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16/06/2023 | FRANCE | N°19/02814

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 juin 2023, 19/02814


MINUTE N° 312/2023

























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- la SELARL LEXAVOUE COLMAR





Le 16 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 16 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/02814 -

N° Portalis DBVW-V-B7D-HDVJ




Décision déférée à la cour : 26 Juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Colmar





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



La Commune de [Localité 4] représentée par son Maire en exercice

[Adresse 3] à [Localité 4]



représentée pa...

MINUTE N° 312/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- la SELARL LEXAVOUE COLMAR

Le 16 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/02814 -

N° Portalis DBVW-V-B7D-HDVJ

Décision déférée à la cour : 26 Juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Colmar

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

La Commune de [Localité 4] représentée par son Maire en exercice

[Adresse 3] à [Localité 4]

représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, Avocat à la cour.

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

L'Association Société de chasse du Hugstein prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 2]

représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LEXAVOUE COLMAR, Avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suite à une délibération du conseil municipal de [Localité 4] du 26 septembre 2008, la commune a concédé à l'association Société de chasse du Hugstein un bail portant sur le lot de chasse n°3, celui-ci ayant une durée de validité de huit ans.

Par lettre du 29 novembre 2014, suite à l'appel à candidatures de la commune, l'association Société de chasse du Hugstein s'est portée candidate pour le renouvellement de ce bail et, par délibération du conseil municipal du 29 décembre 2014, sa candidature a été rejetée au profit d'un autre adjudicataire.

Le conseil municipal s'est prononcé après avis de la commission communale consultative de la chasse du 11 décembre 2014.

Une lettre du maire de la commune adressée au président de l'association le 30 décembre 2014 a précisé que la décision avait été prise pour les motifs suivants :

- non-indemnisation des viticulteurs pour les dégâts de gibier rouge dans les délais impartis, à savoir au 31 janvier 2014 (cf. lettre du 7 janvier 2014),

- non-respect de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Après avoir contesté cette décision auprès de la commune, par lettre de son président du 5 janvier 2015 puis de son conseil du 6 janvier 2015, l'association Société de chasse du Hugstein a saisi le tribunal d'instance de Guebwiller, lequel s'est déclaré incompétent au profit de la chambre civile du tribunal de grande instance de Colmar, par décision du 21 mars 2017.

Par jugement du 26 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Colmar a :

- constaté que la demande de communication de pièces formée par l'association Société de chasse du Hugstein était devenue sans objet, les documents ayant été produits le 18 janvier 2016 en annexes 25 et 31,

- déclaré recevables les prétentions formées par l'association à l'encontre de la commune de [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal, M. le maire,

- annulé la décision de refus d'agrément prise le 29 novembre 2014 par le conseil municipal de [Localité 4], au motif qu'elle était irrégulière, en l'absence de motivation, et a donc annulé l'adjudication du lot de chasse n°3 mise en 'uvre par le maire de la commune, au titre de la période 2015-2024,

- condamné la commune de [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal, M. le maire, à payer à l'association :

* la somme de 1 500 euros au titre de la perte de son droit de chasser,

* la somme de 1 000 euros au titre de la perte liée à l'impossibilité de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires.

Elle l'a également condamnée aux dépens et à verser à l'association la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant toutes autres prétentions et disant n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Sur la recevabilité de l'action de l'association, le premier juge a relevé que la commune de [Localité 4] ne contestait pas sérieusement que celle-ci ait fait acte de candidature pour l'attribution du lot de chasse n°3, sur lequel elle bénéficiait déjà d'un bail, et ce par un courrier du 29 novembre 2014.

De plus, cette candidature avait bien été reçue et l'absence de dépôt d'un dossier complet par l'association, invoquée en première instance, n'avait été relevée ni par la commission consultative communale ni par le conseil municipal, et ne figurait pas non plus dans le courrier du maire du 30 décembre 2014, adressé à l'association.

