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15/06/2023 | FRANCE | N°22/03111

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 15 juin 2023, 22/03111


MINUTE N° 309/2023





























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Céline RICHARD





Le 15 juin 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 15 Juin 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03111 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4ZF


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APPELANT :



Le Syndicat des copropriétaires du CENTRE COMMERCIAL EUROPE représenté par son syndic la S.A.S. FONCIA ALSACE ayant son siège social [Adresse 3],

sis [Adresse 2]



repr...

MINUTE N° 309/2023

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Céline RICHARD

Le 15 juin 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 Juin 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/03111 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4ZF

Décision déférée à la cour : 12 Mai 2022 par le juge de la mise en état de COLMAR

APPELANT :

Le Syndicat des copropriétaires du CENTRE COMMERCIAL EUROPE représenté par son syndic la S.A.S. FONCIA ALSACE ayant son siège social [Adresse 3],

sis [Adresse 2]

représenté par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me GROETZ, avocat à Colmar.

INTIMÉS :

Monsieur [I] [E]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002724 du 11/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

L'Entreprise [E] [I] exerçant sous le nom commercial KRS 36, prise en la personne de son représentant légal,

sise [Adresse 1]

représentés par Me Céline RICHARD, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiées (SAS) Pass pass net est une entreprise de nettoyage immatriculée au RCS de Colmar en date du 5 mai 2015 ayant pour dirigeant M. [I] [E].

Le 20 avril 2015, la SAS Foncia Alsace, représentant du syndicat des copropriétaires du centre commercial Europe (le syndicat CCE), a passé un contrat avec la société Pass pass net a effet rétroactif au 1er mars 2015.

Il prévoyait l'entretien ménager de la galerie et du centre commercial Europe ainsi que le nettoyage des extérieurs par la société qui bénéficiait à ce titre d'un local dans lequel elle pouvait entreposer son matériel.

Par la suite, M. [E] a fait enregistrer le 15 juin 2018 l'entreprise individuelle « [E] [I] », exerçant sous la dénomination « KRS 36 », au registre des entreprises.

Il a cédé dans le même temps ses actions de la SAS Pass pass net à M. [N] [O].

Le 16 mai 2019, le syndicat CCE a adressé à KRS 36 un courrier en recommandé en vue de lui notifier sa décision de rompre le contrat d'entretien avec effet au 31 mai 2019.

Se prévalant d'un préjudice lié à la perte de son matériel entreposé dans le local mis à sa disposition au moment de la réalisation de travaux sur le parking, ainsi que d'un préjudice lié à la rupture brutale des contrats, M. [E] et l'entreprise [E] ont, par acte d'huissier du 28 mai 2020, fait assigner le syndicat CCE devant le tribunal judiciaire de Colmar aux fins d'obtenir réparation des préjudices allégués.

Par requête du 5 janvier 2021, complétée par conclusions du 3 juillet 2021, le syndicat CCE a saisi le juge de la mise en état et sollicitait notamment que soit prononcée l'irrecevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir et fraude des demandeurs, ainsi que l'obligation de produire aux débats la preuve des contrats liant les parties, outre la preuve d'un titre de propriété du matériel litigieux et du stockage de celui-ci dans le local mis à disposition par le syndicat CCE.

Par ordonnance contradictoire du 12 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar a :

- rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir de M. [E] et de l'entreprise [E];

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'application du principe fraus omnia corrumpit;

- enjoint à M. [E] de développer dans ses conclusions au fond l'argument concernant son préjudice personnel fondé sur la responsabilité délictuelle du syndicat CCE ;

- enjoint à M. [E] et à l'entreprise [E] de produire le contrat de nettoyage daté et signé du 25 avril 2015 passé entre la SAS Pass pass net et le syndicat CCE, la preuve du paiement de 804,02 euros par le syndicat CCE au titre d'un acompte pour l'indemnisation de la perte du matériel, le contrat de cession de parts de la société Pass pass net afin de pouvoir déterminer quel était le sort réservé au matériel, tout élément démontrant à quel moment le matériel a été acquis et perdu, et des courriels ou courriers démontrant l'existence d'échanges dans le cadre des pourparlers relatifs à la conclusion d'un nouveau contrat et à quelles conditions ;

