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08/06/2023 | FRANCE | N°22/01791

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 juin 2023, 22/01791


MINUTE N° 294/2023

























Copie exécutoire à



- Me Mathilde SEILLE



- la SCP CAHN et Associés



- Me Claus WIESEL



- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY



- la SELARL ARTHUS





Le 8 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



Numéro

d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01791 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2SA



Décision déférée à la cour : 24 Mars 2022 par le juge de la mise en état de STRASBOURG





APPELANTS :



Monsieur [N] [Z]

Madame [E] [G] épouse [Z]

demeurant ensemble [Adresse 3]



rep...

MINUTE N° 294/2023

Copie exécutoire à

- Me Mathilde SEILLE

- la SCP CAHN et Associés

- Me Claus WIESEL

- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY

- la SELARL ARTHUS

Le 8 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01791 -

N° Portalis DBVW-V-B7G-H2SA

Décision déférée à la cour : 24 Mars 2022 par le juge de la mise en état de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [N] [Z]

Madame [E] [G] épouse [Z]

demeurant ensemble [Adresse 3]

représentés par Me Mathilde SEILLE, Avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me WOJCIKIEWICZ, Avocat à Paris.

INTIMÉES :

1/ La société AUDI AG, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 5] à

[Localité 7] - (ALLEMAGNE)

2/ La S.A. VOLKSWAGEN GROUP FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2] à

[Localité 1]

1 et 2/ représentées par la SCP CAHN et Associés, Avocats à la cour.

Avocat plaidant : Me Bénédicte SIMONNEAU, Avocat à Paris.

3/ La société AUDI ZENTRUM HANNOVER GMBH, société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 8] à

[Localité 6] (ALLEMAGNE)

représentée par Me Claus WIESEL, Avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me BELTZ, Avocat à Paris.

4/ La S.A.R.L. CAROSSERIE ALAIN RITTER, exerçant sous l'enseigne GARAGE RVO, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 4]

5/ La SARL R.C.L, exerçant sous l'enseigne POINT S, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 4]

4 et 5/ représentées par Me CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour.

6/ La S.A.S. SCALA NARBONNE, exerçant sous l'enseigne PLAISANCE AUTOMOBILES GROUP, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 10]

Représentée par la SELARL ARTHUS, Avocats à la cour.

7/ La société LINA-AUTOMOBILE E.K, société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9]

(ALLEMAGNE)

Non représentée malgré assignation régulièrement déposée le 31 août 2022 par les autorités compétentes

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam DENORT, Conseiller, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, Conseiller,

Madame Nathalie HERY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

* * * * * *

FAITS et PROCÉDURE

M. [N] [Z] et Mme [E] [G], épouse [Z] ont acquis, le 26 octobre 2013, un véhicule d'occasion auprès de la société Lina Automobile e.K, s'agissant d'un véhicule Audi modèle S6, mis en circulation le 18 septembre 2007 et totalisant, lors de la vente, 91 700 km.

Après expertise judiciaire ordonnée par une décision de référé du 12 juillet 2016, dont le rapport a été signé le 25 avril 2019, les époux [R] ont, courant juillet 2020, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Strasbourg la société Lina Automobile e.K, la société Audi AG, la société Audi Hannover GmbH, la société Scala Narbonne, exerçant sous l'enseigne Plaisance Automobiles, la société Volgswagen Group France, la société RCL, exerçant sous l'enseigne Point S, et la société Carrosserie Alain Ritter.

Contestant les conclusions de l'expert judiciaire, ils sollicitent du tribunal qu'il prononce la nullité du rapport d'expertise, qu'il constate que le véhicule était affecté de vices cachés dont sont responsables la société Lina Automobile e.K, venderesse du véhicule, les sociétés Audi AG en tant que constructeur et Audi Hannover GmbH en tant qu'intervenante sur le moteur d'origine, qu'il prononce la nullité de la vente et ordonne la restitution du prix de vente en échange de la reprise du véhicule et condamne les défenderesses à leur payer des dommages-intérêts.

Par ses conclusions d'incident du 13 janvier 2021, la société Audi AG a sollicité du juge de la mise en état qu'il dise que l'action directe en garantie légale des vices cachés des époux [R] à son encontre est soumise au droit allemand et donc irrecevable ou prescrite.

Par des conclusions d'incident du 3 février 2021, la société Audi Hannover GmbH a elle-même sollicité du juge de la mise en état qu'il juge que le contrat de réparation entre M. [J] [U] et la société Audi Hannover GmbH est lui aussi soumis à la loi allemande et que l'action directe des demandeurs à son encontre doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir et, subsidiairement, comme étant prescrite depuis le 27 mars 2015.

Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge de la mise en état a :

- déclaré irrecevable la demande des consorts [Z] tendant à obtenir la nullité du rapport d'expertise,

- les a déboutés de leur demande tendant à ce que le juge de la mise en état renvoie le dossier devant la juridiction au fond statuant en collégialité,

- a déclaré irrecevables les demandes des consorts [Z] dirigées contre la société Audi Hannover GmbH, en qualité de réparateur du véhicule en mars 2013, sur le fondement contractuel,

- a déclaré irrecevables leurs demandes formées contre la société Audi AG sur le fondement contractuel,

- a réservé les droits des parties et la question des dépens et renvoyé le dossier à une audience ultérieure de mise en état.

Le juge de la mise en état a retenu que la demande de nullité du rapport d'expertise n'entrait pas dans le champ de ses compétences, tel que défini par l'article 122 du code de procédure civile, auquel renvoyait l'article 789, cette demande relevant du seul juge du fond. Il en était de même de la demande tendant au prononcé de la résolution de la vente.

Sur le renvoi de l'affaire devant la juridiction de jugement, il a considéré que, si l'article 789 du code de procédure civile prévoyait la possibilité, pour le juge de la mise en état, de renvoyer l'incident devant la juridiction de jugement, c'était exclusivement si la fin de non-recevoir nécessitait que fût tranchée au préalable une question de fond, ce qui n'était le cas, en l'espèce, d'aucun des incidents soulevés valablement.

Sur la recevabilité de la demande fondée sur la garantie légale des vices cachés à l'encontre de la société Audi AG, le juge de la mise en état a rappelé que le véhicule litigieux, fabriqué en Allemagne par cette société, avait été acquis par les consorts [Z] auprès de la société Lina Automobile e.K, ces deux sociétés étant de droit allemand, la vente ayant été réalisée en Allemagne et tous les documents contractuels ayant été rédigés en langue allemande.

L'action directe, dirigée par le tiers acquéreur contre le fabriquant, ne pouvait donc être appréhendée qu'au regard de la loi applicable au premier contrat intervenu entre le fabricant et le premier acquéreur, soit le droit allemand. Or, celui-ci ne reconnaissait pas la possibilité d'une action directe du sous-acquéreur contre le vendeur ou le fabricant, chaque partie ne pouvant agir qu'à l'encontre de son propre cocontractant.

Le premier juge a par ailleurs écarté le moyen tiré par les consorts [Z] de ce qu'ils bénéficieraient d'une protection « d'ordre public » de droit français, alors que le règlement 193/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles pose comme principe que le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

Sur la recevabilité de la demande dirigée contre la société Audi AG sur le fondement de la garantie des produits défectueux, le premier juge a relevé qu'en application de l'article 5 b) du règlement communautaire « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d'un dommage causé par un produit était la loi du pays dans lequel ce produit avait été acheté, s'il avait été commercialisé dans ce pays.

Or, le véhicule litigieux, produit en Allemagne, et dont la première utilisation et la première immatriculation avaient eu lieu en Allemagne, avait été acquis par les consorts [Z] également en Allemagne, si bien que c'était le droit allemand qui était applicable aux éventuelles garanties que le constructeur allemand devait à son acquéreur.

Sur la mise en cause de la société Audi Hannover GmbH, en qualité de réparateur du véhicule en mars 2013, à laquelle les consorts [Z] reprochaient d'avoir procédé à un échange standard du moteur, sans vérification de l'état des culasses, le premier juge a retenu l'application de l'article 4 du règlement européen selon lequel le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle. De plus, les travaux reprochés à cette société ayant été réalisés dans le cadre d'un contrat de réparation passé avec un tiers, les consorts [Z] ne pouvaient exercer une action directe non prévue par le droit allemand à son encontre.

S'agissant de la mise en cause, à titre subsidiaire, de la responsabilité délictuelle de la société Audi Hannover GmbH, le Premier juge a considéré qu'une telle demande devait être étudiée au fond et ne pouvait faire l'objet d'une décision du juge de la mise en état.

Les époux [R] ont interjeté appel de cette ordonnance le 9 mai 2022, cet appel étant dirigé contre l'ensemble des défendeurs.

Par ordonnance du 30 mai 2022, la présidente de la chambre a, au visa de l'article 905 du code de procédure civile modifié, fixé d'office l'affaire à l'audience de plaidoirie du 2 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 29 juin 2022, les époux [R] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable leur demande tendant à obtenir la nullité du rapport d'expertise, rejeté leur demande de renvoi du dossier devant la juridiction du fond statuant en collégialité, et en ce qu'elle a déclaré irrecevable leur demande formée contre la société Audi Hannover GmbH en qualité de réparateur du véhicule en mars 2013, sur le fondement contractuel, et celle formée contre la société Audi AG sur le fondement contractuel.