Sur le fond, le premier juge a rappelé les dispositions des articles 6.2 et 8 du cahier des charges-type des chasses communales, pour la période du 2 février 2015 au 1er février 2024, annexé à l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 2 juillet 2014, selon lesquelles « le conseil municipal arrête, en séance non publique, après avis de la commission (communale consultative de la chasse), la liste des candidats admis à participer à l'adjudication. Le maire notifiera sans délai, individuellement à chaque candidat admis ou refusé, par lettre recommandée avec accusé de réception, la décision le concernant. En cas de refus, cette décision sera motivée. »

La commission communale consultative de la chasse, dans son avis du 11 décembre 2014, s'était unanimement prononcée en faveur de l'éviction de la candidature de l'association, pour quatre motifs, à savoir :

- indemnisation très tardive, à plusieurs reprises, des viticulteurs pour les dégâts de gibier rouge,

- grosses difficultés de communication avec les chasseurs de ce lot, lors des estimations et à l'occasion de la pratique de la chasse,

- interdiction de passage à pied opposée à des chasseurs d'un lot voisin,

- comportement agressif et trouble à la sécurité publique.

La délibération du conseil municipal du 29 décembre 2014 ne mentionnait pas expressément le rejet de la candidature de l'association, mais l'admission d'autres candidats pour participer à l'adjudication, notamment, du lot de chasse n°3. Le premier juge a considéré que cette délibération valait décision implicite de rejet, dès lors que l'association ne figurait pas dans la liste des candidats admis.

Cependant, il a relevé que cette délibération ne comportait aucun énoncé explicite et circonstancié des motifs retenus par le conseil municipal pour rejeter la candidature de l'association et que l'absence de motivation de la décision implicite de rejet était contraire aux dispositions du cahier des charges évoquées plus haut.

La commune n'invoquant aucun motif justifiant le rejet de la candidature de l'association, le premier juge a considéré que le courrier de notification du 30 décembre 2014 adressé à la requérante n'était pas susceptible de pallier une telle carence, n'ayant pour vocation que d'informer le candidat à l'adjudication considérée de la décision prise par le conseil municipal et non de se substituer à une telle décision, dans la formulation de ses motifs.

En conséquence, le premier juge a également annulé l'adjudication du lot de chasse n°3 de la commune de [Localité 4] mise en 'uvre par le maire au titre de la période 2015-2024.

Statuant sur les demandes en réparation financière de l'association, le premier juge a, s'agissant de la privation du droit de chasse sur le lot n°3 de la commune, relevé que le préjudice en résultant était tout au plus constitutif de la perte d'une éventualité favorable.

En effet, l'association bénéficiait toujours d'un droit de chasse sur plusieurs autres lots contigus, ce qui excluait toute privation de ses membres de la possibilité de chasser. De plus, le renouvellement du bail n'était pas garanti, compte tenu des griefs retenus par la commission communale consultative de la chasse et, par ailleurs, un autre candidat avait été parallèlement autorisé par le conseil municipal à participer à l'adjudication litigieuse et le droit de priorité de l'association lui aurait seulement permis de se substituer, éventuellement, au plus offrant.

Sur le préjudice résultant de la perte de la possibilité de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires, le premier juge a rappelé que, pour les mêmes motifs, si l'association avait bénéficié du renouvellement de son bail, l'admission d'éventuelles candidatures de permissionnaires supplémentaires n'était pas garantie. Son préjudice était donc, tout au plus, également constitutif d'une perte d'éventualité favorable.

La commune de [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 juin 2019.

Par ordonnance du 30 juin 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté la requête de l'association tendant à ce que l'acte d'appel soit déclaré nul.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 26 mars 2021, la commune de [Localité 4] a demandé que son appel soit déclaré recevable et bien fondé et la décision déférée infirmée.

Elle a sollicité que la cour, statuant à nouveau, déclare irrecevable et mal fondée la demande de l'association et rejette l'ensemble de ses prétentions.

Elle a sollicité également le rejet de l'appel incident de l'association comme étant mal fondé et, en tout état de cause, la condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 5 janvier 2021, l'association Société de chasse du Hugstein a demandé que l'appel de la commune de [Localité 4] soit déclaré irrecevable, à tout le moins mal fondé et que celle-ci soit déboutée de l'ensemble de ses conclusions.

