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08/06/2023 | FRANCE | N°22/02782

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 juin 2023, 22/02782


MINUTE N° 291/2023





























Copie exécutoire à



- Me Ahlem RAMOUL-

BENKHODJA



- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY





Le 8 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 08 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02782 -
r>N° Portalis DBVW-V-B7G-H4IW



Décisions déférées à la cour : 16 décembre 2021, rectifiée le 29 mars 2022, rendues par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse





APPELANTE :



La SARL GRTH, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège s...

MINUTE N° 291/2023

Copie exécutoire à

- Me Ahlem RAMOUL-

BENKHODJA

- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY

Le 8 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02782 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H4IW

Décisions déférées à la cour : 16 décembre 2021, rectifiée le 29 mars 2022, rendues par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTE :

La SARL GRTH, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège social [Adresse 1]

représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, Avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [V] [C]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Courant 2016-2017, M. [V] [C] a fait réaliser des travaux de charpente et de zinguerie par la SARL GRTH sur l'immeuble situé [Adresse 3].

Le 30 octobre 2017, la société GRTH a établi une facture au nom de M. [V] [C] pour un montant de 30 127,70 euros TTC.

Le 18 novembre 2020, la SARL GRTH a fait assigner M. [V] [C] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de paiement d'une somme de 11 764,33 euros au titre du solde restant dû.

Par requête incidente en date du 14 avril 2021, M. [C] a saisi le juge de la mise en état aux fins de faire constater l'irrecevabilité de l'action intentée par la SARL GRTH.

Par ordonnance du 16 décembre 2021, rectifiée le 29 mars 2022, le juge de la mise en état a :

déclaré l'action intentée par la SARL GRTH irrecevable ;

condamné la SARL GRTH à payer à M. [V] [C] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL GRTH aux dépens.

Le juge a rappelé les dispositions, d'une part, de l'article L.218-2 du code de la consommation qui dispose que « l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans » et, d'autre part, de l'article 2240 du code civil aux termes duquel « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription ».

Il a indiqué qu'il appartenait à celui qui se prévalait de la prescription d'en rapporter la preuve et à celui qui invoquait un acte interruptif du délai de prescription de le démontrer.

Il a relevé qu'il n'était pas contesté par les parties que le délai de prescription de l'action avait commencé à courir au jour de l'émission de la facture pour expirer au 30 octobre 2019. Il a retenu que l'action était prescrite puisque l'assignation avait été signifiée le 18 novembre 2020, soit postérieurement au 30 octobre 2019.

Il a considéré que la SARL GRTH ne démontrait pas l'existence d'actes interruptifs, l'extrait comptable fourni par celle-ci portant la mention d'un paiement d'un montant de 1 636,53 euros effectué le 30 juin 2019 par M. [C] contesté par ce dernier, ayant été réalisé par la société GRTH et se trouvant ainsi dépourvu de force probante.

Il a souligné que ledit extrait portait, en outre, la mention manuscrite « 18 383,47 euros reçu », ce montant correspondant aux quatre premiers versements effectués par M. [C] de 4 000 euros, 8 435,97 euros, 2 200 euros et 3 727 euros, dont ce dernier ne contestait pas la réalité mais excluait le versement allégué en date du 30 juin 2019.

Le juge en a déduit qu'aucun paiement n'était venu interrompre le délai de prescription.

La société GRTH a formé appel à l'encontre de ces ordonnances par voie électronique le 19 juillet 2022.

Selon ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du 2 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, la société GRTH demande à la cour de :

infirmer les ordonnances du 16 décembre 2021 et 29 mars 2022 prononcées par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse dans l'ensemble de leurs dispositions ;

statuant à nouveau :

dire et juger que son action n'est pas prescrite ;

en conséquence :

déclarer son action recevable ;

ordonner la poursuite de l'instance devant le tribunal judiciaire de Mulhouse sur le fond ;

condamner M. [C] aux entiers frais et dépens ;

condamner M. [C] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GRTH fait valoir qu'en application de l'article 2240 du code civil, la jurisprudence a retenu que la reconnaissance résulte de tout fait qui implique sans équivoque l'aveu de l'existence du droit du créancier et qu'elle affirme de manière constante que si l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, et que le délai de prescription commence à courir à compter de la date d'établissement de la facture par l'entrepreneur, ce délai peut être interrompu par des règlements valant reconnaissance par le débiteur du droit contre lequel il prescrit au sens de l'article 2240 du code civil, cette reconnaissance, même limitée au montant du devis initial, entraînant pour la totalité de la créance un effet interruptif de prescription, sans possibilité de fractionnement.

Elle se prévaut de l'existence d'un virement effectué le 30 juin 2019 par M. [C] d'un montant de 1 636,53 euros, lequel vaut reconnaissance par le débiteur de sa dette et est interruptif de prescription, de sorte qu'un nouveau délai de deux ans a couru à compter du 30 juin 2019 pour expirer le 30 juin 2021, ce qui rend recevable l'assignation signifiée le 18 novembre 2020 à M. [C].

