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15/06/2023 | FRANCE | N°22/03551

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 15 juin 2023, 22/03551


MINUTE N° 308/2023





























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- la SCP CAHN ET ASSOCIES





Le 15 juin 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 15 Juin 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03551 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5QW
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Décision déférée à la cour : 06 Septembre 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur incident :



Madame [L] [X]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]



représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.





INTIMÉ et appel...

MINUTE N° 308/2023

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- la SCP CAHN ET ASSOCIES

Le 15 juin 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 Juin 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03551 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5QW

Décision déférée à la cour : 06 Septembre 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur incident :

Madame [L] [X]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]

représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [P] [Z]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 3]

représenté par la SCP CAHN ET ASSOCIES, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me Bernard BURNER, avocat à Mulhouse

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Les consorts [Z] / [X] sont divorcés en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 7 avril 2017 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 09 octobre 2018. Ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Au cours du mariage, les époux avaient acquis en commun en date du 27 avril 2007 pour un prix de 652.000 euros, une villa à usage de résidence secondaire située à [Localité 4].

L'acte d'acquisition mentionne que le bien est acquis à hauteur des 2/3 en pleine propriété à titre de bien propre par Monsieur [Z] et à hauteur de 1/3 en pleine propriété à titre de bien propre par Madame [X].

L'ordonnance de non conciliation du 28 novembre 2013 mettait en place une occupation alternée de l'immeuble pendant la période estivale à savoir 15 jours au printemps et 1 mois en été au bénéfice de Madame [X].

Après le prononcé du divorce, des difficultés sont apparues quant à l'organisation du partage de l'occupation de cet immeuble de villégiature. Aussi la juridiction de Strasbourg a été souvent saisie pour statuer sur les modalités d'occupation de cette résidence.

Le présent litige porte sur la période estivale 2022. Madame [X] avait informé Monsieur [P] [Z] par courrier du 7 février 2022 de sa volonté d'occuper la maison pour les périodes du 23 mai au 6 juin 2022, et du 1er au 28 août 2022.

Par courrier du 3 mars, Monsieur [Z] répondait par l'intermédiaire de son Conseil :

« Mon client se déclare d'accord pour que votre mandante exerce son droit de jouissance aux dates que vous citez à savoir du 23 mai au 6 juin 2022 et du 1er au 28 août 2022. M. [Z] se rendra dans la maison, qui n'est pas louée ainsi que le sait votre mandante, durant le mois de juillet 2022. »

Le 30 mai 2022, Madame [L] [X] se plaignait de ne pas pouvoir entrer dans la maison au motif que la serrure aurait été changée et accusant son ex-mari d'être à l'origine de ce changement. Elle faisait intervenir un serrurier qui changeait le barillet de la porte d'entrée de la maison.

C'est dans ce contexte que Madame [X] a assigné selon la procédure accélérée dite du « jour fixe » son ex-mari le 14 juin 2022 aux fins notamment de se voir accorder un droit de jouissance exclusif du bien situé [Adresse 5] pour la période du 1er au 28 août 2022, qu'il soit fait défense à Monsieur [Z] de venir la troubler dans l'exercice de son droit de jouissance sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, tous frais de constat à charge du contrevenant.

Madame [X] demandait également la condamnation de Monsieur [Z] à lui rembourser les frais de constat d'huissier et de serrurier exposés lors de sa venue à [Localité 4] le 30 mai 2022, soit 785 euros, à l'indemniser à hauteur de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi et de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle exposait à l'appui de sa demande qu'en date du 30 mai 2022, à son arrivée à [Localité 4] elle aurait constaté que la serrure de la porte d'entrée avait été changée sans que la nouvelle clé ne lui ait été transmise de sorte qu'elle avait été contrainte de faire appel à un serrurier qui allait remplacer la serrure, et ce en présence d'un huissier de justice.

