La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2023 | FRANCE | N°22/02284

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 15 juin 2023, 22/02284


MINUTE N° 316/2023

























Copie exécutoire à



- Me Dominique HARNIST



- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ



- Me Laurence FRICK





Le 15 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02284 -

N° Po

rtalis DBVW-V-B7G-H3NP



Décision déférée à la cour : 20 Mai 2022 par le juge de la mise en état de SAVERNE





APPELANTES et intimées sur incident :



Madame [A] [J] [G] [R] veuve [V]

Madame [Z] [O] [N] [V]

demeurant toutes les deux [Adresse 5]



représe...

MINUTE N° 316/2023

Copie exécutoire à

- Me Dominique HARNIST

- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ

- Me Laurence FRICK

Le 15 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02284 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H3NP

Décision déférée à la cour : 20 Mai 2022 par le juge de la mise en état de SAVERNE

APPELANTES et intimées sur incident :

Madame [A] [J] [G] [R] veuve [V]

Madame [Z] [O] [N] [V]

demeurant toutes les deux [Adresse 5]

représentées par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

plaidant : Me HECKER, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉS et appelants sur incident :

1/ Madame [U] [I]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 4]

2/ Madame [B] [I]

demeurant [Adresse 1]

3/ Monsieur [P] [C] [I] Défendeur et intimé

demeurant [Adresse 2] à [Localité 4]

1 à 3/ représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, avocat à la cour.

4/ Madame [K] [I] épouse [Y]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 4]

4/ représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller , chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

[D] [V], époux de Mme [A] [R] et père de Mme [Z] [V] est décédé le 22 novembre 2015.

Soutenant que deux lingots d'or appartenant à [D] [V] avaient été remis à [X] [H] par [L] [F], compagne de ce dernier, décédée le 9 décembre 2012, puis avaient été revendus par la première, Mmes [A] [R] et [Z] [V], le 19 août 2020, ont fait assigner les filles de [X] [H] décédée en 2017, à savoir Mmes [U], [B] et [K] [I], ainsi que son mari, M. [P] [I] devant le tribunal judiciaire de Saverne aux fins de les voir condamner à leur payer la somme de 95 340 euros correspondant à la vente en Belgique de deux lingots d'or appartenant à [D] [V] et la non remise du produit de la vente à ce dernier, le prix étant réévalué au jour de l'assignation, et de la somme de 40 000 euros empruntée à [D] [V] et non remboursée, outre celle de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par requête et conclusions en date du 19 février 2021, Mme [K] [I] a soulevé devant le juge de la mise en état in limine litis l'irrecevabilité de l'assignation et des demandes adverses pour cause de prescription de l'action engagée et pour défaut d'intérêt à agir.

Par ordonnance du 20 mai 2022, le juge de la mise en état a :

déclaré les conclusions en réplique des requises et demanderesses en date du 18 mars 2021 irrecevables pour être atteintes de prescription ;

rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles ;

dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais irrépétibles ;

condamné solidairement Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] aux entiers frais et dépens de l'instance incidente et au fond.

Faisant application des dispositions de l'article 2276 du code civil, le juge a retenu que tant la vente que la revente alléguée des lingots litigieux tombaient sous le régime de la prescription de trois ans visée par cet article, cette prescription étant largement acquise au regard de la date de vente des lingots soit le 26 juin 2012. Il a ajouté que si on se plaçait au jour du décès de [D] [V], soit le 22 novembre 2015, la prescription était également acquise.

S'agissant de la somme de 40 000 euros, le juge a souligné qu'il était difficile de dater le prêt invoqué par les demanderesses au regard des témoignages produits et a constaté que l'action avait été intentée en 2020 soit plus de cinq ans après le « décès de M. [I] ».

Mmes [R] et [V] ont formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 14 juin 2022.

Selon ordonnance du 27 juin 2022, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 9 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2022, Mmes [R] et [V] demandent à la cour de :

sur l'appel principal :

infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 20 mai 2022 ;

statuant à nouveau :

rejeter les fins de non-recevoir opposées par les parties défenderesses et requérantes ;

statuant sur les appels incidents formés par les consorts [I] :

les rejeter ;

condamner les défendeurs et intimés à payer solidairement aux demanderesses une indemnité de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner solidairement aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel.

