valoir sur dommages et intérêts n'aurait pas dû prospérer.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2022, le CSER Nord Est demande à la cour de'confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et, y ajoutant, condamner la société Relais Fnac à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

Le CSER Nord Est précise que son action est fondée sur l'article 835 du code de procédure civile et sur les articles L.2312-8, L.2312-9, L'.2312-14, L.2315-9, L.2316-1 et L.2316-20 du code du travail et vise à faire cesser le trouble manifestement illicite qui résulte du défaut de consultation du CSER préalablement au déploiement du projet de réorganisation de l'entreprise qui avait été présenté lors de la réunion du CSEC du 14 janvier 2022.

Le CSER Nord Est considère que sa consultation s'impose.

Sur ce point, il indique que le CSEC est une émanation des CSER et dispose d'attributions exclusives et d'attributions communes distributives qui sont régies par l'article L.2316-1 du code du travail, les prérogatives du CSE d'établissement étant prévues à l'article L.2316-20 du code du travail'; la déclinaison de ces textes, permet de comprendre que, d'une part, le CSEC est seul consulté si le projet décidé au niveau de l'entreprise ne comporte pas de

mesures d'adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements, c'est-à-dire que le projet de l'employeur sera mis en 'uvre de manière identique et uniforme dans tous les établissements de l'entreprise et, d'autre part, le chef d'établissement doit procéder à la consultation de son CSE d'établissement dès lors qu'il entend adopter des mesures locales, relevant des attributions de son CSE, notamment au titre de l'article L.2312-8 du code du travail'; il s'en déduit que, dans les limites des pouvoirs confiés au chef d'établissement, le CSE d'établissement doit être obligatoirement informé et consulté sur toutes les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'établissement.

Il ajoute que c'est ce que rappelle l'accord signé entre les partenaires sociaux le 18 septembre 2018.

Il en déduit que l'employeur ne peut faire l'économie d'une consultation de l'instance de l'établissement Nord Est portant sur la déclinaison de la réorganisation sur les magasins de son périmètre de compétence, le projet de réorganisation devant avoir, d'une part, un impact sur le fonctionnement du CSER Nord Est et, d'autre part, un impact et des conséquences différentes au sein des magasins de chaque nouvelle région.

Sur l'impact sur son propre fonctionnement, il précise que la réorganisation aura pour conséquence immédiate que le périmètre de sa compétence ne cadrera pas avec le nouveau découpage administratif de l'entreprise citant l'exemple du magasin Fnac de [Localité 5] qui va intégrer la Région Nord, celui des magasins de [Localité 6] ou [Localité 9] qui vont intégrer la Région Est, un directeur régional des ventes devant être nommé à la tête de chaque nouvelle région, étant précisé que les compétences 'de ce dernier ne recouperont pas le périmètre de compétence des représentants du personnel.

Il considère que la question des représentants du personnel est légitime car la présidence du comité d'établissement est assurée par le chef d'établissement qui représente l'employeur et ne peut être assurée par deux personnes simultanément.

Il ajoute que les salariés des magasins de [Localité 5], [Localité 4], [Localité 2], [Localité 8] et [Localité 10] ne dépendront plus de la Région Nord Est mais d'une autre région, sous l'autorité d'un autre Directeur Régional des ventes et que le nouveau découpage va provoquer une situation d'inadéquation entre le périmètre de compétence de ses élus et celui des compétences fonctionnelles du ou des présidents de l'instance, tout particulièrement dans le cadre des compétences des élus en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

Le CSER de la région Nord Est soutient que sa consultation s'impose également au regard du rapport de l'expert mandaté par le CSEC qui pointe, parmi les conséquences de la réorganisation, une diminution des subventions des CSER provoquée par une réduction de la masse salariale.

Sur les conséquences prévisibles sur le travail au sein des magasins exploités par la Fnac Relais dans la future région Est, le CSER Nord Est expose que le groupe Fnac Darty exploite en France les magasins de l'enseigne Fnac à travers plusieurs entités juridiques différentes à savoir Relais Fnac, Fnac Périphérie et Fnac Accès et que de nombreux magasins sont également exploités sous le régime juridique de la franchise, la gestion commerciale étant propre à chaque entité juridique.

Il indique qu'aux termes de la réorganisation du groupe la nouvelle région Est comprendra neuf magasins exploités par Relais Fnac, trois magasins exploités par Fnac Périphérie et douze magasins exploités par le réseau de franchisés soit un total de vingt-quatre magasins de [Localité 9] à Anemasse en passant par [Localité 6], [Localité 7], [Localité 11] et [Localité 3].

Il souligne que la nouvelle réorganisation commerciale impacte nécessairement la pression de travail des salariés du seul ressort de Relais Fnac Nord Est dont les performances sont appréciées dans le cadre d'un nouveau périmètre, une procédure d'alerte étant actuellement en cours depuis plus d'un an en lien avec la dégradation des conditions de travail des salariés consécutive notamment au contrôle de performance des collaborateurs.

Le CSER Nord Est considère que le nouveau découpage de l'entreprise constitue, à l'évidence, une réorganisation de l'entreprise avec un partage de nouvelles fonctions qui seront communes à des entités juridiques différentes et qu'il devra être adapté à chacun des magasins qui intégreront les nouvelles régions.

Il argue de ce que le refus de la direction de l'entreprise n'est juridiquement pas fondé et caractérise un trouble manifestement illicite devant être réparé par l'organisation rapide d'une consultation de son personnel.

Le CSER Nord Est indique que la direction de Relais Fnac a délibérément entravé son fonctionnement en refusant de procéder à sa consultation, ce qui lui a généré un préjudice que la société doit indemniser.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.'