De son côté, M. [Z] qui contestait les faits ' arguant que Madame [L] [X] aurait en fait égaré ses clefs ' sollicitait la prise en charge de son préjudice de jouissance sur la période du mois de juillet 2022 (puisque son ex épouse ne lui avait pas remis la nouvelle clé du barillet installé le 30 mai) pour un montant de 15 000 euros ainsi que la condamnation de Madame [X] a lui remettre un double de la clé de la porte d'entrée sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et de faire remettre en place à ses frais l'ancien cylindre de sureté MUL T LOCK et le jeu de poignets blindés (retirés le 30 mai) qui lui auraient été remis par la société Alser.

Par jugement du 6 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Strasbourg statuant selon la procédure accélérée au fond devait :

- déclarer irrecevables pour défaut d'intérêt à agir les demandes de Madame [X] tendant à se voir accorder un droit de jouissance exclusif du bien situé à [Localité 4] du 1er au 28 août 2022 ou de faire défense à Monsieur [Z] de venir troubler l'exercice de son droit de jouissance,

- rejeter toutes les autres demandes de Madame [X],

- condamner Madame [X] à payer à Monsieur [Z] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son trouble de jouissance,

- condamner Madame [X] à remettre à Monsieur [Z] le double des clés de la porte d'entrée de l'immeuble dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

- rejeter toutes les autres demandes reconventionnelles de Monsieur [Z],

- condamner Madame [X] à payer à Monsieur [Z] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile.

Le premier juge, après avoir rappelé que Madame [L] [X] justifiait de sa qualité de propriétaire indivis de la maison située à [Localité 4] et ce à tout le moins à hauteur d'un tiers en pleine propriété, et constaté qu'elle avait informé son ex-mari de son intention de se rendre dans la maison du 23 mai au 6 juin 2022 et du 1er au 28 août 2022 et que ce dernier avait répondu favorablement par courrier du 3 mars 2022, a estimé que :

- un accord avait donc été entériné entre les parties,

- le procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice le 30 mai 2022 constatait que les clés en la possession de Madame [L] [X] ne permettaient pas d'ouvrir la porte d'entrée de la maison,

- il résultait du courrier officiel de son conseil du 15 mars 2022 que Madame [X] disposait d'un exemplaire des clés qui était censé lui permettre d'avoir accès, en ce qu'il lui avait permis d'entrer dans l'immeuble au mois d'août 2021,

- par mail du 21 juin 2022 la société Alser certifiait, après vérification dans ses livres, ne pas être intervenue depuis août 2019 à cette adresse à l'exception du 30 mai 2022 à la demande de Madame [X],

- l'attestation du pisciniste confirmait l'absence de changement de serrure fin mars 2022 tandis qu'au contraire il avait constaté le changement de verrou en juin 2022,

pour en conclure que, s'il n'était pas contestable que les clés données par Madame [X] à l'huissier le 30 mai 2022 n'avaient pas permis d'ouvrir la porte d'entrée de la maison, la preuve de ce que les serrures avaient été changées entre le mois d'août 2019 et le 30 mai 2022 par Monsieur [Z] n'était pas rapportée.

La juridiction a par ailleurs ajouté que le fait que Monsieur [Z] ait été condamné à respecter le droit de jouissance de Madame [X] selon jugement du 22 juin 2021 ne suffisait pas à établir qu'il se serait opposé à l'exercice de ce droit en 2022.

Ce faisant, le tribunal a considéré que l'intérêt à agir de Madame [X] contre Monsieur [Z] afin de se voir accorder un droit de jouissance exclusif pour la période du 1er au 28 août 2022 n'était pas démontré, et dit que la preuve d'une faute imputable à Monsieur [Z] de nature à empêcher Madame [X] de jouir du bien en 2022 n'était pas rapportée.

Sur la demande reconventionnelle, Madame [L] [X] était condamnée à remettre un double des clés (du barillet installé en mai) à son ex-mari, la juridiction rappelant que cette dernière n'avait pas prétendu avoir remis un jeu de clef à Monsieur [P] [Z].