Elle ajoute que la valeur probante d'un extrait comptable ne peut être remise en cause du seul fait qu'il est établi par la société elle-même, l'appréciation de cette valeur devant reposer sur plusieurs indices permettant de remettre en doute la véracité de celui-ci, tel que des erreurs dans les montants ou des oublis inexpliqués qui traduiraient une mauvaise tenue de la comptabilité, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, la mention « client douteux » permettant uniquement d'indiquer que M. [C] n'a pas réglé en temps et en heure ses factures.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 20 octobre 2022, M. [C] demande à la cour de :

rejeter l'appel de la SARL GRTH contre l'ordonnance du 16 décembre 2021 et celle du 29 mars 2022 ;

confirmer lesdites ordonnances entreprises au besoin par substitution de motif ;

au besoin, dire et juger que l'invocation de l'interruption de la prescription du fait d'un règlement qui serait intervenu le 30 juin 2019 se heurte au principe de l'estoppel ;

en conséquence :

confirmer l'irrecevabilité des demandes de la société GRTH ;

condamner la SARL GRTH aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à une indemnité de l 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] soutient qu'il a réglé au total la somme de 22 602,50 euros à savoir 10 000 euros le 31 octobre 2017, 6 675 euros le 6 juillet 2018, 2 200 euros le 10 octobre 2018 et 3 727,50 euros le 5 novembre 2018, mais conteste avoir procédé à un quelconque règlement le 30 juin 2019.

Il indique que la société GRTH est totalement défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe quant à l'interruption prétendue de la prescription.

Il souligne que le dernier règlement qu'il a opéré est celui du 5 novembre 2018 à hauteur de 3 727,50 euros, ce qui ressort de l'extrait du compte client [C] que la partie adverse produit, la mention « client [C] douteux » portée à côté de l 636,53 euros ne justifiant pas d'un paiement mais signifiant que la société GRTH a passé le solde de la créance en créance douteuse pour permettre de l'évacuer comptablement.

Il ajoute que la société GRTH se contredit dans cette même procédure puisqu'elle a reconnu dans son assignation que le dernier règlement opéré était celui du 5 novembre 2018 et que ce n'est qu'une fois que la prescription a été soulevée qu'elle a imaginé soutenir que la ligne comptable du 30 juin 2019 était la preuve d'un règlement ; le principe de l'estoppel qui caractérise une fin de non-recevoir rend donc irrecevable l'argumentation développée par la société GRTH portant sur l'effet interruptif de la prescription d'un paiement inexistant.

M. [C] indique produire en toute transparence un état des virements qu'il a opérés entre le 3 juin 2019 et le 5 juillet 2019, aucun règlement n'y figurant au profit de la partie adverse ni aucun paiement d'une somme équivalente à ce que revendique la société GRTH.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Il n'est pas contesté que le délai de prescription de l'action de la société GRTH a commencé à courir à compter de l'établissement de la facture soit le 30 octobre 2017.

La société GRTH se prévaut de l'existence d'un virement effectué par M. [C] le 30 juin 2019 pour un montant de 1 636,53 euros lequel vaudrait reconnaissance par M. [C] de sa dette et serait, de ce fait, interruptif de prescription.

Cependant, force est de constater que la société GRTH n'apporte pas la preuve de ce qu'un tel règlement serait intervenu, le document qu'elle produit (pièce 4a) intitulé « compte 01000027 CLIENTS A 10%-[C]) n'étant pas suffisant, à cet égard, puisqu'il est établi par la société GRTH elle-même, qu'il n'indique pas que la somme de 1 636,53euros correspond à un règlement, la mention « CLIENTS [C] DOUTEUX » apposée sur la même ligne ne démontrant pas l'existence du paiement.

De surcroît, dans son assignation du 18 novembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Mulhouse qu'elle a signifiée à M. [C], la société GRTH a clairement indiqué que ce dernier avait procédé à quatre règlements soit le 15 novembre 2017 (4 000 euros), le 7 septembre 2018 (8 435,97 euros), le 8 octobre 2018 (2 200 euros) et le 5 novembre 2018 (3 727,50 euros) sans mentionner un règlement effectué le 30 juin 2019 pour 1 636,53 euros, de sorte que, par application du principe de l'estoppel qui interdit à une partie de revenir sur une position claire adoptée à l'égard de son adversaire modifiant les rapports entre les parties et conduisant l'adversaire à modifier également sa position, la société GRTH n'apparaît pas recevable à se prévaloir de l'effet interruptif d'un règlement effectué le 30 juin 2019 pour 1 636,53 euros.

Le dernier règlement effectué par M. [C] sur la facture émise le 30 octobre 2017 a eu lieu le 5 novembre 2018 et a produit un effet interruptif du délai de prescription qui courrait donc jusqu'au 5 novembre 2020.

Considérant que l'assignation a été délivrée à M. [C] le 18 novembre 2020, soit au-delà, la prescription est acquise.

L'ordonnance du 16 décembre 2021 doit donc être confirmée en ce qu'elle a déclaré la société GRTH irrecevable en son action.

Sur les dépens et les frais de procédure

Les ordonnances entreprises sont confirmées de ces chefs.

A hauteur d'appel, la société GRTH est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GRTH est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse du 16 décembre 2021 rectifiée par l'ordonnance du 29 mars 2022 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SARL GRTH aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la SARL GRTH à payer à M. [V] [C] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE la SARL GRTH de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02782
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.02782 ?
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