MINUTE N° 23/318
Copie exécutoire à :
- Me Katja MAKOWSKI
- Me Christine BOUDET
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 19 Juin 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/00368 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYEG
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection de Saverne
APPELANTE :
Madame [H] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
Société SYNERGIE GROUPE COFIDIS PARTICIPATIONS GEIE
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par ordonnance d'injonction de payer du 20 juin 2019, le juge délégué du tribunal judiciaire de Saverne a enjoint à Mme [H] [C] de payer au groupement européen d'intérêt économique Synergie, mandataire de la Sa Cofidis, la somme principale de 3 639,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 11,91 % annuel, outre 248,71 euros de frais, au titre d'un contrat de prêt renouvelable conclu le 27 septembre 2017.
L'ordonnance a été signifiée le 2 octobre 2019 par remise de l'acte en l'étude de l'huissier instrumentaire.
L'ordonnance d'injonction de payer exécutoire avec commandement de payer aux fins de saisie vente a été signifiée le 15 mai 2020 par remise de l'acte en l'étude de l'huissier instrumentaire.
Mme [H] [C] a formé opposition par acte envoyé le 22 juillet 2020, réceptionné au greffe du tribunal judiciaire de Saverne le 23 juillet 2020.
La société Cofidis a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition formée par Mme [C] au motif qu'elle a été formée plus d'un mois après la signification, par acte remis à personne le 5 juin 2020, du certificat d'indisponibilité du certificat d'immatriculation relatif au véhicule Nissan immatriculé [Immatriculation 6]. Subsidiairement, la société Cofidis a sollicité la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 3 974,79 euros, outre 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [C] a conclu à la recevabilité de son opposition, au rejet des demandes de la société Cofidis et à sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir qu'elle a été victime d'une usurpation d'identité et qu'elle n'a jamais signé de contrat de prêt, une plainte pénale ayant été déposée. Mme [C] a indiqué que la signature et l'adresse figurant au contrat ne sont pas les siennes. Elle a affirmé que l'ordonnance d'injonction de payer et les actes de procédure subséquents sont nuls puisqu'elle n'en a jamais eu connaissance.
Par jugement contradictoire du 3 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saverne a :
- déclaré irrecevable l'opposition à injonction de payer formée par Mme [H] [C] contre l'ordonnance d'injonction de payer n°19-328 rendue le 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne,
- confirmé par conséquent l'ordonnance d'injonction de payer n°19-328,
- condamné Mme [H] [C] aux dépens,
- débouté la société Cofidis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la signification faite à la personne de la débitrice du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule effectuée le 5 juin 2020, premier acte effectué à sa personne et à la bonne adresse, a fait partir le délai d'un mois pendant lequel elle a été autorisée à faire valablement opposition à l'ordonnance, de sorte que l'opposition formée le 22 juillet 2020 est irrecevable.
Mme [C] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 26 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 10 octobre 2022, Mme [C] demande à la cour de :
- juger l'appel de Madame [H] [C] recevable et bien fondé,
y faisant droit :
- réformer la décision rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saverne sous la référence RG 2000291 en ce qu'il a déclaré l'opposition à injonction de payer formée par Mme [H] [C] contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 19/328 du 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne irrecevable,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-in limine litis, juger que l'ordonnance d'injonction de payer n° 19/328 du 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne est entachée de nullités ainsi que tous les actes subséquents,
A titre subsidiaire,
- juger que l'ordonnance d'injonction de payer n°19/328 du 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne est caduque, non avenue et inopposable à Madame [C],
- juger que l'opposition de Madame [C] à l'ordonnance d'injonction de payer n°19/328 du 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne est recevable,
- juger que Madame [H] [C] n'est pas signataire du contrat de prêt auprès de Synergie Groupe Cofidis Participation,
En toute hypothèse,
- juger que l'ordonnance d'injonction de payer n° 19/328 du 20 juin 2019 par le tribunal de Saverne doit être mise à néant,
- débouter Synergie Groupe Cofidis Participation de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Synergie Groupe Cofidis Participation à une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure,
- la condamner à une indemnité de 4 000 euros au titre de dommages-intérêts pour les tracas engendrés par la présente procédure.
Mme [C] fait valoir qu'elle a été victime d'une usurpation d'identité de la part de Mme [I] [N] qui a contracté à son insu un crédit auprès de la Sa Cofidis. Elle indique que l'usurpatrice a été condamnée par le tribunal correctionnel de Saverne à une peine de 6 mois d'emprisonnement assorti d'un sursis probatoire pendant deux ans.