Les époux [R] demandent qu'il soit pris acte de ce que le fond du dossier doit être tranché avant de trancher les fins de non-recevoir, en particulier la question de la nullité du rapport d'expertise du 25 avril 2019, et de ce qu'ils sollicitent, sans clôture, la formation collégiale, à laquelle il appartient de se prononcer sur la nullité du rapport d'expertise.

Les époux [R] demandent également que soient rejetés les fins de non-recevoir et incidents des sociétés Audi AG et Audi Hannover GmbHs, que les parties adverses soient déboutées de l'ensemble de leurs prétentions et soient condamnées in solidum ou l'une à défaut des autres, à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

S'agissant de la demande de nullité du rapport d'expertise, les époux [R] soutiennent que le juge de la mise en état ne pouvait la déclarer « irrecevable, car une telle irrecevabilité ne concernerait qu'une demande devant le JME, mais pas devant le tribunal judiciaire ».

Ils observent cependant que l'essentiel est le renvoi de la question de fond devant la juridiction de jugement, dans la mesure où les fins de non-recevoir soulevées devant le juge de la mise en état nécessitent que soient tranchée au préalable la question de la nullité du rapport et que les incidents soulevés ont un lien avec la question de fond, conformément à l'article 789 du code de procédure civile. Les époux [R] soulignent que le juge de la mise en état n'a pas indiqué à quel titre ils n'auraient pas été en lien avec la question de fond de la nullité du rapport.

Les époux [R] soutiennent que la question de la nullité a une implication sur la procédure entière et ne peut être tranchée qu'avant les fins de non-recevoir, car il appartiendra au tribunal, une fois cette question tranchée, de réserver la possibilité éventuelle de solliciter telles mesures d'instruction, s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé sur le fond du dossier, en conséquence de quoi tous les intervenants aux opérations d'expertise devront être présents dans le cadre de la présente procédure, pour que ces mesures leur soient opposables.

Il en est de même de la question des responsabilités et de la condamnation au paiement des frais de procès et d'expertise, ne pouvant être condamnés à des frais au titre de l'article 700, au profit de sociétés totalement ou partiellement responsables, qui sortiraient de l'instance.

S'agissant de leur demande de nullité du rapport d'expertise, les époux [R] reprochent à l'expert une violation du principe du contradictoire entraînant une grave atteinte aux droits de la défense, d'avoir fait état, sans en tenir compte, d'un rapport d'analyse d'huile IESPM qui indiquait ne pas relever de défaut majeur dudit circuit de refroidissement, mais aussi de ne pas avoir répondu aux questions qui lui étaient posées par des dires et d'avoir laissé sans réponse les questions de sa mission, sans fournir les éléments nécessaires pour apporter des réponses techniques et permettre l'établissement des responsabilités. Ils lui reprochent également d'avoir violé son devoir d'impartialité en les accusant dans son rapport d'avoir refusé de procéder au changement du moteur comme leur avaient préconisé la société Scala Narbonne et la société Volgswagen Group France.

Les époux [R] soutiennent que leurs demandes dirigées contre la société Audi Hannover GmbH sont recevables, soulignant que, contrairement à ce qu'a retenu le juge de la mise en état, ils n'agissent pas sur un fondement contractuel à l'encontre de cette dernière, mais ils invoquent, sur un fondement délictuel, un manquement contractuel entre tiers, leur ayant causé un dommage, soulignant que l'action en responsabilité délictuelle est prévue en droit allemand comme en droit français.

Ils invoquent le règlement (CE) du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit Rome II, selon lequel, sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient ('). Il s'agit donc du droit français.

Soutenant que la société Audi Hannover GmbH était tenue d'une obligation de résultat dont la défaillance suffit à caractériser l'inexécution contractuelle et à engager sa responsabilité, les époux [R] s'estiment, en tant que tiers au contrat, fondés à invoquer son exécution défectueuse, dès lors qu'elle leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d'autres preuves. De plus, en procédant à une intervention incomplète et négligée sur le moteur en 2013, elle a contribué à l'installation du vice sur le véhicule à leur préjudice, lorsqu'ils sont devenus propriétaires de celui-ci.

Les époux [R] contestent toute prescription, au motif que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, aucune prescription ne pouvant commencer à courir concernant un élément qui n'a été découvert qu'en cours d'expertise.

S'agissant de leur demande dirigée contre la société Audi AG, les époux [R] contestent l'application du droit allemand, invoquant une exception d'ordre public international, de protection, dans la mesure où le résultat de l'application de la disposition légale étrangère est inconciliable avec la conception actuelle de l'ordre public français, au jour où le juge statue. Ils soutiennent que l'application du droit allemand au titre du lieu de vente initiale du véhicule viole la nécessité de protection des consommateurs qui ne peuvent être privés de la garantie du constructeur au titre des vices cachés sur une automobile.

