MINUTE N° 23/300
Copie exécutoire à :
- Me Claus WIESEL
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 05 Juin 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/01118 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZNM
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Colmar
APPELANTE :
S.A.S.U. R2C2
agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
S.A.S. BRM
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon contrats en date du 23 avril 2018, la Sasu R2C2 a prévu la location ponctuelle par la Sas BRM et la société Speed 300 d'un véhicule Porsche 991 GT3 immatriculé EZ- 835-FP, d'un véhicule Ferrari F 448 immatriculé EH- 301-HQ et d'un véhicule Ford Mustang V8 GT immatriculé OG 64A, avec facturation fin de mois au kilomètre selon utilisations, aux tarifs mentionnés.
Selon protocole d'accord intervenu le 19 mars 2019 entre la Sasu R2C2, Monsieur [J] [Z], la Sas BRM et la société Speed 300, suivi d'un avenant en date du 18 décembre 2019, la Sasu R2C2 a cédé à la Sas BRM, pour le prix de 335 000 €, un véhicule Lamborghini et un véhicule McLaren et la société Speed 300 s'est engagée à louer les véhicules appartenant à la Sasu R2C2, notamment les véhicules Porsche, Ford mustang et Ferrari 488, selon tarifs spécifiés.
Faisant valoir que les véhicules ont été rendus dégradés et que les factures afférentes à la remise en état n'ont pas été honorées par la locataire, la Sasu R2C2 a, par acte du 16 février 2021, assigné la Sas BRM devant le tribunal judiciaire de Colmar, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 5 056,88 € avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 13 février 2020, ainsi que la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sas BRM a conclu au rejet des demandes et a sollicité à titre reconventionnel condamnation de la Sasu R2C2 à lui payer une somme de 2 000 € à titre d'indemnité pour procédure abusive ainsi que la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle a contesté les factures tant dans leur principe que leur montant et s'est notamment prévalue du protocole d'accord du 19 mars 2019 aux termes duquel la société Speed 300 utilisait les véhicules, pour contester toute responsabilité et imputabilité des dommages matériels causés aux véhicules.
Par jugement du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a débouté la Sasu R2C2 de l'ensemble de ses demandes, a débouté la Sas BRM de sa demande reconventionnelle en dommages et
intérêts pour procédure abusive, a condamné la Sasu R2C2 à payer à la Sas BRM la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a notamment retenu que le protocole d'accord du 19 mars 2019 était sans emport quant à l'utilisation des véhicules Porsche et Ferrari par la Sas BRM ; que cependant, la Sasu R2C2 n'a nullement précisé la date, le lieu ni les circonstances de la sortie de piste au cours de laquelle le véhicule Ferrari aurait été endommagé ; que l'imputation à la Sas BRM de frais de transfert de lieu de stockage de véhicules GT 3 et F 458 GTB pendant trois mois n'est pas justifiée par des stipulations contractuelles.
La Sasu R2C2 a interjeté appel de cette décision le 17 mars 2022.
Par écritures notifiées le 13 juin 2022, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :
-condamner la Sas BRM à payer à la Sasu R2C2 la somme principale de 5 056,88 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la sommation du 13 février 2020,
-condamner la Sas BRM aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle maintient que les véhicules pris en location par la Sas BRM ont été abîmés ; que selon les contrats du 23 avril 2018, les dégradations constatées sont à la charge de l'exploitant, c'est-à-dire l'utilisateur ; que la démonstration de l'imputabilité ainsi que de l'origine des dégâts a été faite ; que lors de sa sortie de piste, le véhicule Ferrari était loué par la Sas BRM, de sorte que cette dernière doit lui rembourser les frais engagés pour la réparation des dommages.
Par écritures notifiées le 7 septembre 2022, la Sas BRM a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. Elle a sollicité condamnation de la Sasu R2C2 à lui payer la somme de 2 000 € à titre d'indemnité pour procédure abusive, ainsi que la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la créance dont se prévaut la Sasu R2C2 repose exclusivement sur des factures qui n'ont aucun fondement contractuel et qu'elle n'a jamais approuvées ; les dommages allégués sur la Ferrari et la Porsche, faisant l'objet de la première facture, n'ont pas fait l'objet de constatations contradictoires et
que les travaux ont été effectués par la Sasu R2C2 de sa propre initiative, sans avertissement et sans rapport d'expertise ; qu'aux termes du protocole d'accord, la Sasu R2C2, propriétaire du véhicule, pouvait elle-même user des voitures et a pu être responsable des dommages mis en compte sur la facture ; qu'elle-même conteste toute responsabilité ; que les montants mis en compte pour des kilométrages ne sont pas davantage justifiés ; que la deuxième facture est tout aussi contestée ; que les contrats du 23 avril 2018 sont inapplicables, en ce qu'ils sont totalement imprécis et ne prévoient pas laquelle des deux entités, la Sas BRM ou la société Speed 300, est tenue ; qu'ils n'ont pas été établis en trois exemplaires, en méconnaissance de l'article 1375 du code civil et lui sont donc inopposables ; qu'ils ont en outre été suivis d'un protocole d'accord en date du 19 mars 2019, prévoyant l'usage des véhicules par la société Speed 300 ; que la troisième action engagée par la Sasu R2C2, après rejet d'une demande en référé, est abusive et justifie l'allocation de dommages et intérêts.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La Sasu R2C2 sollicite paiement d'une facture n° 024-12-19 en date du 20 décembre 2019, d'un montant de 4 653,60 € TTC, relative à la réparation du véhicule Ferrari 488 et GT 3 suivant facture carrosserie Baenrenzung au prix de 2 500 € hors-taxes, au transport des véhicules pour réparation de Blitzheim à [Localité 5] au prix de 300 € hors-taxes, à des kilométrages non justifiés de la GT3 suivant carnet à raison de 7 € du kilomètre, au prix hors-taxes de 420 € ainsi qu'un kilométrage non justifié Ferrari 488 suivant carnet à raison de 7 € du kilomètre, au prix hors-taxes de 658 €.
