La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°21/00740

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 22 juin 2023, 21/00740


MINUTE N° 325/2023

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Claus WIESEL



- Me Joseph WETZEL





Le 22 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 22 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00740 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP2Q<

br>


Décision déférée à la cour : 19 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE et intimée sur incident :



La Société ULTRAFLEX CONTROL SYSTEMS UCS

ayant son siège social [Adresse 7] à [Localité 4] (ITALIE)



représentée par Me J...

MINUTE N° 325/2023

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Claus WIESEL

- Me Joseph WETZEL

Le 22 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00740 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP2Q

Décision déférée à la cour : 19 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur incident :

La Société ULTRAFLEX CONTROL SYSTEMS UCS

ayant son siège social [Adresse 7] à [Localité 4] (ITALIE)

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me CASTEL (cabinet ARDENS), avocat à Paris.

INTIMÉE sur appel pricipal et provoqué :

La S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de son représentant légal, en qualité d'assureur de la société GTG

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 3].

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me FLAMENT, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE et appelante sur incident et sur appel provoqué :

La VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de son maire,

sise [Adresse 1]

représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Au cours de l'année 2002, la ville de [Localité 6] a procédé aux travaux de réaménagement et d'extension du Centre culturel « Pôle Sud » situé dans le [Adresse 5] à [Localité 6]. Le « lot Vêtures de façades bois» a été confié à la société G.T.G SOCIETE NOUVELLE SARL ; ce marché consistait à « mettre en place des volets extérieurs à lames bois, munis de moteurs électriques et d'une commande centralisée ».

La société GTC a acquis auprès de la société Sab international des vérins électriques que cette dernière avait elle-même achetés auprès de la société de droit italien Ultraflex Control System (UCS). Il s'agissait de vérins de type Ulysse avec une force de 650 N.

Les travaux ont démarré en juin 2002. L'ensemble du site a été achevé le 20 avril 2004. L'installation a été mise en service en avril 2004, la réception étant intervenue le 20 avril 2004.

Se plaignant de désordres affectant le système amovible des lames de bois brise-soleil, la ville de [Localité 6] a saisi le juge des référés afin qu'il ordonne une expertise ; par ordonnance du 10 avril 2012, Monsieur [L] a été désigné pour y procéder.

Au cours de l'expertise, la ville de [Localité 6] a demandé que les opérations soient étendues à la société UCS, fabricant des moteurs assurant l'ouverture et la fermeture des volets extérieurs ; cette extension a été ordonnée par ordonnance du 7 mai 2013.

L'expert a rendu son rapport le 17 février 2015.

Sur la base de ce rapport, la ville de [Localité 6] a assigné devant la juridiction de Strasbourg la compagnie MMA IARD en sa qualité d'assureur de la société GTG ainsi que la société UCS afin de les voir condamnées solidairement à lui payer :

- 56 020,80 euros au titre de travaux de reprise ;

- 19 500 euros au titre de la perte de jouissance ;

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son jugement rendu le 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré recevable l'action intentée par la ville de [Localité 6] à l'encontre de la société de droit italien UCS,

- rejeté les demandes formées par la société de droit italien UCS tendant à l'annulation du rapport d'expertise du 17 février 2015,

- débouté la ville de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes formées contre la SA MMA IARD Assurances Mutuelles,

- déclaré l'appel en garantie formée par la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à l'encontre de la société UCS sans objet,

- condamné la société de droit italien UCS à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 37 684 euros en réparation de son préjudice financier augmentée des intérêts légaux à compter de la signification de la décision,

- condamné la société UCS à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 19 500 euros en réparation du préjudice de jouissance augmentée des intérêts légaux à compter de la signification de la décision,

- condamné la société de droit italien UCS aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée dans la procédure RG 12/262,

- condamné la société de droit italien UCS à payer à la ville de [Localité 6] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société de droit italien UCS à payer à la SA MMA IARD Assurances Mutuelles une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

La juridiction a, dans un premier temps, écarté la demande de nullité du rapport d'expertise au motif que la société UCS ne rapportait pas la preuve d'un défaut d'objectivité ou d'impartialité de l'expert, qui n'avait fait que répondre aux questions qui lui ont été posées dans la mission.

S'agissant des demandes formées par la ville de [Localité 6] à l'encontre de la société MMA, le tribunal a estimé dans un premier temps que les désordres constatés ne concernent pas la fabrication ou la pose d'une charpente en bois, ni des travaux de couverture, mais résidaient dans un défaut des moteurs équipant les brise-soleil installés par la société GTG. L'installation des brise-soleil ne pouvant être assimilée à des travaux de bardage ou de couverture, les désordres présentés ne pouvaient être couverts par l'assurance responsabilité décennale souscrite par la société GTG auprès de la MMA.

D'autre part, le tribunal estimait que la MMA n'avait pas davantage commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile, en ne conseillant pas utilement son assuré au sujet des risques présentés par une activité dont la compagnie d'assurance n'avait pas connaissance.