Elle était aussi condamnée à verser une indemnisation pour la perte de jouissance subie par Monsieur [P] [Z] du fait de son impossibilité de se rendre dans la maison de vacances au début du mois de juillet 2022.

Madame [X] a interjeté appel de ce jugement le 16 septembre 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2023, Madame [L] [X] demande à la cour de:

- déclarer l'appel de Madame [X] régulier, recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables pour défaut d'intérêt à agir les demandes de Madame [X] tendant à se voir accorder un droit de jouissance exclusif du bien situé à [Localité 4] du 1er au 28 août 2022 ou de faire défense à Monsieur [Z] dans l'exercice de son droit de jouissance,

- rejeté toutes les autres demandes de Madame [X],

- condamné Madame [X] à payer à Monsieur [Z] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son trouble de jouissance,

- condamné Madame [X] à remettre à Monsieur [Z] le double des clés de la porte d'entrée de l'immeuble dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

- rejeté toutes les autres demandes reconventionnelles de Monsieur [Z],

- condamné Madame [X] à payer à Monsieur [Z] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouter Monsieur [Z] de son appel incident, et plus généralement de l'ensemble de ses fins et prétentions,

Statuant à nouveau,

- dire que sont devenues sans objet les demandes de Madame [X] visant :

- à se voir accorder un droit de jouissance exclusive du bien situé [Adresse 5] pour la période du 1er au 28 août 2022,

- à ce qu'il soit fait défense à Monsieur [Z] de troubler Madame [X] dans l'exercice de son droit de jouissance sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, tous frais de constat à charge du contrevenant,

- condamner Monsieur [Z] à rembourser à Madame [X] les frais de constat d'huissier et de serrurier exposés lors de sa venue à [Localité 4] le 30 mai 2022, soit 785 euros,

- condamner Monsieur [Z] à verser à Madame [X] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- débouter Monsieur [Z] de toutes ses fins et prétentions, ce compris ses demandes reconventionnelles,

- condamner Monsieur [Z] aux entiers frais et dépens de 1ère instance,

- condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur [Z] aux entiers frais et dépens à hauteur d'appel,

- condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

La partie appelante estime en application de l'article 815'9 du code civil, qu'en tant qu'indivisaire, elle a un droit de jouissance sur la résidence située à [Adresse 5] et qu'au regard du comportement passé de Monsieur [P] [Z], il aurait été impératif de le contraindre à titre conservatoire de respecter son droit de jouir du bien commun. Ne bénéficiant plus de la protection offerte par l'ordonnance de non-conciliation, elle disposerait d'un intérêt à agir pour lui permettre d'exercer son droit sur cette résidence.

La circonstance que Madame [L] [X] ait pu finalement jouir de la maison au mois d'août 2022 n'affecterait pas l'existence d'un intérêt pour elle à introduire en juin 2022 une procédure qui présentait à son sens un « effet dissuasif ».

Concernant les faits du mois de mai 2022, Madame [L] [X] affirme avoir constaté que la serrure avait été changée et que ses clés ne lui ne permettaient pas d'ouvrir la porte de la maison. A son sens, seul son ex-mari pourrait être à l'origine de ce changement intempestif de serrure réalisé après les vacances 2021.

Elle souligne que son ex-mari a reconnu tardivement, à hauteur de cour, dans ses conclusions du 18 janvier 2023, avoir fait intervenir son cousin [E] en septembre 2021 afin de remettre un ancien cylindre alors qu'en première instance il n'aurait jamais évoqué cet événement. De la sorte, la petite clé dédiée dont elle disposait pour ouvrir la porte d'entrée de la maison n'était plus à même de faire son office.

Le fait que le pisciniste ait disposé d'une clé lui permettant de se rendre dans la propriété en mars 2022, clé qui lui aurait été remise par Monsieur [P] [Z], confirmerait bien l'existence de la man'uvre de ce dernier. La preuve de la faute de Monsieur [P] [Z] serait de ce fait rapportée.