Pour justifier les dommages causés aux véhicules, la Sasu R2C2 produit des photographies de rétroviseur, portière et pneu d'un véhicule dont aucune conséquence ne peut être tirée, ainsi qu'une attestation de Monsieur [M] [L] datée du 25 septembre 2021, qui indique certifier que « le véhicule Ferrari immatriculé [Immatriculation 6] en date de vendredi 13 septembre 2019 avait fini après un dérapage dans le bac à gravier et avait subi des dommages de dégradation de peinture sur la carrosserie et les jantes ». Elle verse de même une facture de la société carrosserie Baerenzung du
30 décembre 2019 d'un montant de 2 022 € relative à la remise en état du flanc gauche et de jantes du véhicule Ferrari.
Aux termes des contrats du 23 avril 2018, il a été prévu que toute dégradation constatée sera à la charge de l'exploitant, rayures, bosses, état des sièges et accessoires, jantes, pneumatiques.
Si l'intimée ne peut arguer de l'inopposabilité des contrats dont il n'aurait pas été fait autant d'exemplaires que de parties, dans la mesure où les contractants ont tous la qualité de commerçants, entre lesquels la preuve est libre, force est de constater qu'aux termes des conventions précitées, sont désignées comme exploitant à la fois la Sas BRM et la société Speed 300, pour les trois véhicules objets de la location ; que l'attestation de témoin est taisante quant à la société qui avait en location le véhicule Ferrari à la date des faits allégués ; que l'appelante se borne à verser aux débats une liasse de factures relatives à la location de véhicules adressées à la Sas BRM, dont une, datée du 30 septembre 2019, et notamment relative à la location le 13 septembre de la Porsche GT 3 et de la Ferrari F 488, dont elle ne tire aucun argument dans ses écritures d'appel.
Force est de constater qu'en l'absence de preuve de paiement de cette facture, la preuve de ce que la société intimée, qui le conteste, avait l'usage du véhicule Ferrari, n'est pas administrée.
En tout état de cause, aucun constat contradictoire de dégâts n'a été effectué, alors que la facturation de la location est postérieure à la date des dommages allégués.
Si le protocole d'accord en date du 19 mars 2019, par lequel la Sasu R2C2, la Sas BRM et la société Speed 300 sont convenues que la société Speed 300 s'engage à louer les véhicules appartenant à la Sasu R2C2 les véhicules appartenant à cette dernière, et notamment les véhicules Porsche GT3, Ford mustang cabriolet et Ferrari 488, n'ajoute aucune obligation par rapport aux contrats tripartites du 23 avril 2018, qui prévoyaient déjà une utilisation des véhicules par les deux sociétés, il convient de retenir qu'en l'absence de constat contradictoire des dommages, l'attestation de témoin très parcellaire et peu circonstanciée ne saurait justifier que la Sasu R2C2 répercute à la Sas BRM une facture de travaux de carrosserie qu'elle a unilatéralement décidé d'entreprendre, plus de trois mois après la survenance des dommages allégués et sans aucun constat contradictoire, la preuve de l'imputation des dommages à l'intimée n'étant pas rapportée.
Il sera relevé, pour le surplus des postes de cette facture du 20 décembre 2019, qu'alors que les conventions dont se prévaut la société appelante stipulent qu'un carnet de route avec le nom de l'utilisateur, le lieu, la nature du parcours avec le kilométrage de début et fin de cession doit être renseigné, il sera constaté
qu'aucun justificatif d'un kilométrage non justifié, que la Sasu R2C2 a entendu facturer pour les véhicules GT3 et Ferrari, n'est versé aux débats, justifiant les montants complémentaires mis en compte au terme de la facture litigieuse.
Concernant la facture n° 023- 12- 19 en date du 17 décembre 2019, d'un montant de 403,28 €, relative à des transferts de box pour octobre, novembre et décembre à raison de 65 € par mois pour les véhicules Porsche et Ferrari, la Sasu R2C2 ne peut de même se prévaloir d'un fondement contractuel, à défaut de toute mention d'une telle location dans les conventions tripartites du 23 avril 2018, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.
Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive :
Le droit d'agir en justice et de former recours ne dégénère en abus qu'en cas de comportement fautif et la simple circonstance de ce que les prétentions de l'appelante sont à nouveau rejetées en appel ne suffit pas à caractériser une telle faute, ni même une légèreté blâmable, de sorte que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée par la Sas BRM.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, la Sasu R2C2 sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il sera en revanche fait droit à la demande de l'intimée au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer en appel, à hauteur de la somme de 1 200 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sasu R2C2 à payer à la Sas BRM la somme de 1 200 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la Sasu R2C2 de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sasu R2C2 aux dépens de l'instance d'appel.
La Greffière La Présidente