Mmes [V] et [R] soutiennent qu'elles ont qualité pour agir puisqu'elles sont héritières de [D] [V] et sont devenues titulaires des créances qui continuent d'exister dans l'ancien patrimoine du défunt.

Mme [R] et [V] indiquent que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'action engagée n'est pas une action en revendication de biens meubles, de sorte que les dispositions de l'article 2276 du code civil ne sont pas applicables. Elles précisent ainsi que les deux lingots d'or appartenant à [D] [V] ont été recelés par [X] [H] à son domicile sur la demande de [L] [F] qui les avait volés, avant d'être revendus à la société belge Orobel, de sorte que l'action en revendication des lingots n'est plus possible, celle-ci n'étant pas plus concevable, s'agissant de la somme de 40 000 euros prêtée par [D] [V] à [X] [H].

Mmes [R] et [V] exposent que l'action qu'elles ont engagée, pour les lingots d'or, a pour fondement la responsabilité civile extra contractuelle tendant à la réparation d'un dommage qui leur a été occasionné par [X] [H] du fait d'un préjudice causé par un vol et un recel et, s'agissant de la somme de 40 000 euros, a un fondement contractuel s'agissant d'obtenir le remboursement d'un prêt.

Elles se prévalent de deux attestations établies par [X] [H] le 22 juillet 2012 et le 21 janvier 2013 aux termes desquelles elle y reconnaît avoir prêté son concours actif à [L] [F] pour transférer des lingots d'or, propriété de [D] [V] et, à son insu, la vente des lingots étant, au demeurant, établie. Elles précisent que [X] [H] s'est ainsi fait prêter ces lingots d'or et une somme de 40 000 euros en espèces en vue de la réalisation d'un projet immobilier.

Elles font état de ce que la prescription est identique, que l'action repose sur un fondement extra-contractuel ou contractuel, les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant un délai de prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Elles soutiennent que le point de départ du délai de prescription n'apparaît pas fondamental puisque les articles 2240 et suivants prévoient des causes d'interruption de la prescription civile telle que la reconnaissance par [X] [H] du service rendu à [L] [F].

Mmes [R] et [V] indiquent que si la cour était amenée à considérer que l'action qu'elles ont engagée était une action en revendication de biens meubles, l'action ne serait pour autant pas prescrite, la mauvaise foi du possesseur différant l'acquisition de la prescription.

Elles soulignent que depuis la réforme opérée par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la question du délai de la prescription acquisitive en cas de possession de mauvaise foi d'un meuble n'est envisagée par aucun texte, de sorte que deux thèses peuvent être retenues :

- soit on retient les dispositions de l'article 2224 du code civil qui prévoit un délai de cinq ans pour les actions personnelles et mobilières ;

- soit on applique aux meubles, par analogie aux règles qui régissent la possession de mauvaise foi d'un immeuble, la prescription trentenaire visée à l'article 2272 du code civil.

Elles ajoutent que si la demande portant sur une contrevaleur de 95 340 euros au titre des deux lingots subtilisés peut éventuellement prêter à discussion quant à la qualification de sa nature, la demande de restitution de prêt de 40 000 euros qui se fonde sur une reconnaissance de dette expresse de [X] [H] ne peut que s'analyser en une action personnelle relevant de l'article 2224 du code civil.

Elles entendent rappeler que l'action en paiement d'un capital restant dû ne peut se prescrire qu'à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 23 décembre 2022, Mmes [U] et [B] [I] et M. [P] [I] demandent à la cour de :

sur l'appel principal :

le rejeter ;

débouter Mmes [A] [R] et [Z] [V] de l'intégralité de leurs fins et conclusions ;

confirmer la décision entreprise au besoin par substitution de motifs sous réserve de l'appel incident ;

sur appel incident :

infirmer la décision entreprise ;

en conséquence et statuant à nouveau :

les déclarer recevables et bien fondés en leurs fins de non-recevoir ;

déclarer Mmes [Z] [V] et [A] [R] irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité à agir et irrecevables car prescrites en leurs demandes ;

condamner Mmes [Z] [V] et [A] [R] in solidum à payer aux concluants la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;

les condamner in solidum aux entiers dépens des deux instances et à payer aux concluants la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le défaut de qualité à agir, les consorts [I] exposent qu'il n'est pas démontré que [L] [F] ait volé les biens en cause ni même que [X] [H] se soit rendue coupable de recel.