S'agissant de la garantie due au titre des produits défectueux, les appelants invoquent l'application du règlement communautaire Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, selon lequel il convient de tenir compte, le cas échéant, des règles de sécurité et de comportement en vigueur dans le pays où l'acte dommageable a été commis, même lorsque l'obligation contractuelle est régie par la loi d'un autre pays. Ils soutiennent qu'en application de l'article 5 de ce règlement, le fait dommageable qu'ils ont subi présente des liens manifestement plus étroits avec la France où le véhicule se trouve en circulation. De plus, le droit allemand et le droit français ont pour socle commun la directive européenne relative aux produits défectueux.

Ils ajoutent que, selon la Cour de cassation, la livraison d'une chose défectueuse suffit à caractériser la défaillance contractuelle du fabricant et les actions correspondantes sont transmises au sous-acquéreur. Une action en garantie légale des vices cachés peut donc être envisagée à l'égard du constructeur, y compris quand le véhicule litigieux a été acheté à l'étranger.

De plus, ce n'est qu'à la date de la découverte du vice que le délai de prescription commence à courir, de deux ans ou de cinq ans, selon l'article 1648 ou l'article 2224 du code civil. Ce point de départ de la prescription s'applique également dans le cas de la mise en 'uvre de l'article L 110-4 du code de commerce, lequel n'en fixe pas.

Aux termes de ses c onclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, la société Audi AG sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et que la cour, y ajoutant :

- déclare irrecevable l'appel formé par les époux [R] contre le chef de l'ordonnance les ayant déboutés de leur demande tendant à ce que le juge de la mise en état renvoie le dossier devant la juridiction au fond statuant en collégialité,

- déboute les appelants et toute partie de toute demande dirigée à son encontre,

- condamne solidairement les époux [R] à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne aux dépens, dont distraction au profit de Me Thierry Cahn, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Soulignant que les demandes de prise d'acte ne constituent pas des prétentions sur lesquelles il doit être statué, et sollicitant que la cour ne réponde pas à ces demandes présentées par les époux [R], la société Audi AG reprend les motifs de l'ordonnance déférée selon lesquels l'examen de l'éventuelle nullité d'un rapport d'expertise relève de la seule compétence du juge du fond.

A titre subsidiaire, elle invoque l'absence de lien entre la question de la nullité du rapport d'expertise et les fins de non-recevoir soulevées, qui concernent son absence de qualité pour agir en défense, ainsi que celle de la société Audi Hannover GmbH.

Elle observe que les époux [R] n'ont formé aucune demande d'audition de l'expert ou de mesure d'expertise judiciaire complémentaire, qu'une telle mesure ne peut pas être ordonnée par les juges du fond en vue de suppléer leur carence dans l'administration de la preuve et que la nécessité alléguée de garder tous les intervenants à la cause n'est qu'un faux prétexte.

Par ailleurs, la société Audi AG fait valoir que la décision du renvoi de l'affaire devant la formation de jugement, en application de l'article 789 6° du code de procédure civile, est une mesure d'administration judiciaire, donc insusceptible de recours, conformément à l'article 537 du code de procédure civile, ce dont il résulte que l'appel de ce chef de l'ordonnance est irrecevable. En tout état de cause, la faculté de renvoi, strictement encadrée par l'article 789 al.9, n'intervient que lorsqu'une question de fond se pose. Or, les époux [R] ne prouvent pas l'existence d'un lien entre la question de la nullité du rapport et les fins de non-recevoir soulevées.

Reprenant les motifs de l'ordonnance déférée sur l'irrecevabilité des demandes des époux [R] présentées contre elle sur un fondement contractuel, la société Audi AG fait valoir que l'action des sous-acquéreurs fondée sur l'existence d'un vice caché dirigée contre le constructeur du véhicule est une action contractuelle directe, dans la mesure où le sous-acquéreur invoque contre le fabriquant les droits nés initialement dans le patrimoine du premier acquéreur. En conséquence, la loi applicable à cette responsabilité est celle qui régit le contrat duquel découle l'obligation en cause et l'action directe contractuelle du sous-acquéreur ne peut être accueillie que si la loi du contrat initial conclu avec le fabricant admet ce mécanisme.

Or, le règlement communautaire (Rome I) dispose que le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle. C'est donc ici la loi allemande qui détermine si les demandes en garantie contre les vices cachés formées directement à son encontre par les époux [R] sont recevables ou non. Cependant,

le droit allemand ne reconnaît pas la possibilité d'une action directe du sous-acquéreur contre le vendeur, ainsi que l'a relevé le premier juge, les articles 433 et suivants du code civil allemand ne permettant qu'une action de l'acquéreur contre son propre vendeur, et ce quel que soit le fondement invoqué. L'action contractuelle directe des époux [R] à son encontre est donc irrecevable, dans la mesure où elle n'a pas qualité agir en défense contre une telle action.