Concernant les demandes de la ville à l'encontre de la société UCS, après avoir rappelé les textes applicables et tranché le conflit de lois opposant les réglementations italienne et française, le tribunal a estimé que l'action directe intentée par la ville de [Localité 6] contre la société UCS était soumise à la loi italienne. Cependant, à défaut d'avoir versé aux débats des éléments de nature à connaître le contenu du droit italien, notamment sur l'action du sous-acquéreur à l'encontre du fabricant, le tribunal décidait de faire application de la loi française.

Il écartait la demande de la ville faite sur le fondement de l'article 1792'4 du Code civil soutenue par la ville de [Localité 6], car les vérins en litige étaient considérés comme des matériaux indifférenciés qui ne pouvaient jouer un rôle défini dans la construction. Dès lors la garantie décennale des éléments d'équipements prévus par l'article 1792'4 du code civil était écartée.

En revanche, le tribunal admettait l'action de la ville de Strasbourg fondée sur l'action en garantie des vices cachés, estimant que la ville avait agi dans le bref délai dont le point de départ devait être situé au jour de la notification du rapport d'expertise judiciaire. Le tribunal faisait référence aux développements de l'expert judiciaire selon lesquels les vérins fournis par la société UCS avaient présenté une non-conformité résultant d'un défaut de sertissage. Le juge écartait également les arguments soulevés par la société UCS, portant sur l'insuffisance de la puissance de l'installation, la présence d'éléments d'équipement non fournis par UCS' Aussi, le tribunal condamnait-il la société à verser diverses sommes au titre du préjudice matériel mais également de jouissance.

UCS a interjeté appel de ce jugement le 29 janvier 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 février 2022, la société de droit italien Ultraflex control systems ' UCS demande à la cour de :

- dire l'appel bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- dire nul le rapport d'expertise déposé par Monsieur [L]

A titre principal,

- dire que l'action introduite par la ville de [Localité 6] contre la société UCS est soumise au droit italien,

-dire irrecevable la demande de la ville de [Localité 6],

- débouter la ville de [Localité 6] de toutes conclusions contraires ainsi que de l'intégralité de ses 'ns, moyens et prétentions,

A titre subsidiaire,

- dire irrecevable la demande de la ville de [Localité 6] sur le fondement de l'article 1641 du code civil,

- dire mal fondées les demandes de la ville de [Localité 6] sur le fondement de l'article 1641 du code civil,

- débouter la ville de [Localité 6] de toutes conclusions contraires ainsi que l'intégralité de ses 'ns, moyens et prétentions,

A titre in'niment subsidiaire,

- dire que le préjudice 'nancier de la ville de [Localité 6] correspond à la somme de 13 500 euros HT,

- débouter la ville de [Localité 6] de toutes conclusions contraires ainsi que du surplus de ses 'ns, moyens et prétentions,

Sur l'appel incident de la ville de [Localité 6]

- le dire mal fondé,

- débouter la ville de [Localité 6],

- la condamner aux frais de l'appel incident

Sur l'appel provoqué de la ville de [Localité 6] contre la SA MMA IARD Assurances Mutuelles

en tant que de besoin,

- se dire non saisie de toute prétention tendant à voir retenue la responsabilité de la société UCS sur le fondement de l'article 1792-4 ou de l'ancien article 1382 du code civil ou de tout autre chef non visé par l'appel incident,

- confirmer, de ces chefs et sous réserve des fins de l'appel principal, le débouté prononcé par le premier juge,

Sur l'appel provoqué par la SA MMA IARD Assurances Mutuelles contre UCS,

- le dire irrecevable sinon mal fondé,

- débouter la SA MMA IARD Assurances Mutuelles de l'intégralité de ses 'ns, moyens, demandes et prétentions dirigés contre la société UCS,

- confirmer, de ces chefs et sous réserve des 'ns de l'appel principal, le rejet de l'appel en garantie prononcé par le premier juge,

- condamner la SA MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de son appel provoqué

En tout état de cause,

- condamner la ville de [Localité 6] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la ville de [Localité 6] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée dans la procédure RG 12/262.

La société appelante conclut dans son appel principal à l'infirmation du jugement entrepris et estime que la cour devrait :

a) dire nul le rapport d'expertise rédigé par Monsieur [L] au motif que l'expert a donné son avis sur les responsabilités, que la société Sab International serait intervenue à l'expertise en qualité de sachant alors qu'elle avait été la contractante non seulement de la société UCS mais également de la société GTG de sorte qu'elle ne pourrait être considérée comme un tiers neutre à ce litige, et que le rapport dressé par l'expert ferait apparaître un manque d'objectivité.

b) dire que l'action introduite par la ville de [Localité 6] contre la société UCS est soumise au droit italien et en conséquence déclarer irrecevable la demande de la ville de Strasbourg ; la prescription de l'action de la ville de [Localité 6] serait encourue au motif qu'il conviendrait d'appliquer le droit italien sur le fondement de l'article 3 de la convention de La Haie de 1955 ; l'article 2447 du code civil italien disposerait que l'action en responsabilité délictuelle est soumise à une prescription de 5 ans à compter du jour où le fait illicite s'est produit ; dès lors que les désordres auraient été connus par la ville de [Localité 6] dès novembre 2003, l'action à l'encontre de la société UCS serait prescrite en sachant que ce n'est qu'en mai 2013 que la ville de [Localité 6] a agi judiciairement contre la société UCS ;

c) subsidiairement, déclarer l'action de la ville irrecevable et mal fondée au regard du droit français ;

