La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2023 | FRANCE | N°23/01021

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 09 juin 2023, 23/01021


MINUTE N° 283/2023





























Copie exécutoire

aux avocats



Le 9 juin 2023



La greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 09 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01021 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IA4F



Décision déférée à la cour : 16 Février 202

3 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTES :



La S.E.L.À.R.L. MJ SYNERGIE - MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès qualités de mandataire judiciaire de la société CLESTRA HAUSERMANN

ayant son siège social [Adresse 3] à

[Localité 4]



La S.E.L.A.S. MJ...

MINUTE N° 283/2023

Copie exécutoire

aux avocats

Le 9 juin 2023

La greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/01021 -

N° Portalis DBVW-V-B7H-IA4F

Décision déférée à la cour : 16 Février 2023 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTES :

La S.E.L.À.R.L. MJ SYNERGIE - MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès qualités de mandataire judiciaire de la société CLESTRA HAUSERMANN

ayant son siège social [Adresse 3] à

[Localité 4]

La S.E.L.A.S. MJE ès qualités de mandataire judiciaire de la société CLESTRA HAUSERMANN

ayant son siège social [Adresse 2] à

[Localité 5]

représentées par Me Eulalie LEPINAY, Avocat à la cour

avocat plaidant : Me Hubert METZGER, Avocat à [Localité 8]

INTIMÉE :

L'institution de prévoyance ARPEGE PREVOYANCE,

membre d'AG2R LA MONDIALE et du GIE AG2R,

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à

[Localité 6]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

avocat plaidant : Me OZINGI, Avocat à [Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contrdictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La société Clestra Hauserman a souscrit auprès de l'organisme Arpège Prévoyance trois contrats collectifs de prévoyance et santé qui ont pris effet le 1er janvier 2022.

La société Clestra Hauserman a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire selon jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg du 1er août 2022, converti en liquidation judiciaire par un jugement du 12 octobre 2022.

Un plan de cession a été adopté, par jugement du 13 octobre 2022, au profit de la société Jestia.

Par courrier du 20 octobre 2022, Me [L] a sollicité de l'institution de prévoyance Arpège Prévoyance, pour les 86 salariés licenciés, le maintien, à titre gratuit, des garanties issues des trois contrats de prévoyance et de santé, et a procédé au règlement des cotisations du 3ème trimestre 2022 arrivées à échéance.

Le 27 octobre 2022, l'institution Arpège Prévoyance a procédé à la résiliation des contrats, à effet au 31 décembre 2022.

Dûment autorisées par ordonnance du 8 décembre 2022, la SELARL MJ Synergie - mandataires judiciaires - et la SELAS MJE, agissant en qualité de co-mandataires judiciaires de la société Clestra Hauserman, ont, selon exploit du 12 décembre 2022, assigné Arpège Prévoyance selon la procédure à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Strasbourg afin notamment d'assurer la mise en place de la portabilité des droits des salariés licenciés de la société Clestra Hauserman au titre des contrats conclus par l'entreprise avec cette institution de prévoyance.

Par un jugement du 16 février 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg a débouté les co-liquidateurs de l'intégralité de leurs demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties ses propres dépens.

Le tribunal a notamment retenu que le seul fait que la société Clestra Hauserman soit placée en liquidation judiciaire n'avait pas rendu inapplicable le dispositif de portabilité prévu par l'article L.911-8 du code de la sécurité sociale ; que selon un avis de la Cour de cassation du 6 novembre 2017, les garanties maintenues étaient celles en vigueur dans l'entreprise ce qui impliquait que la couverture dont bénéfice les anciens salariés puisse cesser en cas de résiliation du contrat collectif non suivie de la souscription d'un nouveau contrat ; que du fait de la résiliation des contrats par l'assureur à leur échéance annuelle, en application des dispositions d'ordre public du code de la sécurité sociale, les garanties collectives des salariés portés avaient cessé au jour de la résiliation du contrat liant l'employeur à l'organisme assureur, et que l'antériorité du fait générateur de l'obligation de l'assureur, à savoir le licenciement, par rapport à la résiliation des contrats d'assurance était sans emport dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un régime par capitalisation.