- enjoint au syndicat CCE de produire tout procès-verbal d'assemblée générale relatif au sort du contrat de nettoyage ou concernant la question relative à l'indemnisation de l'entreprise [E] suite à la demande de prise en charge de la facture faisant suite à la perte du matériel ;

- dit n'y avoir lieu d'assortir ces productions de pièces d'une astreinte ;

- rejeté le surplus des demandes formées par le syndicat CCE dont celle tenant à la production d'autres pièces que celles précitées et celles tenant aux sanctions en l'absence de production des pièces sollicitées ;

- rejeté les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Sur les fins de non-recevoir, le juge de la mise en état a considéré, à propos de l'intérêt et la qualité à agir de M. [E] et de l'entreprise [E], qu'il y avait eu novation par changement de débiteur du contrat de nettoyage signé le 20 avril 2015 entre la société Pass pass net et le syndicat CCE, laquelle ressortait de la production d'un document signé entre M. [E] et M. [O] le 2 janvier 2018 dans lequel ce dernier avait pris connaissance qu'aucun contrat de propreté ne figurait dans l'acte de cession de la société Pass pass net. Il estimait qu'une novation avait eu lieu en l'absence de cession du contrat, ce qui était confirmé par le courriel du 11 mai 2018 dans lequel M. [E] informait le syndicat CCE qu'il poursuivrait l'entretien du site malgré la cession des parts de son ancienne société Pass pass net.

Le juge de la mise en état, au vu de ces éléments, des virements du syndicat ayant changé de libellé pour l'être au nom de « nettoyage KRS » à compter du 3 août 2018, ainsi que de l'envoi par le syndicat du courrier de résiliation du contrat à l'entreprise [E], en a déduit que le syndicat CCE a eu connaissance de ce changement de débiteur et l'a accepté, et que les prestations prévues au contrat du 20 avril 2015 ayant continué à être effectuées par l'entreprise [E], celle-ci a qualité à agir en responsabilité contractuelle du syndicat CCE.

Il a également été reconnu à M. [E] intérêt et qualité pour agir à l'encontre du syndicat en ce sens que M. [E] était intéressé directement par les résultats financiers de son entreprise personnelle et pouvait alors faire valoir un préjudice personnel en se fondant sur la responsabilité délictuelle.

Le juge de la mise en état l'a invité à développer l'argument tiré de ce préjudice personnel et de la responsabilité délictuelle du syndicat dans ses futures conclusions au fond.

Enfin, à propos de la fin de non-recevoir tirée de l'application du principe fraus omnia corrumpit, le juge de la mise en état a estimé que le syndicat CCE ne rapportait pas la preuve d'une fraude à ses droits ou de ce que des irrégularités avaient eu lieu sur les comptes de la société Pass pass net.

Sur la production de pièces sollicitées par le syndicat CCE justifiant le bien fondé des demandes de M. [E] et son entreprise, le juge de la mise en état a considéré qu'il était opportun d'enjoindre la production des pièces susmentionnées au dispositif, celles-ci pouvant avoir un intérêt dans la solution à apporter au litige.

* * *

Le syndicat des copropriétaires du centre commercial Europe a interjeté appel de cette ordonnance le 4 août 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 novembre 2022, le syndicat CCE demande :

- de déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf celles ayant rejeté la demande de M. [E] et de l'entreprise [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre principal, de déclarer M. [E] et l'entreprise [E] irrecevables en leurs demandes et prétentions d'une part pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, et d'autre part en application de l'adage fraus omnia corrumpit eu égard à la potentielle fraude résultant des éléments invoqués ;

- à titre subsidiaire, de condamner M. [E] et l'entreprise [E], au besoin sous astreinte de 500 euros par jour que le conseiller chargé de la mise en état se réservera le droit de liquider, à produire la preuve :

d'un contrat liant les intimés à l'appelant ;

du paiement de 804,02 € par le syndicat CCE au titre d'un acompte pour l'indemnisation de la perte du matériel ;

de la perte et destruction du matériel ;

de l'origine de propriété dudit matériel et de son appartenance aux intimés au lieu et place de la société Pass pass net et, dans cette hypothèse, le lien entre ledit matériel et le contrat liant la société Pass pass net avec le syndicat CCE ;

du stockage dudit matériel dans un local mis à disposition par le syndicat CCE, et/ou sous sa responsabilité ;

de la possession par la société Pass pass net d'un compte bancaire à son nom ;

des extraits bancaires du compte de la Banque populaire terminant par 0099 sur la période 2015 avril 2018 ;

de l'enregistrement de la cession et de la publication légale de la société Pass pass net de M. [E] son nouveau propriétaire ;

séparément ou conjointement, de leur intérêt à agir.

