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02/06/2023 | FRANCE | N°21/02529

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 02 juin 2023, 21/02529


MINUTE N° 281/2023

























Copie exécutoire à



- Me Dominique HARNIST



- Me Claus WIESEL





Le 2 juin 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 02 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02529 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS3Z



Décision déf

érée à la cour : 16 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



Madame [V] [O] veuve [P]

demeurant [Adresse 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/004156 du 07/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionne...

MINUTE N° 281/2023

Copie exécutoire à

- Me Dominique HARNIST

- Me Claus WIESEL

Le 2 juin 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 02 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02529 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS3Z

Décision déférée à la cour : 16 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [V] [O] veuve [P]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/004156 du 07/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représentée par Me Dominique HARNIST, Avocat à la cour.

INTIMÉE :

S.A.M.C.V. MACIF ayant son siège social [Adresse 2], prise en son établissement MACIF CENTRE EUROPE, prise en la personne de son représentant légal,

sis [Adresse 3]

représentée par Me Claus WIESEL, Avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[U] [P] est décédé par arme à feu le 23 novembre 2016.

Le 27 septembre 2019, sa veuve, Mme [V] [O] a fait assigner la SAMCV Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France (MACIF) devant le tribunal de grande instance de Mulhouse pour obtenir paiement d'une indemnité intitulée « capital conjoint » en exécution d'un contrat d'assurance prévoyance.

Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

rejeté la demande de paiement du capital décès conjoint ;

rejeté la demande de dommages et intérêts ;

condamné Mme [V] [O] à payer à la SMACIV MACIF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de Mme [V] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [V] [O] aux dépens ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

Sur la garantie, le tribunal s'est référé aux conditions particulières du contrat d'assurance prévoyance souscrit par Mme [V] [O] lequel, au titre de la garantie accident formule essentielle, prévoyait qu'un capital de 70 189 euros était versé si le conjoint décédait, la qualité d'assuré étant conférée au sociétaire, son conjoint tel que défini aux conditions générales et toute personne à la charge du sociétaire vivant de façon habituelle sous son toit.

Il a également fait état des conditions générales du contrat qui définissent le conjoint comme : « personne liée à l'assuré par les liens du mariage, selon les termes du code civil', le conjoint ou la personne assimilée, doit en outre vivre en couple avec le sociétaire sous le même toit de façon constante c'est-à-dire sans être séparé de corps ou de fait ».

Le tribunal a considéré qu'il était clairement établi que Mme [V] [O] était séparée de fait de son époux au moment du décès de ce dernier, de telle sorte que les conditions de mise en 'uvre de la garantie n'étaient plus réunies.

Pour ce faire, il a retenu des éléments de l'enquête de police sur les recherches de la cause de la mort de [U] [P] à savoir :

qu'un papier avait été découvert dans le véhicule de [U] [P], à proximité de l'endroit où il s'était suicidé, comportant des mentions manuscrites, que Mme [V] [O] avait reconnu être de sa main, selon lesquelles elle était partie chez ses parents,

que, dans son audition par les services de police, Mme [V] [O] avait déclaré avoir annoncé, le 22 novembre 2016, à son époux, son intention de quitter le domicile conjugal, de demander le divorce et qu'elle avait fait une main courante pour aviser les services de police de son départ dudit domicile,

Mme [V] [O] était repassée au domicile conjugal, le 23 novembre 2016 au matin, et avait reçu le même jour, vers 22 heures, un message de son époux lui disant qu'il acceptait le divorce et lui souhaitait d'être heureuse en espérant qu'elle ne se trompe pas.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts, considérant que cette demande ne faisait l'objet d'aucune motivation, le tribunal l'a rejetée.

Mme [O] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 6 mai 2021.

L'instruction a été clôturée le 4 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 20 juin 2022, Mme [O] demande à la cour de :

infirmer cette décision en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

condamner la MACIF à lui payer le capital de 70 189 euros, augmenté des intérêts légaux à compter de la signification de l'assignation ;

condamner la MACIF à payer à la soussignée la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;

condamner la MACIF aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [O] expose qu'elle et son mari n'étaient ni séparés de corps ni séparés de fait puisqu'il résulte clairement de l'enquête que la veille du suicide de [U] [P] et le lendemain, elle était au domicile conjugal, s'en étant absentée un soir pour aller « souffler » chez ses parents.

Elle souligne qu'elle a déclaré aux services de police qu'elle vivait au domicile avec son mari et ses deux enfants en précisant que la situation était compliquée.

Elle se prévaut d'attestations de témoins dont il résulte que si elle avait décidé de manière ferme et définitive de divorcer, elle ne serait jamais partie du domicile conjugal sans à tout le moins une valise et surtout ses enfants et ses deux chiens.

Elle ajoute que la veille des faits, elle s'était rendue à l'hôtel de police de [Localité 4] pour signaler qu'elle souhaitait partir une nuit afin de se reposer et que son mari se calme, savoir si cela constituait un abandon de domicile et indiquer que [U] [P] avait une arme au domicile avec laquelle il l'avait déjà menacée par le passé ; il lui avait été suggéré de ne pas rentrer le soir même et précisé que l'abandon de domicile n'était pas constitué.

Elle conteste que le fait de quitter le domicile une nuit démontre une séparation de biens ou de fait, les seuls écrits subsistants suite à une énième dispute entre les époux n'en étant pas plus la preuve.