Elle a sollicité la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait déclaré recevables ses prétentions et en ce qu'il avait annulé la décision de refus d'agrément du conseil municipal de la commune de [Localité 4] du 29 décembre 2014, mais aussi annulé l'adjudication du lot de chasse n°3 et l'avait condamnée aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident, elle a sollicité l'infirmation partielle de la décision déférée et que la cour, statuant à nouveau, condamne la commune de [Localité 4] à lui payer :

- la somme de 1 500 euros par mois, à compter du 6 janvier 2015 jusqu'à la nouvelle décision d'adjudication, à titre de dommages-intérêts, en dédommagement de la privation du droit de chasse sur le lot de chasse n°3 de la commune,

- la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires,

- la somme de 3 500 en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance d'appel.

Par un arrêt avant dire-droit du 25 novembre 2021, auquel il convient de se référer expressément pour plus amples développements sur les motifs des mesures prises, la cour a réservé à statuer, ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.

Elle a :

- invité les parties à présenter leurs observations sur l'absence de mise en cause, dans la présente procédure, de M. [O] [V], attributaire du lot de chasse n°3 lors de l'adjudication du 6 janvier 2015, et sur ses conséquences, s'agissant de la recevabilité des demandes de la Société de chasse du Hugstein,

- réservé les dépens et l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour a d'abord relevé qu'aucun motif d'irrégularité de la candidature de la Société de chasse du Hugstein soulevé par la commune de [Localité 4] ne pouvait être retenu et que l'association avait bien qualité pour agir à ce titre. C'était donc à bon droit que le premier juge avait écarté la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité à agir de cette dernière.

Par ailleurs, la cour a relevé que les demandes de la Société de chasse du Hugstein avaient pour objet l'annulation de la décision de rejet de sa candidature par le conseil municipal de la commune de [Localité 4] du 29 décembre 2014, mais aussi, en conséquence, l'annulation de l'adjudication du lot de chasse n°3 en date du 6 janvier 2015, qui avait attribué ce lot à M. [O] [V] pour la période du 2 février 2015 au 1er février 2024, ce dernier ayant signé le bail à cet effet le 27 janvier 2015.

Ces demandes étaient donc susceptibles d'avoir pour effet de priver M. [V] du lot de chasse qui lui avait été attribué pour une durée de neuf années, sans que la société de chasse l'ait appelé en la cause, y compris en première instance, alors qu'elles impliquaient qu'il soit statué contradictoirement à l'égard de ce bénéficiaire.

C'est donc sur le fondement de l'article 14 du code de procédure civile que la cour a relevé que le respect du principe du contradictoire exigeait qu'une réouverture des débats soit ordonnée d'office afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur l'absence de mise en cause, dans la présente procédure, de M. [O] [V], attributaire du lot de chasse n°3 lors de l'adjudication du 6 janvier 2015, et sur ses conséquences, s'agissant de la recevabilité des demandes de la Société de chasse du Hugstein.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 24 mars 2022, la commune de [Localité 4] demande que son appel soit déclaré recevable et bien fondé et la décision déférée infirmée.

Elle sollicite que la cour, statuant à nouveau, déclare irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes de l'association et rejette l'ensemble de ses prétentions.

Elle sollicite également le rejet de l'appel incident de l'association comme étant irrecevable, subsidiairement mal fondé et, en tout état de cause, la condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La commune reprend ses développements sur l'irrégularité de la candidature de la Société de chasse du Hugstein à l' adjudication du lot n°3, mais aussi les motifs de l'arrêt du 25 novembre 2021 sur ce point.

Suite à cet arrêt, elle soutient qu'il existe une indivisibilité entre la demande d'annulation de la décision du conseil municipal qui écarte la candidature de la société de chasse du Hugstein et celle de la procédure de location par adjudication du lot de chasse n°3 et que, faute d'avoir attrait M. [V], adjudicataire, ces deux demandes sont irrecevables.

Elle ajoute que le jugement déféré doit être annulé pour violation du principe de la contradiction, ce qu'elle ne demande toutefois pas dans le dispositif de ses écritures. De plus, il convient de se placer au moment de l'introduction de l'instance pour apprécier la recevabilité. A cette date, M. [V], nommé adjudicataire, avait signé le bail de chasse n°3 un mois auparavant, le 27 janvier 2015.