* le tribunal ne pourrait retenir l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, en ce que la ville de Strasbourg a agi plus de 12 ans après avoir eu connaissance des désordres apparus en novembre 2003, de sorte que le bref délai de l'article 1648 du code civil aurait expiré depuis longtemps;

* la ville ne pourrait davantage fonder ses demandes sur les articles 35 et suivants de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (convention CVIM), en ce sens que les vérins installés étaient conformes au contrat conclu entre UCS et Sab international,

* au fond, les prétentions de la ville en application de l'article 1641 du code civil, seraient mal fondées car les vérins vendus ne seraient pas affectés d'un vice, mais auraient fait l'objet d'une utilisation anormale de la chose et d'une association avec un produit inadapté (utilisation de tubes d'arrêt non fournis par UCS à l'origine de la détérioration des vérins) ; il conviendrait de se référer au rapport d'expertise privée établi par Monsieur [I] qui retient un usage incorrect des vérins et un choix non conforme à l'utilisation à laquelle ils étaient destinés, une absence de vice caché, le problème résultant en fait de l'inadaptation de la puissance des vérins commandés (650 N) aux besoins qui auraient nécessité une force nécessaire de 800 N. La partie appelante insiste sur le fait que son représentant, Monsieur [C], qui était présent à une opération d'expertise, n'aurait jamais reconnu la responsabilité de sa société et que ses propos auraient été déformés.

* en tout état de cause, les conditions permettant la mise en 'uvre de la garantie légale de l'article 1641 du code civil, ne seraient pas réunies en ce sens que le défaut constaté par l'expert ne constituerait pas une gravité telle qu'elle rendrait la chose impropre à son usage, en sachant que le bâtiment sur lequel sont posées les lames de bois, est exploité depuis une dizaine d'années sans difficulté,

d) constater l'exclusion de responsabilité stipulée par UCS ; le quatrième paragraphe du document intitulé « Guarantee » stipulerait expressément que la garantie ne couvrirait pas les désordres liés à ses produits lorsqu'ils ont été installés ou utilisés de manière inappropriée, ce qui serait le cas en l'espèce,

e) à titre infiniment subsidiaire sur le quantum des condamnations, de recevoir la critique de l'appelant quant aux montants retenus par le tribunal, en ce qu'ils ne seraient pas justifiés (pour le préjudice financier il ne pourrait dépasser 13 500 euros hors-taxes, le coût de la main-d''uvre qui avait été chiffré à 15 000 euros n'étant pas justifié, aucun trouble de jouissance n'étant de surcroît avéré).

S'agissant des appels incidents, la société italienne estime, pour celui de la ville de [Localité 6] qui souhaite obtenir une indemnisation d'un montant supérieur, que l'intimée ne rapporte aucun élément de preuve de nature à étayer sa réclamation augmentée.

Elle ajoute que les vérins n'auraient jamais été conçus pour équiper les volets de cette médiathèque en particulier ; ils sont des éléments de construction standarts, de sorte qu'on ne saurait les considérer comme un élément fabriqué en fonction de spécifications précises du maître d'ouvrage.

La réclamation de la ville fondée sur l'article 1792'4 du code civil ne saurait alors être admise, et ce d'autant plus qu'il n'est pas démontré que les désordres invoqués rendraient l'ouvrage impropre à sa destination, ou que le désordre aurait été caché à la réception des travaux pour pouvoir relever de la garantie décennale.

La ville ne saurait davantage rechercher la responsabilité de la société UCS sur le fondement de l'article 1382 du code civil en ce que la ville n'aurait pas relevé appel de ce chef et que la cour ne serait pas saisie de la question. En tout état de cause aucune faute ne saurait être reprochée à la société italienne.

Sur l'appel provoqué par la compagnie MMA à l'encontre d'UCS, cette dernière rappelle que la compagnie d'assurance n'a pas fait l'objet d'une condamnation et qu'elle-même a d'ores et déjà réglé la ville de [Localité 6] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre. Elle estime que l'appel en garantie formé par la compagnie d'assurances sur le fondement des articles 1641, 1382 et 1383 du code civil ne pourrait qu'être rejeté, n'ayant pas été fait dans un délai raisonnable, les conditions de mise en 'uvre de ces différentes responsabilités n'étant en outre pas remplies.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2021, la ville de [Localité 6] demande à la cour de :

1) SUR APPEL PRINCIPAL

- rejeter l'appel,

- confirmer le jugement entrepris dans les limites de l'appel incident,

- débouter la société UCS de ses fins et conclusions.

- la condamner aux dépens de l'appel y compris ceux résultant de l'appel provoqué.