Elle indique produire des documents justifiant de ce qu'elle vivait toujours au domicile conjugal et qu'elle avait une vie familiale normale à savoir, notamment, des SMS échangés peu de temps avant les faits ainsi que des attestations de ses enfants.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2022, la SAMCV MACIF demande à la cour de :

déclarer Mme [O] mal fondée en son appel ;

l'en débouter ;

confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

condamner Mme [O] aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement, à son profit, de la somme de l  500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la SAMCV MACIF fait valoir que les différentes attestations des membres de sa famille ou de voisins produites par Mme [O] selon lesquelles elle n'aurait jamais quitté le domicile conjugal sont contredites par les éléments recueillis lors de l'enquête pénale, les voisins ne pouvant savoir que Mme [O] avait décidé de quitter le domicile conjugal la veille du suicide de [U] [P], et qu'elle avait même déposé une main courante à ce titre, en manifestant ainsi clairement sa volonté de quitter le domicile conjugal.

La SAMCV MACIF mentionne qu'outre la main courante, Mme [O] avait remis un écrit à son mari pour l'informer de son départ et de son intention d'introduire la procédure de divorce.

Elle ajoute que lors de son audition par les services de police, Mme [O] a reconnu que le 22 novembre 2016, elle avait annoncé à son mari son intention de quitter le domicile et de demander le divorce, qu'il avait pleuré en lui disant qu'il allait changer, mais qu'elle ne voulait pas encore croire à ses paroles et qu'elle avait fait une mention main courante pour aviser de son départ du domicile ; Mme [O] a également reconnu qu'elle avait écrit le mot pour prévenir [U] [P] qu'elle partait et que c'était fini entre eux.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [O] demande l'infirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions, lequel a rejeté sa demande de dommages et intérêts mais ne formule pas, à hauteur d'appel, de demande de dommages et intérêts. La cour n'est donc saisie d'aucune demande de ce chef.

Sur la demande en paiement du « capital conjoint »

Aux termes du contrat « garantie accident formule essentielle » souscrit auprès de la MACIF, il est prévu qu'en cas de décès du conjoint, un capital de 70 189 euros est versé à la souscriptrice, en l'occurrence, Mme [V] [P].

Le lexique inclus dans les conditions générales du contrat définit le conjoint comme étant une « personne unie à l'assuré par les liens du mariage, selon les termes du Code civil. Sont assimilés au conjoint : le concubin et le partenaire lié par un pacte civil de solidarité selon les dispositions de Code civil. Le conjoint, ou la personne assimilée doit en outre vivre en couple avec le sociétaire, sous le même toit, de façon constante, c'est-à-dire sans être séparé de corps ou de fait ».

A la date du décès de [U] [P] soit le 23 novembre 2016, il était marié à Mme [V] [O].

Entendue par les services de police, le 24 novembre 2016, Mme [V] [O] a déclaré que le 22 novembre 2016, elle avait annoncé à son mari qu'elle avait l'intention de quitter le domicile et de demander le divorce.

Il ressort de la lettre laissée par [U] [P] datée du 21 novembre 2016, qu'à cette date, ce dernier était au courant de ce que Mme [V] [O] avait l'intention de le quitter.

Il s'agit de déterminer si, à la date du décès de [U] [P], le départ du domicile conjugal de Mme [V] [O] était effectif et de nature à caractériser une séparation de fait.

Or, l'analyse des pièces produites par les parties ne permet pas de retenir l'existence d'éléments matériels d'une séparation de fait effective.

En effet, lors de son audition par les services de police le 24 novembre 2016, Mme [V] [O] a déclaré comme adresse celle de son domicile conjugal et y vivre avec son mari et ses deux enfants.

La déclaration de main courante qu'elle a faite deux jours plus tôt pour signaler son départ du domicile doit être considérée comme ayant été faite à fin conservatoire, dans l'éventualité d'une procédure de divorce annoncée mais non entamée.

Quant au document manuscrit retrouvé par les services de police dans le véhicule de [U] [P], que Mme [V] [O] a reconnu comme étant partiellement de sa main, aux termes duquel elle indiquait être partie chez ses parents, Mme [V] [O] a indiqué aux services de police qu'elle l'avait écrit pour prévenir son mari qu'elle partait et que c'était fini entre eux, posant ainsi une intention de quitter le domicile conjugal et de divorcer, aucun de ces deux actes n'étant toutefois matérialisés avec certitude à la date du décès de son époux.

De surcroît, le court laps de temps entre le 22 novembre 2016 (départ de Mme [V] [O] chez ses parents) et le 23 novembre 2016 (décès de [U] [P]) n'a, à l'évidence, pas permis à Mme [O] de concrétiser son intention et d'emporter toutes ses affaires personnelles du domicile conjugal, ce qui, au demeurant, est confirmé par les attestations produites qui témoignent de ce que cette dernière occupait toujours les lieux.

Dès lors, considérant qu'à la date du décès de [U] [P], Mme [V] [O] remplissait les conditions pour bénéficier du capital prévu par le contrat liant les parties, il y a lieu de condamner la MACIF à lui payer la somme de 70 189 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2019, date de signification de l'assignation de la MACIF devant le tribunal de grande instance de Mulhouse.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

La MACIF est condamnée aux dépens de la procédure de premier ressort et de la procédure d'appel.

Elle est également condamnée à payer à Mme [V] [O] la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en premier ressort et à hauteur d'appel.

La MACIF est déboutée de ses demandes d'indemnités formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 16 mars 2021 ;

Statuant de nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la SAMCV MACIF à payer à Mme [V] [O] la somme de 70 189 euros (soixante-dix mille cent quatre-vingt-neuf euros) avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2019, la date de la signification de l'assignation de la SAMCV MACIF devant le tribunal de grande instance de Mulhouse ;

CONDAMNE la SAMCV MACIF aux dépens de la procédure de premier ressort et de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la SAMCV MACIF à payer à Mme [V] [O] la somme de 3 600 euros (trois mille six cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés en premier ressort et à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE la SAMCV MACIF de ses demandes d'indemnités fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02529
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-02;21.02529 ?
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