- en tout état de cause, de condamner, solidairement, M. [E] et l'entreprise [E] à verser au syndicat CCE la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens des deux instances.

1. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir

Au soutien de son appel, le syndicat critique la position du juge de la mise au titre de la novation par changement de débiteur en l'absence de cession de contrat. L'appelant fait valoir qu'en ayant cédé les actions de la société Pass pass net le 2 janvier 2018, M. [E] a ainsi cédé l'intégralité de la société, soit d'une part le contrat liant la société Pass pass net au syndicat CCE, et d'autre part l'ensemble du matériel propriété de cette société, de sorte que les intimés n'ont ni qualité ni intérêt à agir.

L'appelant ajoute que la cession des « parts sociales » de la SAS Pass pass net aurait emporté de plein droit la cession du contrat qui en fait partie intégrante, alors que M [E], immatriculé uniquement le 2 mai 2018, ne pourrait revendiquer la reprise d'un contrat qui n'a pu être honoré entre la cession de ladite société et son immatriculation, puisque ce contrat n'aurait été rattaché à aucune société.

L'appelant soutient que M. [E] n'aurait pas davantage de qualité et d'intérêt à agir dès lors que, comme le constatait le juge de la mise en état, ce dernier n'est pas intervenu en son nom personnel au contrat de nettoyage, alors que l'action au fond tend à obtenir diverses indemnités sur la base des relations contractuelles entre la société Pass pass net et le syndicat CCE.

Le syndicat souligne également l'absence de toute déclaration de sinistre afférente au matériel litigieux de la part de M. [E] ou de son entreprise auprès d'un quelconque assureur.

Aussi, dès lors que la société Pass pass net a été mise en liquidation judiciaire le 2 juillet 2019 (annexe 4), l'action n'appartiendrait qu'au seul liquidateur nommé et non pas à M. [E].

2. Sur la fin de non-recevoir tirée de la fraude à la loi

L'appelant reproche aux intimés la commission de diverses infractions pénales, telles que le faux et l'usage de faux, le travail dissimulé et l'abus de biens sociaux qui concerneraient l'acte de cession de la société Pass pass net et les factures de prestations effectuées entre les mois de janvier et avril 2018.

Le syndicat indique qu'il ressort de l'examen de diverses pièces (extrait Kbis, consultation des sites infogreffe et société.com ' annexes 14, 9 et 10) et courriers (12 avril 2018 ' pièce 16 partie adverse) que M. [O] (prétendu cessionnaire) n'aurait pas occupé la nouvelle présidence de la société Pass pass net, et que celle-ci serait dans les faits toujours exercée par M. [E].

L'appelant affirme que la fraude se déduirait également du comportement de la société Pass pass net et de son gérant, qui avait fourni un relevé d'identité bancaire d'un compte non pas ouvert au nom de la société mais à celui de M. [E].

L'appelant conteste l'existence de tout préjudice découlant d'une perte brutale de contrat, dont se prévaut M. [E], alors que ce dernier ne fournirait que ses seuls extraits bancaires pour appuyer ses prétentions, sans fournir d'extraits bancaires au nom d'aucune de ses entreprises ou d'autres informations comptables.

Le syndicat reproche en outre au juge de la mise en état de ne pas s'être prononcé sur la question de savoir à qui il reviendrait d'allouer l'indemnisation sollicitée en cas de caractérisation d'une rupture abusive de contrat, d'un préjudice, et d'un lien de causalité.

Sur la perte du matériel, l'appelant relève que les intimés n'ont pas produit de factures d'achats afférentes, ni d'élément de preuve identifiant le propriétaire effectif du matériel.

L'appelant critique le premier juge d'avoir opéré une confusion entre les entreprises Pass pass net et [E] alors qu'aucun justificatif d'une transmission universelle de patrimoine (TUP) n'est fourni.