2) SUR APPEL INCIDENT,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société de droit Italien UCS à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 37 684 euros en réparation de son préjudice financier augmenté des intérêts légaux à compter de la signification de la décision,

Et statuant à nouveau :

- condamner la société de droit Italien UCS à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 56 020,80 euros en réparation de son préjudice financier augmenté des intérêts légaux à compter de la demande.

3) SUBSIDIAIREMENT, SUR APPEL PROVOQUE

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes formées contre la SA MMA IARD Assurances Mutuelles,

Et statuant à nouveau :

- dire et juger que la responsabilité de la compagnie d'Assurances MMA IARD est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs selon l'article 1792 et suivants du code civil,

- condamner in solidum la compagnie d'Assurances MMA IARD ainsi que la société de droit italien UCS à payer à la ville de [Localité 6] une somme de 56.020,80 euros en réparation de son préjudice financier augmenté des intérêts légaux à compter de la demande,

- condamner in solidum a compagnie d'Assurances MMA IARD ainsi que la société de droit italien UCS à payer à la ville de [Localité 6] une somme de 19 500 euros au titre de la perte de jouissance,

- condamner in solidum la compagnie d'Assurances MMA IARD ainsi que la société de droit italien UCS à payer à la ville de [Localité 6] un montant de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la compagnie d'Assurances MMA IARD ainsi que la société de droit italien UCS aux dépens de l'appel.

La ville de [Localité 6] s'oppose aux moyens de la société italienne remettant en cause la validité du rapport d'expertise judiciaire, affirmant ne pas comprendre la raison de cette argumentation alors que le représentant de la société UCS qui a participé aux opérations d'expertise aurait lui-même reconnu la nature des désordres des vérins en proposant même leur remplacement, engagement qui n'aurait pas été tenu. Il s'agirait là d'une reconnaissance expresse de responsabilité.

Concernant la prescription de l'action de la ville soutenue par la société UCS, la ville estime que la responsabilité délictuelle n'est plus soumise au délai de prescription de cinq ans du droit italien du fait de l'intégration de la directive communautaire 85/374/CEE du 25 juillet 1985 en droit italien par un décret du 24 mai 1988 qui aurait aboli la distinction entre responsabilité contractuelle et quasi délictuelle.

En tout état de cause, ce délai ne pourrait commencer à courir qu'à partir de la découverte du vice qui a résulté de la dissection d'un vérin litigieux par l'expert. L'origine du désordre n'aurait donc été connue par la ville de [Localité 6] que suite à cette opération de sorte qu'il y aurait lieu de constater que l'action en justice menée par la ville de [Localité 6] n'était pas forclose.

La responsabilité de la société UCS est recherchée sur le fondement de l'article 1648 du code civil. Contrairement à ce que prétend la société UCS ce ne serait pas une utilisation défectueuse des vérins qui serait à l'origine des désordres, mais bien une faiblesse du moteur de ces vérins résultant d'un défaut de sertissage, comme l'expert a pu le déterminer. En outre il ne serait pas démontré que l'utilisation des tubes d'arrêt - non fournis par les soins de la société UCS - aurait pu provoquer la survenue des désordres.

Subsidiairement, la ville réclame l'application des règles portant sur la garantie décennale, et conteste la décision du premier juge qui a écarté l'application de cette garantie au cas d'espèce.

La ville de [Localité 6] estime que le système de volets en bois constitue un élément d'équipement et que l'absence de possibilité d'ouverture et de fermeture de ceux-ci rendrait l'ouvrage impropre à sa destination. Aussi la responsabilité décennale de la société GTG devrait-elle être engagée, de sorte que son assureur la MMA devrait prendre en charge l'indemnisation.

Plus subsidiairement encore, la collectivité estime que UCS engagerait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil en ce qu'elle aurait commis une faute en livrant des équipements impropres à leur destination, faute qui aurait été expressément reconnue par la société lors des opérations d'expertise.

Enfin, la ville de [Localité 6] estime que les montants des indemnisations allouées mériteraient d'être revus à la hausse.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 octobre 2021, la compagnie d'assurances MMA IARD demande à la cour de :

- débouter la société UCS de son appel,

- débouter la ville de [Localité 6] de son appel provoqué à l'encontre de la SA MMA IARD,

- débouter la ville de [Localité 6] et la société UCS de l'ensemble de leurs fins et conclusions,

- condamner in solidum la société UCS et la ville de [Localité 6] à payer à la SA MMA IARD la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 19 novembre 2020

A titre subsidiaire, sur appel provoqué en garantie de la société UCS à l'égard de SA MMA IARD.

- condamner la société UCS à garantir la SA MMA IARD de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la ville de [Localité 6]

- condamner la société UCS aux entiers frais et dépens du présent appel en garantie.

La compagnie MMA, ès qualité d'assureur de la société GTG, partage la position de la ville de [Localité 6], en ce que le rapport d'expertise judiciaire ne saurait souffrir de critiques, de sorte que le demande de nullité formée par UCS devrait être rejetée.