Le tribunal a en effet estimé que pour que le contrat en cours à la date de la rupture des contrats de travail permette d'assurer aux salariés licenciés le bénéfice des garanties sur la durée totale de la portabilité, il aurait fallu que le contrat ne soit pas résilié jusqu'au terme de la portabilité. Il en a déduit que les contrats ayant pris fin le 31 décembre 2022, le maintien des garanties aux anciens salariés de la société Clestra Hauserman, dans le cadre de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, avait cessé de plein droit le 31 décembre 2022.

La SELARL MJ Synergie - mandataires judiciaires - et la SELAS MJE, agissant en qualité de co-mandataires judiciaires de la société Clestra Hauserman ont interjeté appel de ce jugement le 15 mars 2023 en toutes ses dispositions

Par ordonnance de la présidente de chambre, déléguée de la première présidente, du 16 mars 2023, elles ont été autorisées à assigner l'institution Arpège Prévoyance à comparaître le 5 mai 2023 devant la cour, selon la procédure à jour fixe.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs écritures transmises par voie électronique le 16 mars 2023, la SELARL MJ Synergie - mandataires judiciaires - et la SELAS MJE, agissant en qualité de co-mandataires judiciaires de la société Clestra Hauserman demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

- déclarer leur demande recevable et bien fondée,

- enjoindre à l'institution de prévoyance Arpège Prévoyance de leur communiquer, ès qualités, tous les documents et formulaires nécessaires à la mise en oeuvre de la portabilité des garanties de prévoyance et santé prévue par l'article L.911-8 du code de la sécurité sociale, sous peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du 'jugement' à intervenir,

- condamner Arpège Prévoyance à maintenir ses garanties au titre des contrats collectifs de prévoyance et de santé n°6365326P, 0NY7906M et 0NY7907M souscrits au profit des anciens salariés de la société Clestra Hauserman, répondant aux conditions de l'article L.911-8 du code de la sécurité sociale, pendant la durée prévue par les dispositions de cet article ;

- enjoindre à Arpège Prévoyance d'exécuter ses obligations contractuelles et légales, notamment de procéder au paiement des prestations de prévoyance et de santé des anciens salariés de la société Clestra Hauserman, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du 'jugement' à intervenir ;

- dire et juger que durant la période de portabilité, Arpège Prévoyance devra assurer aux

salariés toutes prestations dues au titre des contrats de prévoyance et de santé ;

- condamner Arpège Prévoyance à payer à Me [P] [L] et à Me [Z] [B], en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Clestra Hauserman, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Les co-mandataires judiciaires font valoir qu'en application de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, les salariés garantis collectivement pour le remboursement de leurs frais de santé, de maternité ou de prévoyance bénéficient du maintien de leur couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, et ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage ; que le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail consécutifs chez le même employeur, la durée maximale de ce dispositif dit de 'portabilité' étant de douze mois ; enfin, que les garanties maintenues sont celles en vigueur dans l'entreprise.

Les co-mandataires appelants font valoir qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir réglé les cotisations du 4ème trimestre 2022, comme l'a retenu le tribunal, alors qu'aucun avis de cotisations ne leur a été adressé.

Ils soutiennent que si la note accompagnant l'avis de la Cour de cassation confirme la possibilité pour les institutions de retraite et de prévoyance de résilier les contrats à leur échéance, elle ne se prononce toutefois pas sur le fait générateur à retenir pour l'application des garanties contractuelles, or de nombreux arrêts de cours d'appel considèrent, s'agissant des garanties en vigueur, que les contrats doivent être en cours, au jour du licenciement.

Les appelants relèvent enfin que le moyen tiré du défaut de financement du fait de la liquidation judiciaire est inopérant, la jurisprudence l'ayant écarté , la loi ne distinguant pas selon que l'employeur est ou non in bonis.

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 18 avril 2023, l'institution de prévoyance Arpège Prévoyance demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 février 2023, de rejeter toutes les demandes des co-liquidateurs judiciaires et de les condamner à lui verser une somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêt légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et aux entiers dépens des deux instances.