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MOTIFS DE LA DÉCISION

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Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite

Aux termes des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'article L.2312-8 du code du travail donne pour mission au comité social et économique d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions'; ce comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la modification de son organisation économique ou juridique, les conditions d'emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle, l'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

L'article L.2312-9 du même code précise que dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique procède notamment à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L.4161-1.

L'article L.2312-14 du même code indique que les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique, sauf, en application de l'article L.2312-49, avant le lancement d'une offre publique d'acquisition, les projets d'accord collectif, leur révision ou leur dénonciation n'étant pas soumis à la consultation du comité.

L'article L.2316-1 du même code dispose que le comité social et économique central d'entreprise exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement.

Il est seul consulté sur :

1° Les projets décidés au niveau de l'entreprise qui ne comportent pas de mesures d'adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements. Dans ce cas, son avis accompagné des documents relatifs au projet est transmis, par tout moyen, aux comités sociaux et économiques d'établissement ;

2° Les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l'entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en 'uvre, qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié, ne sont pas encore définies ;

3° Les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° du II de l'article 2312-8.

L'article L.2316-20 du code du travail dispose que le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement.

Le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

Le CSER Nord Est fait valoir que le projet de réorganisation envisagé par la société Relais Fnac aura, d'une part, un impact, sur son fonctionnement et, d'autre part, des conséquences prévisibles sur le travail dans les magasins exploités par la société Relais Fnac au sein de la future région Est, ce qu'il lui appartient de démontrer.

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Sur l'impact du projet de réorganisation de la société Relais Fnac sur le fonctionnement du CSER Nord Est

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Le CSER Nord Est indique que la réorganisation aura pour conséquence immédiate que le périmètre de sa compétence ne cadrera pas avec le nouveau découpage administratif de l'entreprise et qu'un directeur régional des ventes va être nommé à la tête de chaque nouvelle région, les compétences de ce dernier ne recoupant donc pas le périmètre de compétence des représentants du personnel.

L'analyse du projet qui a été soumis le 14 janvier 2022 par la société Relais Fnac au CSEC fait apparaître la création de directions régionales des ventes, de sept nouvelles régions et le maintien de deux régions, de sorte que l'impact dont se prévaut le CSER Nord Est ne lui est pas propre.

A cet égard, dans ses conclusions, le cabinet ISAST a fait état de cette problématique de l'unification des organisations pour coller à la réalité opérationnelle. Il a ainsi souligné que la disjonction de l'organisation opérationnelle et des structures juridiques allait poser des difficultés supplémentaires liées à la complexification des échanges nécessaires au dialogue social mais aussi pour les structures supports RH ou le pilotage des directions régionales.

Dans son chapitre «'Impacts sur la représentation du personnel'», le cabinet ISAST précise que le projet disjoint l'organisation juridique de l'organisation opérationnelle, qu'à court

terme, les périmètres des CSER recouvre plusieurs régions soit plusieurs directeurs, le périmètre des directeurs recouvre plusieurs instances et les interlocuteurs du dialogue social, en particulier la fonction RH sont multipliés pour les directeurs, qu'à long terme, le projet implique une refonte de la représentation du personnel.

Le cabinet ISAST a également relevé que le projet de la société Relais Fnac va générer des transferts de salariés impactant les moyens des comités sociaux et économiques puisque la masse salariale va être modifiée et, corrélativement, la subvention desdits comités.

Toutefois, force est de constater que, si le cabinet «'ISAST'» a relevé une répercussion du projet de la société Relais Fnac en termes de représentation du personnel et de masse salariale, il n'en a pas fait une problématique spécifique à l'établissement relevant du CSER Nord Est mais une considération d'ordre général impactant l'ensemble des établissements de la société.

Dès lors, ce moyen est rejeté.

'

Sur les conséquences prévisibles sur le travail dans les magasins exploités par la société Relais Fnac au sein de la future région Est

Le CSER Nord Est soutient que la nouvelle réorganisation commerciale impacte nécessairement la pression de travail des salariés du ressort Nord Est dont les performances vont être appréciées dans le cadre d'un nouveau périmètre.

Toutefois, le CSER ne le démontre pas, le fait qu'une procédure d'alerte ait été lancée avant le mois de septembre 2021 étant sans emport à cet égard, le projet de réorganisation de la société Relais Fnac étant postérieur.

De surcroît, le CSER Nord Est, dans ses conclusions, en indiquant que le nouveau découpage constitue, à l'évidence, une réorganisation de l'entreprise avec un partage de nouvelles fonctions qui seront communes à des entités juridiques différentes et qu'il devra être adapté à chacun des magasins qui intégreront les nouvelles régions, admet que la problématique ne lui est pas spécifique mais concerne l'ensemble des établissements de la société Relais Fnac.

Ce moyen est rejeté.

*

La société Relais Fnac n'ayant pas l'obligation de consulter le CSER Nord Est sur son projet de réorganisation, ce dernier est débouté de ses demandes et l'ordonnance entreprise est infirmée de ce chef.

'

Sur la demande de provision

Considérant que c'est à juste titre que la société Relais Fnac n'a pas consulté le CSER Nord Est, il y a lieu de débouter ce dernier de sa demande de provision.

L'ordonnance entreprise est donc infirmée.

'

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est infirmée de ces chefs.

Le CSER Nord Est est condamné aux dépens de la procédure de premier ressort et aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des parties pour leurs frais exposés en premier ressort et à hauteur d'appel.

'

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

'

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg du 28 juin 2022';

'

Statuant de nouveau et y ajoutant :

'

DÉBOUTE le CSER Nord Est de toutes ses demandes';

CONDAMNE le CSER Nord Est aux dépens de la procédure de premier ressort et à ceux de la procédure d'appel ;

DÉBOUTE le CSER Nord Est et la SAS Relais Fnac de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,'''''


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02806
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.02806 ?
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