Madame [L] [X] sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes reconventionnelles de son ex-mari ; ce dernier ne saurait invoquer sa propre turpitude car si elle a été obligée de remplacer la serrure le 30 mai 2022, c'était de sa faute. Contrairement à ce que soutient son ex époux, l'appelante soutient avoir fait remettre les clefs à son ex époux par conseils interposés le 15 juillet 2022 en se référant à sa pièce 62, en ajoutant qu'elle avait aussi remis un double des clés à leur fils commun [S] fin juin ainsi qu'à la femme de ménage.

Dans ces conditions la demande d'indemnisation de Monsieur [P] [Z] ne saurait être accueillie et elle ne pourrait être condamnée à lui remettre une clé déjà en possession de l'intimé.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mars 2023, Monsieur [P] [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a rejeté la demande principale de Madame [X] et condamné cette dernière à prendre en charge le préjudice subi par Monsieur [P] [Z],

- infirmer le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg sur le montant alloué à Monsieur [Z] au titre de son préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau

- condamner Madame [X] à verser à Monsieur [Z] un montant de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi,

- condamner Madame [X] à restituer à Monsieur [Z] sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les éléments qui lui ont été remis par la société Alser, à savoir un jeu de poignets blindés et un cylindre de sureté MUL T LOCK,

En tout état de cause

- débouter Madame [X] de l'ensemble de ses fins et prétentions

- condamner Madame [X] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [Z] un montant de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Monsieur [P] [Z] conteste les allégations de Madame [L] [X] selon lesquelles il aurait fait changer les serrures en vue de priver son ex-femme d'accès à la maison.

Il demande la confirmation du jugement en ce que son ex-épouse n'aurait eu aucun intérêt à agir contre lui puisqu'un accord était intervenu entre les parties sur la répartition estivale concernant l'occupation de la maison de vacances.

Il affirme que ce n'est pas la première fois qu'un incident survient au sujet de la serrure de la maison, puisque en 2017 il aurait dû la faire remplacer après que Madame [L] [X] ait mis de la colle dans le barillet et en 2019 parce qu'elle aurait forcé la porte et détruit les serrures.

Comme un cylindre provisoire non sécurisé avait été posé sur la porte d'entrée de la maison, il a demandé à son cousin [E] d'intervenir en septembre 2021 pour qu'il réinstalle l'ancien barillet de sorte que le pass général de couleur verte (ouvrant les portillons, le local technique, le studio, l'appartement sous la piscine) puisse permettre à nouveau d'ouvrir aussi la porte d'entrée.

Madame [L] [X], qui aurait toujours disposé du pass général de couleur verte, aurait donc été en possibilité d'ouvrir la porte d'entrée. Il estime que l'épisode du 30 mai 2022, se serait déroulé une semaine après l'arrivée de Madame [L] [X], s'expliquerait simplement par le fait qu'elle aurait égaré ses clefs.

En tout état de cause, il aurait été simple pour elle, plutôt que de faire changer le cylindre, de se rapprocher de la personne chargée de l'entretien de la piscine qui dispose d'une clé en sa possession, ou encore de la société de surveillance qui assure la sécurité de l'immeuble.

L'intimé se plaint de ne pas disposer des nouvelles clés de la porte de la maison de sorte qu'il y aurait lieu de constater que Madame [L] [X] s'est attribuée la jouissance privative du bien empêchant son co indivisaire de s'y rendre.

Quant aux frais que Madame [L] [X] affirme avoir dû exposer et dont elle réclame le remboursement, l'intimé fait observer que c'est elle qui est à l'origine de ces frais, engagés inutilement. Il ajoute que les montants que lui devrait l'indivision seraient de 1 625 172 euros au 31 décembre 2021 et que Madame [L] [X], contributive à hauteur d'un tiers, lui devrait la somme de 541 724 euros.