L'intimée oppose que le mécanisme de portabilité est inapplicable dès lors que les contrats ont été résiliés, et ce y compris en cas de liquidation judiciaire, comme l'a retenu le tribunal qui ne s'est pas fondé sur un défaut de paiement des cotisations comme cela est prétendu.

Elle fait valoir que la portabilité prévue par l'article L.911-8 est une obligation de droit du travail qui pèse sur les employeurs et leur impose de prévoir, sous certaines conditions, un maintien de la couverture complémentaire mise en place dans l'entreprise quand le contrat de travail est rompu.

L'une de ces conditions tient au fait que la garantie soit en vigueur dans l'entreprise, la portabilité des droits suivant le même sort que la couverture des salariés en activité.

Une autre condition tient à son financement, puisque le maintien des droits à titre gratuit implique un financement par mutualisation provenant de l'employeur et des salariés actifs, s'agissant d'un système par répartition. Or en cas de résiliation des contrats, le mécanisme de la portabilité se heurte à l'impossibilité de financer les garanties, puisqu'en l'absence de cotisations concernant des salariés actifs le financement de la portabilité des droits n'est plus assuré.

Par voie de conséquence, dès lors que les contrats d'assurance sont résiliés, l'employeur est délié de son obligation d'assurer à ses anciens salariés un maintien des garanties.

L'intimée ajoute que l'assureur n'est tenu que par les stipulations contractuelles qui le lient à l'entreprise, ce qui suppose que le contrat ne soit pas résilié, outre le fait qu'en la matière les parties sont libres de prévoir la cessation des garanties lorsque les primes ne sont plus payées.

Elle relève que les décisions de jurisprudence invoquée par les appelantes ne sont pas transposables dans la mesure où elle se rapportent à des hypothèses dans lesquelles le contrat n'avait pas été résilié, alors que dans un arrêt du 10 mars 2022 la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s'est clairement prononcée en faveur d'une absence de maintien des garanties en cas de résiliation du contrat.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

Comme l'a exactement retenu le tribunal, ces dispositions qui n'opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises in bonis et les salariés dont l'employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte.

À cet égard, l'article L. 911-8, 3°, du code de la sécurité sociale précisant que les garanties maintenues au bénéfice des anciens salariés sont celles en vigueur dans l'entreprise, le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié.

En effet, si le licenciement constitue le fait générateur de la portabilité des droits, celle-ci n'a pas d'autre support que le contrat de prévoyance collectif applicable dans l'entreprise, de sorte que l'objet du maintien des droits est nécessairement constitué par les garanties en vigueur dans l'entreprise au jour de leur mise en oeuvre, sauf à reconnaître aux salariés licenciés plus de droits qu'aux salariés actifs de l'entreprise, alors que la seule obligation qui pèse sur l'assureur est le versement des prestations prévues par le contrat le liant à l'employeur, et que cette obligation cesse en cas de résiliation du contrat d'assurance collective non suivie de la souscription d'un nouveau contrat, à l'égard de tous les salariés.

Comme l'a exactement retenu le tribunal, la condition de non-résiliation du contrat d'assurance collective s'impose non seulement au jour du licenciement, mais aussi ultérieurement tout au long de la période de portabilité.

C'est dès lors à bon droit que le tribunal, après avoir constaté que l'institution de prévoyance Arpège prévoyance avait résilié les contrats souscrits par la société Clestra Hauserman à effet au 31 décembre 2022, de sorte que les garanties ouvertes avaient pris fin et n'étaient plus en vigueur dans l'entreprise, a rejeté la demande des co-mandataires judiciaires visant à obtenir le maintien des garanties postérieurement à cette résiliation.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront supportés par les appelantes, qui seront déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel. Il sera en revanche alloué à l'intimée, sur ce fondement, une somme de 1 500 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 16 février 2023, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la SELARL MJ Synergie - mandataires judiciaires - et la SELAS MJE, agissant en qualité de co-mandataires judiciaires de la société Clestra Hauserman, de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

CONDAMNE la SELARL MJ Synergie - mandataires judiciaires - et la SELAS MJE, agissant en qualité de co-mandataires judiciaires de la société Clestra Hauserman, aux entiers dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à l'institution de prévoyance Arpège Prévoyance la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 23/01021
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;23.01021 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award