La compagnie estime que l'appel provoqué par la ville de [Localité 6], sollicitant sa condamnation en qualité d'assureur de la société GTG sur le fondement de la garantie décennale, ne saurait prospérer car :

- l'activité litigieuse reprochée à la société GTC, à savoir l'installation des volets extérieurs en bois, ne rentrerait pas dans le périmètre des activités garanties ; les travaux en cause relèveraient des activités de « menuiserie » et de « serrurerie », activités pour lesquels la société GTG n'aurait pas été assurée auprès de la MMA,

- en tout état de cause, les désordres présentés par ces volets ne constitueraient pas des désordres de nature à entraîner une garantie décennale, et ce d'autant plus qu'ils auraient été apparents dès la réception de l'ouvrage en 2004 ; la compagnie estime que même si le procès-verbal de réception des travaux de 2004 ne comportait pas de réserves, la ville aurait connu l'existence de ces désordres depuis novembre 2003 de sorte qu'elle aurait dû émettre des réserves à leur sujet.

À titre subsidiaire, sur le préjudice allégué par la ville de [Localité 6] la MMA s'associe aux conclusions de la société UCS tendant à la réduction des sommes sollicitées et au rejet de la demande d'indemnité pour préjudice de jouissance dès lors que la ville de [Localité 6] n'a elle-même pas pu subir d'un préjudice de cette nature.

De manière plus subsidiaire encore, la compagnie estime que les désordres relèveraient exclusivement de la faute de la société UCS, l'expert ayant retenu des défauts de conception et de fabrication des vérins par UCS.

Ladite société ne pourrait échapper à sa responsabilité en produisant une note technique rédigée, à sa demande et de manière non contradictoire, par Monsieur [I].

Si la cour devait faire droit totalement ou partiellement à l'appel provoqué de la ville de [Localité 6] à l'encontre de la société MMA, cette dernière serait bien fondée à obtenir la garantie de la société UCS sur le fondement « notamment des articles 1641 et suivants du code civil, subsidiairement des articles 1382 et 1383 anciens du code civil ».

* * *

Par ordonnance du 6 décembre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 13 avril 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) sur la nullité de l'expertise

La société UCS conclut à l'annulation du rapport d'expertise judiciaire déposé par monsieur [F] [L] au motif que ce dernier a donné son avis sur les responsabilités encourues, que la société Sab international serait intervenue en qualité de sachant alors qu'elle était partie prenante et que l'expert aurait fait preuve de subjectivité.

S'agissant de la subjectivité de l'expert invoquée, force est de constater que la société appelante n'explique pas en quoi l'expert aurait manqué à son obligation de prudence et d'objectivité.

Le fait que l'expert ait demandé à la société Sab international un devis pour remplacer les vérins litigieux n'est pas en soi de nature à remettre en cause son objectivité, voire la validité de l'expertise.

De surcroît, le fait que la société Sab - qui avait fourni l'ensemble des brise soleil ' ait remis à l'expert, à sa demande, un nouveau moteur pour pouvoir mener des vérifications (qui sont détaillées dans le titre suivant), ne confère nullement à la société Sab International un statut privilégié de nature à remettre en cause la validité des commentaires de l'expert.

Il est à noter que le responsable de la société Sab s'est contenté de communiquer à l'expert les coordonnées du fabricant du moteur et de transmettre à l'expert un moteur similaire à ceux mis en cause pour pouvoir être analysé (page 35 et 36 de l'expertise), puis ' toujours à la demande de l'expert ' un devis pour permettre de calculer le préjudice (coût de remplacement des vérins défectueux).

Enfin, le fait qu'un expert donne son avis sur les responsabilités ne saurait affecter la régularité du rapport d'expertise, en ce sens que cet avis n'est pas de nature à lier le juge : au demeurant l'expert a conclu ses développements en indiquant « nous ne donnons qu'un avis sur les responsabilités de cet acteur et le préjudice subi par la ville » (page 42 du rapport) ce qui démontre clairement que l'expert a respecté le principe de neutralité et n'est pas sorti du périmètre de sa mission.

Le premier juge a donc justement relevé que le rapport d'expertise devait être considéré comme valable, rejetant par la même occasion la demande de nullité.

2) sur la détermination de la cause du désordre

L'expert judiciaire a procédé de manière méthodique, lors de ses opérations des 9 novembre 2012 et 7 mars 2014, aux différentes vérifications nécessaires qui lui ont permis de découvrir la cause cachée des désordres, résidant dans le fait qu'il était impossible d'ouvrir et de refermer les volets de bois brise-soleil.

Il est rappelé qu'à la date de la première réunion d'expertise, sur les 100 moteurs articulant les panneaux brise soleil, seuls deux d'entre eux fonctionnaient encore. Un an plus tôt, en mai 2011, seuls huit brise-soleil fonctionnaient.

Dans un premier temps, l'attention de l'expert s'est portée sur l'alimentation des moteurs ; il a vérifié que la « très basse tension » relevée correspondait à ce qui était nécessaire pour une bonne alimentation des moteurs.

Puis il a procédé à des essais, moteur démonté ; il en résultait que le moteur électrique tournait à l'intérieur du vérin ce qui excluait donc un dysfonctionnement d'origine électrique du moteur.