Ils ajoutent que le témoignage de Mme [M] établit que [L] [F] aurait prêté une somme de 40 000 euros à [X] [H] et deux lingots, ce qui confirme le défaut de qualité à agir de Mmes [V] et [R] puisque ce serait [L] [F] qui aurait volé [D] [V] et prêté de l'argent et deux lingots à [X] [H], de sorte que seule [L] [F] aurait eu qualité pour réclamer restitution de cet argent sauf condamnation de cette dernière pour vol au détriment de [D] [V], ce qui n'est pas le cas.

Ils considèrent qu'il n'existe aucune preuve de ce que l'argent proviendrait de manière certaine du patrimoine de [D] [V] et font état de ce que Mmes [R] et [V] ne peuvent revendiquer le bénéfice d'une action éventuellement née dans le patrimoine de leur auteur qu'à la condition que ce dernier ait entendu réclamer le bénéfice de cette action à son profit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ils ajoutent qu'en leur qualité d'héritiers, ils ne peuvent répondre d'une faute de leur auteur alors même que sa responsabilité n'a pas été mise en 'uvre de son vivant.

Sur la prescription, les consorts [I] contestent que [X] [H] ait reconnu le droit du débiteur.

Ils considèrent que le juge de la mise en état a correctement analysé que la prescription était acquise mais que si la cour devait considérer que l'action intentée est une action en responsabilité de Mmes [V] et [R] à l'encontre des héritiers de [X] [H], le délai de prescription applicable est de cinq ans, la prescription étant acquise, Mmes [R] et [V] ayant eu connaissance des prétendus faits fautifs au plus tard à la date de la plainte déposée pour vol contre [L] [F], soit le 4 octobre 2012, et aucune cause d'interruption n'étant intervenue, étant souligné que la reconnaissance invoquée doit émaner du débiteur prétendu et doit porter sur la reconnaissance du droit de celui contre lequel il prescrit.

Ils contestent que le décès de [X] [H] ait eu un effet interruptif de prescription, le décès étant un cas de suspension et non d'interruption de la prescription.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 20 décembre 2012, Mme [K] [I] demande à la cour de :

sur appel principal :

le rejeter ;

débouter les appelantes de l'intégralité de leurs fins et conclusions ;

confirmer le jugement dans la limite de l'appel incident ;

sur appel incident :

déclarer l'appel incident recevable ;

infirmer l'ordonnance du 20 mai 2022 en ce qu'elle :

*déclare les conclusions en réplique des requises et demanderesses en date du 18 mars 2021 irrecevables pour être atteintes de prescription,

* rejette ses demandes reconventionnelles,

* dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais irrépétibles ;

statuant a nouveau :

déclarer irrecevables les demandes formulées par Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] ;

condamner solidairement Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

condamner solidairement Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure de première instance ;

en tout état de cause :

condamner solidairement Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel ;

condamner solidairement Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Mme [I] indique que, quel que soit le fondement juridique retenu, la demande de Mmes [V] et [R] est irrecevable car prescrite.

S'agissant de la prescription visée à l'article 2276 du code civil, elle fait valoir que la prescription de l'action en restitution est de trois ans à compter de la perte ou du vol laquelle doit s'appliquer puisque la demande porte sur la restitution d'une chose qui est prétendument volée, la vente des lingots d'or litigieux remontant au 26 juin 2012 et la somme de 40 000 euros ayant été prêtée avant le mois de janvier 2013, étant souligné que les appelantes reconnaissent être en possession des informations quant aux deux faits qu'elles reprochent à Mme [I] au moins depuis le 9 décembre 2012, date à laquelle une plainte a été déposée par elle à l'encontre de [L] [F].

Elle ajoute qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 2240 du code civil puisque les deux courriers de l'année 2016 émanant du conseil de Mme [I] ne constituent pas une reconnaissance des faits et que la jurisprudence sur le prêt produite par les appelantes est rendue en matière de prêt bancaire avec paiement d'échéances successives et donc en matière contractuelle.