En outre, l'annulation des décisions en cause aura pour effet de priver M. [V] du lot de chasse qui lui avait été attribué pour la période du 2 février 2015 au 1er février 2024 et du bail qu'il avait signé en conséquence, l'annulation d'un acte administratif le faisant disparaître rétroactivement.

Subsidiairement, elle reprend ses développements au fond.

Ainsi, sur la régularité de la délibération du conseil municipal et de la décision du maire à l'encontre de l'association, la commune de [Localité 4] précise que le conseil municipal se prononce après avis défavorable, à l'unanimité, de la commission communale consultative de la chasse, composée de spécialistes, à la candidature de l'association. Elle affirme que cet avis est largement justifié et circonstancié, les indemnités étant systématiquement réglées avec retard. Dès 2010, elle rappelait ses retards de paiement de 2009 et l'association ne démontre pas sa diligence à indemniser les victimes et les retards de son assurance.

Elle ajoute que l'indemnisation des dégâts pose elle-même systématiquement problème, en raison de l'attitude de M. [G], son président, et des chasseurs, à tel point que la présence de la brigade verte ou de la police est devenue systématiquement nécessaire lors des expertises.

Par ailleurs, la commune évoque des difficultés relationnelles des membres de l'association avec les viticulteurs, les promeneurs, et les chasseurs des lots voisins.

De plus, concernant l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, la commune rappelle les dispositions du code de l'environnement et affirme que si, en 2010, le préfet a refusé des bracelets supplémentaires, les dégâts de gibier sur les parcelles viticoles composant le lot de chasses géré par l'association sont trop importants depuis plusieurs années.

Par ailleurs, les pièces produites par l'association elle-même démontrent que la commune a formulé une demande d'indemnisation avant le 7 janvier 2014.

Par ailleurs, la commune affirme que tous les membres de la commission ont été convoqués et que celle-ci était valablement constituée.

Sur la motivation de la décision du conseil municipal, la commune de [Localité 4] soutient qu'une motivation écrite n'est pas obligatoire pour une délibération du conseil municipal qui n'est pas une décision individuelle défavorable mais un acte réglementaire.

En revanche, elle souligne que la décision individuelle explicite de rejet du 30 décembre 2014, notifiée à l'association, qui lui fait effectivement grief, doit être motivée et l'a été, et qu'elle a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, conformément au cahier des charges.

La décision individuelle explicite de rejet a été signée par M. [P], adjoint délégué, qui bénéficiait d'une délégation de compétence régulière, l'arrêté du 8 avril 2014 relatif à la délégation de signature ayant été publié. De plus, la décision du 30 décembre 2014 comporte la mention « Pour le maire l'adjoint délégué » ainsi que toutes les mentions obligatoires devant accompagner la signature de l'adjoint titulaire de la délégation de signature.

Par ailleurs, la commune de [Localité 4] soutient que l'association a perdu son droit de priorité pour ne pas l'avoir fait valoir trois mois avant la fin du précédent bail, mais seulement par la lettre du 29 novembre 2014, reçue le 2 décembre 2014, le bail arrivant à terme le 1er février 2015. Si elle n'était pas contrainte de manifester son intention de l'exercer par écrit, encore faut-il en rapporter la preuve, ce qu'elle ne fait pas.

Sur les demandes d'indemnisation de l'intimée, la commune fait valoir qu'il n'est rapporté la preuve d'aucune faute, d'aucun préjudice, et d'aucun lien de causalité entre les deux. En effet, les griefs retenus contre la Société de chasse rendaient inconcevables un avis favorable de la commission communale et l'octroi de l'adjudication du lot n°3 par le conseil municipal, d'autant plus que son dossier de candidature était incomplet et sa candidature elle-même irrégulière.

Pour les mêmes motifs, la commune estime que le préjudice relatif à la perte de la possibilité de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires n'est pas constitué et que les seules fautes commises sont imputables à l'intimée.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, l'association Société de chasse du Hugstein demande que l'appel principal de la commune de [Localité 4] soit déclaré irrecevable, à tout le moins mal fondé et que celle-ci soit déboutée de l'ensemble de ses conclusions.