Il a alors noté que la tige du moteur ne tournait pas, et ce quel que soit le sens (ouverture ou fermeture).

Avec l'aide du service technique de la ville, l'expert remplaçait le vérin a l'aide d'un nouveau moteur (fourni par la société Sab international) ; le système fonctionnait à nouveau, les persiennes s'ouvrant et se refermant par commande électrique.

Il était donc nécessaire de poursuivre les investigations plus en avant et de s'intéresser à la conception et à la fabrication même du vérin. L'expert « disséquait » le système et constatait contradictoirement que le moteur électrique se trouvait sur la droite avec son alimentation, et qu'un sertissage était réalisé au niveau du palier du moteur électrique de façon à maintenir ce dernier en place lors de la fermeture,

Or c'est lorsque l'expert a mis en marche le moteur électrique qu'il a été constaté que :

- le vérin n'avait aucun problème d'ouverture puisque le palier de la tige filetée (le pas de vis) venait se loger dans le support moteur et qu'il ne pouvait aller plus loin,

- c'est au moment de la fin de course de fermeture que le désordre apparaissait,

- le tube d'arrêt - qui n'a pas été fourni par la société UCS - remplissait parfaitement son rôle, venant s'appliquer contre la carcasse du vérin.

Observant de plus près le sertissage, il est alors apparu que le palier de la tige (la vis sans fin) n'était maintenu que par le roulement à billes de cette tige, enfoncé et trop légèrement serti à cet endroit ; or la force exercée faisait sortir le roulement de son logement et rendait le vérin totalement inopérant.

C'est donc de manière particulièrement méticuleuse, à l'issue de vérifications réalisées pas à pas de manière scientifique, que l'homme de l'art a pu constater que le vérin produit par la société UCS était affecté d'un vice, en ce sens que le sertissage était insuffisant pour éviter que la force exercée par le système au moment de la fin de course de fermeture, ne vienne faire sortir le roulement de son logement.

Ces vérifications ont également permis de démontrer, d'une part que le tube d'arrêt fourni par une société tierce ne concourrait pas à la survenue du dommage, remplissant son rôle, et d'autre part que la force du moteur équipant le vérin (de 650 N) était suffisante pour actionner le mouvement des lames.

Ainsi, la société appelante ne saurait utilement prétendre que les désordres proviendraient de l'utilisation du tube d'arrêt qu'elle n'a pas fourni ou d'une insuffisance de puissance du vérin en question qui présentait une force de 650 N.

En outre force est de rappeler que devant l'expert et les personnes participant aux opération de l'expertise, le représentant de la société UCS a reconnu l'existence d'un problèmes de sertissage, qui était insuffisant au niveau du roulement à billes situé en extrémité de l'arbre « du pas de vis » et que les vérins fabriqués à partir de 2005 par la société UCS étaient dorénavant sertis de manière à ce que ce problème ne se reproduise plus (page 32 du rapport d'expertise), ces propos étant repris en page 38.

Il est particulièrement malvenu de la part de la société d'affirmer aujourd'hui que ces propos auraient été dénaturés, alors qu'ils ont été tenus lors de la réunion d'expertise du 7 mars 2014 en présence d'un représentant de la ville de [Localité 6], de quatre avocats (dont celui de la société UCS) et du PDG de la société Sab internationale.

Enfin, le « mémoire de commentaires du rapport d'expertise de l'expert [L] » rédigé par Monsieur [I] et produit par la société UCS en annexe 11, n'est nullement de nature à décrédibiliser le travail de l'expert.

D'une part, M. [I] se contente d'analyser de manière critique le rapport de l'expert judiciaire sans avoir fait la moindre vérification sur le système litigieux.

D'autre part, il ne fait que développer une hypothèse purement théorique - non corroborée par des constations techniques - à savoir que :

- « la sollicitation est au-delà des limites prévues par UCS » estimant que la force devait être de 800 N et non pas de 650 N ; pourtant l'expert a démontré le contraire et que la force de 650 N était suffisante pour mettre en action les vérins,

' « l'action répétée sur les ailettes de blocage du soutien du réducteur » (c'est-à-dire la tige de blocage) » aurait provoqué une déformation progressive des ailettes et provoqué la sortie du roulement à billes de son siège ; or là encore l'expert a constaté que les tubes de réduction n'affectaient pas la course des vérins et ne provoquaient pas de déformation.

Il s'en déduit que les hypothèses soutenues par Monsieur [I] sont infirmées par les constatations qui ont été faites contradictoirement par l'expert judiciaire, et ne peuvent être retenues.

Les désordres présentés par le système des lames brise-soleil, trouvent leur source dans un défaut de conception des vérins produits et fournis par la société UCS. Ce défaut était clairement caché au moment de la réception des travaux et affecte le système en son entier de manière substantielle.

3) sur la recherche de responsabilité menée à l'endroit de la société de droit italien UCS

3-1) Sur le droit applicable et la prescription

Au regard du régime de l'action directe, l'application des dispositions de la CVIM s'impose dès lors que cette convention régit les rapports entre le vendeur initial et son acquéreur.