S'agissant de la prescription en matière de responsabilité délictuelle, elle rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer soit bien avant la fin de l'année 2016, étant souligné que les appelantes reconnaissent être en possession des informations quant aux deux faits qu'elles reprochent à [X] [H] au moins depuis le 9 décembre 2012 date à laquelle une plainte a été déposée par elle à l'encontre de [L] [F] et que le décès d'un débiteur potentiel ne fait que suspendre le délai de prescription pendant la période où il n'est pas possible d'agir.

Mme [I] fait valoir que Mmes [R] et [V] n'ont pas qualité pour agir puisque les fonds n'ont pas été empruntés auprès de [D] [V] mais que la somme de 40 000 euros a été prêtée par [L] [F] à [X] [H], seule la personne étant à l'origine du prêt pouvant en solliciter le remboursement et le fait qu'elles soient héritières de [D] [V] ne changeant rien à la situation.

Mme [I] justifie son appel incident en indiquant qu'il s'agit de déclarer les demandes de Mme [A] [R] et de Mme [Z] [V] irrecevables et non leurs conclusions.

Elle explique sa demande de dommages et intérêts par le fait que cette procédure, introduite à tort, constitue une procédure abusive et insultante à l'égard de sa mère.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en responsabilité civile extra-contractuelle portant sur les lingots d'or

Les appelantes contestent que leur action portant sur les lingots d'or soit une action en revendication de biens meubles mais ont précisé agir sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle.

Aux termes des dispositions de l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Aux termes de l'article 873 du même code, les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale, et hypothécairement pour le tout, sauf leur recours soit contre leurs co-héritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer.

La preuve de la dette successorale incombe au créancier, suivant les règles applicables en matière de charge, d'objet et de modes de preuve, ce qui implique que soit démontrée l'existence de la dette au jour de l'ouverture de la succession.

Or, force est de constater qu'à la date de son décès, soit le 22 novembre 2015, [D] [V] n'avait aucune créance de nature extra-contractuelle à l'égard de [X] [H] concernant les faits litigieux, de sorte que les appelantes, héritières de [D] [V] n'ont pas qualité et donc de droit à agir de ce chef à l'encontre des héritiers de [X] [H].

Elles sont donc déclarées irrecevables en leurs demandes formulées de ce chef.

Sur l'action en remboursement de la somme de 40 000 euros

Les appelantes soutiennent que [D] [V] a prêté la somme de 40 000 euros à [X] [H], ce qu'il leur appartient d'établir.

Toutefois, aucun des documents qu'elles produisent ne démontre l'existence d'un tel prêt accordé par [D] [V]. En effet, les deux attestations établies par [X] [H] en 2012 et 2013 n'en font pas mention et celle rédigée par Mme [M] le 29 novembre 2016 n'a pas de force probante sur ce point puisqu'elle ne fait, d'une part, que relater ce que M. [S], mari de l'assistante de vie de [D] [V], lui avait rapporté, à savoir que Mme [F] avait dit à cette dernière qu'elle avait prêté la somme de 40 000 euros à [E] [H] et, d'autre part, que donner un avis des personnes présentes autour de M. [S] ce jour-là selon lequel elles savaient toutes que cet argent appartenait à M. [V].

Ainsi, à défaut pour les appelantes de justifier de ce qu'elles ont hérité dans le patrimoine de [D] [V] d'un droit à créance de 40 000 euros au titre d'un prêt accordé par ce dernier à [X] [H], ces premières ne sont pas recevables en cette demande du fait de leur défaut de qualité pour agir.

L'ordonnance entreprise est infirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

A défaut de preuve de ce que le droit des appelantes d'ester en justice a dégénéré en abus, la demande de dommages et intérêts est rejetée.

L'ordonnance entreprise est donc confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est confirmée de ce chef.

A hauteur d'appel, Mmes [R] et [V] sont condamnées aux dépens.

Au regard de la nature de l'affaire, les parties sont déboutées de leurs demandes d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saverne du 20 mai 2022 en ce qu'elle a déclaré les conclusions en réplique des requises et demanderesses en date du 18 mars 2021 irrecevables pour être atteintes de prescription ;

CONFIRME, pour le surplus, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saverne du 20 mai 2022 ;

Statuant de nouveau sur le point infirmé et y ajoutant :

DÉCLARE Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] irrecevables en leurs demandes ;

CONDAMNE Mme [A] [R] et Mme [Z] [V] aux dépens de la procédure d'appel ;

REJETTE les demandes en paiement d'indemnités formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02284
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.02284 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award