Elle sollicite que son action soit elle-même jugée recevable, nonobstant l'absence de mise en cause de l'adjudicataire du lot de chasse n°3, M. [O] [V], que le jugement déféré soit confirmé en ce qu'il a déclaré recevables ses prétentions, en ce qu'il a annulé la décision de refus d'agrément du conseil municipal de la commune de [Localité 4] du 29 décembre 2014 ainsi que l'adjudication du lot de chasse n°3, mais aussi en ce qu'il a condamné la commune aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident, elle sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus en ce qu'il a condamné la commune de [Localité 4] à lui payer les sommes de 1 500 euros au titre de la perte de son droit de chasser, de 1 000 euros au titre de son impossibilité de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires, et que la cour, statuant à nouveau, condamne la commune de [Localité 4] à lui payer :

- la somme de 1 500 euros par mois, à compter du 6 janvier 2015 jusqu'à la nouvelle décision d'adjudication, à titre de dommages-intérêts, en dédommagement de la privation du droit de chasse sur le lot de chasse n°3 de la commune,

- la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de faire appel à deux permissionnaires supplémentaires,

- la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance d'appel.

Suite à l'arrêt avant dire droit, la société de chasse du Hugstein précise qu'elle sollicite uniquement l'annulation de la délibération litigieuse du 6 janvier 2015 qui a écarté illégalement sa candidature, ainsi que l'indemnisation du préjudice qui en résulte, mais qu'à aucun moment, elle ne sollicite l'attribution du lot de chasse à son profit et qu'elle ne le pourrait pas. Elle expose en effet qu'il appartient à la commune de [Localité 4] de prendre une nouvelle délibération, dont il n'est pas exclu qu'elle aboutisse à la même décision d'attribution de ce lot de chasse à M. [V].

Elle fait donc valoir que la recevabilité de sa demande n'est pas conditionnée par la mise en cause de Monsieur [V], puisque l'annulation de la délibération litigieuse lui serait simplement inopposable. Elle ajoute que son objectif n'est pas de se voir déclarer adjudicataire du lot de chasse, d'autant plus qu'il est impossible de revenir sur le fait que, depuis 2015, M. [V] l'a été lui-même pendant 7 ans, mais qu'elle tend à obtenir une indemnisation.

Elle ajoute que la cour a rendu un arrêt dans une espèce similaire, dans le cadre de laquelle elle a relevé qu'aucune prétention n'étant formée contre l'adjudicataire, le demandeur s'exposait seulement à ce que la décision à intervenir lui soit inopposable.

Sur le fond, en premier lieu, la Société de chasse du Hugstein observe que la commune n'a jamais contesté qu'elle ait fait acte de candidature pour l'attribution du lot de chasse n°3, que, si sa candidature avait été tardive, elle aurait été déclarée irrecevable en application de l'article 6.3 du cahier des charges et, que l'envoi d'une lettre recommandée n'est prescrit que pour vérifier qu'elle est transmise dans les délais requis, au moins trois semaines avant l'ouverture de l'adjudication, ce qui était le cas en l'espèce, l'adjudication étant prévue le 6 janvier 2015.

Elle affirme avoir déposé un dossier de candidature complet et fait valoir qu'aucun des avis et décisions ne mentionne le contraire.

Elle soutient que la décision du conseil municipal est irrégulière, pour absence de motivation, en application de la loi du 11 juillet 1979, s'agissant d'une décision administrative individuelle défavorable et, de plus, la motivation de la décision était exigée par l'article 6.2 du cahier des charges des chasses communales.

Elle ajoute le conseil municipal ne peut pas se borner à exposer les motifs de l'avis de rejet de la commission, qui ne le lie pas, dès lors qu'il ne les reprend pas expressément pour les faire siens.

Enfin, la lettre du 30 décembre 2014 ne peut valoir motivation de la décision du conseil municipal, ayant pour seule vocation d'informer le candidat à l'adjudication de la décision du conseil municipal.