Dans le cadre de l'action directe du sous-acquéreur contre le vendeur initial, le débat porte précisément sur les « droits et obligations » nés « entre le vendeur intermédiaire et l'acheteur initial », puisque ce sont ces droits et obligations que le sous-acquéreur met en 'uvre.

Le sous acquéreur peut agir contre le vendeur initial sur le fondement de la CVIM sans contrarier le champs d'application de ce texte ni remettre en cause le principe de l'effet relatif des conventions.

Le premier juge a parfaitement articulé les textes applicables en droit italien, droit français, et la CIVM, pour trancher le conflit de lois présent au litige, et retenir que l'action directe intentée par la ville de [Localité 6] à l'encontre de la société UCS est soumise à la loi italienne.

Cependant, il ne pouvait décider « in fine » d'écarter le droit italien et de faire application du droit français au motif que la société italienne n'avait pas produit les textes italiens applicables au cas d'espèce.

C'est donc le droit italien portant sur la garantie des vices cachés qui doit s'appliquer.

L'article 1173 du code civil italien dispose que les obligations découlent d'un contrat ou d'un fait illicite. Dans les cas des « ventes en chaîne » la jurisprudence de la Cour de cassation italienne (deuxième chambre, arrêt du 5 février 2015) prévoit à l'acheteur deux actions, une première de nature contractuelle à l'égard du vendeur direct, une seconde de nature extra contractuelle contre le producteur.

Dans le présent cas d'espèce, en application du droit italien, la ville de [Localité 6] dispose d'une action de nature délictuelle à l'encontre du producteur du moteur qui présente un défaut, la société UCS.

Cette dernière soutient que l'action de la commune serait prescrite pour avoir été tardive.

La société italienne réclame l'application de l'article 2947 du code civil italien qui précise que le droit à la réparation du dommage résultant d'un fait illicite (donc sur un fondement délictuel) se prescrit par cinq ans à compter du jour où le fait s'est réalisé. Les autres parties au litige ne s'opposent pas à l'application de ce texte.

Tout comme en droit français, il convient de fixer le jour où l'acquéreur du bien présentant un désordre, a été en situation de constater l'existence de ce désordre.

Au cas d'espèce, dès la mise en service du bâtiment en avril 2004, et ce dans la période de garantie de parfait achèvement (2004'2005), des désordres affectant le dispositif d'ouverture et de fermeture des volets en bois ont été constatés.

Du fait de ces dysfonctionnements observés, la réception des travaux a été prononcée avec des réserves. La société GTG a été invitée à procéder aux réparations nécessaires pour obtenir la levée des réserves ; cette levée est intervenue en deux temps le 26 mars 2004 puis le 16 février 2005.

La levée des réserves fait qu'au 16 février 2005 les désordres affectant les volets étaient censés avoir disparus.

Cependant, des problèmes dans l'ouverture et la fermeture des volets sont réapparus après la levée des réserves ; alors que les volets étaient censés pouvoir être mus électriquement ils ne pouvaient l'être que manuellement.

Aussi, le 13 juin 2006, la ville mettait la société GTG en demeure d'intervenir dans les meilleurs délais, mais sans résultat, de sorte que le 18 septembre 2006 la ville rééditait cette démarche avant de solliciter le 17 avril 2007 à l'assureur de la société GTG de mettre en place une expertise, demande qui était déclinée au motif que le contrat d'assurance souscrit excluait les volets défectueux.

À l'aune de cette chronologie, il apparaît que la ville de [Localité 6] était en droit de considérer qu'au moment de la levée des réserves, les désordres avaient été résorbés.

Ce n'est qu'après leur réapparition qu'elle a pris conscience de l'existence des désordres objets du présent litige. Il y a lieu en conséquence de fixer cette prise de connaissance à la date du courrier de mise en demeure adressée à la société GTG le 13 juin 2006.

En application de l'article 2947 du Code civil italien invoqué et admis par les parties, il convenait dès lors pour la ville de [Localité 6] d'entreprendre une action en justice dans les cinq années de cette découverte pour pouvoir rechercher utilement la responsabilité du fabricant transalpin, soit avant le 13 juin 2011.

Or c'est le 7 juin 2011 que la ville a saisi le juge afin qu'il ordonne une expertise judiciaire. Cette saisine a interrompu le cours du délai de prescription.

Par conséquent, contrairement à ce que soutient la société italienne, l'action de la collectivité territoriale en vue de rechercher la responsabilité du constructeur du moteur défaillant des vérins n'est pas prescrite.

3-2) Sur l'action indemnitaire

Il ressort des vérifications réalisées par l'expert judiciaire, telles que développées dans le deuxième paragraphe, que l'impossibilité d'ouvrir électriquement les volets en bois « brise-soleil » s'explique exclusivement par un problème de conception du moteur électrique qui a été fourni par la société UCS.