La société Audi AG ajoute que les époux [R] ne justifient pas pouvoir bénéficier d'un régime dérogatoire au titre d'un « ordre public de protection », que les articles 1641 et suivants du code civil ne sont pas des textes d'ordre public international et que la garantie légale des vices cachés est due par le vendeur et non par le constructeur. De plus, en cas de revente, le sous-acquéreur peut acquérir une chose dont la garantie légale initiale, due par le premier vendeur, est expirée, et il dispose d'une garantie à l'encontre de son propre vendeur, ce qui satisfait l'ordre public de protection.

Subsidiairement, la société Audi AG fait valoir que l'action des époux [R] dirigée contre elle est prescrite selon l'article 438 du code civil allemand, dans la mesure où le délai de prescription de la garantie légale pour la vente de biens meubles est de deux ans à compter de leur livraison.

Sur la garantie des produits défectueux invoquée par les époux [R], l'intimée soutient que ce régime d'origine européenne prévu par le règlement « Rome II » ne s'applique qu'en cas d'atteinte à la sécurité et ne concerne que la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Enfin, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a retenu que le droit allemand s'applique pour apprécier la recevabilité de l'action délictuelle des époux [R] et a renvoyé l'affaire au fond pour juger si les conditions de cette recevabilité de cette action sont réunies. Le règlement Rome II a en effet vocation à s'appliquer et conduit à désigner le droit allemand comme applicable à leur action délictuelle dirigée contre elle.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 21 juillet 2022, la société Audi Hannover GmbH sollicite le rejet de l'appel des époux [R] et, en conséquence, la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Elle demande en outre à la cour :

- sur les « demandes de l'action délictuelle », de dire et juger que celle-ci est régie par la loi allemande en application de l'article 4 paragraphes 3 et 5 b) du règlement (CE) 864/2007 et, par conséquent, que ces demandes seront étudiées au fond à l'aune du droit allemand,

- de condamner les époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la demande tendant à la nullité de l'expertise, la société Audi Hannover GmbH reprend les motifs de la décision déférée sur la compétence du juge de la mise en état. Elle ajoute qu'à l'appui de leur demande de renvoi devant la formation collégiale, les appelants n'établissent pas pourquoi les fins de non-recevoir soulevées nécessiteraient que la question de la nullité de l'expertise soit tranchée au préalable, alors qu'il n'existe aucun lien, ni en fait, ni en droit entre les deux questions. De plus, en principe, le juge de la mise en état est appelé à trancher tout d'abord les incidents mettant fin au procès, la question de la nullité du rapport d'expertise étant placée au second rang.

Relevant que les demandeurs lui reprochent d'être intervenue sur le véhicule litigieux en mars 2013, en sa qualité de réparateur professionnel, mettant en cause l'exécution de cette réparation, la société Audi Hannover GmbH soutient que cette mise en cause est irrecevable. Tout d'abord, elle souligne que lors de ce contrat de réparation, elle-même étant une société commerciale allemande dont le siège social se trouve en Allemagne, le propriétaire du véhicule étant à l'époque résident en Allemagne et le véhicule étant lui-même immatriculé dans ce pays, il n'existait aucun élément d'extranéité susceptible d'entraîner l'application d'une autre loi que la loi allemande.

Elle ajoute que le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle, d'après l'article 4 §1 b) du règlement (CE) du 17 juin 2008, la résidence habituelle d'une société étant, d'après l'article 19 §1, le lieu où celle-ci a établi son administration sociale.

Or, le droit allemand considère que seul le créancier de la prestation de services est recevable à se prévaloir d'une prétendue inexécution ou mauvaise exécution du contrat de réparation conclu en mars 2013, ne permettant pas d'action directe d'un tiers au contrat initial contre le débiteur de l'obligation, quel qu'en soit le fondement.

A titre subsidiaire, si la cour devait admettre la recevabilité de l'action directe contre le réparateur, elle soutient que toute demande à ce titre est prescrite en droit allemand, invoquant un délai de prescription de deux ans à compter de la réception des travaux, en cas de défaut prévu à l'article 634 du BGB, s'agissant d'un contrat d'entreprise régi par les articles 631 et suivants de ce code. Or, les travaux de réparation en cause ont été réceptionnés par M. [U] en mars 2013.

La société Audi Hannover GmbH ajoute que, conformément à l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause et que, si elle n'avait pas soulevé la prescription au stade de la procédure de référé expertise, elle avait alors émis les plus expresses réserves.