Enfin, le syndicat sollicite la production de diverses pièces complémentaires de nature à éclairer les débats.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 octobre 2022, M. [E] et l'entreprise [E] concluent au rejet de l'appel principal et à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Ils demandent :

- de déclarer l'appel mal fondé, et conséquemment débouter le syndicat CCE pris en la personne de son représentant la SAS Foncia Alsace de l'intégralité de ses demandes et conclusions ;

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- de condamner le syndicat CCE à payer aux intimés la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Les intimés indiquent que l'appelante était informée de la création de l'entreprise [E], tout comme l'était la société Foncia Alsace, en raison de courriels adressés à eux et de la transmission de l'extrait d'immatriculation et d'un RIB. Il leur avait été en outre clairement précisé que la cession de la société Pass pass net n'allait pas concerner le contrat d'entretien qui les liait, ce dernier contrat étant repris par l'entreprise [E] nouvellement créée.

Ils indiquent que les divers courriels sont constitutifs de commencements de preuve par écrit rendant vraisemblables l'existence d'un contrat liant le syndicat CCE et l'entreprise [E], tout comme le paiement pour les prestations effectuées aux termes des stipulations contractuelles sur le compte le M. [E] en sa qualité d'entrepreneur individuel.

Enfin, les intimés précisent que la résiliation du contrat d'entretien par courriel du « syndicat Foncia Alsace » en date 16 mai 2019, adressé à l'entreprise individuelle KRS 36, illustre bien que les parties étaient liées contractuellement.

Ils ajoutent que la perte du matériel de l'entreprise ainsi que la rupture brutale du contrat ont également causé à M. [E] un préjudice personnel dès lors que ses revenus dépendaient de l'activité de l'entreprise individuelle. La Cour de cassation admettrait le principe selon lequel un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors qu'il lui a causé un dommage (Cass., Ass. Plén., 13 janvier 2020, n° 17-19.963) de sorte qu'il présenterait un intérêt et une qualité à agir.

Les intimés, concernant la fraude alléguée, font valoir que l'appelante disposait de deux RIB, un de la société Pass pass net, un autre pour l'entreprise individuelle ouverte par Monsieur [I] [E], et qu'à partir du mois d'août 2018 les virements ont été effectués sur le compte bancaire à l'adresse du siège social de l'entreprise individuelle. La règlementation n'imposerait aucunement à une entreprise l'obligation d'ouvrir un compte bancaire professionnel consacré à son activité, celle-ci relevant d'ailleurs uniquement de la personnalité physique de l'entrepreneur.

Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, l'obligation de créer un compte dédié à l'activité d'une entreprise individuelle peut se traduire par l'ouverture d'un autre compte personnel dédié à l'activité professionnelle.

Enfin, sur la production de pièces, les intimés relèvent que l'appelante ne produit pas de procès-verbal d'assemblée générale relative au sort du contrat de nettoyage.

* * *

Par ordonnance du , la présidente de chambre a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 6 avril 2023 sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) sur l'intérêt à agir de Monsieur [I] [E] et sa société

La société Pass pass net dirigée par Monsieur [I] [E] a signé un contrat de nettoyage avec le syndicat des copropriétaires CCE le 20 avril 2015 avec un effet rétroactif au 1er mars, prévoyant qu'en échange de l'entretien de la galerie commerciale et de ses extérieurs par elle, le syndicat des copropriétaires s'engageait à lui verser une rémunération TTC de 4 200 € par mois et à lui mettre à disposition un local pour y entreposer son matériel.

Le 2 janvier 2018, Monsieur [I] [E] a cédé la société Pass pass net à Monsieur [O], Monsieur [I] [E] poursuivant une activité de même nature à titre personnel. Pour ce faire il s'est immatriculé à son nom le 2 mai 2018.

Monsieur [I] [E] affirme que le marché qui avaient été passé par son ancienne société avec le syndicat des copropriétaires CCE n'a pas fait partie de la cession de l'actif de la société au profit de Monsieur [O] et qu'une novation a eu lieu par substitution d'une des parties, à savoir la société Pass pass net par l'entreprise personnelle Monsieur [I] [E] sous dénomination KRS 36.

Ce raisonnement a été admis par le premier juge.

L'article 1329 du code civil prévoit qu'une novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation une obligation nouvelle qu'elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d'obligations entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.