Outre la démonstration faite par l'expert, le représentant de la société italienne présent aux opérations d'expertise avait reconnu l'existence d'un défaut affectant le moteur, résidant dans la faiblesse du sertissage de certaines pièces.

Le premier juge a par conséquent parfaitement bien analysé la situation en déclarant la société UCS seule responsable de ce vice et du préjudice subi par la ville de [Localité 6], de sorte qu'il convient de confirmer la décision du premier juge qui a condamné la société UCS à indemniser la ville de [Localité 6].

L'expert a estimé le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres à la somme de 56 020,80 euros TTC. Pour déterminer ce chiffre, l'expert a fait référence à un devis de la société Sab international daté du 26 novembre 2014 portant sur une somme de 31 684 euros hors-taxes, auquel il convient d'ajouter une somme de 15 000 euros HT de main-d''uvre, expliquant que chaque volet nécessitera une intervention dont le coût est de 150 euros HT.

Ces montants pris en compte par l'expert sont également justifiés d'une part par l'examen des photographies de l'installation qui permet de comprendre que le remplacement des vérins équipant chaque volet nécessitera un temps d'intervention important, et d'autre part par le devis concernant la seule fourniture des vérins électriques du 26 novembre 2014. À ce sujet il est à noter que, le coût des matériaux ayant considérablement augmenté depuis 2014, il est probable que le coût de remplacement actuel sera supérieur à celui proposé dans ce devis, de sorte qu'il n'est guère possible de fixer le préjudice de la ville sans tenir compte du montant du devis.

La décision du premier juge, qui a minoré le montant du coût de remplacement des vérins, sera dès lors infirmée, la société UCS devant être condamnée à indemniser le préjudice matériel subi par la ville de [Localité 6] à hauteur de la somme de 56 028,80 euros TTC.

S'agissant du préjudice de jouissance pour lequel la ville réclame indemnisation, son évaluation doit correspondre à la réalité du trouble subi par la victime, en fonction des éléments du dossier. Il convient de tenir compte de la durée du trouble et de la valeur correspondante à la perte d'usage de la chose.

En outre, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, les personnes morales, privées ou publiques, peuvent réclamer une telle indemnisation.

Au cas d'espèce, il y a lieu de prendre en considération la durée particulièrement longue du désordre, dénoncé en 2006 à la société GTG, et le fait que le préjudice a été subi tant par les usagers de la médiathèque que par ses employés.

En conséquence, le montant alloué en première instance paraît adapté à la situation ; il y aura lieu de confirmer la décision de première instance qui a condamné la société UCS à payer une somme de 19 500 euros en réparation du préjudice de jouissance.

4) Sur l'action directe de la ville de [Localité 6] à l'encontre de la MMA

À hauteur d'appel, la ville de [Localité 6] demande la condamnation de la société MMA en sa qualité d'assureur de la société GTG, sur le fondement de l'article 1792'4 du code civil.

S'agissant de la responsabilité décennale invoquée, la cour ne peut que reprendre pour son compte les développements pertinents du premier juge qui a considéré que les travaux à l'origine des désordres constatés ' à savoir l'installation d'un moteur équipant les lames brise-soleil qui comportait un défaut résidant dans ses vérins - ne pouvaient en aucune manière être considérés comme entrant dans le domaine des travaux couverts par l'assurance décennale contractée par la société GTG à savoir des travaux de couverture ou de charpente.

Le premier juge a également à bon escient remarqué que la police d'assurance souscrite par la société GTC excluait des garanties en responsabilité civile décennale « tout organe mécanique ou électrique ainsi que les conséquences de leurs défauts de fonctionnement ».

Par conséquent, l'action en responsabilité décennale menée par la ville contre l'assureur de la société GTG ne peut prospérer et l'appel provoqué en garantie de la société UCS par la MMA devient corrélativement sans objet. La décision du premier juge devra être confirmée sur ce point.

5) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens ' qui inclut les frais d'expertise et d'huissier engagés à l'occasion de la procédure de référé ' et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

La société UCS, partie succombante principale au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser au titre des frais irrépétibles, d'une part à la ville de [Localité 6] une somme de 3 500 euros, d'autre part à la SA MMA une somme de 2 000 euros, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société italienne tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 19 novembre 2020, sauf en ce qu'il a condamné la société de droit italien UCS à verser à la ville de [Localité 6] une somme de 37 684 euros en réparation de son préjudice financier augmenté des intérêts légaux à compter de la signification de la présente décision,

Et statuant à nouveau sur ce seul point :

CONDAMNE la société UCS (Ultraflex Control Systems) à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 56 028,80 euros TTC (cinquante-six mille vingt-huit euros et quatre-vingt centimes) augmentée des intérêts légaux à compter du 27 juillet 2015,

Et y ajoutant

CONDAMNE la société UCS (Ultraflex Control Systems) aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE la société UCS (Ultraflex Control Systems) à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 3 500 euros (trois mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel,

CONDAMNE la société UCS (Ultraflex Control Systems) à payer à la SA MMA Iard assurances mutuelles ville de [Localité 6] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de la société UCS (Ultraflex Control Systems) fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00740
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.00740 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award