L'appelante soutient que la requête en injonction de payer fait mention d'une adresse qui n'a jamais été la sienne et que tous les actes de la procédure ont été signifiés à une adresse erronée, de sorte que l'ordonnance d'injonction de payer et les actes subséquents sont nuls.
Mme [C] affirme également que son opposition est recevable puisque la signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 15 mai 2020 à sa véritable adresse prévoit que l'opposition peut
être formée dans le délai d'un mois soit jusqu'au 15 juin 2020 et que l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a interrompu le délai qui a recommencé à courir le 24 juin 2020, de sorte que l'opposition effectuée le 22 juillet 2020 est recevable. Elle précise que les actes de procédure nuls et caduques lui sont inopposables et n'ont pu faire courir de délais.
Sur le fond, l'appelante expose qu'elle n'est redevable d'aucun montant compte tenu de l'usurpation d'identité dont elle a été victime, n'ayant jamais signé le prêt, ni bénéficié des sommes afférentes. Elle indique que le prêteur a fait preuve d'une grande légèreté en versant le montant du crédit sur un compte bancaire au nom de Mme [I] [N] épouse [J] et qu'il n'a pas procédé au règles élémentaires de vérifications, ce qui justifie sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice occasionné.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 22 novembre 2022, la Sa Cofidis demande à la cour de :
Eu égard à l'évolution des données,
- donner acte à la Sa Cofidis de son désistement d'instance et d'action,
- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,
- dire que chacune des parties gardera à sa charge ses propres dépens.
La Sa Cofidis explique qu'elle renonce à toutes poursuites à l'encontre de Mme [C] au regard du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Saverne le 27 avril 2022. Elle indique qu'elle n'est pas fautive puisque Mme [N] a usurpé l'identité de Mme [C] avec talent en adressant un faux RIB avec le nom de Mme [C] mais avec l'adresse de Mme [N]. La Sa Cofidis précise que Mme [C] a été indemnisée par le tribunal correctionnel puisqu'elle a obtenu 5 500 euros au titre de son préjudice matériel, 3 000 euros au titre de son préjudice moral et 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 mars 2023.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 20 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n'est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent des moyens et non des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l'appel :
Formé dans le délai de l'article 538 du code de procédure civile, l'appel doit être déclaré recevable.
Sur la recevabilité de l'opposition :
En application de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
En l'espèce, il est constant que l'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée à Mme [C] le 2 octobre 2019 et le 15 mai 2020 par deux actes déposés en l'étude de l'huissier instrumentaire et que le premier acte signifié à sa personne et à la bonne adresse ([Adresse 1] à [Localité 5]) est intervenu le 5 juin 2020 avec la dénonciation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule.
C'est à bon droit que le premier juge a retenu comme point de départ du délai d'opposition le 5 juin 2020, date du premier acte signifié à personne, et a rappelé que le délai pour former opposition expirait le 5 juillet 2020, sans prorogation possible dans la mesure où l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 précité s'applique exclusivement aux délais ayant expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'opposition formée par Mme [C] par courrier envoyé le 22 juillet 2020.
Au regard de l'irrecevabilité de l'opposition, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes présentées par Mme [C].
Sur le désistement de la Sa Cofidis :
Aux termes des dispositions de l'article 384 du code de procédure civile : « en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie. »
En l'espèce, il convient de constater que la société Cofidis se désiste de sa demande en paiement et de son action à l'encontre de Mme [C] qui démontre qu'elle a été victime d'une usurpation d'identité ayant conduit à la condamnation de Mme [I] [N] épouse [J] à un emprisonnement délictuel de 6 mois assorti d'un sursis probatoire, suivant jugement rendu le 27 avril 2022 par le tribunal correctionnel de Saverne.
En revanche, il n'y a pas lieu de constater le désistement d'instance, en l'absence d'acceptation du désistement par Mme [C].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées, compte tenu du désistement d'action de la Sa Cofidis et de l'usurpation d'identité dont a été victime Mme [C].
Chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel et Mme [C] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
DECLARE l'appel recevable,
CONSTATE le désistement d'action de la société Cofidis,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a confirmé l'ordonnance d'injonction de payer n° 19-328 et condamné Mme [H] [C] aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,
DIT n'y avoir lieu à confirmation de l'ordonnance d'injonction n° 19-328 du 20 juin 2019 compte tenu du désistement d'action de la société Cofidis,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance,
y ajoutant,
DEBOUTE Mme [H] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
La Greffière La Présidente