En l'espèce, force est de constater que les obligations des parties telles qu'elles étaient définies au contrat de 2015 (à savoir une prestation de services définie à la charge de la société, le versement d'une rémunération d'un certain montant à la charge du syndicat) n'ont pas subi de modifications en 2018. Seule l'identité de la société débitrice de la prestation de services a changé.

Il en résulte, que les conditions préalables à une novation sont remplies.

Encore faut-il constater l'accord de toutes les parties à cette novation.

Les moyens soutenus par le syndicat des copropriétaires, selon lequel il ne pourrait y avoir eu novation en ce sens que, d'une part entre le moment de la cession de la société à Monsieur [O] le 2 janvier 2018 et l'immatriculation de la société KRS 36 le 2 mai 2018, Monsieur [I] [E] n'aurait pas eu de cadre légal pour exercer son activité, et d'autre part qu'il n'aurait pas été possible de dissiper de l'actif de la société Pass pass net ledit contrat, ne sauraient être retenus car dans les faits :

- le syndicat a été avisé, au moment de la cession de la société Pass pass net, de la survenue de cette session,

- Monsieur [I] [E] a alors informé le syndicat de ce qu'il allait personnellement continuer à exécuter les prestations objet du contrat de 2015 et que celui-ci n'entrait pas dans l'actif de la société cédée,

- le syndicat n'a alors nullement protesté pour demander, soit des éclaircissements juridiques quant à l'identité de son cocontractant, soit une renégociation du contrat,

- le syndicat, en continuant à verser la rémunération à Monsieur [I] [E] ou à sa nouvelle entreprise, et plus particulièrement sur un compte ouvert au nom personnel de Monsieur [I] [E], après avoir reçu des factures éditées par l'entreprise [E] [I] exerçant sous la dénomination KRS 36, a de ce fait tacitement accepté cette novation au profit de l'entreprise KRS 36,

-lorsque le syndicat a souhaité résilier le contrat d'entretien, il a adressé un courrier en ce sens en 2019 à l'entreprise KRS 36, et non à la société Pass pass net, ce qui démontre une fois encore que dans son esprit il y a bien eu novation.

Dans ces conditions, le premier juge, a, à juste titre, considéré qu'il y a eu novation du contrat initialement passé entre la société Pass pass net et le syndicat des copropriétaires du centre commercial Europe, par substitution de l'ancien débiteur de la prestation de services (Pass pass net) par l'entreprise KRS 36.

Par conséquent KRS 36 a bien un intérêt et une qualité à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle contre le syndicat des copropriétaires du centre commercial Europe pour la perte invoquée de son matériel qui aurait été entreposé dans les locaux de la copropriété ainsi que pour un éventuel préjudice découlant de la rupture abusive du contrat de nettoyage ou des pourparlers dont elle se plaint.

Corrélativement, Monsieur [I] [E] qui exerce une activité en son nom personnel sous la dénomination de KRS 36, dispose également d'un intérêt à agir contre le syndicat des copropriétaires sur un fondement délictuel, pour faire valoir son préjudice personnel. En effet, une rupture ' abusive ou non - des pourparlers ou du contrat, est susceptible d'affecter la situation financière de Monsieur [I] [E] qui retire ses ressources de l'activité de l'entreprise individuelle qu'il dirige.

La décision du premier juge, qui a reconnu l'existence d'un intérêt à agir de la part des deux intimés, sera confirmée, tout comme en ce qu'il a invité Monsieur [I] [E] à développer son argumentation concernant son préjudice personnel et la responsabilité délictuelle du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires ne saurait davantage soutenir utilement une fin de non-recevoir tirée de l'application du principe « fraus omnia corrumpit », au motif que Monsieur [I] [E] n'aurait pu développer son activité professionnelle sans avoir ignoré les droits de la société Pass pass net, alors que comme expliqué précédemment, le syndicat a été parfaitement informé de la cession de la société Pass pass net à Monsieur [O] et de ce que Monsieur [I] [E] s'engageait à continuer à effectuer les prestations de nettoyage dans le cadre de son entreprise individuelle KRS 36. Monsieur [I] [E] n'a jamais tenté de dissimuler cette situation au syndicat puisque les factures adressées à celui-ci étaient éditées au nom de KRS 36.