Par ailleurs, les époux [R] faisant valoir que leur demande à son encontre est fondée sur la responsabilité délictuelle, notamment sur la responsabilité des produits défectueux, et que la loi applicable serait la loi française selon le règlement (CE) du 11 juillet 2007 (Rome II), elle s'interroge sur l'utilité d'un appel, dans la mesure où la décision déférée n'a pas déclaré leur action irrecevable sur ce fondement.

Elle ajoute que, selon l'article 5 de ce règlement communautaire Rome II, la loi applicable à l'action pour responsabilité du fait des produits est en principe la loi de l'État dans lequel le produit a été acheté.

S'agissant de l'application du droit délictuel commun, si l'article 4 §1 prévoit l'application de la loi du lieu où le dommage est survenu, son § 3 contient une clause dérogatoire, applicable s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays (considérant n°18 dudit règlement).

Or, l'affaire présente des liens plus étroits avec l'Allemagne, le véhicule ayant été vendu dans ce pays où les réparations antérieures à la vente aux époux [R] ont été exclusivement réalisées.

Sur l'ordre public français relatif aux droits des consommateurs, invoqué par les époux [R], la société Audi Hannover GmbH souligne que, d'une part les règles particulières du droit de la consommation sont de nature contractuelle et non pas délictuelle et que, par ailleurs, ses règles, stricto sensu, ne sont pas invoquées par les appelants qui se fondent exclusivement sur le code civil. De plus, ces derniers n'expliquent pas en quoi l'application de la loi allemande serait contraire à l'ordre public français.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 29 juillet 2022, la société Volgswagen Group France sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et que la cour, y ajoutant :

- déclare irrecevable l'appel formé par les époux [R] contre le chef de l'ordonnance les ayant déboutés de leur demande tendant à ce que le juge de la mise en état renvoie le dossier devant la juridiction au fond statuant en collégialité,

- déboute les appelants et toute partie de toute demande dirigée à son encontre,

- condamne solidairement les époux [R] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne aux dépens, dont distraction au profit de Me Thierry Cahn, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Volgswagen Group France, observant qu'aucun des chefs de l'ordonnance entreprise ne la vise, indique s'associer pleinement aux moyens développés par la société Audi AG dans ses conclusions d'intimée.

Elle ajoute qu'il est constant que la demande en nullité du rapport d'expertise formée par les époux [R] relève du juge du fond, que le juge de la mise en état n'a pas été saisi par les demandes de constat ou de prise d'acte des époux [R] et qu'en tout état de cause, aucun des incidents soulevés par les sociétés Audi AG et Audi Hannover GmbHs n'est en lien avec une question de fond, de sorte que la demande de renvoi du dossier devant la juridiction collégiale ne peut être accueillie.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 22 juillet 2022, la société RCL et la société Carrosserie Alain Ritter sollicitent qu'il leur soit donné acte de ce qu'elles s'en remettent à la sagesse de la cour pour trancher l'appel qui ne les concerne pas et elles demandent en outre la condamnation in solidum des époux [R] à verser à chacune d'elles la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris de première instance.

Elles observent qu'elles ne sont pas concernées par les différentes demandes des époux [R] ainsi que des sociétés Audi AG et Audi Hannover GmbHs. Elles observent au demeurant que la demande de nullité du rapport d'expertise relève effectivement du juge du fond.

Elles estiment qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'engager pour être représentées dans une procédure d'appel qui ne les concerne pas et alors qu'elles n'avaient formulé aucune demande dans le cadre de l'incident, les autres parties n'ayant non plus formulé aucune demande à leur encontre.

La société Scala Narbonne a constitué avocat à hauteur de cour, mais elle n'a pas conclu.

L'assignation destinée à la société Lina Automobile e.K a été adressée le 22 août 2022 aux autorités compétentes en Allemagne avec sa traduction, et cette intimée s'est vue régulièrement signifier les conclusions d'appel des époux [R] le 31 août 2022 par les autorités compétentes requises à Hamburg, en Allemagne, celles-ci ayant été déposées dans sa boîte aux lettres. Cependant, elle n'a pas constitué avocat en appel. Il sera donc statué par défaut.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat en appel, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la recevabilité de la demande des époux [R] tendant à la nullité du rapport d'expertise

Pour déclarer irrecevable la demande des époux [R] tendant à ce que soit prononcée la nullité du rapport d'expertise, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, le premier juge a retenu qu'une telle demande n'entrait pas dans le champ de ses compétences, mais qu'elle relevait du seul juge du fond.

Il en résulte qu'il n'a entendu déclarer une telle demande irrecevable qu'à raison de son défaut de pouvoir pour en connaître. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point, l'appréciation de la validité du rapport d'expertise relevant en effet de la seule compétence du juge du fond. Il sera toutefois ajouté à l'ordonnance que la demande de nullité du rapport d'expertise est irrecevable « en tant que portée devant le juge de la mise en état ».