Outre la confirmation du rejet de la demande de Madame [L] [X] et sa condamnation à restituer à Monsieur [P] [Z] le double des clés, ce dernier forme un appel incident estimant que les 4 000 euros obtenus en première instance à titre de dédommagement pour le préjudice de jouissance n'est pas suffisant. Faisant référence à un rapport d'expertise de Monsieur [W] du 9 juillet 2019, il estime être en droit de solliciter un montant de 19 200 euros au titre de l'intégralité du mois de juillet, qu'il réduit à un montant de 15 000 euros qu'il sollicite à hauteur de cour.

D'autre part, après avoir indiqué que le pass général de couleur verte est toujours d'utilité pour ouvrir tous les accès de la propriété à l'exception de la maison principale suite au changement de serrure effectué par Madame [L] [X] en mai 2022, il demande la condamnation de cette dernière à lui restituer l'ancien barillet retiré par la société Alser le 30 mai 2022, et ce sous astreinte, en vue de le faire réinstaller sur la porte d'entrée de la maison.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 6 avril 2023 sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) sur le périmètre de l'appel et l'intérêt à agir de Madame [L] [X]

L'appelante est co indivisaire avec son ex-mari d'une résidence

secondaire située à [Localité 4].

La juridiction de première instance a décidé qu'elle n'avait pas d'intérêt à agir pour se voir reconnaître un droit à jouissance paisible de la résidence secondaire pour le mois d'août 2022.

Cette demande, qui était assortie d'une requête afin de faire défense à Monsieur [P] [Z] de venir troubler Madame [L] [X] dans l'exercice de son droit de jouissance sous astreinte, est devenue sans objet.

Il n'est donc plus nécessaire de statuer sur cette question de l'intérêt à agir.

2) sur la demande de remboursement de frais

L'appelante évoque une « faute » de son ex-mari, soupçonné d'avoir fait changer les serrures de la porte d'entrée de la maison sans l'aviser de cet événement et surtout sans lui avoir remis une nouvelle clé.

Monsieur [P] [Z] soutient à ce sujet que :

- en 2017, suite à un incident de serrure découlant de l'introduction de colle, la société Alser a remplacé à l'identique la porte d'entrée de la maison ; toutes les ouvertures (portillons d'entrée, porte de la maison principale, studio, local technique piscine, portillon du bar, appartement du bas) pouvaient être ouvertes avec une clef dite « pass général » de couleur verte, des clés de couleur noire permettant d'ouvrir les serrures à l'unité,

- la serrure de la maison principale a été changée le 30 juillet 2019 à la demande de Monsieur [P] [Z] qui se plaignait de la non restitution des clefs par son ex-épouse,

- le 4 août 2019 Madame [L] [X] faisait intervenir une société pour enlever le nouveau cylindre ;

- Monsieur [P] [Z] faisait intervenir en urgence la société Alser pour y mettre une serrure provisoire uniquement pour la maison principale, toutes les autres ouvertures fonctionnant avec les anciennes clés ou le pass général de couleur verte (facture de la société Alser du 8 août 2019),

- en septembre 2021, Monsieur [P] [Z] a fait intervenir son cousin [E] pour remettre en place l'ancien cylindre avec une nouvelle armature, ce qui était censé, selon l'intimé, permettre l'ouverture de la porte d'entrée de la maison principale à l'aide du pass général de couleur verte.

Monsieur [P] [Z] n'évoque cependant à aucun moment le fait qu'il a avisé son ex épouse de cette opération réalisée par son cousin [E].

Cependant le changement de barillet réalisé en septembre 2021 n'était pas de nature à empêcher Madame [L] [X] d'exercer son droit d'occupation de la maison en ce sens que le pass général de couleur verte ' en sa possession ' était de nouveau de nature à permettre de rentrer dans la maison.

Il suffit par conséquent de vérifier si le barillet retiré le 30 mai 2022 par la société Alser à la demande de Madame [L] [X] peut être ouvert avec le pass général.

Ce barillet est nécessairement en possession de Madame [L] [X] puisqu'il a été retiré en mai 2022 sur sa demande.

Or elle ne l'a pas produit aux débats, alors pourtant que son ex-mari demande sa restitution.