Subsidiairement, la Société de chasse fait valoir que la notification de la décision de refus d'agrément du conseil municipal est irrégulière, dans la mesure où :

- elle n'a pas été signée par le maire mais par l'adjoint délégué, alors que le maire ne peut déléguer l'intégralité de ses fonctions à ses différents adjoints,

- il n'est pas prouvé que l'arrêté de délégation de signature du 8 avril 2014 ait été publié au recueil des actes municipaux,

- tous les actes signés par le délégataire doivent comporter la mention « par délégation du maire », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, l'association invoque l'absence de valeur juridique de l'avis de la commission consultative, au motif que :

- sa composition est irrégulière, dans la mesure où cinq de ses membres n'ont pas été convoqués, et où le principe de la représentation proportionnelle, au sein de la commission, n'a pas été respecté,

- l'avis de la commission est lui-même irrégulier, ne comportant aucune signature et ne permettant pas de savoir qui l'a présidée, alors qu'elle doit l'être par le maire, qui était absent et excusé, ce qui n'était pas nécessaire si son adjoint, présent, avait le pouvoir de présider cette commission en ses lieux et place.

La Société de chasse du Hugstein conteste également les griefs invoqués par la commune.

Sur la question de la non indemnisation des victimes avant le 31 janvier 2014, elle mentionne que la commune lui a transmis les décomptes relatifs aux dégâts de gibier le 7 janvier 2014, en lui imposant un délai très bref pour s'exécuter. Or, elle affirme avoir été tributaire des délais auprès de son assureur, auprès de qui elle a fait diligence.

Elle ajoute que le terme du paiement est fixé arbitrairement par la commune, qui ne justifie pas des dates auxquelles elle a sollicité l'indemnisation des dégâts de gibier et qui verse aux débats des attestations mensongères ainsi qu'un document qu'elle a elle-même établi en 2015, démontrant que l'ensemble des dégâts de gibier recensés de 2009 à 2014 a été indemnisé.

Sur le non-respect de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, la Société de chasse du Hugstein affirme avoir fait le nécessaire pour éviter les dégâts de gibier, ce qui avait été souligné par la commission communale consultative de mars 2013.

Sur le comportement agressif de ses membres, la Société de chasse souligne que ce grief n'apparaissait pas dans la lettre du maire de [Localité 4] du 30 décembre 2014, que, si des procès-verbaux de gendarmerie sont évoquées, ils ne sont pas produits et enfin, que les attestations de témoins versés aux débats émanent de viticulteurs mécontents de leur indemnisation.

Sur la perte du droit de priorité, soulignant que ce moyen n'avait jamais été soulevé auparavant, la Société de chasse se rapporte à l'article 9 du cahier des charges selon lequel la procédure d'adjudication est mise en 'uvre par la commune si le locataire sortant a fait valoir son droit de priorité dans les délais et refusé les termes du nouveau bail. Si le locataire sortant n'a pas exprimé dans les délais son intention de se prévaloir de son droit de priorité, la commune doit procéder par appel d'offres.

Enfin, à l'appui de son appel incident, la Société de chasse du Hugstein admet qu'elle disposait d'autres lots de chasses contigus, mais elle fait valoir qu'elle a été privée abusivement de son droit de chasser sur le lot n°3, soit une superficie de 184 ha. Elle invoque l'absence de motif réel et sérieux de rejet de sa candidature, alors qu'elle était assurée, du fait de son droit de priorité, d'emporter l'adjudication, ce qui lui aurait permis de disposer d'un territoire de chasse d'un seul tenant de 1 237 ha.

Par ailleurs, elle évalue la perte financière due à l'impossibilité de faire appel à deux sociétaires ou permissionnaires supplémentaires à 9 000 euros au total.

Elle affirme que ces préjudices ne sont nullement hypothétiques.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

En préalable, il convient de souligner que, si l'intimée demande que l'appel de la commune de [Localité 4] soit déclaré irrecevable, elle ne soulève aucun moyen à l'appui de cette prétention, ce dont il résulte que cet appel doit être déclaré recevable.

I ' Sur la recevabilité des demandes de la Société de chasse du Hugstein

Ainsi qu'il a été développé dans l'arrêt avant dire-droit, la commune de [Localité 4] soulevant l'irrecevabilité de la demande de l'association au motif que sa candidature à l'adjudication litigieuse était irrégulière, aucun des motifs d'irrégularité de la candidature de la Société de chasse du Hugstein soulevés par la commune de [Localité 4] ne peut être retenu et l'intimée avait bien qualité pour agir à ce titre. C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité à agir de cette dernière.