II ' Sur l'appel du refus de renvoi du dossier devant la juridiction au fond statuant en collégialité

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, en application de l'article 789 6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, il statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Or, comme le soutient la société Audi AG, l'article 537 du code de procédure civile énonce que les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.

Dès lors, la disposition par laquelle le juge de la mise en état a refusé de renvoyer le dossier devant la juridiction au fond, statuant en collégialité, étant une mesure d'administration judiciaire, l'appel interjeté par les époux [R] à son encontre doit être déclaré irrecevable.

III ' Sur la recevabilité de la demande des époux [R] formées contre la société Audi AG

Si les époux [R] soutiennent que le fondement de leur action contre la société Audi AG n'est pas contractuel mais délictuel, dans la mesure où ils invoquent un manquement contractuel de sa part leur ayant causé un dommage en tant que tiers au contrat, ils invoquent cependant la garantie des vices cachés et indiquent exercer sur ce fondement, en leur qualité de sous-acquéreur, l'action directe, se prévalant de la transmission de l'action de l'acquéreur initial contre le constructeur du véhicule.

En conséquence, il s'agit d'une action de nature contractuelle et c'est donc la loi régissant le contrat de vente initial qui s'applique, les appelants invoquant, contre le constructeur, des droits initialement nés dans le patrimoine du premier acquéreur.

Dès lors, il convient de se référer au règlement communautaire dit Rome I, relatif aux obligations contractuelles, pour déterminer la loi applicable à leur demande fondée sur la garantie des vices cachés.

L'article 4 de ce règlement stipule, à défaut de choix réalisé par les parties au contrat de vente, conformément aux dispositions de l'article 3, que le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

À ce titre, la société Audi AG a bien sa résidence habituelle, c'est-à-dire son siège social, en Allemagne et, en principe, c'est donc la loi allemande qui s'applique.

De plus, selon l'article 12 b) et c), la loi applicable au contrat en vertu du présent règlement régit notamment l'exécution des obligations qu'il engendre et, dans les limites des pouvoirs de la juridiction saisie par son droit procédural, les conséquences de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l'évaluation du dommage dans la mesure où des règles de droit la gouvernent.

Si les époux [R] invoquent une exception relevant de l'ordre public international français, s'agissant d'un ordre public relatif à la protection des consommateurs, il y a lieu de rappeler que, selon les dispositions de l'article 21 du règlement Rome I, « l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for ».

Or, il n'est nullement démontré que les dispositions du droit allemand relatives à la garantie des vices cachés seraient manifestement incompatibles avec l'ordre public international français. En effet, s'il apparaît que les dispositions du droit civil allemand issues des articles 433 et suivants ne prévoient pas d'action directe du consommateur à l'encontre du vendeur antérieur ou du constructeur, cet acquéreur dispose d'une action contre son vendeur direct, lequel dispose lui-même d'une action contre le vendeur antérieur. De plus, les dispositions du droit français relatives à la garantie des vices cachés ne constituent pas non plus une loi de police susceptible de justifier une dérogation à la règle relative à la loi applicable découlant de l'article 4 du règlement Rome I.

En conséquence, aucun des motifs invoqués par les appelants pour déroger à l'application du droit allemand, s'agissant de l'action en garantie des vices cachés dirigée contre la société Audi AG, n'apparaît susceptible d'être retenu. Or, le droit allemand n'ouvrant au consommateur qu'une action contre son propre vendeur, il apparaît que l'action des époux [R] dirigée contre la société Audi AG, en sa qualité de constructeur du véhicule litigieux, sur le fondement contractuel, est irrecevable et l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a statué en ce sens.

S'agissant de la garantie due au titre des produits défectueux, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, en application de l'article 5 du règlement communautaire du 11 juillet 2007 dit Rome II, en matière de responsabilité du fait des produits, sans préjudice de l'article 4 §2, la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d'un dommage causé par un produit est :

a) la loi du pays dans lequel la personne lésée avait sa résidence habituelle au jour du dommage, si le produit a été commercialisé dans ce pays, ou à défaut

b) la loi du pays dans lequel le produit a été acheté, si le produit a été commercialisé dans ce pays ;

(')

Dans la situation présente, les époux [R], dont la résidence habituelle était située en France au jour du dommage qu'ils invoquent, ont acquis le véhicule litigieux en Allemagne, où ce véhicule a été commercialisé, et non pas en France.

Dès lors, la loi applicable en la matière est bien la loi allemande, conformément aux dispositions de l'article 5 b) de ce règlement, comme l'a retenu à bon droit le premier juge.

Aucune fin de non-recevoir n'étant soulevée à l'encontre de la demande présentée sur ce fondement délictuel, il appartiendra au juge du fond de déterminer si les conditions de mise en 'uvre de cette action sont remplies.