Dans ces conditions, la cour estime que l'appelante ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une impossibilité pour elle de pouvoir entrer dans la maison au 30 mai 2022, et corrélativement d'une faute imputable à son ex-mari, d'un possible lien de cause à effet entre cette faute alléguée et la nécessité d'engager des frais huissiers et de serruriers le 30 mai 2022 à hauteur de 785 euros.

La décision de première instance sera dès lors confirmée sur ce point, la demande de Madame [L] [X] tendant à obtenir une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral devant également être rejetée.

3) sur l'appel incident

Monsieur [P] [Z] sollicite l'infirmation de la condamnation de son ex-épouse à lui verser une somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts pour ne pas avoir été en possibilité d'occuper la maison de vacances au mois de juillet 2022. Il réclame une indemnisation supérieure de l'ordre de 15 000 euros.

Il est rappelé que l'accord entre les parties prévoyait que Monsieur [P] [Z] pourrait occuper durant le mois de juillet la maison. Madame [L] [X] admet de manière implicite, au minimum, que son ex-mari n'a pas pu profiter de la maison durant la première quinzaine du mois de juillet puisqu'elle affirme avoir fait remettre les nouvelles clés de la maison à son mari, par le truchement des conseils des parties, le 15 juillet 2022.

La lecture des pièces 61 et 62 produites par l'appelante, démontre que son conseil a déposé les clefs litigieuses dans la case de l'avocat de l'intimé le 15 juillet 2022, et que ce n'est que le 18 juillet qu'elles ont été prises en possession par ce dernier.

Au regard de la nature particulièrement exacerbée des relations existant entre les parties, ne pas veiller de manière scrupuleuse à ce que les clés soient remises de manière contradictoire à son ex-mari avant le 1er juillet 2022 constitue assurément une faute de la part de l'appelante. Le fait qu'elle aurait remis une clé au fils commun ou à la femme de ménage, n'est pas de nature à faire disparaître cette faute.

Le premier juge a donc parfaitement bien analysé la situation en condamnant Madame [L] [X] à indemniser Monsieur [P] [Z] pour le trouble de jouissance. La somme retenue de 4000 euros, est également adaptée ; on ne saurait appliquer « le tarif commercial » réservé à des éventuels locataires tiers pour le cas de co indivisaires qui disposent d'un droit de jouir de leur bien.

A partir du moment où il est démontré que le 15 juillet 2022 le conseil de Monsieur [P] [Z] a été destinataire d'un double des clés de la maison, il n'y avait plus lieu de condamner Madame [L] [X] à la restituer.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Enfin, s'il paraît plausible que Madame [L] [X] puisse être en possession des poignées blindées et du cylindre de sûreté de marque MUL T LOCK qui ont été retirées de la porte d'entrée de la maison le 30 mai 2022 par la société Alser, il n'est pas exclu que ces pièces aient pu être détériorées lors des opérations effectuées par le serrurier Alser le 30 mai 2022 ' qui a évoqué dans sa facture du 31 mai 2022 une « ouverture forcée de la porte d'entrée » (annexe 53 de l'appelante) ce qui les rendraient inutilisables. En outre il n'est pas même établi que l'appelante soit toujours en possession de ces pièces.

En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [Z] quant à la restitution de ces éléments de serrurerie.

4) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

Madame [L] [X], partie succombante principale au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [P] [Z] une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de sa propre demande tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné Madame [L] [X] à restituer à Monsieur [P] [Z] le double des clés de la porte d'entrée de l'immeuble situé à Roquebrune sur Argens dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai

Et statuant à nouveau sur ces seuls points et y ajoutant

REJETTE la demande de Monsieur [Z] tendant à obtenir de Madame [L] [X] sa condamnation à lui restituer le double des clés de la porte d'entrée de l'immeuble dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision sous astreinte,

CONDAMNE Madame [L] [X] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Madame [L] [X] à verser à Monsieur [P] [Z] une somme de 2500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Madame [L] [X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/03551
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.03551 ?
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