Comme le fait justement remarquer Monsieur [I] [E], l'activité KRS 36 étant développée à titre personnel, rien n'interdisait à Monsieur [I] [E] d'ouvrir un compte à son nom propre, dédié à son activité.

De surcroît, rien n'interdisait aux parties à la cession ayant porté sur la société Pass pass net, de stipuler qu'un marché ne serait pas intégré dans l'actif cédé, à partir du moment où la société ne fait pas l'objet d'une mesure de protection.

Le syndicat des copropriétaires qui soupçonne des détournements de fonds au détriment de la société Pass pass net, ne prouve nullement l'existence d'une infraction pénale ou comptable. Au demeurant il n'est pas davantage démontré que Monsieur [I] [E] s'est abstenu de verser ses cotisations sociales, de sorte qu'il n'est pas établi qu'il y aurait eu un travail dissimulé.

En outre, les allégations du syndicat selon lesquelles la société pass pass net aurait continué à être dirigée dans les faits par Monsieur [I] [E] même après la cession des parts à Monsieur [O], ne sont guère utiles, en ce que cette éventuelle situation n'aurait eu aucune incidence sur le présent litige à partir du moment où il y a eu une novation au niveau de l'identité de la personne débitrice de l'obligation de nettoyage.

Enfin, de manière générale, le syndicat des copropriétaires ne saurait se comporter en procureur de la république ; il convient pour lui de démontrer l'existence d'un préjudice du fait des « irrégularités » dénoncées et imputées à Monsieur [I] [E]. Or force est de constater que le syndicat ne rapporte pas l'existence d'un tel préjudice, puisqu'il est établi que la prestation de service de nettoyage a toujours été honorée par Monsieur [I] [E] exerçant une activité à son nom personnel.

Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge qui a rejeté la fin de non-recevoir tiré du principe de la fraude.

2) sur les demandes subsidiaires formulées par le syndicat des copropriétaires

A titre subsidiaire, le syndicat de copropriétaires sollicite la condamnation de M. [E] et de l'entreprise [E], au besoin sous astreinte, à produire la preuve d'un contrat liant les intimés à l'appelant. Cette demande n'a pas lieu d'être en ce sens que les parties sont liées par le contrat de 2015 qui a fait l'objet d'une novation au niveau de l'identité du débiteur de la prestation de nettoyage.

S'agissant des autres demandes, tendant à ce que les intimés produisent des documents concernant la perte de matériel allégué (preuve du paiement de 804,02 € par le syndicat CCE au titre d'un acompte pour l'indemnisation de la perte du matériel ; preuve de l'origine de propriété dudit matériel et de son appartenance aux intimés au lieu et place de la société Pass pass net ; preuve du stockage dudit matériel dans un local mis à disposition par le syndicat CCE, et/ou sous sa responsabilité), il y a lieu de rappeler que le procès est la chose des parties, qui sont soumises à des règles quant à la preuve. Ce n'est pas au juge de la mise en état de se substituer aux parties. La présente demande revient à conférer au juge de la mise en état un rôle qu'il n'a pas à assurer.

Les autres demandes du syndicat portent sur des questions de détention de comptes bancaires, puisqu'il réclame des intimés qu'ils prouvent la possession par la société Pass pass net d'un compte bancaire à son nom, produisent des extraits bancaires du compte de la Banque populaire terminant par 0099 sur la période 2015 avril 2018 ou encore la preuve de l'enregistrement de la cession et de la publication légale de la société Pass pass net de M. [E] au profit de son nouveau propriétaire. Elles seront également écartées pour la même raison évoquée plus haut.

Le jugement sera dès lors confirmé sur la question de production de pièces.

3) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance, statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

Le syndicat des copropriétaires du Centre commercial Europe, partie succombante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [I] [E] et l'entreprise [E] [I] exerçant sous la dénomination KRS 36 une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de sa propre demande tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance rendue le 12 mai 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Colmar en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires du Centre commercial Europe tendant à obtenir la condamnation de Monsieur [I] [E] et l'entreprise [E] [I] exerçant sous la dénomination KRS 36 à produire des documents,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du Centre commercial Europe aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Le syndicat des copropriétaires du Centre commercial Europe à verser à Monsieur [I] [E] et à l'entreprise [E] [I] exerçant sous la dénomination KRS 36 une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires du Centre commercial Europe fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/03111
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.03111 ?
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