IV ' Sur la recevabilité de la demande des époux [R] dirigées contre la société Audi Hannover GmbH, en qualité de réparateur du véhicule en mars 2013, sur le fondement contractuel

Les époux [R] mettant en cause la responsabilité de la société Audi Hannover GmbH du fait de son intervention sur le véhicule en cause en mars 2013, dans le cadre d'une réparation, ils invoquent désormais, sur un fondement délictuel, un manquement contractuel leur ayant causé un dommage, en leur qualité de tiers au contrat de réparation conclu avec le précédent propriétaire du véhicule en cause, soulignant que l'action en responsabilité délictuelle est prévue en droit allemand comme en droit français.

L'ordonnance déférée n'a déclaré leur action irrecevable que sur un fondement contractuel, en relevant l'absence d'action directe du sous-acquéreur prévue par le droit allemand, après avoir retenu que celui-ci est applicable en l'espèce.

Si les époux [R] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable leur demande formée contre la société Audi Hannover GmbH, en qualité de réparateur du véhicule en mars 2013, sur le fondement contractuel, aucun moyen sérieux n'est soulevé à l'appui d'une telle demande d'infirmation. En effet, les appelants invoquent désormais, à l'appui de leur demande, un fondement non plus contractuel, mais délictuel.

En conséquence et dès lors qu'a été relevée plus haut l'absence d'action directe du sous-acquéreur prévue par le droit allemand et que celui-ci est bien applicable en l'espèce, comme l'a retenu le premier juge, conformément aux dispositions de l'article 4 b) du Règlement Rome I, s'agissant des contrats de prestation de service, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande des époux [R] présentée contre la société Audi Hannover GmbH sur le fondement contractuel.

Par ailleurs, l'intimée ne soulevant aucune fin de non-recevoir, s'agissant de l'action des appelants dirigée contre elle sur un fondement délictuel, il n'y a pas lieu, dans le cadre du présent appel, de se prononcer sur le droit applicable à une telle demande. En effet, en l'absence de fin de non-recevoir soulevée à son encontre, dont l'examen nécessiterait celui du droit applicable, une telle demande relève exclusivement des pouvoirs du juge du fond. En tout état de cause, la demande tendant à ce qu'il soit dit et jugé que l'action délictuelle est régie par la loi allemande en application de l'article 4 paragraphes 3 et 5 b) du règlement (CE) 864/2007 et, par conséquent, que les demandes présentées à ce titre seront étudiées au fond à l'aune du droit allemand, ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur une telle demande.

IV - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

L'ordonnance déférée étant confirmé en ses dispositions principales, elle le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance, étant observé que la procédure se poursuit devant le premier juge.

Cette ordonnance étant confirmée, notamment sur les fins de non-recevoir soulevées en première instance, les appelants assumeront les dépens de l'appel, étant rappelé que la distraction des dépens n'est pas permise en droit local, ce dont il résulte que les demandes présentées en ce sens ne peuvent être accueillies. Les appelants assumeront aussi leurs frais non compris dans les dépens engagés en appel et leurs demandes présentées à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais exclus des dépens que chacune d'elles a dû engager en appel et les époux [R] devront donc régler à ce titre, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à la société Audi AG, la même somme à la société Audi Hannover GmbH, la somme de 1 000 euros à la société Volkswagen Group France et la même somme à la société RCL et à la société Carrosserie Alain Ritter, ensemble.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE irrecevable l'appel de M. [N] [Z] et de Mme [E] [G], épouse [Z], à l'encontre de la disposition de l'ordonnance déférée par laquelle le juge de la mise en état les a déboutés de leur demande tendant à ce qu'il renvoie le dossier devant la juridiction au fond statuant en collégialité,

CONFIRME pour le surplus l'ordonnance rendue entre les parties par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg le 12 mai 2022,

Ajoutant à ladite ordonnance,

DIT que la demande de M. [N] [Z] et Mme [E] [G], épouse [Z], tendant à obtenir la nullité du rapport d'expertise est déclarée irrecevable uniquement en tant que présentée devant le juge de la mise en état,

CONDAMNE M. [N] [Z] et Mme [E] [G], épouse [Z], aux dépens d'appel,

CONDAMNE M. [N] [Z] et Mme [E] [G], épouse [Z], à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que les intimées constituées ont engagés en appel, la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros à la société Audi AG, la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros à la société Audi Hannover GmbH, la somme de 1 000,00 (mille) euros à la société Volkswagen Group France et la somme de 1 000,00 (mille) euros à la société RCL, exerçant sous l'enseigne Point S, et à la société Carrosserie Alain Ritter, ensemble,

REJETTE la demande de M. [N] [Z] et Mme [E] [G], épouse [Z], présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'ils ont engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01791
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.01791 ?
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