Toutefois, en application de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée et cette règle d'ordre public s'impose au juge qui doit en toute circonstance veiller à son respect.

Les demandes de la Société de chasse du Hugstein tendent notamment à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé la décision de refus d'agrément du conseil municipal de la commune de [Localité 4] du 29 décembre 2014 ainsi que l'adjudication du lot de chasse n°3, qui a eu pour résultat l'attribution de celui-ci à M. [V] [O], avec lequel un bail portant sur ce lot a été signé le 27 janvier 2015.

Si aucune demande ne tend à l'annulation du bail consenti à M. [O] lui-même, force est de constater l'interdépendance entre, d'une part le refus d'agrément de la Société de chasse du Hugstein par le conseil municipal de [Localité 4] le 29 décembre 2014, qui est allé de pair avec la désignation de l'autre candidat pour le lot n°3, M. [O], afin de participer à l'adjudication de ce lot, d'autre part l'adjudication elle-même qui a eu lieu le 6 janvier 2015, et, enfin, la signature du bail relatif à ce lot entre la commune et M. [O], le 27 janvier 2015.

En effet, la signature de ce bail est bien consécutive aux deux décisions qui l'ont précédée et elle en dépend totalement. Dès lors, si ce bail n'a fait lui-même l'objet d'aucune demande de la Société de chasse du Hugstein, l'annulation des décisions prises en amont dont sa signature a dépendu, aurait inévitablement des conséquences à son égard et le remettrait obligatoirement en cause, et ce de façon rétroactive et sans que puisse être invoquée une éventuelle inopposabilité du jugement déféré à l'égard de M. [V] [O].

Précisément, ainsi que la Société de chasse du Hugstein l'admet elle-même, l'annulation de la décision de refus de son agrément du conseil municipal de la commune de [Localité 4] du 29 décembre 2014 et celle de l'adjudication du lot de chasse n°3 entraîneraient, pour la commune, la nécessité de prendre une nouvelle délibération, dont le résultat ne peut être connu par avance. En tout état de cause, le bail du 27 janvier 2015, dont les effets se poursuivent jusqu'au 1er février 2024, selon son article 2, ne pourrait aller jusqu'à son terme, puisque ne reposant sur plus aucun fondement, et ce rétroactivement depuis sa signature.

Dès lors, cette interdépendance entre les décisions dont l'annulation a été demandée et les droits de chasse ouverts au profit de M. [O] sur le lot n°3 de la commune de [Localité 4], et les conséquences sur ces droits de l'adjudicataire, d'une telle annulation, nécessitait, pour le respect du débat contradictoire, que ce dernier fût appelé à la cause par la Société de chasse du Hugstein devant le tribunal de grande instance de Colmar, afin de pouvoir faire valoir ses droits, ce qui n'a pas été fait.

Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article 14 du code de procédure civile rappelées plus haut, le jugement déféré doit être infirmé en l'ensemble de ses dispositions, et ce dans les limites de l'appel, mais aussi que les demandes de la Société de chasse du Hugstein tendant à l'annulation de la décision de refus d'agrément prise le 29 novembre 2014 par le conseil municipal de [Localité 4], ainsi que de l'adjudication du lot de chasse n°3 mise en 'uvre par le maire de la commune, au titre de la période 2015-2024, de même que l'ensemble de ses demandes connexes, doivent être déclarées irrecevables.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

Les demandes de la Société de chasse du Hugstein étant déclarées irrecevables, cette dernière sera donc condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par cette dernière en première instance et en appel.

Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non compris dans les dépens engagés à l'occasion de la première instance et de l'appel. C'est pourquoi ses demandes présentées à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront elles-mêmes rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Colmar le 26 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE irrecevables les demandes de l'association Société de chasse du Hugstein tendant à l'annulation de la décision de refus d'agrément prise le 29 novembre 2014 par le conseil municipal de [Localité 4], ainsi que de l'adjudication du lot de chasse n°3 mise en 'uvre par le maire de la commune, au titre de la période 2015-2024, de même que l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts connexes,

CONDAMNE l'association Société de chasse du Hugstein aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE l'association Société de chasse du Hugstein à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3 000,00 (trois mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de l'association Société de chasse du Hugstein présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/02814
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.02814 ?
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